Texte intégral
M. Tronchot L'Elysée a fait savoir, hier, qu'il est hors de question que l'épouse du Président réponde à une éventuelle invitation de la commission d'enquête parlementaire sur les conditions de la libération des infirmières bulgares. Pourtant, on n'arrête pas de nous dire qu'il n'y a rien à cacher et que tout est clair. Pourquoi ?
R.- D'abord, la transparence est totale, puisque C. Guéant, le Secrétaire général de l'Elysée, répondra à la commission, et qu'il a été au coeur de cette affaire. Et vous savez que la Constitution ne permet pas d'entendre le président de la République par une commission parlementaire. Et on voit bien que, dans ce cas-là, en voulant entendre son épouse, on essaie de contourner la loi. Eh bien, il n'y a pas de raison de contourner la loi. Et cela, d'autant plus qu'il faut reconnaître que Madame Sarkozy a été d'une totale discrétion dans cette affaire, elle ne s'est pas exprimée publiquement, elle n'a pas fait de déclaration. Par conséquent, on est simplement, là, devant des gens qui veulent faire "un coup" politique. Mais on n'est pas dans le fonctionnement normal des institutions.
Q.- Par extension, elle profite de la séparation des pouvoirs qui s'applique au Président français ?
R.- Si l'épouse du président de la République pouvait être entendue, d'une certaine manière, on contournerait la loi, et on essaierait de savoir en l'entendant elle-même, ce que l'on voudrait obtenir du président de la République, c'est-à-dire, le fruit de ses réflexion, de sa manière de fabriquer sa décision. Cela, non, c'est protégé.
Q.- Oui...Enfin, on vous dira que le plus simple, ce serait, à la limite qu'elle ne se mette pas en avant, ou qu'on ne la mette pas en avant sur un dossier international sensible, engageant l'image de la France !
R.- Mais elle ne s'est pas mise en avant, elle n'a fait aucune déclaration publique, elle est restée d'une totale discrétion, elle a même laissé la commissaire européenne prendre la parole et s'exprimer au moment de la libération. Ce n'est pas raisonnable de vouloir faire "un coup" politique en s'en prenant à l'épouse du président de la République.
Q.- C'est son souhait à elle ou c'est son souhait à lui ?
R.- Non, c'est d'abord le fonctionnement des institutions qui est en cause. Ce n'est pas la personne même de l'épouse du président de la République.
Q.- D'une manière générale, c'est de la bonne communication, ou n'est-ce pas un peu gênant que l'épouse du Président suscite une telle curiosité ?
R.- On voit bien que, ceux qui n'osent pas s'en prendre au président de la République, essayent de s'en prendre à son épouse, ce n'est pas très convenable.
Q.- Que vous inspire la découverte, d'engins incendiaires dans l'enceinte d'un site qui doit accueillir, la semaine prochaine, l'université d'été du Medef et le président de la République, lors de l'une de ces journées ?
R.- Cela me fait penser que le terrorisme, même si, parfois, on a tendance à l'oublier, est une menace permanente pour les démocraties occidentales, qu'il faut donc être d'une vigilance constante. Et en même temps, et peut-être est-ce aussi d'actualité, d'une solidarité totale entre les démocraties occidentales, qui sont toutes visées par le terrorisme - je pense, par exemple, aux extraditions indispensables entre démocraties européennes.
Q.- Puisqu'on parle d'"extraditions", on n'est pas loin aussi des problèmes d'immigration clandestine. On est, là aussi, dans l'actualité. Que faut-il faire pour dénouer la situation de ces sanspapiers qui sont en grève de la faim à Lille ? On a l'impression d'être dans une épreuve de force, on se demande comment cela va se terminer, et si cela ne pas se terminer de manière dramatique ?
R.- Je pense que, ce que le préfet a dit est quand même très raisonnable. Si il suffit d'entamer une grève de la faim pour pouvoir être régularisé, alors on aura avec ce procédé, une nouvelle filière d'immigration clandestine. D'une manière générale, d'ailleurs, j'observe dans ce domaine que ceux qui violent la loi, sont souvent mieux récompensés que ceux qui la respectent. Ce n'est pas un bon exemple à donner.
Q.- Ou on est généreux, et on encourage tous ceux qui veulent venir, ou bien on est durs, et on s'expose aux conséquences dramatiques d'une telle attitude. Il n'y a pas de solution ?
R.- Il faut être juste, et il faut être sensible à la misère, dans une mesure raisonnable, et surtout, dans la mesure de nos capacité. La France, est un des pays au monde qui est le plus ouvert, et le plus généreux quant à l'accueil des immigrés, et quant à l'accueil de la détresse dans le monde. Mais elle ne peut pas faire les choses à l'infini.
Q.- Et il faut aussi être sensibles au fait qu'un gamin peut se jeter par la fenêtre, s'il a peur...
R.- Bien sûr.
Q.-...parce qu'il a vu la police arriver chez lui !
R.- Mais bien sûr, mais cela c'est aussi des choses impondérables, et on ne peut pas construire une politique sur l'impondérable.
Q.- Une fois le cap des 100 jours de mandat passés pour N. Sarkozy, quelles sont, et le plus honnêtement possible, les faiblesses que vous avez pu diagnostiquer, les points qu'il faut corriger, selon vous ?
R.- D'abord, je dois dire que, quand on regarde la satisfaction de l'opinion par rapport à ce que le Gouvernement a accompli dans ces 100 premiers jours, c'est la première fois qu'on voit un Gouvernement et un président de la République, accomplir en aussi peu de temps autant d'engagements d'une campagne électorale. C'est nouveau en France.
Q.- C'est "l'état de grâce", non ? On a déjà vu cela.
R.- Oui, ce n'est pas seulement "un état de grâce", c'est un changement d'attitude qui est perçu. Souvent, on dit : ah, les promesses des hommes politiques... ! Cela laisse sceptique.
Q.- "Cela n'arrange que ceux qui reçoivent", disaient certains...
R.- Voilà. Eh bien, cela, c'est un changement profond. C'est-à-dire que, l'opinion constate que les engagements de la campagne électorale qui, parfois, avaient été accueillis avec sarcasme, sont en réalité mis en oeuvre immédiatement, sans faiblesse. Parfois, ils rencontrent des obstacles, parce que c'est la vie politique qui est comme cela. Mais le Gouvernement et le Président font tous leurs efforts pour les surmonter. Et cela, c'est une vraie nouveauté dans notre pays, et je dois dire que c'est important. Alors, maintenant, vous me dites : quelles sont les difficultés qui sont devant nous ? Il y a une crise...une difficulté, peut-être pas une crise mais en tous les cas, une difficulté internationale au plan financier. Elle affecte évidemment toutes les économies, celle de la France, notamment. Bon, ce n'est pas une bonne nouvelle pour nous.
Q.- Et la croissance molle, ce n'est pas uniquement les conséquences de "l'attentisme des Français", traditionnel, paraît-il, en période électorale, selon Madame Lagarde ?
R.- Non, mais cela aggrave nos propres handicaps. Bien sûr, la France a ses propres handicaps, qui sont le fruit de son histoire, le fruit de faiblesses presque congénitales, le fait que, bien souvent on n'ait pas voulu affronter les choses de face. Par exemple, notre tissu de PME, je suis convaincu de cela, est trop faible ; nous avons des PME qui, par rapport à l'Allemagne sont beaucoup moins nombreuses, et beaucoup moins puissantes en moyenne, et donc c'est un vrai problème à l'exportation, et c'est pour cela qu'on a un déficit, et c'est aussi un problème de croissance. Elles sont souvent entravées aussi, par des dispositifs fiscaux et administratifs qui brident leur expansion. Mais le fait d'avoir une crise financière internationale n'aide pas non plus à résoudre nos problèmes.
Q.- Les syndicats de la fonction publique attendent le Président au tournant sur les salaires, sur les effectifs ; le déficit de l'assurance maladie est toujours aussi présent ; le service minimum n'est pas digéré. Les syndicats ont envie de montrer qu'ils n'ont pas été dissous par l'élection présidentielle. Cela ne va pas être une rentrée facile tout cela ?
R.- Non. Mais, premièrement, le Gouvernement a montré sa volonté de dialogue social. Vous avez vu d'ailleurs, les relations entre le Président et M. Chérèque. Mais il ne faut pas oublier non plus que, à l'occasion de l'élection présidentielle, le peuple français s'est exprimé massivement, avec une participation tout à fait extraordinaire, et que, face à cette représentativité du peuple français, celle des syndicats est un peu faible. Puisque vous savez qu'il y a à peine 8% de la population qui est syndiquée.
Q.- Le président de la République semble être reparti en guerre contre la Banque centrale européenne. Déjà, il avait savoir qu'il ne l'aimait pas beaucoup quand il était candidat. En tant que Président, il voudrait peser sur elle, et il n'arrête pas de le faire savoir. C'est une guéguerre qui peut être productive, cela, ou ne pensez-vous pas qu'à un moment donné, elle va un petit peu embêter nos voisins européens.
R.- Ce n'est pas "une guéguerre". D'abord, j'observe une chose, c'es que, la Banque centrale européenne, après avoir pendant des années, eu une politique consistant à élever les taux d'intérêt pour réduire la liquidité, est obligée aujourd'hui de faire le contraire, c'est-à-dire, d'injecter de la liquidité pour faire face à la crise boursière, comme le font d'ailleurs toutes les grandes économies mondiales. Donc, elle fait le contraire de ce qu'elle a fait pendant des années. Cela mérite quand même un vrai débat. Je pense que l'Europe qui a en moyenne, donc, il n'y a pas que la France, en moyenne, un taux de croissance constamment inférieur à celui des Etats-Unis, peut se poser des questions sur la monnaie. La monnaie n'est pas la seule raison de cela, certainement, mais c'est aussi un des éléments qui entre en considération. Et quand on voit aujourd'hui que, par exemple, la Banque fédérale américaine envisage de baisser ses taux d'intérêt, et que la Banque centrale européenne envisage de les augmenter...Bon. On peut quand même discuter. On a bien le droit de critiquer en matière de religions, on n'aurait plus le droit de le faire en matière financière. C'est singulier. Vous savez le droit à la critique est la condition du progrès...
Q.- Vous pensez que M. Trichet se prend pour le Pape ?
R.- Non, je ne pense pas, mais souvent... Je ne pense pas, M. Trichet est un homme très raisonnable, et c'est pour cela d'ailleurs que, il doit considérer que le débat, la critique, c'est ce qui permet à chacun d'entre nous de progresser. D'ailleurs, les hommes politiques n'échappent pas à la critique, je ne vois pas pourquoi les financiers devraient en être exemptés.
Q.- Mais il y a la critique du Conseil constitutionnel, par exemple ?
R.- Il y a la critique du Conseil constitutionnel...
Q.- Le Président va conseiller de s'adresser au Conseil constitutionnel à tous ceux qui lui reprocheraient de ne pas tenir certaines de ses promesses. Comme cela, il est dans son rôle, lui aussi. D'ailleurs, M. Woerth avait un peu anticipé il y a quelques mois ce que le Conseil dirait sur les crédits d'impôt en matière immobilière.
R.- Oui, le Conseil constitutionnel doit être respecté dans ses décisions, il est là pour dire le droit. Mais les décisions du Conseil constitutionnel peuvent être aussi examinées. Par exemple, je suis surpris de sa décision en matière de rétroactivité fiscale, parce que c'est une grande nouveauté. Alors, c'est peut-être un progrès, mais jusqu'à maintenant, jamais le Conseil constitutionnel ne s'était exprimé de aussi fermement en matière de rétroactivité fiscale. Par exemple, sur les intérêts des emprunts, je rappelle qu'en 1984, M. Fabius, a supprimé, précisément, la déduction fiscale des intérêts des emprunts. Cela existait et M. Fabius l'a supprimé. Le Conseil constitutionnel à l'époque, ne s'est pas senti en mesure de parler de "rétroactivité". Alors que ceux qui avaient emprunté sur le fondement d'une disposition qui existait, qui était la loi à ce moment-là, se sont vus d'un seul coup privés de ce que la loi leur avait promis.
Q.- Deux questions rapides, sur le partage Président-Premier ministre- Gouvernement. La gauche se moque d'"un Président hyperactif". Le danger n'est-il pas que le Président, s'il apparaît comme le seul responsable de tout, devienne le seul recours ou le seul "coupable", dans le meilleur ou le pire des cas ?
R.- Cela présente des risques, évidemment. Mais justement, c'est l'honneur du Président de prendre la responsabilité, c'est lui qui est investi de la légitimité démocratique, et donc, c'est normal que ce soit lui qui prenne les décisions. C'était déjà le cas avant, seulement cela ne se voyait pas. Et donc, c'était une hypocrisie. C'était le Président qui décidait de tout, seulement on le dissimulait. Avec N. Sarkozy, les choses sont transparentes.
Q.- Dernière question : vous avez évoqué l'idée de pratiquer l'ouverture aux municipales. Cela prendra quelle forme ? Faut-il de nouvelles primaires à Paris pour désigner un ou une candidate ? La question de la légitimité de Mme de Panafieu ne se pose pas, selon vous ?
R.- Alors, ces deux questions méritent un long débat. Pour Paris, Mme de Panafieu a gagné la primaire, je ne vois pas pourquoi, parce que cela déplaît à certains, il faudrait recommencer. En 2001, on a perdu les élections à Paris parce que la droite était divisée. Ce que je vois aujourd'hui, c'est que cela recommence. Ce n'est pas comme cela qu'on va gagner.
Q.- Et sur l'ouverture, telle que vous la concevez aux municipales ?
R.- L'ouverture, telle qu'elle a été pratiquée par N. Sarkozy pour le Gouvernement, je crois qu'elle doit être prolongée aussi pour les municipales, parce que c'est un changement d'attitude. La modernisation de la France, cela passe - et notamment sa capacité à réforme - cela passe par la réduction du fossé entre la gauche et la droite. Le climat de guerre civile qui a souvent été quelque chose de caractéristique pour notre pays, et qui n'est pas la même chose dans les autres pays, a souvent empêché les hommes de bonne volonté des deux camps de travailler ensemble. La modernisation, c'est d'essayer de réduire ce fossé, et donc, d'accueillir, notamment dans la gestion des villes - où, vous savez, 80 % des décisions à prendre ne sont pas politiques - des gens de bonne volonté, mais qui ont les capacités de faire quelque chose.
Q.- Et ce que vous allez faire ou essayer de faire. Merci.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 24 août 2007
R.- D'abord, la transparence est totale, puisque C. Guéant, le Secrétaire général de l'Elysée, répondra à la commission, et qu'il a été au coeur de cette affaire. Et vous savez que la Constitution ne permet pas d'entendre le président de la République par une commission parlementaire. Et on voit bien que, dans ce cas-là, en voulant entendre son épouse, on essaie de contourner la loi. Eh bien, il n'y a pas de raison de contourner la loi. Et cela, d'autant plus qu'il faut reconnaître que Madame Sarkozy a été d'une totale discrétion dans cette affaire, elle ne s'est pas exprimée publiquement, elle n'a pas fait de déclaration. Par conséquent, on est simplement, là, devant des gens qui veulent faire "un coup" politique. Mais on n'est pas dans le fonctionnement normal des institutions.
Q.- Par extension, elle profite de la séparation des pouvoirs qui s'applique au Président français ?
R.- Si l'épouse du président de la République pouvait être entendue, d'une certaine manière, on contournerait la loi, et on essaierait de savoir en l'entendant elle-même, ce que l'on voudrait obtenir du président de la République, c'est-à-dire, le fruit de ses réflexion, de sa manière de fabriquer sa décision. Cela, non, c'est protégé.
Q.- Oui...Enfin, on vous dira que le plus simple, ce serait, à la limite qu'elle ne se mette pas en avant, ou qu'on ne la mette pas en avant sur un dossier international sensible, engageant l'image de la France !
R.- Mais elle ne s'est pas mise en avant, elle n'a fait aucune déclaration publique, elle est restée d'une totale discrétion, elle a même laissé la commissaire européenne prendre la parole et s'exprimer au moment de la libération. Ce n'est pas raisonnable de vouloir faire "un coup" politique en s'en prenant à l'épouse du président de la République.
Q.- C'est son souhait à elle ou c'est son souhait à lui ?
R.- Non, c'est d'abord le fonctionnement des institutions qui est en cause. Ce n'est pas la personne même de l'épouse du président de la République.
Q.- D'une manière générale, c'est de la bonne communication, ou n'est-ce pas un peu gênant que l'épouse du Président suscite une telle curiosité ?
R.- On voit bien que, ceux qui n'osent pas s'en prendre au président de la République, essayent de s'en prendre à son épouse, ce n'est pas très convenable.
Q.- Que vous inspire la découverte, d'engins incendiaires dans l'enceinte d'un site qui doit accueillir, la semaine prochaine, l'université d'été du Medef et le président de la République, lors de l'une de ces journées ?
R.- Cela me fait penser que le terrorisme, même si, parfois, on a tendance à l'oublier, est une menace permanente pour les démocraties occidentales, qu'il faut donc être d'une vigilance constante. Et en même temps, et peut-être est-ce aussi d'actualité, d'une solidarité totale entre les démocraties occidentales, qui sont toutes visées par le terrorisme - je pense, par exemple, aux extraditions indispensables entre démocraties européennes.
Q.- Puisqu'on parle d'"extraditions", on n'est pas loin aussi des problèmes d'immigration clandestine. On est, là aussi, dans l'actualité. Que faut-il faire pour dénouer la situation de ces sanspapiers qui sont en grève de la faim à Lille ? On a l'impression d'être dans une épreuve de force, on se demande comment cela va se terminer, et si cela ne pas se terminer de manière dramatique ?
R.- Je pense que, ce que le préfet a dit est quand même très raisonnable. Si il suffit d'entamer une grève de la faim pour pouvoir être régularisé, alors on aura avec ce procédé, une nouvelle filière d'immigration clandestine. D'une manière générale, d'ailleurs, j'observe dans ce domaine que ceux qui violent la loi, sont souvent mieux récompensés que ceux qui la respectent. Ce n'est pas un bon exemple à donner.
Q.- Ou on est généreux, et on encourage tous ceux qui veulent venir, ou bien on est durs, et on s'expose aux conséquences dramatiques d'une telle attitude. Il n'y a pas de solution ?
R.- Il faut être juste, et il faut être sensible à la misère, dans une mesure raisonnable, et surtout, dans la mesure de nos capacité. La France, est un des pays au monde qui est le plus ouvert, et le plus généreux quant à l'accueil des immigrés, et quant à l'accueil de la détresse dans le monde. Mais elle ne peut pas faire les choses à l'infini.
Q.- Et il faut aussi être sensibles au fait qu'un gamin peut se jeter par la fenêtre, s'il a peur...
R.- Bien sûr.
Q.-...parce qu'il a vu la police arriver chez lui !
R.- Mais bien sûr, mais cela c'est aussi des choses impondérables, et on ne peut pas construire une politique sur l'impondérable.
Q.- Une fois le cap des 100 jours de mandat passés pour N. Sarkozy, quelles sont, et le plus honnêtement possible, les faiblesses que vous avez pu diagnostiquer, les points qu'il faut corriger, selon vous ?
R.- D'abord, je dois dire que, quand on regarde la satisfaction de l'opinion par rapport à ce que le Gouvernement a accompli dans ces 100 premiers jours, c'est la première fois qu'on voit un Gouvernement et un président de la République, accomplir en aussi peu de temps autant d'engagements d'une campagne électorale. C'est nouveau en France.
Q.- C'est "l'état de grâce", non ? On a déjà vu cela.
R.- Oui, ce n'est pas seulement "un état de grâce", c'est un changement d'attitude qui est perçu. Souvent, on dit : ah, les promesses des hommes politiques... ! Cela laisse sceptique.
Q.- "Cela n'arrange que ceux qui reçoivent", disaient certains...
R.- Voilà. Eh bien, cela, c'est un changement profond. C'est-à-dire que, l'opinion constate que les engagements de la campagne électorale qui, parfois, avaient été accueillis avec sarcasme, sont en réalité mis en oeuvre immédiatement, sans faiblesse. Parfois, ils rencontrent des obstacles, parce que c'est la vie politique qui est comme cela. Mais le Gouvernement et le Président font tous leurs efforts pour les surmonter. Et cela, c'est une vraie nouveauté dans notre pays, et je dois dire que c'est important. Alors, maintenant, vous me dites : quelles sont les difficultés qui sont devant nous ? Il y a une crise...une difficulté, peut-être pas une crise mais en tous les cas, une difficulté internationale au plan financier. Elle affecte évidemment toutes les économies, celle de la France, notamment. Bon, ce n'est pas une bonne nouvelle pour nous.
Q.- Et la croissance molle, ce n'est pas uniquement les conséquences de "l'attentisme des Français", traditionnel, paraît-il, en période électorale, selon Madame Lagarde ?
R.- Non, mais cela aggrave nos propres handicaps. Bien sûr, la France a ses propres handicaps, qui sont le fruit de son histoire, le fruit de faiblesses presque congénitales, le fait que, bien souvent on n'ait pas voulu affronter les choses de face. Par exemple, notre tissu de PME, je suis convaincu de cela, est trop faible ; nous avons des PME qui, par rapport à l'Allemagne sont beaucoup moins nombreuses, et beaucoup moins puissantes en moyenne, et donc c'est un vrai problème à l'exportation, et c'est pour cela qu'on a un déficit, et c'est aussi un problème de croissance. Elles sont souvent entravées aussi, par des dispositifs fiscaux et administratifs qui brident leur expansion. Mais le fait d'avoir une crise financière internationale n'aide pas non plus à résoudre nos problèmes.
Q.- Les syndicats de la fonction publique attendent le Président au tournant sur les salaires, sur les effectifs ; le déficit de l'assurance maladie est toujours aussi présent ; le service minimum n'est pas digéré. Les syndicats ont envie de montrer qu'ils n'ont pas été dissous par l'élection présidentielle. Cela ne va pas être une rentrée facile tout cela ?
R.- Non. Mais, premièrement, le Gouvernement a montré sa volonté de dialogue social. Vous avez vu d'ailleurs, les relations entre le Président et M. Chérèque. Mais il ne faut pas oublier non plus que, à l'occasion de l'élection présidentielle, le peuple français s'est exprimé massivement, avec une participation tout à fait extraordinaire, et que, face à cette représentativité du peuple français, celle des syndicats est un peu faible. Puisque vous savez qu'il y a à peine 8% de la population qui est syndiquée.
Q.- Le président de la République semble être reparti en guerre contre la Banque centrale européenne. Déjà, il avait savoir qu'il ne l'aimait pas beaucoup quand il était candidat. En tant que Président, il voudrait peser sur elle, et il n'arrête pas de le faire savoir. C'est une guéguerre qui peut être productive, cela, ou ne pensez-vous pas qu'à un moment donné, elle va un petit peu embêter nos voisins européens.
R.- Ce n'est pas "une guéguerre". D'abord, j'observe une chose, c'es que, la Banque centrale européenne, après avoir pendant des années, eu une politique consistant à élever les taux d'intérêt pour réduire la liquidité, est obligée aujourd'hui de faire le contraire, c'est-à-dire, d'injecter de la liquidité pour faire face à la crise boursière, comme le font d'ailleurs toutes les grandes économies mondiales. Donc, elle fait le contraire de ce qu'elle a fait pendant des années. Cela mérite quand même un vrai débat. Je pense que l'Europe qui a en moyenne, donc, il n'y a pas que la France, en moyenne, un taux de croissance constamment inférieur à celui des Etats-Unis, peut se poser des questions sur la monnaie. La monnaie n'est pas la seule raison de cela, certainement, mais c'est aussi un des éléments qui entre en considération. Et quand on voit aujourd'hui que, par exemple, la Banque fédérale américaine envisage de baisser ses taux d'intérêt, et que la Banque centrale européenne envisage de les augmenter...Bon. On peut quand même discuter. On a bien le droit de critiquer en matière de religions, on n'aurait plus le droit de le faire en matière financière. C'est singulier. Vous savez le droit à la critique est la condition du progrès...
Q.- Vous pensez que M. Trichet se prend pour le Pape ?
R.- Non, je ne pense pas, mais souvent... Je ne pense pas, M. Trichet est un homme très raisonnable, et c'est pour cela d'ailleurs que, il doit considérer que le débat, la critique, c'est ce qui permet à chacun d'entre nous de progresser. D'ailleurs, les hommes politiques n'échappent pas à la critique, je ne vois pas pourquoi les financiers devraient en être exemptés.
Q.- Mais il y a la critique du Conseil constitutionnel, par exemple ?
R.- Il y a la critique du Conseil constitutionnel...
Q.- Le Président va conseiller de s'adresser au Conseil constitutionnel à tous ceux qui lui reprocheraient de ne pas tenir certaines de ses promesses. Comme cela, il est dans son rôle, lui aussi. D'ailleurs, M. Woerth avait un peu anticipé il y a quelques mois ce que le Conseil dirait sur les crédits d'impôt en matière immobilière.
R.- Oui, le Conseil constitutionnel doit être respecté dans ses décisions, il est là pour dire le droit. Mais les décisions du Conseil constitutionnel peuvent être aussi examinées. Par exemple, je suis surpris de sa décision en matière de rétroactivité fiscale, parce que c'est une grande nouveauté. Alors, c'est peut-être un progrès, mais jusqu'à maintenant, jamais le Conseil constitutionnel ne s'était exprimé de aussi fermement en matière de rétroactivité fiscale. Par exemple, sur les intérêts des emprunts, je rappelle qu'en 1984, M. Fabius, a supprimé, précisément, la déduction fiscale des intérêts des emprunts. Cela existait et M. Fabius l'a supprimé. Le Conseil constitutionnel à l'époque, ne s'est pas senti en mesure de parler de "rétroactivité". Alors que ceux qui avaient emprunté sur le fondement d'une disposition qui existait, qui était la loi à ce moment-là, se sont vus d'un seul coup privés de ce que la loi leur avait promis.
Q.- Deux questions rapides, sur le partage Président-Premier ministre- Gouvernement. La gauche se moque d'"un Président hyperactif". Le danger n'est-il pas que le Président, s'il apparaît comme le seul responsable de tout, devienne le seul recours ou le seul "coupable", dans le meilleur ou le pire des cas ?
R.- Cela présente des risques, évidemment. Mais justement, c'est l'honneur du Président de prendre la responsabilité, c'est lui qui est investi de la légitimité démocratique, et donc, c'est normal que ce soit lui qui prenne les décisions. C'était déjà le cas avant, seulement cela ne se voyait pas. Et donc, c'était une hypocrisie. C'était le Président qui décidait de tout, seulement on le dissimulait. Avec N. Sarkozy, les choses sont transparentes.
Q.- Dernière question : vous avez évoqué l'idée de pratiquer l'ouverture aux municipales. Cela prendra quelle forme ? Faut-il de nouvelles primaires à Paris pour désigner un ou une candidate ? La question de la légitimité de Mme de Panafieu ne se pose pas, selon vous ?
R.- Alors, ces deux questions méritent un long débat. Pour Paris, Mme de Panafieu a gagné la primaire, je ne vois pas pourquoi, parce que cela déplaît à certains, il faudrait recommencer. En 2001, on a perdu les élections à Paris parce que la droite était divisée. Ce que je vois aujourd'hui, c'est que cela recommence. Ce n'est pas comme cela qu'on va gagner.
Q.- Et sur l'ouverture, telle que vous la concevez aux municipales ?
R.- L'ouverture, telle qu'elle a été pratiquée par N. Sarkozy pour le Gouvernement, je crois qu'elle doit être prolongée aussi pour les municipales, parce que c'est un changement d'attitude. La modernisation de la France, cela passe - et notamment sa capacité à réforme - cela passe par la réduction du fossé entre la gauche et la droite. Le climat de guerre civile qui a souvent été quelque chose de caractéristique pour notre pays, et qui n'est pas la même chose dans les autres pays, a souvent empêché les hommes de bonne volonté des deux camps de travailler ensemble. La modernisation, c'est d'essayer de réduire ce fossé, et donc, d'accueillir, notamment dans la gestion des villes - où, vous savez, 80 % des décisions à prendre ne sont pas politiques - des gens de bonne volonté, mais qui ont les capacités de faire quelque chose.
Q.- Et ce que vous allez faire ou essayer de faire. Merci.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 24 août 2007