Déclaration de Mme Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, sur le rôle du Parti communiste dans la résistance aux mesures mises en oeuvre par le gouvernement et sur son ambition de reconstruire une véritable "gauche de transformation", La Courneuve (Seine-saint-Denis) le 30 août 2007.

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Circonstance : Rendez-vous national des diffuseurs de la vignette d'entrée à la "fête de l'Humanité", La Courneuve (Seine-saint-Denis) le 30 août 2007

Texte intégral

Chers camarades,
Permettez-moi tout d'abord de saluer, avec Patrick le Hyaric et toute la direction de l'Humanité, tous ces militantes et militants communistes qui travaillent d'arrache-pied, depuis plusieurs semaines déjà, à la réussite de la prochaine fête de l'Humanité. Bâtisseurs, ici au parc de la Courneuve, diffuseurs dans leur commune et leur entreprise de la vignette d'entrée à la fête, ce sont, avec vous ici présents, des milliers d'hommes et de femmes qui sont mobilisés ! Grâce à eux, les 14, 15 et 16 septembre, la fête de l'Huma sera ce grand rassemblement populaire riche d'initiatives face à la droite, riche d'idées neuves pour faire vivre les visées d'émancipation humaine, riche de solidarités avec les peuples du monde, riche de musiques et de convivialité. Il ne nous reste que quelques jours pour y parvenir.
Pour nous tous et toutes, ces derniers mois ont été à la fois très militants et très difficiles. J'espère donc, chers camarades, que malgré une météo que je qualifierai de capricieuse, vous avez pu souffler et profiter de ces vacances. Elles sont toujours attendues, mais peut-être l'étaient-elles plus encore cette année. Pour les hommes et femmes de gauche, pour les communistes, le coup a été dur. Et l'avenir est incertain. Pourtant, il va falloir faire face. En cette rentrée, les progressistes ont devant eux un énorme chantier pour lever espoirs et mobilisations. Il y a les actes de résistance, indispensables ! Et il y a, et c'est vital, l'immense effort qui nous attend pour inventer, construire, travailler aux conditions du changement dans la société et le monde d'aujourd'hui.
Est-ce encore possible ?
Je sais combien le résultat à la présidentielle que n'efface pas celui des législatives est source de profonds questionnements. Nous avons déployé maints efforts d'innovation, bien des efforts de rassemblement, de grands combats militants ces dernières années, sans succès durable. Cela veut-il dire que notre objectif de transformation sociale, notre visée communiste n'aurait plus de sens dans la société actuelle ?
Pour ma part, face à la violence du système capitaliste, je pense que le dépassement de ce système reste plus que jamais d'actualité. L'heure n'est pas à banaliser toutes les injustices et toutes les inégalités, tous les murs et les barbelés de par le monde. Au contraire, le combat d'émancipation humaine est plus pressant que jamais.
Alors, tout nous appelle à surmonter notre découragement et à rechercher avec passion et avec force les voies permettant à ce combat de prendre un nouveau départ. La gauche, de nouveau, a échoué. Cela veut-il dire que le clivage droite-gauche serait dépassé et que la modernité et le réalisme exigent de « s'adapter » au libéralisme, avec bonne conscience ! Que le nec plus ultra pour un homme de gauche serait de faire un bout de chemin avec la droite ! Ce n'est pas mon avis. C'est pourquoi nous n'aurons de cesse de déployer une contre-offensive contre la politique régressive du gouvernement. Et parce que nous ne voulons rien laisser passer face à la droite, nous serons de la remise à plat des objectifs de la gauche, de son identité et de son projet. Et si vous me permettez ce clin d'oeil, on verra les communistes à l'avant-garde de ce mouvement novateur.
Nous ne serons pas de ceux qui avalent le changement à la sauce Sarkozy ou qui rangent au placard l'idée de progrès social.
Pourtant, par les temps qui courent, il peut paraître incongru de dénoncer la politique du président, tant la vie politique et médiatique est plongée dans une curieuse hypnose pour tous ses faits et gestes. Je ne sais pas s'il a des dons de charmeur de serpent ; mais je vous avouerai être assez interloquée devant l'envoûtement béat qu'il suscite. J'espère donc, en cette rentrée, qu'entre les courtisans et les suiveurs, il reste une place pour combattre la réalité de son action politique.
On parle de changement de méthode. Mais pour aller où ? Osons offenser le caporal qui se rêve empereur : Nicolas Sarkozy est un homme de droite qui veut toujours plus de pouvoir pour mettre en oeuvre une politique toujours plus à droite. On nous parle volontarisme politique, mais au profit de qui ? En politique étrangère, de l'Irak à l'Iran, il fait de la France la vassale des Etats-Unis de George Bush. Il reste silencieux sur la crise financière parce que la politique pour lui ne doit pas gêner les marchés, les banques et les fonds de pension ! Il prétend tout faire. Mais il fait surtout ce qu'attendent ceux qui n'ont jamais manqué de rien. La mise en scène est certes nouvelle. Mais la fin de l'histoire est malheureusement connue : en Anti Robin des Bois, Nicolas Sarkozy se veut fort face aux faibles et fidèle à ses riches amis.
Alors arrêtons la mode Sarko ! Voyons que derrière tout cela, le pouvoir d'achat se dégrade, les prix des produits de première nécessité flambent, 40% de nos concitoyens ne sont pas partis en vacances, l'emploi patine et la France s'essouffle. Il y a tromperie sur la marchandise !
Ce que je vois, c'est un gouvernement fermement décidé à restreindre l'accès aux soins de millions d'hommes et de femmes, en créant une franchise médicale. Ce que je vois, c'est un gouvernement qui impose une mise en concurrence brutale entre les universités et les diplômes sans moyens budgétaires supplémentaires et sans aides nouvelles aux étudiants.
Ce que je vois moi, c'est un gouvernement qui lance, dans la foulée, le plus grand plan social de l'année en supprimant 23 000 postes de fonctionnaires. Ce sont encore des milliers de professeurs, d'infirmières et de policiers qui vont disparaître partout en France ; c'est bien l'éducation de nos enfants, notre santé, notre sécurité que le gouvernement met de côté !
Ce que je vois moi c'est la menace d'une TVA sociale et les 14 milliards d'euros d'allégement de l'impôt sur les fortunes, de suppression des impôts sur les successions et de cadeaux divers.
Avec le paquet fiscal, Nicolas Sarkozy a déjà oublié ses grandes envolées sur le travail et les Français qui se lèvent tôt. Il se fait père Noël pour les rentiers et les banquiers. Mais pour les salariés, c'est surtout le père Fouettard.
Face à tout cela, nous allons nous faire entendre même si la droite, avec l'adoption expéditive de sa loi sur le prétendu service minimum, a restreint le droit de grève et encouragé toutes les entreprises de répression du droit syndical.
Nous allons nous faire entendre même si, entre la chasse aux pauvres par la mairie d'Argenteuil et la violence du ministre Hortefeux contre les sans-papiers, en passant par une présidentialisation accrue, on voit bien combien grandissent les entraves contre les libertés publiques.
Et je veux dire à la France populaire : ces prochains mois, nous les communistes nous ne serons pas les ramasseurs de balle de Nicolas Sarkozy. Mais quand ils fermeront des classes dans l'école de votre enfant, vous nous trouverez à vos côtés. En ce moment le MEDEF parade avec le Président de la République en vedette américaine de Madame Parisot. Ils rivalisent de politesse et de propositions toutes plus réactionnaires les unes que les autres.
Et bien nous ne serons pas les prochains fou du roi. Quand il faudra se battre pour une sécurité d'emploi et de formation, les salaires et les conditions de travail, quand il faudra dénoncer les conditions d'accueil dans les hôpitaux, se battre contre les fonds de pension qui tuent votre entreprise à petit feu, vous pourrez compter sur nous les communistes. Nous ne serons jamais des opposants de salon ! Notre raison d'être, c'est d'être utiles face à toutes les injustices. C'est de mettre en partage toutes les potentialités qui sont en jachère dans cette société.
A l'Assemblée nationale comme au Sénat, dans les régions, les départements et les communes, les élus communistes et républicains seront à vos côtés. Ils seront là pour vous écouter mais aussi pour relayer, face au gouvernement, toutes vos attentes et toutes vos revendications. Ils seront présents pour travailler, en lien avec les syndicats et les associations, les alternatives nécessaires à la politique de la majorité. Ils feront tout leur possible, avec toutes celles et ceux qui partagent cette envie d'un monde neuf, pour que ces cinq prochaines années soient tout sauf un long fleuve tranquille pour Nicolas Sarkozy.
Cette bataille politique commence avec la fête de l'Humanité. Des centaines de milliers de personnes seront au rendez-vous ! Elle peut être le lieu où des luttes convergent, où la gauche se ressource, où les communistes donnent corps au grand débat indispensable sur l'avenir de leur visée, de leur parti.
Au coeur de cette mobilisation, nous allons oeuvrer au plus large rassemblement pour contrer l'adoption express du nouveau traité européen, qui n'est jamais rien d'autre que le petit frère de la constitution européenne, et pour obtenir un référendum. Cette bataille elle continuera ces prochaines semaines par des mobilisations dans les entreprises et les communes. A cette fin, je vais proposer que le collectif « ripostes » rassemblant tous les partis de gauche se réunisse de toute urgence. Elle s'exprimera lors des élections municipales et cantonales. Pour la dynamiser, je vous propose que nous soyons à l'initiative, à l'automne, d'une semaine d'action, partout en France, convergeant vers un grand rassemblement populaire, ouvert à toutes celles et ceux qui se battent et construisent du neuf à gauche.
Mais ne comptez-pas sur nous pour prendre nos aises dans l'opposition. Nous n'attendrons pas de 2012 ou 2017 d'hypothétiques jours meilleurs. Bien au contraire, après les échecs de la gauche et parmi ceux-ci, celui du rassemblement antilibéral, c'est dès maintenant qu'il faut s'engager à la reconstruire. Sinon, on laissera encore le champ libre aux idées libérales. Et le bipartisme et les alternances incolores auraient tout loisir de modeler la société au service de la toute finance, du tout marchand. J'ai bien vu que partout à gauche des voix s'élèvent pour refonder la gauche, créer de nouveaux partis ! Il semble que chacun mesure qu'aucun statu quo n'est possible. Refonder la gauche, oui, mais dans quel sens ? J'entends certains prôner une gauche qui se coule dans les sillons libéraux. D'autres socialistes veulent le contraire. D'autres à gauche veulent créer un nouveau parti. Mais pour aller où ? Attention à ne pas repeindre que la façade.
Oui, nous voulons une gauche moderne. Mais nous ne voulons pas d'une gauche soumise ! Et la modernité c'est de donner au peuple les pouvoirs de décider de leur avenir et donc aussi d'aller contre les prétentions des multinationales et des marchés financiers.
Oui nous voulons une gauche de transformation. Mais pas une gauche isolée. Transformer c'est rassembler. C'est former des majorités politiques. C'est répondre dans un nouvel exercice du pouvoir aux attentes populaires.
Entamons de suite la reconstruction de la gauche. Comme communistes, nous serons des artisans passionnés de ce chantier. Nous avons je crois un rôle singulier à jouer, nous qui portons une visée d'émancipation humaine mariant résistance et gestion progressiste à tous les niveaux institutionnels.
Osons le débat. Soyons de toutes les initiatives. Soyons à l'initiative, comme ce sera le cas à la fête de l'Huma avec le débat qui réunira tous les partis de gauche à l'agora, mais aussi, dans les jours qui suivront, dans une dizaine de départements. Je pense par exemple au débat en construction dans le Rhône sur les questions de jeunesse. Et pesons de toutes nos forces pour que la refondation de la gauche ne débouche pas sur des préfabriqués mais sur un véritable espoir de changement. Nous ne sommes pas seuls à avoir cette volonté ; des hommes et femmes de gauche, socialistes, écologistes, alternatifs la partagent. Travaillons ensemble !
Mais pour peser, nous avons besoin, nous-mêmes, de travailler à construire un avenir à la visée communiste. Et nous le savons tous et toutes ici, le déclin électoral de notre parti peut conduire à la disparition de l'idée même de changement dans notre pays. Nous sommes face à un énorme défi : faire vivre cette idée dans la réalité du 21ème siècle.
Bien sûr, beaucoup des questions abordées lors de nos précédents congrès refont surface. Pour certaines nous ne sommes certainement pas allés au bout. Et nous avons à porter un regard critique sur nos analyses, nos choix les plus récents et leur mise en oeuvre par la direction. Tout cela est à faire sans guide de lecture préétabli. Faut-il tout réinventer ? Ce dont je suis sûre c'est qu'il faut tout mettre sur la table et se confronter. Et surtout ne censurer aucune audace tout en prenant pleinement en compte toute la réalité de la société et du monde actuels.
Aussi, ne négligeons aucune des autres questions qui nous sont posées. Je pense à ce que symbolise le communisme pour des millions de personnes. Je pense à notre image d'un parti qui a compté mais qui renvoie aujourd'hui au passé. Je pense à notre rapport à la gauche, à la question des alliances, et aux moyens d'être à l'initiative de nouvelles majorités politiques. Ces dernières années, ces questions de stratégie ont souvent été au coeur de nos débats. Ne faut-il pas revisiter complètement cette question en travaillant à des alliances, à des fronts selon les mobilisations sociales, les convergences d'idées et les différentes échéances électorales, en privilégiant à chaque fois l'intérêt populaire et l'avancée des idées de transformation sociale ?
Et regardons aussi autour de nous ! Cherchons à cerner les obstacles que nous rencontrons et que rencontrent d'autres forces de transformation sociale partout dans le monde.
L'urgence est je crois de porter le fer sur toutes les grandes questions qui font aujourd'hui douter une majorité de nos concitoyens de la possibilité d'améliorer profondément leur vie, celle de leurs proches, celle des peuples.
Souvent le système capitaliste est rejeté pour ses ravages humains et écologiques. Mais ce rejet dépasse rarement une posture morale. Tout simplement parce que la conviction qu'un véritable changement est possible a été fragilisée. Les faits sont là : échec du socialisme dit réel, échec de la gauche au pouvoir, échec des gauches radicales ! Et la mondialisation capitaliste, la construction libérale de l'Europe ont accentué ce sentiment. Aussi, attachons-nous à lever tous ces obstacles : comment redonner crédibilité à l'idée de changement à l'échelle de l'Europe et du monde ? C'est une question incontournable pour redonner vie aux désirs de changement depuis trop longtemps enfouis. Bien sûr, nous avons un programme de qualité et des propositions qui tiennent la route. Mais donnons-nous assez à voir le projet qu'elles dessinent ? Un projet, c'est une autre façon de voir le monde. C'est une conception de la vie en société que nous sommes capables de faire rayonner ; c'est une utopie à rendre palpable.
C'est convaincre un salarié subissant la fermeture de son usine que cette mondialisation, la course au profit ne sont pas une fatalité mais surtout qu'un gouvernement, que l'Europe ont les marges de manoeuvre nécessaires pour contrer ces logiques. J'aimerais que nous trouvions les mots démontrant comment, au pouvoir, nous pourrions mener une politique mêlant justice sociale, efficacité économique et écologique.
C'est opposer un modèle alternatif de réussite sociale à tous ces jeunes convaincus que la réussite passe par l'argent et ne peut être qu'individuelle. Mais qu'elle est pour nous le moteur de la société ? Comment donc donnons-nous à voir une sociét?? d'égaux qui respecte les différences individuelles sans les hiérarchiser ?
Nous pourrions développer d'autres exemples. Mais tous nous appelleront à retravailler un projet rendant crédible une politique d'émancipation humaine ? Aussi, abordons ces questions ouvertement. Sachons bien regarder autour de nous toutes les réponses qui peuvent être ébauchées. Ouvrons donc bien le débat à toutes celles et ceux qui se posent aussi ces questions, à toutes celles et ceux qui dans leurs domaines respectifs travaillent à apporter des réponses. Nous avons tout à gagner à nous appuyer sur celles et ceux qui dans notre société attendent autre chose de la gauche. Et c'est en donnant vie à des idées progressistes modernes que nous, communistes, pourrons retrouver une utilité à gauche et ainsi rassembler de larges pans de notre peuple.
Vous le voyez, je ne mets pas la clé sous la porte. Je n'ai pas l'illusion non plus que nos problèmes puissent se résoudre d'un coup ! Nous avons tant de choses à revisiter ! Je ne veux pas renier tout ce qui a fait l'histoire du mouvement ouvrier le siècle dernier. Mais j'ai le sentiment qu'un chapitre de l'histoire du communisme français s'est terminé. Il ne s'agit pas de refermer le livre, mais d'entamer un nouveau chapitre, c'est-à-dire d'inventer un ciment idéologique et des perspectives d'avenir qui pourraient demain être le socle de nouvelles solidarités de classe, et après-demain de grands rassemblements populaires.
Pour cela, je crois que nous avons besoin d'un parti porteur d'un renouveau de l'esprit révolutionnaire, un esprit alliant visée de transformation sociale et construction concrète, rassembleuse, de nouvelles avancées sociales et démocratiques. Mais pour concrétiser cette promesse, nous avons beaucoup à inventer ! Si nous véritablement hommage aux combats de générations de militants communistes, osons créer et faire rayonner une nouvelle visée communiste.
Nous avons le temps de construire ; nous nous sommes donnés plus d'un an pour prendre nos décisions. Mais c'est maintenant qu'il faut donner envie à des milliers de personnes d'être de cette aventure en organisant de larges débats publics. C'est maintenant qu'il faut lancer la confrontation. Créons l'événement les 8 et 9 décembre prochain lors de notre congrès extraordinaire. Montrons qu'il existe, dans ce pays, une force capable de contribuer à la mise en mouvement d'un grand nombre d'hommes et de femmes décidés à dépasser le capitalisme et à construire un monde où les hommes et femmes seraient enfin libres et égaux.
Chers camarades,
Le programme qui nous attend est bien copieux, offensifs face à la droite, ambitieux pour le changement.
Parfois nous doutons, avec nos résultats, de l'efficacité de notre militantisme. Mais ne sous-estimons pas ce que notre combat a apporté, dans l'action et le débat d'idées, au quotidien ! Avec un souffle nouveau, nous allons tracer de beaux sillonssource http://www.pcf.fr, le 31 août 2007