Texte intégral
LAURENCE FERRARI
Et l'invité de Dimanche+, c'est François Fillon, Premier ministre. Bonjour Monsieur Fillon.
FRANÇOIS FILLON
Bonjour Laurence Ferrari.
LAURENCE FERRARI
Vous venez de regarder "Le Château" avec nous. Votre gouvernement affronte ses premières difficultés, une cote de popularité légèrement en baisse. Vous pensez que l'Etat de grâce est en train de se terminer ?
FRANÇOIS FILLON
D'abord, je pense qu'il n'y a jamais eu d'Etat de grâce, la France est un pays qui a besoin d'être réformé, qui n'est pas dans une bonne situation. L'Etat de grâce, ça voudrait dire au fond que l'élection a effacé les problèmes, l'élection n'efface pas les problèmes. Pour ce qui est des sondages de popularité, reconnaissez qu'ils sont encore assez bons, et on sent que la population française est derrière le gouvernement.
LAURENCE FERRARI
Donc, ça ne compte pas mais vous les regardez quand même un peu ?
FRANÇOIS FILLON
Oui bien sûr, parce que c'est au fond pour nous l'image que nous avons du soutien que nous donnent les Français, et c'est quand même plus important que parfois le bruit du microcosme.
LAURENCE FERRARI
Alors on l'a vu dans le château, vous avez recadré votre secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme Rama Yade, qui s'est rendue à Aubervilliers contester une décision de justice. Qu'est-ce que vous lui avez dit ?
FRANÇOIS FILLON
Rama Yade, c'est une jeune femme de grand talent qui apporte beaucoup au Gouvernement, simplement elle s'est laissée un peu guider là par son instinct et son émotion. Et quand on est ministre de la République, on doit respecter le fonctionnement des institutions.
Il y a une Justice dans notre pays, en l'occurrence à Aubervilliers, la Justice a demandé - à la suite d'une plainte de la mairie - l'évacuation d'un squat qui, soit dit en passant d'ailleurs, accueille 4 familles qui ont été expulsées et toutes les autres sont des familles qui ont un logement, il y a donc derrière ça une belle opération de manipulation et de communication...
LAURENCE FERRARI
Mais elle a fait une gaffe pour vous !
FRANÇOIS FILLON
Elle a fait une gaffe qui est liée à son inexpérience, c'est aussi le risque quand on prend au Gouvernement des jeunes inexpérimentés. Mais en même temps, ils apportent tellement que je vous dis que je ne regrette à aucun moment d'avoir choisi Rama Yade.
LAURENCE FERRARI
Elle s'est fait corriger aussi par Christine Boutin, ministre de la Ville et du Logement, qui lui dit qu'elle n'a pas de leçon de sensibilité à apprendre. C'est ça la solidarité gouvernementale ?
FRANÇOIS FILLON
Il faut faire attention parce que cette visite pouvait donner le sentiment qu'il y avait au fond une hésitation du gouvernement par rapport à la mise en oeuvre de cette décision de justice, ce qui n'est pas le cas. Et donc voilà, l'incident est clos, Rama Yade sait très bien qu'elle n'aurait pas dû se rendre à Aubervilliers, en tout cas pas dans ces conditions-là. Et en même temps, on ne peut jamais reprocher à une jeune femme d'avoir de la générosité et de réagir à ses émotions.
LAURENCE FERRARI
Et de Christine Boutin à marquer son territoire. Première en France, le Conseil Supérieur de la Magistrature demande à être reçu par la ministre de la Justice Rachida Dati. Est-ce qu'il y a un malaise entre votre gouvernement et les magistrats ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que les Français veulent que la Justice fonctionne, ils se moquent évidemment (j'écoutais votre reportage) éperdument de savoir ce qui se passe au cabinet de Madame Dati, ça ne les intéresse pas. Ce qu'ils veulent, c'est une Justice qui fonctionne, c'est-à-dire une Justice qui sanctionne les coupables et qui protège les victimes. Rachida a fait déjà un travail formidable en 4 mois, on a fait voter deux lois, une loi sur la récidive, les multirécidivistes...
LAURENCE FERRARI
Les peines plancher.
FRANÇOIS FILLON
Les peines plancher, qui fonctionnent, tout le mois d'août il y a eu des décisions de justice, une loi sur les mineurs délinquants, on est en train de préparer une loi pénitentiaire, à la demande du président de la République, on met en oeuvre des hôpitaux fermés pour les délinquants sexuels dangereux, tout ça en 4 mois.
LAURENCE FERRARI
Donc pas de problème du côté de la Chancellerie ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème, c'est difficile de changer les habitudes, c'est difficile d'imprimer une volonté dans un pays qui a été trop longtemps immobile. Mais Rachida le fait très bien, j'ajoute qu'elle représente un symbole d'ouverture exceptionnel et que c'est peut-être en raison de ce symbole exceptionnel qu'elle fait l'objet d'autant d'attaques injustifiées.
LAURENCE FERRARI
Un mot de Dominique de Villepin qu'on a vu aussi dans "Le Château". C'est le premier opposant à Nicolas Sarkozy, il dénonce la République des oui-oui, des cire-pompes, des courtisans. Est-ce que vous vous sentez un "bénie oui-oui" Monsieur Fillon ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que la France n'est pas un pays de "bénie oui-oui". J'écoute Dominique de Villepin avec intérêt, parce que c'est un homme qui a une expérience politique et qui a été longtemps le collaborateur du précédent président de la République. Donc, il sait naturellement ce que c'est qu'une cours et ce phénomène qui menace tous les présidents de la République.
Ce que je voudrais simplement lui dire, c'est que je pense que nous nous sommes assez largement prémunis contre ce phénomène de cours, notamment en ouvrant le gouvernement à des hommes et des femmes qui viennent d'horizons politiques différents. Je vous assure qu'il existe... moi j'ai été 7 ans au gouvernement, sous la présidence de François Mitterrand et sous la présidence de Jacques Chirac, je n'ai jamais connu des Conseils de ministres aussi libres que ceux que nous connaissons depuis quelques mois, et en particulier celui que nous avons tenu à Strasbourg vendredi. Je ne sais pas si c'est l'air de l'Alsace qui soufflait sur ce conseil, mais où chacun s'est exprimé...
LAURENCE FERRARI
On va en parler tout à l'heure.
FRANÇOIS FILLON
Avec une liberté qui n'était pas habituelle dans les Conseils de ministres, voilà.
LAURENCE FERRARI
Mais il ne vous agace pas un petit peu Dominique de Villepin ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je...
LAURENCE FERRARI
Il fait la mouche du coche.
FRANÇOIS FILLON
Non mais je l'écoute et puis j'essaie de comprendre ce qu'il veut dire et d'intégrer ses remarques. Mais je crois qu'il ne faut pas qu'il s'inquiète, il y a suffisamment de diversités dans le gouvernement et dans la majorité pour qu'on ne se laisse pas endormir dans une sorte d'Etat de grâce, dont j'ai dit tout à l'heure que je pense qu'il n'existe pas.
LAURENCE FERRARI
Alors le gros dossier de la rentrée pour vous, c'est bien sûr l'Education nationale, vous avez été ministre de l'Education et de la Recherche avec Jean-Pierre Raffarin. 12 millions d'élèves, 870 000 enseignants et 11 200 postes supprimés pour la rentrée 2008, tout ça sans un claquement de porte. Retour sur la calinothérapie façon Xavier Darcos, reportage Jean-Louis Perez.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
François FILLON, comment est-ce que vous comptez revaloriser les salaires des profs en supprimant des postes ? Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO estimait ce matin sur I Télé que le raisonnement ne tenait pas debout.
FRANÇOIS FILLON
Donc là c'est sûr, ce n'est pas en augmentant les postes qu'on revalorisera la condition enseignante. Pourquoi ? Parce qu'on a trop de dépenses, trop de dettes, trop de déficits, on a le record du monde du nombre des enseignants et des dépenses d'éducation, en tout cas au moins pour ce qui est de l'enseignement secondaire. Et malgré ça, notre système se dégrade de plus en plus. Donc ce que nous proposons aujourd'hui aux enseignants, c'est de reconcentrer leur métier sur l'essentiel, c'est de revoir les horaires des élèves, nous sommes...
LAURENCE FERRARI
Oui mais comment vous allez revaloriser leur salaire ?
FRANÇOIS FILLON
Si vous réduisez la dépense globale en nombre de postes, vous pouvez revaloriser les salaires des enseignants. Si vous augmentez en permanence le nombre d'enseignants dans un budget qui, lui, est déjà en déficit, eh bien ! Vous aboutissez à ce qui s'est passé depuis 15 ans, c'est-à-dire des enseignants toujours plus nombreux, toujours moins bien payés, toujours moins considérés et qui, en plus, ont le sentiment d'être pour beaucoup dans une situation d'échec. Donc, il faut réformer cette organisation, il y a 880 000 enseignants dans notre pays, en l'occurrence à la rentrée 2008 on va supprimer 0,8 % des postes...
LAURENCE FERRARI
Ce n'est pas assez ?
FRANÇOIS FILLON
Il y a... il va falloir continuer cet effort...
LAURENCE FERRARI
Plus ?
FRANÇOIS FILLON
Pourquoi ? Parce que... d'abord, il y a beaucoup d'enseignants qui ne sont pas devant des élèves, il y a des enseignants à cause du système des options qui ont très peu d'élèves, et puis à côté il y a des enseignants qui ont des classes surchargées dans des quartiers difficiles. Tout ça n'est pas normal, tout ça doit être mieux organisé et c'est ce que nous faisons.
LAURENCE FERRARI
Alors parmi les gros dossiers aussi de votre rentrée, il y a la croissance, les prévisions pessimistes de l'OCDE, le fameux choc de confiance de Nicolas Sarkozy en train de se heurter à ces mauvaises prévisions. Vous maintenez que la croissance sera supérieure à 1,8 % ?
FRANÇOIS FILLON
Pour diriger une économie comme celle de la France, c'est-à-dire la 6e puissance économique du monde, on ne peut pas avoir les yeux rivés sur les prévisions trimestrielles, on est obligé...
LAURENCE FERRARI
On peut les écouter quand même.
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr, on les écoute mais on est obligé de regarder la sortie du virage et pas l'entrée du virage, je fais un peu de course automobile, si on ne regarde pas la sortie du virage, on est certain d'aller dans le décor, c'est ce que nous essayons de faire. On sait qu'il n'y a pas assez de croissance en France, c'est même sur ce constat de la croissance insuffisante depuis 15 ans qu'on a bâti notre politique économique.
LAURENCE FERRARI
Mais là, il n'y a pas de choc de confiance.
FRANÇOIS FILLON
Oui mais il faut que les mesures s'appliquent. Prenons l'exemple du travail, pour qu'il y ait plus de croissance il faut travailler plus. La France est le pays d'Europe qui travaille le moins, ce n'est pas étonnant qu'elle ait la croissance la plus faible. On a pris des mesures pendant le mois de juillet pour faciliter les heures supplémentaires, elles s'appliqueront au 1er octobre, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas commencé encore à s'appliquer.
LAURENCE FERRARI
Est-ce que ça va endiguer ?
FRANÇOIS FILLON
Alors j'espère bien que ça va endiguer la baisse de la croissance. Si ça n'est pas suffisant, on ira plus loin. Moi, je ne suis pas satisfait de la situation économique de mon pays, et je ne fais pas partie de ces dirigeants qui, après avoir pris 3 mesures considèrent que la situation est réglée...
LAURENCE FERRARI
Qu'est-ce que vous ferez ?
FRANÇOIS FILLON
Je pense qu'il y a un énorme effort de réforme à faire, il faut aller plus loin dans la libération du travail, il faut revoir le marché du travail et son organisation, c'est comme ça qu'on veut fusionner l'ANPE et l'Unedic pour commencer à mettre en place ce qu'on appelle "la Sécurité sociale professionnelle" ou la "professionnalisation des parcours". Il faut réduire les dépenses publiques parce que la dette pèse sur la croissance...
LAURENCE FERRARI
Donc rigueur ?
FRANÇOIS FILLON
Ce n'est pas une question de rigueur, non c'est une transformation de la société française.
LAURENCE FERRARI
Vous n'aimez vraiment pas le mot "rigueur".
FRANÇOIS FILLON
Non parce que le mot "rigueur", ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on serre tous les boulons sans rien changer à l'organisation de l'économie. Si on fait ça, on provoque au contraire une baisse supplémentaire de la croissance. Alors bien entendu, on adaptera le budget de 2008 à la réalité de la croissance, comme on l'a toujours fait, mais nous, on a le regard sur l'horizon et l'horizon pour nous, c'est 3 points de croissance comme la plupart des grands pays européens...
LAURENCE FERRARI
3 points, vous êtes extrêmement optimiste.
FRANÇOIS FILLON
Pas pour 2008 naturellement. Oui mais enfin pourquoi est-ce que la France serait condamnée à être le seul des grands pays développés qui ne puisse pas atteindre ce niveau de croissance ? Pourquoi les Etats-Unis ont une croissance qui peut atteindre parfois 4, voire même au-delà de 4...
LAURENCE FERRARI
5.
FRANÇOIS FILLON
Alors que nous, avec le potentiel qui est le nôtre, nous serions condamnés à avoir 1 - 2 - 2,5 points de croissance ? C'est parce que nous sommes mal organisés. Donc, il faut changer notre organisation économique.
LAURENCE FERRARI
Deux questions rapides : est-ce que vous allez accélérer le dossier de la réforme des régimes spéciaux, avant 2008 oui ou non ?
FRANÇOIS FILLON
Ecoutez, cette réforme elle est prête, je veux dire par-là, elle est prête parce qu'elle est très simple à faire, il s'agit d'aligner les régimes spéciaux sur celui de la fonction publique, ce qui est une mesure d'équité que tous les Français comprennent. Donc le gouvernement est prêt...
LAURENCE FERRARI
Quand ?
FRANÇOIS FILLON
On attend le signal du président de la République, quand le président de la République choisira de déclencher cette réforme, on entamera immédiatement les négociations avec les partenaires sociaux...
LAURENCE FERRARI
Une loi ou un décret ?
FRANÇOIS FILLON
Alors, les deux sont possibles, enfin il n'est pas certain qu'il y ait besoin d'un texte législatif. Ça ne veut pas dire pour autant qu'il n'y aura pas un débat au Parlement pour que cette réforme soit faite dans la transparence et dans la concertation la plus large possible. Mais elle peut être réalisée dans les prochains mois, si le président de la République le souhaite.
LAURENCE FERRARI
Alors, on va parler un petit peu d'Internet. Pendant la campagne, vous avez été un blogueur assidu, on va retrouver "Campanet", toute la politique mais sur le net.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
François FILLON, ce n'est pas bien vu de faire un blog quand on est Premier ministre ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je reconnais qu'on n'a pas encore trouvé la bonne solution. Ce n'est pas une question d'être bien vu ou pas bien vu, c'est d'abord le temps...
LAURENCE FERRARI
On vous l'a déconseillé pourtant.
FRANÇOIS FILLON
Le temps... il y a un problème de temps d'abord, il faut passer du temps sur le net pour répondre aux internautes. Et puis il y a un problème de maîtrise de la communication, c'est-à-dire que quand on est Premier ministre, on ne peut pas répondre aussi spontanément...
LAURENCE FERRARI
De dire vraiment ce qu'on pense.
FRANÇOIS FILLON
A toutes les questions qui vous sont posées. En même temps, je ne suis pas du tout satisfait de la manière dont fonctionnent les choses aujourd'hui. Il faut qu'on intègre une plus grande réactivité dans nos sites, il faut qu'on fasse une... on avait fait pendant la campagne électorale une "Sarko TV" qui était tout à fait remarquable...
LAURENCE FERRARI
Une "Fillon TV" alors maintenant ?
FRANÇOIS FILLON
Eh ben ! On va faire une télé sur le site du Premier ministre, donc on va améliorer tout ça. On a des contraintes, en particulier des contraintes de marché public qui font qu'il faut des mois pour obtenir les décisions qu'on veut. Mais je prends...
LAURENCE FERRARI
C'est un dossier en cours !
FRANÇOIS FILLON
Comme elles doivent l'être les critiques que vous venez de faire sur le site du Premier ministre qui a besoin d'être amélioré.
LAURENCE FERRARI
François Fillon est dans Dimanche+, caméra embarquée dans les coulisses de Matignon avec le Premier ministre et séquence jogging avec le président Sarkozy dans les rues de Strasbourg, c'est dans un instant dans Dimanche+. A tout de suite.
(...) Pub
LAURENCE FERRARI
On se retrouve en direct dans Dimanche+. Comment travaille François Fillon dans l'ombre de Matignon ? Quel est son moteur ? Comment fonctionne le tandem exécutif de notre pays ? Caméra embarquée avec le Premier ministre, c'est un reportage de Mathias Hilion.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
François Fillon, on connaît peu de choses de vous finalement, vous protégez beaucoup votre famille, votre intimité ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, parce que je pense que les hommes politiques ne sont pas des stars, ce sont des hommes et des femmes - comme leurs concitoyens - qui ont été choisis par leurs concitoyens pour les diriger.
LAURENCE FERRARI
C'est pour Nicolas Sarkozy que vous dites ça ?
FRANÇOIS FILLON
Non, enfin c'est pour tous ceux qui exagèrent de mon point de vue la pipolisation de la vie politique. Naturellement, le système médiatique y participe beaucoup. Je sais bien que c'est peut-être une vision un peu dépassée des choses, mais c'est la mienne. Pour moi c'est un principe très important, j'ai toujours refusé par exemple d'aller dans des émissions qui ne sont pas des émissions où un homme politique peut s'exprimer normalement et débattre avec les Français...
LAURENCE FERRARI
Sur le fond.
FRANÇOIS FILLON
Je pense que les Français au fond admirent la performance de ceux qui font un peu trop de médiatisation, de pipolisation, mais je ne suis pas sûr qu'ils les respectent vraiment au fond d'eux-mêmes.
LAURENCE FERRARI
Comme vous disiez dans la caméra embarquée : le rôle de Premier ministre sera encore plus pénible qu'il ne l'est aujourd'hui, c'était prémonitoire ?
FRANÇOIS FILLON
En fait je m'étais trompé.
LAURENCE FERRARI
Ah bon ! C'est encore pire ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je m'étais trompé parce que vous savez que la fonction de Premier ministre a toujours été difficile. C'est une fonction très compliquée puisque le Premier ministre dépend du président de la République, c'est le président de la République qui le nomme, c'est le président de la République qui a la légitimité la plus forte puisque c'est lui qui a été élu au suffrage universel. Et en même temps, le Premier ministre est responsable devant le Parlement, donc il doit rendre des comptes devant le Parlement, au fond il est coincé entre le marteau et l'enclume...
LAURENCE FERRARI
Jusqu'à quand, parce que le président SARKOZY...
FRANÇOIS FILLON
Ça a toujours été comme ça.
LAURENCE FERRARI
Veut aller devant le Parlement, il a dit qu'il allait...
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais moi aussi je souhaite qu'on aille vers un régime présidentiel, on est en train d'y travailler avec la Commission Balladur, je ne sais pas jusqu'où, cette commission nous proposera d'aller. Mais en tout cas aujourd'hui, moi j'ai la satisfaction d'avoir un président de la République qui assume les responsabilités, qui assume les réformes difficiles. Quand il s'agit par exemple de lancer le débat...
LAURENCE FERRARI
Donc, c'est plus confortable pour vous ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, quand il s'agit de lancer le débat sur les franchises en matière de santé, qui est un débat difficile...
LAURENCE FERRARI
Vous étiez content que ce soit lui qui y aille ?
FRANÇOIS FILLON
C'est le président de la République qui le lance lui-même, donc il l'assume. Et moi derrière mon travail, c'est de mettre tout le monde d'accord, c'est de coordonner l'action, c'est de faire en sorte que ça fonctionne, que ça marche, que les résultats soient au rendez-vous. Dans le passé, on a connu des situations différentes, c'est-à-dire des Premiers ministres qui s'avançaient tous seuls, qui se faisaient tirer dessus à boulet rouge, et un président de la République qui n'était pas toujours derrière eux pour les défendre.
LAURENCE FERRARI
Donc il assumera tout, à la fois les victoires et les échecs ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais je pense que c'est la logique d'une démocratie moderne. Il est allé devant les électeurs, il a obtenu leur confiance, il assume l'ensemble des responsabilités. Et tout le débat sur le rôle du Premier ministre est un débat qui, franchement, est de peu d'intérêt, et puis qui est surtout dépassé par rapport à ce que nous avons voulu faire. Nicolas Sarkozy a parlé tout à l'heure du couple que nous formons, lié par l'amitié, il a raison de le dire, mais lié aussi par le fait que depuis 2 ans on a travaillé ensemble, préparé le projet. Au fond ce qui se passe aujourd'hui, on l'avait complètement anticipé, et il n'y a que les observateurs pour être surpris.
LAURENCE FERRARI
Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que vous avez été vexé qu'il parle de vous comme d'un collaborateur !
FRANÇOIS FILLON
J'ai trouvé que ce n'était pas le mot qui convenait, mais enfin c'est... chacun peut avoir... le langage est quelque chose qui n'est pas toujours parfaitement précis.
LAURENCE FERRARI
Vous en avez parlé avec lui ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, bien sûr. Collaborateur c'est... Non, c'est-à-dire que je suis totalement au service de la politique que Nicolas Sarkozy mène, puisque c'est celle que les Français l'ont choisie et encore une fois, je l'ai construite avec eux. Simplement, je suis un homme politique qui a ses propres convictions et sa liberté de pensée.
LAURENCE FERRARI
Vous n'êtes pas un exécutant ?
FRANÇOIS FILLON
Non, non.
LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous comptez remanier le Gouvernement dans les mois qui viennent, il paraît que... dans Le Point, on affirme que 4 ministres sont dans le collimateur !
FRANÇOIS FILLON
D'abord si c'était le cas, je ne vous le dirai pas, ensuite...
LAURENCE FERRARI
Vous en avez parlé avec le président ?
FRANÇOIS FILLON
Ensuite, je pense qu'il n'y a pas aujourd'hui de raison de remanier un gouvernement qui fonctionne bien, qui est composé de gens très différents et dans lequel, je le disais tout à l'heure, règne un état d'esprit beaucoup plus libre que ce qu'on a pu connaître dans le passé. Les ministres d'ouverture en particulier apportent à mon gouvernement un éclairage, une vision des choses qui est très enrichissante.
LAURENCE FERRARI
Vous avez été surpris par l'un de vos ministres, Fadela Amara paraît-il a fait une très bonne communication ?
FRANÇOIS FILLON
C'est-à-dire qu'elle a fait une communication qui n'est pas tout à fait dans les normes...
LAURENCE FERRARI
Anti-glandouille.
FRANÇOIS FILLON
Des communications gouvernementales. Mais il faut aussi qu'on sorte de tout ce formalisme, la communication gouvernementale c'est souvent un texte qui a été écrit par 10 collaborateurs, qui a été débattu pendant des heures par les représentants de tous les ministres pour être sûr qu'on est bien d'accord sur tout. Et à l'arrivée finalement, il n'y a pas grand-chose de vraiment intéressant parce que tout a été émasculé. Eh bien ! Dans la communication de Fadela Amara, il y avait un style qui a fait dresser l'oreille à l'ensemble des membres du Gouvernement.
LAURENCE FERRARI
Et dans le fond, vous allez lancer le fameux plan Marshall dans les banlieues promis par le candidat Sarkozy ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, bien sûr on va le lancer. Et ce que fait Fadela en ce moment, c'est recueillir au fond toutes les opinions de ceux qui sont les premiers destinataires de ce plan, avant qu'on le mette en oeuvre dans le courant de l'automne.
LAURENCE FERRARI
Encore une précision sur un dossier lourd, la TVA sociale, vous êtes de plus en plus prudent sur ce dossier. Est-ce que vous allez décaler pour enterrer cette réforme ?
FRANÇOIS FILLON
Non, on ne va pas enterrer cette réforme parce qu'on n'enterrera aucune bonne idée pour, à la fois améliorer la compétitivité de l'économie française et en même temps financer la protection sociale. Simplement, le rapport que va me remettre en début de semaine Eric Besson aboutit à montrer que la question est plus large que celle de la TVA...
LAURENCE FERRARI
Et qu'elle peut attendre les municipales !
FRANÇOIS FILLON
Non, non, pas du tout. Ce que je vais faire, c'est que dès qu'Eric Besson m'aura remis son rapport, je vais saisir les partenaires sociaux par l'intermédiaire du Conseil économique et social, en demandant au Conseil économique et social de travailler sur une réforme du financement de la protection sociale. Je pense que tous les Français qui réfléchissent se rendent compte qu'on ne peut pas avoir des dépenses sociales qui vont aller en augmentant, du fait des progrès de la médecine, du fait de l'allongement de la durée de la vie, et faire peser tout le financement de cette protection sur le travail. Parce que les entreprises anglaises, les entreprises allemandes, les entreprises espagnoles progressivement nous prennent des marchés. Donc, il faut réfléchir à une assiette de la protection sociale plus large que le travail. Est-ce que c'est seulement la TVA ? Je ne le crois pas.
LAURENCE FERRARI
Alors en tout cas, peut-être que c'est un dossier que vous allez évoquer dans l'Hémicycle à partir du 18 septembre prochain, l'opposition ne va pas manquer de vous en parler. Le Parti socialiste a du mal à se remettre des défections dans son camp. Pourtant à La Rochelle, les ténors ont repris la main au grand dam des jeunes rénovateurs. Pas de grand soir pour les quadras du PS, on regarde ce reportage de Thierry Dagiral.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
François FILLON, vous avez affaibli le Parti socialiste avec l'ouverture. Comment ça se passe au quotidien au gouvernement ? C'est compliqué de gérer des ministres comme ça qui viennent d'horizons différents ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que le Parti socialiste s'est affaibli tout seul en refusant de voir le monde tel qu'il était, en refusant de voir le monde changer. Et vous savez, ce n'est pas une bonne nouvelle pour la France d'avoir un Parti socialiste aussi faible, je l'ai dit plusieurs fois et je n'ai pas toujours été compris, je vais le redire aujourd'hui...
LAURENCE FERRARI
Ils ne s'en sont pas sortis aussi mal aux législatives...
FRANÇOIS FILLON
Un Parti socialiste moderne, c'est-à-dire un Parti socialiste qui a compris le fonctionnement du monde, qui a compris les défis que la France doit relever, c'est un atout pour le pays tout entier. Quand on a un Parti socialiste qui dit "non" à la réforme des retraites quand toutes les gauches européennes réforment les retraites, quand on a un Parti socialiste qui dit "non" à l'augmentation du temps de travail, des heures supplémentaires et qui campe sur ses 35 heures, alors que partout ailleurs en Europe la gauche fait le contraire, ce n'est pas une bonne nouvelle pour la France. Et donc moi, je souhaite que le Parti socialiste se rénove parce que, qu'il soit au pouvoir ou qu'il ne soit pas au pouvoir, un Parti socialiste rénové c'est pour la société française une évolution plus facile. Mais en même temps, on ne va pas attendre que le Parti socialiste soit rénové pour rénover la société française...
LAURENCE FERRARI
Vous allez le rénover...
FRANÇOIS FILLON
Et donc ce qu'on a fait, c'est qu'on est allé chercher des hommes et des femmes à gauche qui sont plus modernes, qui ont réfléchi à l'avenir de leur pays d'une manière différente. On leur a proposé de travailler avec nous, et je peux vous dire qu'ils nous apportent beaucoup...
LAURENCE FERRARI
Alors notamment Bernard Kouchner qui entame lundi une tournée au Proche-Orient. Pourquoi est-ce que ce n'est pas le ministre des Affaires étrangères qui a mené les négociations autour de l'affaire de la libération des infirmières bulgares en Libye ?
FRANÇOIS FILLON
Parce que toutes les négociations précédentes avaient échoué, parce que le colonel Khadafi est un personnage...
LAURENCE FERRARI
Il avait essayé lui-même, Bernard Kouchner ?
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr... enfin, les ministres des Affaires étrangères précédents, le commissaire européen, tout le monde avait essayé sans succès. Je pense que Nicolas Sarkozy a mieux compris que d'autres la psychologie du chef de l'Etat libyen, le chef de l'Etat libyen ne voulait négocier qu'avec un chef d'Etat, donc avec...
LAURENCE FERRARI
Cécilia SARKOZY...
FRANÇOIS FILLON
Le président de la République ou un envoyé qui le représente de la manière la plus proche qui soit, c'est-à-dire son épouse. Voilà, c'est comme ça, on n'est pas en Libye dans un régime totalement comparable avec le nôtre...
LAURENCE FERRARI
Ça implique donc un rôle officiel de Madame Sarkozy...
FRANÇOIS FILLON
Il ne faut pas raisonner avec les... elle a fait... elle a jouéun rôle qui a abouti à la libération d'infirmières qui étaient prisonnières depuis 8 ans et que personne n'avait réussi, notamment pas la gauche qui est aujourd'hui extrêmement critique...
LAURENCE FERRARI
C'est incontestable. Est-ce qu'elle a un rôle officiel ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je crois qu'il ne faut pas du tout systématiser cette action de la femme du président de la République. Il y en aura peut-être d'autres à l'avenir, d'autres situations identiques peuvent se produire. Mais je crois que c'était important, c'était de réussir, et pour réussir il faut comprendre les situations. Et je pense qu'une des grandes qualités du président de la République, c'est cette capacité à comprendre les situations.
LAURENCE FERRARI
Bien sûr. Pourquoi est-ce que Cécilia Sarkozy ne va pas témoigner devant la Commission parlementaire, Claude Guéant a accepté, elle en parle aux journalistes, pourquoi pas ?
FRANÇOIS FILLON
Parce que le président de la République, et donc son épouse, ne sont pas responsables devant le Parlement. Et si on accepte l'idée que le Parlement peut convoquer comme il veut...
LAURENCE FERRARI
Et Claude Guéant l'est ?
FRANÇOIS FILLON
Le président de la République...
LAURENCE FERRARI
Claude Guéant ?
FRANÇOIS FILLON
Et son épouse, ça veut dire qu'il n'y a plus de séparation des pouvoirs, ça veut dire qu'on peut imaginer qu'une opposition - à laquelle d'ailleurs on va donner beaucoup plus de pouvoirs en matière de création de commissions d'enquêtes - puisse paralyser l'action du président de la République en le convoquant tous les 15 jours devant une commission d'enquête. Ça, ça n'est pas... vous savez même aux Etats-Unis, dans un système où le Parlement est extrêmement fort, on ne peut pas convoquer le président des Etats-Unis devant une commission d'enquête, et évidemment...
LAURENCE FERRARI
Donc Claude Guéant va bien témoigner...
FRANÇOIS FILLON
Alors c'est une... comment dirai-je ? Une ouverture que le président de la République a faite. Claude Guéant c'est un fonctionnaire, c'est le secrétaire général de l'Elysée, ce n'est pas un homme politique...
LAURENCE FERRARI
Il n'a pas de légitimité politique...
FRANÇOIS FILLON
On peut comprendre que le président de la République ait envie de faire toute la lumière sur cette affaire, parce que franchement on n'a vraiment rien à cacher sur cette libération des infirmières bulgares, au contraire, mais je crois qu'il ne faut pas aller au-delà du secrétaire général.
LAURENCE FERRARI
Donc pas de convocation de l'épouse du président de la République ?
FRANÇOIS FILLON
Non.
LAURENCE FERRARI
En tout cas depuis l'élection du 6 mai, Nicolas Sarkozy n'a pas quitté la une des médias, 100 jours à la vitesse Sarkozy, je vous propose de regarder le clin d'oeil de Loïc Prigent.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
Et il y en a pour 5 ans effectivement. Vous trouvez qu'il... lui trouve qu'il ne va pas assez vite,
c'est ça ?
FRANÇOIS FILLON
Oui mais il a raison, puisque la situation de la France demande plus d'efforts, plus de réformes, plus d'actions, plus d'explications pour que les projets soient compris. Donc, on ne va jamais ralentir, on ne va jamais freiner, on ira, vous savez, comme une fusée qui accélère en essayant d'atteindre la vitesse maximale à la fin du quinquennat.
LAURENCE FERRARI
Combien de temps vous vous voyez à Matignon ?
FRANÇOIS FILLON
Oh ! Ça, je n'en ai aucune idée, et donc je ne répondrai pas à cette question.
LAURENCE FERRARI
D'accord. Est-ce que vous vous voyez ailleurs que Matignon alors ? Tous les Premiers ministres qui arrivent à Matignon...
FRANÇOIS FILLON
Oh oui ! Il y a beaucoup de choses...
LAURENCE FERRARI
Lorgnent sur l'Elysée, classique.
FRANÇOIS FILLON
Non, je ne lorgne pas sur l'Elysée, il y a un excellent président de la République avec lequel, je vous l'ai dit tout à l'heure, j'entretiens une complicité totale. Non mais il y a... d'abord il y a beaucoup de choses dans la vie, dans la vie politique, hors de la vie politique. Mais enfin pour l'instant, je suis un peu concentré sur le travail qui m'a été demandé, qui vient de commencer seulement. Donc, c'est gentil de penser à la fin du contrat, moi je ne suis qu'au début.
LAURENCE FERRARI
Un mot de rugby. Le XV de France a raté son entrée dans la coupe du monde, un message aux joueurs et à Laporte, votre futur secrétaire d'Etat ?
FRANÇOIS FILLON
J'ai appelé le président Lapasset et mon futur secrétaire d'Etat pour leur dire qu'on était derrière eux, qu'on était évidemment déçu par ce résultat pour essayer de comprendre ce qui s'était passé. Je crois qu'on a tous vu que cette équipe était comme tétanisée, comme si elle avait une espèce de pression trop forte. Donc, je pense qu'il faut relever la pression, rappeler que c'est un jeu et que c'est du rugby...
LAURENCE FERRARI
Oui, ça aurait pu redonner le moral aux Français quand même...
FRANÇOIS FILLON
Et la laisser jouer. Oui mais justement, plus on va dire ça, plus on va leur mettre la pression, plus ils vont être...
LAURENCE FERRARI
Et plus ils vont perdre.
FRANÇOIS FILLON
En situation difficile, donc voilà. Prenons du plaisir à regarder cette coupe du monde, et puis laissons aux joueurs un peu plus d'espace de liberté.
LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup François Fillon...
FRANÇOIS FILLON
C'est moi qui vous remercie.
LAURENCE FERRARI
D'être venu dans Dimanche+.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 11 septembre 2007
Et l'invité de Dimanche+, c'est François Fillon, Premier ministre. Bonjour Monsieur Fillon.
FRANÇOIS FILLON
Bonjour Laurence Ferrari.
LAURENCE FERRARI
Vous venez de regarder "Le Château" avec nous. Votre gouvernement affronte ses premières difficultés, une cote de popularité légèrement en baisse. Vous pensez que l'Etat de grâce est en train de se terminer ?
FRANÇOIS FILLON
D'abord, je pense qu'il n'y a jamais eu d'Etat de grâce, la France est un pays qui a besoin d'être réformé, qui n'est pas dans une bonne situation. L'Etat de grâce, ça voudrait dire au fond que l'élection a effacé les problèmes, l'élection n'efface pas les problèmes. Pour ce qui est des sondages de popularité, reconnaissez qu'ils sont encore assez bons, et on sent que la population française est derrière le gouvernement.
LAURENCE FERRARI
Donc, ça ne compte pas mais vous les regardez quand même un peu ?
FRANÇOIS FILLON
Oui bien sûr, parce que c'est au fond pour nous l'image que nous avons du soutien que nous donnent les Français, et c'est quand même plus important que parfois le bruit du microcosme.
LAURENCE FERRARI
Alors on l'a vu dans le château, vous avez recadré votre secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme Rama Yade, qui s'est rendue à Aubervilliers contester une décision de justice. Qu'est-ce que vous lui avez dit ?
FRANÇOIS FILLON
Rama Yade, c'est une jeune femme de grand talent qui apporte beaucoup au Gouvernement, simplement elle s'est laissée un peu guider là par son instinct et son émotion. Et quand on est ministre de la République, on doit respecter le fonctionnement des institutions.
Il y a une Justice dans notre pays, en l'occurrence à Aubervilliers, la Justice a demandé - à la suite d'une plainte de la mairie - l'évacuation d'un squat qui, soit dit en passant d'ailleurs, accueille 4 familles qui ont été expulsées et toutes les autres sont des familles qui ont un logement, il y a donc derrière ça une belle opération de manipulation et de communication...
LAURENCE FERRARI
Mais elle a fait une gaffe pour vous !
FRANÇOIS FILLON
Elle a fait une gaffe qui est liée à son inexpérience, c'est aussi le risque quand on prend au Gouvernement des jeunes inexpérimentés. Mais en même temps, ils apportent tellement que je vous dis que je ne regrette à aucun moment d'avoir choisi Rama Yade.
LAURENCE FERRARI
Elle s'est fait corriger aussi par Christine Boutin, ministre de la Ville et du Logement, qui lui dit qu'elle n'a pas de leçon de sensibilité à apprendre. C'est ça la solidarité gouvernementale ?
FRANÇOIS FILLON
Il faut faire attention parce que cette visite pouvait donner le sentiment qu'il y avait au fond une hésitation du gouvernement par rapport à la mise en oeuvre de cette décision de justice, ce qui n'est pas le cas. Et donc voilà, l'incident est clos, Rama Yade sait très bien qu'elle n'aurait pas dû se rendre à Aubervilliers, en tout cas pas dans ces conditions-là. Et en même temps, on ne peut jamais reprocher à une jeune femme d'avoir de la générosité et de réagir à ses émotions.
LAURENCE FERRARI
Et de Christine Boutin à marquer son territoire. Première en France, le Conseil Supérieur de la Magistrature demande à être reçu par la ministre de la Justice Rachida Dati. Est-ce qu'il y a un malaise entre votre gouvernement et les magistrats ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que les Français veulent que la Justice fonctionne, ils se moquent évidemment (j'écoutais votre reportage) éperdument de savoir ce qui se passe au cabinet de Madame Dati, ça ne les intéresse pas. Ce qu'ils veulent, c'est une Justice qui fonctionne, c'est-à-dire une Justice qui sanctionne les coupables et qui protège les victimes. Rachida a fait déjà un travail formidable en 4 mois, on a fait voter deux lois, une loi sur la récidive, les multirécidivistes...
LAURENCE FERRARI
Les peines plancher.
FRANÇOIS FILLON
Les peines plancher, qui fonctionnent, tout le mois d'août il y a eu des décisions de justice, une loi sur les mineurs délinquants, on est en train de préparer une loi pénitentiaire, à la demande du président de la République, on met en oeuvre des hôpitaux fermés pour les délinquants sexuels dangereux, tout ça en 4 mois.
LAURENCE FERRARI
Donc pas de problème du côté de la Chancellerie ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème, c'est difficile de changer les habitudes, c'est difficile d'imprimer une volonté dans un pays qui a été trop longtemps immobile. Mais Rachida le fait très bien, j'ajoute qu'elle représente un symbole d'ouverture exceptionnel et que c'est peut-être en raison de ce symbole exceptionnel qu'elle fait l'objet d'autant d'attaques injustifiées.
LAURENCE FERRARI
Un mot de Dominique de Villepin qu'on a vu aussi dans "Le Château". C'est le premier opposant à Nicolas Sarkozy, il dénonce la République des oui-oui, des cire-pompes, des courtisans. Est-ce que vous vous sentez un "bénie oui-oui" Monsieur Fillon ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que la France n'est pas un pays de "bénie oui-oui". J'écoute Dominique de Villepin avec intérêt, parce que c'est un homme qui a une expérience politique et qui a été longtemps le collaborateur du précédent président de la République. Donc, il sait naturellement ce que c'est qu'une cours et ce phénomène qui menace tous les présidents de la République.
Ce que je voudrais simplement lui dire, c'est que je pense que nous nous sommes assez largement prémunis contre ce phénomène de cours, notamment en ouvrant le gouvernement à des hommes et des femmes qui viennent d'horizons politiques différents. Je vous assure qu'il existe... moi j'ai été 7 ans au gouvernement, sous la présidence de François Mitterrand et sous la présidence de Jacques Chirac, je n'ai jamais connu des Conseils de ministres aussi libres que ceux que nous connaissons depuis quelques mois, et en particulier celui que nous avons tenu à Strasbourg vendredi. Je ne sais pas si c'est l'air de l'Alsace qui soufflait sur ce conseil, mais où chacun s'est exprimé...
LAURENCE FERRARI
On va en parler tout à l'heure.
FRANÇOIS FILLON
Avec une liberté qui n'était pas habituelle dans les Conseils de ministres, voilà.
LAURENCE FERRARI
Mais il ne vous agace pas un petit peu Dominique de Villepin ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je...
LAURENCE FERRARI
Il fait la mouche du coche.
FRANÇOIS FILLON
Non mais je l'écoute et puis j'essaie de comprendre ce qu'il veut dire et d'intégrer ses remarques. Mais je crois qu'il ne faut pas qu'il s'inquiète, il y a suffisamment de diversités dans le gouvernement et dans la majorité pour qu'on ne se laisse pas endormir dans une sorte d'Etat de grâce, dont j'ai dit tout à l'heure que je pense qu'il n'existe pas.
LAURENCE FERRARI
Alors le gros dossier de la rentrée pour vous, c'est bien sûr l'Education nationale, vous avez été ministre de l'Education et de la Recherche avec Jean-Pierre Raffarin. 12 millions d'élèves, 870 000 enseignants et 11 200 postes supprimés pour la rentrée 2008, tout ça sans un claquement de porte. Retour sur la calinothérapie façon Xavier Darcos, reportage Jean-Louis Perez.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
François FILLON, comment est-ce que vous comptez revaloriser les salaires des profs en supprimant des postes ? Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO estimait ce matin sur I Télé que le raisonnement ne tenait pas debout.
FRANÇOIS FILLON
Donc là c'est sûr, ce n'est pas en augmentant les postes qu'on revalorisera la condition enseignante. Pourquoi ? Parce qu'on a trop de dépenses, trop de dettes, trop de déficits, on a le record du monde du nombre des enseignants et des dépenses d'éducation, en tout cas au moins pour ce qui est de l'enseignement secondaire. Et malgré ça, notre système se dégrade de plus en plus. Donc ce que nous proposons aujourd'hui aux enseignants, c'est de reconcentrer leur métier sur l'essentiel, c'est de revoir les horaires des élèves, nous sommes...
LAURENCE FERRARI
Oui mais comment vous allez revaloriser leur salaire ?
FRANÇOIS FILLON
Si vous réduisez la dépense globale en nombre de postes, vous pouvez revaloriser les salaires des enseignants. Si vous augmentez en permanence le nombre d'enseignants dans un budget qui, lui, est déjà en déficit, eh bien ! Vous aboutissez à ce qui s'est passé depuis 15 ans, c'est-à-dire des enseignants toujours plus nombreux, toujours moins bien payés, toujours moins considérés et qui, en plus, ont le sentiment d'être pour beaucoup dans une situation d'échec. Donc, il faut réformer cette organisation, il y a 880 000 enseignants dans notre pays, en l'occurrence à la rentrée 2008 on va supprimer 0,8 % des postes...
LAURENCE FERRARI
Ce n'est pas assez ?
FRANÇOIS FILLON
Il y a... il va falloir continuer cet effort...
LAURENCE FERRARI
Plus ?
FRANÇOIS FILLON
Pourquoi ? Parce que... d'abord, il y a beaucoup d'enseignants qui ne sont pas devant des élèves, il y a des enseignants à cause du système des options qui ont très peu d'élèves, et puis à côté il y a des enseignants qui ont des classes surchargées dans des quartiers difficiles. Tout ça n'est pas normal, tout ça doit être mieux organisé et c'est ce que nous faisons.
LAURENCE FERRARI
Alors parmi les gros dossiers aussi de votre rentrée, il y a la croissance, les prévisions pessimistes de l'OCDE, le fameux choc de confiance de Nicolas Sarkozy en train de se heurter à ces mauvaises prévisions. Vous maintenez que la croissance sera supérieure à 1,8 % ?
FRANÇOIS FILLON
Pour diriger une économie comme celle de la France, c'est-à-dire la 6e puissance économique du monde, on ne peut pas avoir les yeux rivés sur les prévisions trimestrielles, on est obligé...
LAURENCE FERRARI
On peut les écouter quand même.
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr, on les écoute mais on est obligé de regarder la sortie du virage et pas l'entrée du virage, je fais un peu de course automobile, si on ne regarde pas la sortie du virage, on est certain d'aller dans le décor, c'est ce que nous essayons de faire. On sait qu'il n'y a pas assez de croissance en France, c'est même sur ce constat de la croissance insuffisante depuis 15 ans qu'on a bâti notre politique économique.
LAURENCE FERRARI
Mais là, il n'y a pas de choc de confiance.
FRANÇOIS FILLON
Oui mais il faut que les mesures s'appliquent. Prenons l'exemple du travail, pour qu'il y ait plus de croissance il faut travailler plus. La France est le pays d'Europe qui travaille le moins, ce n'est pas étonnant qu'elle ait la croissance la plus faible. On a pris des mesures pendant le mois de juillet pour faciliter les heures supplémentaires, elles s'appliqueront au 1er octobre, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas commencé encore à s'appliquer.
LAURENCE FERRARI
Est-ce que ça va endiguer ?
FRANÇOIS FILLON
Alors j'espère bien que ça va endiguer la baisse de la croissance. Si ça n'est pas suffisant, on ira plus loin. Moi, je ne suis pas satisfait de la situation économique de mon pays, et je ne fais pas partie de ces dirigeants qui, après avoir pris 3 mesures considèrent que la situation est réglée...
LAURENCE FERRARI
Qu'est-ce que vous ferez ?
FRANÇOIS FILLON
Je pense qu'il y a un énorme effort de réforme à faire, il faut aller plus loin dans la libération du travail, il faut revoir le marché du travail et son organisation, c'est comme ça qu'on veut fusionner l'ANPE et l'Unedic pour commencer à mettre en place ce qu'on appelle "la Sécurité sociale professionnelle" ou la "professionnalisation des parcours". Il faut réduire les dépenses publiques parce que la dette pèse sur la croissance...
LAURENCE FERRARI
Donc rigueur ?
FRANÇOIS FILLON
Ce n'est pas une question de rigueur, non c'est une transformation de la société française.
LAURENCE FERRARI
Vous n'aimez vraiment pas le mot "rigueur".
FRANÇOIS FILLON
Non parce que le mot "rigueur", ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'on serre tous les boulons sans rien changer à l'organisation de l'économie. Si on fait ça, on provoque au contraire une baisse supplémentaire de la croissance. Alors bien entendu, on adaptera le budget de 2008 à la réalité de la croissance, comme on l'a toujours fait, mais nous, on a le regard sur l'horizon et l'horizon pour nous, c'est 3 points de croissance comme la plupart des grands pays européens...
LAURENCE FERRARI
3 points, vous êtes extrêmement optimiste.
FRANÇOIS FILLON
Pas pour 2008 naturellement. Oui mais enfin pourquoi est-ce que la France serait condamnée à être le seul des grands pays développés qui ne puisse pas atteindre ce niveau de croissance ? Pourquoi les Etats-Unis ont une croissance qui peut atteindre parfois 4, voire même au-delà de 4...
LAURENCE FERRARI
5.
FRANÇOIS FILLON
Alors que nous, avec le potentiel qui est le nôtre, nous serions condamnés à avoir 1 - 2 - 2,5 points de croissance ? C'est parce que nous sommes mal organisés. Donc, il faut changer notre organisation économique.
LAURENCE FERRARI
Deux questions rapides : est-ce que vous allez accélérer le dossier de la réforme des régimes spéciaux, avant 2008 oui ou non ?
FRANÇOIS FILLON
Ecoutez, cette réforme elle est prête, je veux dire par-là, elle est prête parce qu'elle est très simple à faire, il s'agit d'aligner les régimes spéciaux sur celui de la fonction publique, ce qui est une mesure d'équité que tous les Français comprennent. Donc le gouvernement est prêt...
LAURENCE FERRARI
Quand ?
FRANÇOIS FILLON
On attend le signal du président de la République, quand le président de la République choisira de déclencher cette réforme, on entamera immédiatement les négociations avec les partenaires sociaux...
LAURENCE FERRARI
Une loi ou un décret ?
FRANÇOIS FILLON
Alors, les deux sont possibles, enfin il n'est pas certain qu'il y ait besoin d'un texte législatif. Ça ne veut pas dire pour autant qu'il n'y aura pas un débat au Parlement pour que cette réforme soit faite dans la transparence et dans la concertation la plus large possible. Mais elle peut être réalisée dans les prochains mois, si le président de la République le souhaite.
LAURENCE FERRARI
Alors, on va parler un petit peu d'Internet. Pendant la campagne, vous avez été un blogueur assidu, on va retrouver "Campanet", toute la politique mais sur le net.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
François FILLON, ce n'est pas bien vu de faire un blog quand on est Premier ministre ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je reconnais qu'on n'a pas encore trouvé la bonne solution. Ce n'est pas une question d'être bien vu ou pas bien vu, c'est d'abord le temps...
LAURENCE FERRARI
On vous l'a déconseillé pourtant.
FRANÇOIS FILLON
Le temps... il y a un problème de temps d'abord, il faut passer du temps sur le net pour répondre aux internautes. Et puis il y a un problème de maîtrise de la communication, c'est-à-dire que quand on est Premier ministre, on ne peut pas répondre aussi spontanément...
LAURENCE FERRARI
De dire vraiment ce qu'on pense.
FRANÇOIS FILLON
A toutes les questions qui vous sont posées. En même temps, je ne suis pas du tout satisfait de la manière dont fonctionnent les choses aujourd'hui. Il faut qu'on intègre une plus grande réactivité dans nos sites, il faut qu'on fasse une... on avait fait pendant la campagne électorale une "Sarko TV" qui était tout à fait remarquable...
LAURENCE FERRARI
Une "Fillon TV" alors maintenant ?
FRANÇOIS FILLON
Eh ben ! On va faire une télé sur le site du Premier ministre, donc on va améliorer tout ça. On a des contraintes, en particulier des contraintes de marché public qui font qu'il faut des mois pour obtenir les décisions qu'on veut. Mais je prends...
LAURENCE FERRARI
C'est un dossier en cours !
FRANÇOIS FILLON
Comme elles doivent l'être les critiques que vous venez de faire sur le site du Premier ministre qui a besoin d'être amélioré.
LAURENCE FERRARI
François Fillon est dans Dimanche+, caméra embarquée dans les coulisses de Matignon avec le Premier ministre et séquence jogging avec le président Sarkozy dans les rues de Strasbourg, c'est dans un instant dans Dimanche+. A tout de suite.
(...) Pub
LAURENCE FERRARI
On se retrouve en direct dans Dimanche+. Comment travaille François Fillon dans l'ombre de Matignon ? Quel est son moteur ? Comment fonctionne le tandem exécutif de notre pays ? Caméra embarquée avec le Premier ministre, c'est un reportage de Mathias Hilion.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
François Fillon, on connaît peu de choses de vous finalement, vous protégez beaucoup votre famille, votre intimité ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, parce que je pense que les hommes politiques ne sont pas des stars, ce sont des hommes et des femmes - comme leurs concitoyens - qui ont été choisis par leurs concitoyens pour les diriger.
LAURENCE FERRARI
C'est pour Nicolas Sarkozy que vous dites ça ?
FRANÇOIS FILLON
Non, enfin c'est pour tous ceux qui exagèrent de mon point de vue la pipolisation de la vie politique. Naturellement, le système médiatique y participe beaucoup. Je sais bien que c'est peut-être une vision un peu dépassée des choses, mais c'est la mienne. Pour moi c'est un principe très important, j'ai toujours refusé par exemple d'aller dans des émissions qui ne sont pas des émissions où un homme politique peut s'exprimer normalement et débattre avec les Français...
LAURENCE FERRARI
Sur le fond.
FRANÇOIS FILLON
Je pense que les Français au fond admirent la performance de ceux qui font un peu trop de médiatisation, de pipolisation, mais je ne suis pas sûr qu'ils les respectent vraiment au fond d'eux-mêmes.
LAURENCE FERRARI
Comme vous disiez dans la caméra embarquée : le rôle de Premier ministre sera encore plus pénible qu'il ne l'est aujourd'hui, c'était prémonitoire ?
FRANÇOIS FILLON
En fait je m'étais trompé.
LAURENCE FERRARI
Ah bon ! C'est encore pire ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je m'étais trompé parce que vous savez que la fonction de Premier ministre a toujours été difficile. C'est une fonction très compliquée puisque le Premier ministre dépend du président de la République, c'est le président de la République qui le nomme, c'est le président de la République qui a la légitimité la plus forte puisque c'est lui qui a été élu au suffrage universel. Et en même temps, le Premier ministre est responsable devant le Parlement, donc il doit rendre des comptes devant le Parlement, au fond il est coincé entre le marteau et l'enclume...
LAURENCE FERRARI
Jusqu'à quand, parce que le président SARKOZY...
FRANÇOIS FILLON
Ça a toujours été comme ça.
LAURENCE FERRARI
Veut aller devant le Parlement, il a dit qu'il allait...
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais moi aussi je souhaite qu'on aille vers un régime présidentiel, on est en train d'y travailler avec la Commission Balladur, je ne sais pas jusqu'où, cette commission nous proposera d'aller. Mais en tout cas aujourd'hui, moi j'ai la satisfaction d'avoir un président de la République qui assume les responsabilités, qui assume les réformes difficiles. Quand il s'agit par exemple de lancer le débat...
LAURENCE FERRARI
Donc, c'est plus confortable pour vous ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, quand il s'agit de lancer le débat sur les franchises en matière de santé, qui est un débat difficile...
LAURENCE FERRARI
Vous étiez content que ce soit lui qui y aille ?
FRANÇOIS FILLON
C'est le président de la République qui le lance lui-même, donc il l'assume. Et moi derrière mon travail, c'est de mettre tout le monde d'accord, c'est de coordonner l'action, c'est de faire en sorte que ça fonctionne, que ça marche, que les résultats soient au rendez-vous. Dans le passé, on a connu des situations différentes, c'est-à-dire des Premiers ministres qui s'avançaient tous seuls, qui se faisaient tirer dessus à boulet rouge, et un président de la République qui n'était pas toujours derrière eux pour les défendre.
LAURENCE FERRARI
Donc il assumera tout, à la fois les victoires et les échecs ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, mais je pense que c'est la logique d'une démocratie moderne. Il est allé devant les électeurs, il a obtenu leur confiance, il assume l'ensemble des responsabilités. Et tout le débat sur le rôle du Premier ministre est un débat qui, franchement, est de peu d'intérêt, et puis qui est surtout dépassé par rapport à ce que nous avons voulu faire. Nicolas Sarkozy a parlé tout à l'heure du couple que nous formons, lié par l'amitié, il a raison de le dire, mais lié aussi par le fait que depuis 2 ans on a travaillé ensemble, préparé le projet. Au fond ce qui se passe aujourd'hui, on l'avait complètement anticipé, et il n'y a que les observateurs pour être surpris.
LAURENCE FERRARI
Mais je ne peux pas m'empêcher de penser que vous avez été vexé qu'il parle de vous comme d'un collaborateur !
FRANÇOIS FILLON
J'ai trouvé que ce n'était pas le mot qui convenait, mais enfin c'est... chacun peut avoir... le langage est quelque chose qui n'est pas toujours parfaitement précis.
LAURENCE FERRARI
Vous en avez parlé avec lui ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, bien sûr. Collaborateur c'est... Non, c'est-à-dire que je suis totalement au service de la politique que Nicolas Sarkozy mène, puisque c'est celle que les Français l'ont choisie et encore une fois, je l'ai construite avec eux. Simplement, je suis un homme politique qui a ses propres convictions et sa liberté de pensée.
LAURENCE FERRARI
Vous n'êtes pas un exécutant ?
FRANÇOIS FILLON
Non, non.
LAURENCE FERRARI
Est-ce que vous comptez remanier le Gouvernement dans les mois qui viennent, il paraît que... dans Le Point, on affirme que 4 ministres sont dans le collimateur !
FRANÇOIS FILLON
D'abord si c'était le cas, je ne vous le dirai pas, ensuite...
LAURENCE FERRARI
Vous en avez parlé avec le président ?
FRANÇOIS FILLON
Ensuite, je pense qu'il n'y a pas aujourd'hui de raison de remanier un gouvernement qui fonctionne bien, qui est composé de gens très différents et dans lequel, je le disais tout à l'heure, règne un état d'esprit beaucoup plus libre que ce qu'on a pu connaître dans le passé. Les ministres d'ouverture en particulier apportent à mon gouvernement un éclairage, une vision des choses qui est très enrichissante.
LAURENCE FERRARI
Vous avez été surpris par l'un de vos ministres, Fadela Amara paraît-il a fait une très bonne communication ?
FRANÇOIS FILLON
C'est-à-dire qu'elle a fait une communication qui n'est pas tout à fait dans les normes...
LAURENCE FERRARI
Anti-glandouille.
FRANÇOIS FILLON
Des communications gouvernementales. Mais il faut aussi qu'on sorte de tout ce formalisme, la communication gouvernementale c'est souvent un texte qui a été écrit par 10 collaborateurs, qui a été débattu pendant des heures par les représentants de tous les ministres pour être sûr qu'on est bien d'accord sur tout. Et à l'arrivée finalement, il n'y a pas grand-chose de vraiment intéressant parce que tout a été émasculé. Eh bien ! Dans la communication de Fadela Amara, il y avait un style qui a fait dresser l'oreille à l'ensemble des membres du Gouvernement.
LAURENCE FERRARI
Et dans le fond, vous allez lancer le fameux plan Marshall dans les banlieues promis par le candidat Sarkozy ?
FRANÇOIS FILLON
Oui, bien sûr on va le lancer. Et ce que fait Fadela en ce moment, c'est recueillir au fond toutes les opinions de ceux qui sont les premiers destinataires de ce plan, avant qu'on le mette en oeuvre dans le courant de l'automne.
LAURENCE FERRARI
Encore une précision sur un dossier lourd, la TVA sociale, vous êtes de plus en plus prudent sur ce dossier. Est-ce que vous allez décaler pour enterrer cette réforme ?
FRANÇOIS FILLON
Non, on ne va pas enterrer cette réforme parce qu'on n'enterrera aucune bonne idée pour, à la fois améliorer la compétitivité de l'économie française et en même temps financer la protection sociale. Simplement, le rapport que va me remettre en début de semaine Eric Besson aboutit à montrer que la question est plus large que celle de la TVA...
LAURENCE FERRARI
Et qu'elle peut attendre les municipales !
FRANÇOIS FILLON
Non, non, pas du tout. Ce que je vais faire, c'est que dès qu'Eric Besson m'aura remis son rapport, je vais saisir les partenaires sociaux par l'intermédiaire du Conseil économique et social, en demandant au Conseil économique et social de travailler sur une réforme du financement de la protection sociale. Je pense que tous les Français qui réfléchissent se rendent compte qu'on ne peut pas avoir des dépenses sociales qui vont aller en augmentant, du fait des progrès de la médecine, du fait de l'allongement de la durée de la vie, et faire peser tout le financement de cette protection sur le travail. Parce que les entreprises anglaises, les entreprises allemandes, les entreprises espagnoles progressivement nous prennent des marchés. Donc, il faut réfléchir à une assiette de la protection sociale plus large que le travail. Est-ce que c'est seulement la TVA ? Je ne le crois pas.
LAURENCE FERRARI
Alors en tout cas, peut-être que c'est un dossier que vous allez évoquer dans l'Hémicycle à partir du 18 septembre prochain, l'opposition ne va pas manquer de vous en parler. Le Parti socialiste a du mal à se remettre des défections dans son camp. Pourtant à La Rochelle, les ténors ont repris la main au grand dam des jeunes rénovateurs. Pas de grand soir pour les quadras du PS, on regarde ce reportage de Thierry Dagiral.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
François FILLON, vous avez affaibli le Parti socialiste avec l'ouverture. Comment ça se passe au quotidien au gouvernement ? C'est compliqué de gérer des ministres comme ça qui viennent d'horizons différents ?
FRANÇOIS FILLON
Je crois que le Parti socialiste s'est affaibli tout seul en refusant de voir le monde tel qu'il était, en refusant de voir le monde changer. Et vous savez, ce n'est pas une bonne nouvelle pour la France d'avoir un Parti socialiste aussi faible, je l'ai dit plusieurs fois et je n'ai pas toujours été compris, je vais le redire aujourd'hui...
LAURENCE FERRARI
Ils ne s'en sont pas sortis aussi mal aux législatives...
FRANÇOIS FILLON
Un Parti socialiste moderne, c'est-à-dire un Parti socialiste qui a compris le fonctionnement du monde, qui a compris les défis que la France doit relever, c'est un atout pour le pays tout entier. Quand on a un Parti socialiste qui dit "non" à la réforme des retraites quand toutes les gauches européennes réforment les retraites, quand on a un Parti socialiste qui dit "non" à l'augmentation du temps de travail, des heures supplémentaires et qui campe sur ses 35 heures, alors que partout ailleurs en Europe la gauche fait le contraire, ce n'est pas une bonne nouvelle pour la France. Et donc moi, je souhaite que le Parti socialiste se rénove parce que, qu'il soit au pouvoir ou qu'il ne soit pas au pouvoir, un Parti socialiste rénové c'est pour la société française une évolution plus facile. Mais en même temps, on ne va pas attendre que le Parti socialiste soit rénové pour rénover la société française...
LAURENCE FERRARI
Vous allez le rénover...
FRANÇOIS FILLON
Et donc ce qu'on a fait, c'est qu'on est allé chercher des hommes et des femmes à gauche qui sont plus modernes, qui ont réfléchi à l'avenir de leur pays d'une manière différente. On leur a proposé de travailler avec nous, et je peux vous dire qu'ils nous apportent beaucoup...
LAURENCE FERRARI
Alors notamment Bernard Kouchner qui entame lundi une tournée au Proche-Orient. Pourquoi est-ce que ce n'est pas le ministre des Affaires étrangères qui a mené les négociations autour de l'affaire de la libération des infirmières bulgares en Libye ?
FRANÇOIS FILLON
Parce que toutes les négociations précédentes avaient échoué, parce que le colonel Khadafi est un personnage...
LAURENCE FERRARI
Il avait essayé lui-même, Bernard Kouchner ?
FRANÇOIS FILLON
Bien sûr... enfin, les ministres des Affaires étrangères précédents, le commissaire européen, tout le monde avait essayé sans succès. Je pense que Nicolas Sarkozy a mieux compris que d'autres la psychologie du chef de l'Etat libyen, le chef de l'Etat libyen ne voulait négocier qu'avec un chef d'Etat, donc avec...
LAURENCE FERRARI
Cécilia SARKOZY...
FRANÇOIS FILLON
Le président de la République ou un envoyé qui le représente de la manière la plus proche qui soit, c'est-à-dire son épouse. Voilà, c'est comme ça, on n'est pas en Libye dans un régime totalement comparable avec le nôtre...
LAURENCE FERRARI
Ça implique donc un rôle officiel de Madame Sarkozy...
FRANÇOIS FILLON
Il ne faut pas raisonner avec les... elle a fait... elle a jouéun rôle qui a abouti à la libération d'infirmières qui étaient prisonnières depuis 8 ans et que personne n'avait réussi, notamment pas la gauche qui est aujourd'hui extrêmement critique...
LAURENCE FERRARI
C'est incontestable. Est-ce qu'elle a un rôle officiel ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je crois qu'il ne faut pas du tout systématiser cette action de la femme du président de la République. Il y en aura peut-être d'autres à l'avenir, d'autres situations identiques peuvent se produire. Mais je crois que c'était important, c'était de réussir, et pour réussir il faut comprendre les situations. Et je pense qu'une des grandes qualités du président de la République, c'est cette capacité à comprendre les situations.
LAURENCE FERRARI
Bien sûr. Pourquoi est-ce que Cécilia Sarkozy ne va pas témoigner devant la Commission parlementaire, Claude Guéant a accepté, elle en parle aux journalistes, pourquoi pas ?
FRANÇOIS FILLON
Parce que le président de la République, et donc son épouse, ne sont pas responsables devant le Parlement. Et si on accepte l'idée que le Parlement peut convoquer comme il veut...
LAURENCE FERRARI
Et Claude Guéant l'est ?
FRANÇOIS FILLON
Le président de la République...
LAURENCE FERRARI
Claude Guéant ?
FRANÇOIS FILLON
Et son épouse, ça veut dire qu'il n'y a plus de séparation des pouvoirs, ça veut dire qu'on peut imaginer qu'une opposition - à laquelle d'ailleurs on va donner beaucoup plus de pouvoirs en matière de création de commissions d'enquêtes - puisse paralyser l'action du président de la République en le convoquant tous les 15 jours devant une commission d'enquête. Ça, ça n'est pas... vous savez même aux Etats-Unis, dans un système où le Parlement est extrêmement fort, on ne peut pas convoquer le président des Etats-Unis devant une commission d'enquête, et évidemment...
LAURENCE FERRARI
Donc Claude Guéant va bien témoigner...
FRANÇOIS FILLON
Alors c'est une... comment dirai-je ? Une ouverture que le président de la République a faite. Claude Guéant c'est un fonctionnaire, c'est le secrétaire général de l'Elysée, ce n'est pas un homme politique...
LAURENCE FERRARI
Il n'a pas de légitimité politique...
FRANÇOIS FILLON
On peut comprendre que le président de la République ait envie de faire toute la lumière sur cette affaire, parce que franchement on n'a vraiment rien à cacher sur cette libération des infirmières bulgares, au contraire, mais je crois qu'il ne faut pas aller au-delà du secrétaire général.
LAURENCE FERRARI
Donc pas de convocation de l'épouse du président de la République ?
FRANÇOIS FILLON
Non.
LAURENCE FERRARI
En tout cas depuis l'élection du 6 mai, Nicolas Sarkozy n'a pas quitté la une des médias, 100 jours à la vitesse Sarkozy, je vous propose de regarder le clin d'oeil de Loïc Prigent.
(...) Reportage
LAURENCE FERRARI
Et il y en a pour 5 ans effectivement. Vous trouvez qu'il... lui trouve qu'il ne va pas assez vite,
c'est ça ?
FRANÇOIS FILLON
Oui mais il a raison, puisque la situation de la France demande plus d'efforts, plus de réformes, plus d'actions, plus d'explications pour que les projets soient compris. Donc, on ne va jamais ralentir, on ne va jamais freiner, on ira, vous savez, comme une fusée qui accélère en essayant d'atteindre la vitesse maximale à la fin du quinquennat.
LAURENCE FERRARI
Combien de temps vous vous voyez à Matignon ?
FRANÇOIS FILLON
Oh ! Ça, je n'en ai aucune idée, et donc je ne répondrai pas à cette question.
LAURENCE FERRARI
D'accord. Est-ce que vous vous voyez ailleurs que Matignon alors ? Tous les Premiers ministres qui arrivent à Matignon...
FRANÇOIS FILLON
Oh oui ! Il y a beaucoup de choses...
LAURENCE FERRARI
Lorgnent sur l'Elysée, classique.
FRANÇOIS FILLON
Non, je ne lorgne pas sur l'Elysée, il y a un excellent président de la République avec lequel, je vous l'ai dit tout à l'heure, j'entretiens une complicité totale. Non mais il y a... d'abord il y a beaucoup de choses dans la vie, dans la vie politique, hors de la vie politique. Mais enfin pour l'instant, je suis un peu concentré sur le travail qui m'a été demandé, qui vient de commencer seulement. Donc, c'est gentil de penser à la fin du contrat, moi je ne suis qu'au début.
LAURENCE FERRARI
Un mot de rugby. Le XV de France a raté son entrée dans la coupe du monde, un message aux joueurs et à Laporte, votre futur secrétaire d'Etat ?
FRANÇOIS FILLON
J'ai appelé le président Lapasset et mon futur secrétaire d'Etat pour leur dire qu'on était derrière eux, qu'on était évidemment déçu par ce résultat pour essayer de comprendre ce qui s'était passé. Je crois qu'on a tous vu que cette équipe était comme tétanisée, comme si elle avait une espèce de pression trop forte. Donc, je pense qu'il faut relever la pression, rappeler que c'est un jeu et que c'est du rugby...
LAURENCE FERRARI
Oui, ça aurait pu redonner le moral aux Français quand même...
FRANÇOIS FILLON
Et la laisser jouer. Oui mais justement, plus on va dire ça, plus on va leur mettre la pression, plus ils vont être...
LAURENCE FERRARI
Et plus ils vont perdre.
FRANÇOIS FILLON
En situation difficile, donc voilà. Prenons du plaisir à regarder cette coupe du monde, et puis laissons aux joueurs un peu plus d'espace de liberté.
LAURENCE FERRARI
Merci beaucoup François Fillon...
FRANÇOIS FILLON
C'est moi qui vous remercie.
LAURENCE FERRARI
D'être venu dans Dimanche+.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 11 septembre 2007