Interview de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, à RMC le 30 août 2007, sur l'université d'été du MEDEF, la rentrée sociale et la politique salariale du Gouvernement.

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Texte intégral


 
 
J.-J. Bourdin.- L'université d'été du Medef : N. Sarkozy va prendre la parole aujourd'hui, vous y étiez hier pour participer à une table ronde autour de la Chine. N. Sarkozy au Medef, cela vous déplaît-il ?
 
R.- Cela va être surtout fonction de ce qu'il va y dire. Qu'il y aille, après tout, il fera ce qu'il voudra, mais qu'il y aille ce n'est pas cela qui me choque. Mais va-t-il y aller pour annoncer des mesures vraiment, typiquement "entreprises", type crédits, innovation, recherche, et après on verra ce qu'on dira ? Ou est-ce qu'il y va, comme certains le disent, pour faire une annonce de deuxième phase de politique économique et sociale ? Alors, là, vraiment, ce n'est pas le lieu. Vous pouvez aller voir des gens et puis leur faire des cadeaux, vous pouvez les sermonner aussi. Alors, on verra la manière dont il se comportera.
 
Q.- Vous l'avez rencontré lundi, le président de la République. Que vous a-t-il dit ?
 
R.- On a échangé, en fait, sur toute une...
 
Q.- Quelles questions vous a-t-il posées ?
 
R.- Il m'a demandé ce que je pensais, par exemple, de la fusion Unedic- ANPE, et je lui ai expliqué pourquoi je n'étais pas d'accord. Donc, on a discuté. Il m'a dit : vous en discuterez - pas avec lui - mais avec le Gouvernement. Je lui ai parlé des fonctionnaires. Là, j'ai obtenu...
 
Q.- On va en parler.
 
R.- J'ai obtenu de sa part ce que nous demandions depuis trois ans : c'est une vraie réflexion dans un groupe...
 
Q.- Sur les traitements des fonctionnaires ?
 
R.- Non, non. Sur : quels sont les rôles et missions du service public dans une République à l'horizon cinq-dix ans ? Quelle est la visibilité ? Que veulent faire les pouvoirs politiques du service public en tant que tel ? Donc, qu'il y ait une réflexion, qu'on ait une visibilité. On sera d'accord ou pas d'accord...
 
Q.- Il vous a répété son idée, de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ?
 
R.- Il n'a pas dit un fonctionnaire sur deux. On a évoqué la question des effectifs, j'ai dit qu'on n'était pas d'accord, bien entendu, puisque c'est une vision comptable des choses : tant de fonctionnaires en moins, cela fait tant d'économies pour le budget, voilà. Mais ce n'est pas comme cela qu'on développe la fonction publique.
 
Q.- Alors, moins de fonctionnaires mais mieux payés, vous êtes d'accord ? Si on vous dit : il y aura moins de fonctionnaires mais on va mieux les payer, êtes-vous d'accord ?
 
R.- Non, parce que c'est une mauvaise approche. Que veut-on faire de la fonction publique et du service public, au sens large ? Quels types de réformes faut-il faire dans l'Etat, y compris ? Vous avez l'Etat, vous avez les régions, par exemple, vous avez les départements, on ne sait plus qui fait quoi. Il y a un vrai malaise chez les fonctionnaires. Après, une fois qu'on a une lisibilité, on peut regarder comment on fait. Maintenant, de dire : si vous acceptez qu'il y ait moins de fonctionnaires, vous gagnerez un peu plus... Quand on fait les calculs, ce sont des clopinettes pour chaque fonctionnaire, c'est cela que ça veut dire.
 
Q.- Mais il va y avoir une ouverture sur le traitement des fonctionnaires, il vous l'a dit le président de la République ?
 
R.- J'ai évoqué cela avec le Président, il m'a renvoyé sur le Gouvernement. Donc, j'ai rencontré M. Woerth le lendemain, on a évoqué toutes ces questions, et je lui ai expliqué que s'il veut un débat serein sur le pouvoir d'achat, comment on le calcule, etc., il y avait un contentieux à régler : au minimum, c'était de régler le contentieux sur 2007, qui est "année blanche" pour les fonctionnaires. Et le ministre m'a répondu : "je suis prêt à regarder", il n'a pas dit plus ; il a dit "je suis prêt à regarder". Alors, je considère qu'il y a une ouverture. A nous maintenant de pousser pour la concrétiser.
 
Q.- Et B. Thibault, ironiquement, a dit que vous aviez touché un chèque...
 
R.- Je n'ai pas beaucoup apprécié la formule de B. Thibault. En tous les cas, je ne comprends pas comment un syndicaliste peut avoir cela dans la tête !
 
Q.- Cela vous a irrité cela ?
 
R.- Non, mais, il ne me viendrait jamais à l'idée de dire d'un autre camarade syndiqué : il a perçu un chèque ! Il a peut-être voulu faire de l'humour, mais c'est raté si c'est cela.
 
Q.- C'est raté. On va, puisqu'on parle du traitement des fonctionnaires, parler du pouvoir d'achat, puisque les fonctionnaires font partie de ces millions de Français, qui s'interrogent sur leur pouvoir d'achat. Ce pouvoir d'achat, il y a plusieurs solutions. Le Gouvernement nous dit : avec les mesures structurelles que nous prenons, ce pouvoir d'achat, le pouvoir d'achat des Français, va s'améliorer. Y croyez-vous, sincèrement ?
 
R.- Non.
 
Q.- Et pourquoi ne croyez-vous pas au pari du Gouvernement ?
 
R.- C'est un pari, donc, je ne dis pas que j'aurai raison, que l'on se comprenne bien. Le pouvoir d'achat... Enfin, il y a l'aspect prix et puis, il y a l'aspect salaires. Si je reste sur la question pouvoir d'achat, rémunérations... Rémunérations : qu'a décidé le Gouvernement qui pourrait éventuellement améliorer la rémunération de certains ? C'est l'histoire des "heures sup".
 
Q.- Oui.
 
R.- Ce n'est pas encore en place, on va voir que cela va être compliqué, il y en a qui ne pourront pas en bénéficier, les gens à temps partiel, etc., cela va être très compliqué. Moi je doute de l'effet de ce dispositif, en tous les cas, sur la croissance ou l'activité économique. Après, il y a les intérêts d'emprunts, mais cela, tout le monde est partagé sur l'effet. Y compris, est-ce que cela va augmenter les prix de l'immobilier ou pas ? On ne sait pas trop pour le moment. Après, les autres dispositions, notamment le bouclier fiscal à 50 %, cela ne concerne pas les salariés, cela concerne ceux qui gagnent beaucoup. Donc, sur l'effet pouvoir d'achat de ces mesures, non, je ne vois pas très bien. L'effet pouvoir d'achat, si on veut vraiment soutenir le pouvoir d'achat, cela passe par des négociations salaires.
 
Q.- Alors, les salaires, justement. Il va y avoir une réunion prochaine, qu'allez-vous dire, qu'allez-vous demander ? Est-ce vraiment la question cruciale, là ?
 
R.- C'est une des questions cruciales, bien sûr, et c'est attendu, y compris, parce qu'il y a les hausses de prix, dont tout le monde parle en ce moment, et qui sont réelles, même si l'inflation...on n'est pas en risque de sur-inflation, non plus. Il ne faut pas non plus... Il n'y en a qu'un qui croit cela, c'est M. Trichet, le président de la Banque centrale, sinon, il faut être sérieux. Mais il y a des augmentations de prix sur les produits courants, et cela risque de s'accroître pour certains produits. Donc, sur les rémunérations, il y a l'aspect, où, là, l'Etat est maître d'oeuvre, puisque c'est le patron des fonctionnaires. Don, est-ce qu'il accepte ou pas de négocier ? C'est de la responsabilité directe. Dans le secteur privé, ce que j'ai rappelé au président de la République, nous, ce que nous demandons, c'est que, quand il y a une augmentation du Smic, qu'on n'attende pas six mois, huit mois, pour en rediscuter dans les branches avec les employeurs, qu'automatiquement il y ait un rendez-vous dans les branches, qu'on n'attende pas, il ne faut pas qu'il y ait de délais de latence. J'ai également rappelé, et à l'époque, c'était pendant la campagne, à un moment donné, il l'avait dit, il avait accepté de prendre cette idée, de conditionner certaines aides sociales ou fiscales aux entreprises à l'existence d'accords de salaires. Donc, cela, ce sont des choses que le Gouvernement peut décider. Ce n'est pas lui qui va décider des salaires en privé, on ne lui demande pas d'ailleurs...
 
Q.- Bien sûr, les négociations se traitent branche par branche.
 
R.- Mais on peut pousser pour qu'il y ait négociations.
 
Q.- Vous avez croisé des chefs d'entreprise hier au Medef, vous avez discuté avec des chefs d'entreprises.
 
R.- Non, non, parce que je suis arrivé, j'ai fait une table ronde, j'ai répondu à vos confrères et je suis reparti.
 
Q.- Mais le peu de chefs d'entreprise que vous avez rencontrés, parce qu'il y a une idée des chefs d'entreprise qui disent : nous, on attend de N. Sarkozy, qu'il nous donne un nouvel élan. C'est vrai qu'il y a une idée un peu caricaturale en France, qui laisse à penser que les patrons sont les ennemis des salariés. Les patrons sont-ils les ennemis des salariés, franchement ?
 
R.- Ennemis, ce n'est pas le bon terme, on n'est pas en situation de guerre. Non, il y a des conflits qui sont différents, ou qui sont divergents, mais cela c'est normal. Dans une entreprise, vous n'avez pas forcément, heureusement d'ailleurs, le même... L'intérêt des salariés, c'est de gagner le plus possible, l'intérêt des patrons, c'est d'avoir le profit - je caricature - le plus important. Seulement, on le dépasser comment ? On le dépasse par la négociation.
 
Q.- Les patrons, eux, sont clairs ; ils demandent un assouplissement de la législation du travail, un allégement de la taxe professionnelle, et une baisse de l'impôt sur les sociétés.
 
R.- Attendez ! Je mets de côté, on y reviendra, la législation du travail. Mais si vous prenez les aspects fiscaux, que demandent-ils ? Ils demandent un allègement de leurs impôts, c'est cela qu'ils demandent. C'est classique comme revendication du côté patronal. Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir d'examen, mais on ne peut pas toucher, comme cela, petit bout par petit bout à la fiscalité. Je pense qu'à un moment donné, il faut avoir une réforme d'ensemble de la fiscalité. Si on veut que la fiscalité soit juste, il faut, par exemple, réhabiliter l'impôt sur le revenu.
 
Q.- Il faut faire des efforts pour les entreprises, oui ou non ? Aujourd'hui, fait-on suffisamment d'efforts en France pour les entreprises ?
 
R.- Elles ne sont quand même pas, globalement... On ne peut pas non plus traiter la multinationale comme on traite la PME, c'est évident. Regardez, le comportement des banques, quelles qu'elles soient, vis-à-vis des PME. Beaucoup de chefs d'entreprise de PME se plaignent du comportement de leurs banquiers.
 
Q.- Les banquiers devraient être rappelés à l'ordre, par F. Fillon, aujourd'hui.
 
R.- J'ai entendu que... Ils font de bons résultats, les banques font globalement de très bons résultats financiers, elles sont peut-être plus prudentes que certaines banques américaines, et encore cela dépend desquelles...
 
Q.- Peut-être, parfois à juste raison ?
 
R.- Oui, non, c'est pour cela. Mais par contre, pour accompagner une entreprise, j'entendais cela sur votre antenne, un chef d'entreprise, une personne, une dame, elle avait raison. Pour aller voir un banquier, lui dire : "écoutez, veux investir, est-ce que vous m'accompagnez ?". "Ah, non, nous, on ne prend pas de risques, on vous fait un découvert, mais on ne va pas vous accompagner". Cela fait partie du rôle des banques, par exemple. Il y a des choses qui peuvent être faites. Quant à l'assouplissement du droit du travail, d'une manière générale, j'attends qu'on me démontre, que l'on me sorte une étude, une seule, expliquant que cela va créer des emplois, même l'OCDE - l'OCDE, ce n'est pas un organisme gauchiste, c'est plutôt libéral même comme organisme - reconnaît n'avoir jamais réussi à démontrer que la flexibilité créait des emplois. Alors, après, on va avoir la négociation avec le patronat, qui va...
 
Q.- L. Parisot répète : "Je veux la séparation, mettre la mise en place de la séparation, d'un commun accord, entre employeurs et salariés", elle le souhaite.
 
R.- C'est un leitmotiv qu'elle répète depuis des mois, c'est sa revendication, enfin, la revendication patronale. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Je lui ai déjà dit à L. Parisot que si votre concept, parce que c'est un concept, de séparabilité, cela conduit à mettre dans le code du travail, le fait qu'il y a une égalité de droit entre l'employeur et le salarié, cela ne marchera pas, elle le sait. Quand on parle délais, de la longueur des procédures, pour beaucoup de salariés, la longueur des procédures c'est pénalisant. Il y a aussi des chefs d'entreprise, pas tous, qui retardent les procédures quand il y a un licenciement. Quand on sent que cela va décourager les salariés. Et parfois, ils y réussissent d'ailleurs, il y a des salariés qui se découragent. Donc, regardez, nous, on est pour qu'il y ait plus de sécurité pour les salariés aussi. Alors, il y a des marges de discussion possible, on va voir pendant la négociation. Mais il faut que le patronat...Il nous disent, oui, eh bien on va le mesurer aux actes. Veulent-ils vraiment arriver à un compromis ? Cela veut dire qu'il faut en rabattre sur ce concept de séparabilité ou pas. Mais on verra cela dans la négociation.
 
Q.- On garde le CNE ?
 
R.- Non, on ne peut pas le garder le CNE. En novembre, le BIT donnera...vous savez que FO a saisi le BIT, on aura l'avis du BIT au mois de novembre. Les deux Cours d'appel ont déjà retoqué le CNE. Non, je pense que le CNE, je l'avais toujours dit, qu'il mourrait dans d'atroces souffrances judiciaires. Je crois que cela continue.
 
[2ème Partie. Reprise à 8h46]
 
Q.- Parlons des retraites. L. Parisot, hier, a prôné le relèvement progressif de l'âge de la retraite à 61 puis 62 ans ; 61 en 2012 et 62 en 2020. Que répondez-vous ?
 
R.- C'est sa position mais ça a un côté provocation. Et puis c'est mal connaître le dossier en plus. D'ailleurs, je m'interroge...
 
Q.- Pourquoi "provocation" ? Il va bien falloir travailler plus longtemps ?
 
R.- Attendez ! Faire ça dans une interview, dans un journal, la veille de la visite du président de la République, est-ce que cela veut dire qu'elle veut anticiper ? On va voir. J'espère que le président de la République ne va pas reprendre ça, parce que là, cela voudrait dire qu'il est d'accord là-dessus.
 
Q.- Si jamais il reprend ça, que se passe-t-il ? Qu'est-ce que vous faites, si jamais N. Sarkozy reprend cette idée ?
 
R.- Ah bien, ça grognera, c'est évident. C'est évident ce genre de choix.
 
Q.- C'est vraiment, là, un cas de rupture ?
 
R.- En plus, c'est mal connaître le dossier. 60 ans c'est un droit à la retraite, ça n'a jamais été une retraite couperet, c'est un droit à la retraite. Prenez [l'exemple] : au 1er janvier 2008, c'est 40 ans de cotisation pour avoir droit à une retraite à taux plein. Prenez le cas d'une personne qui est rentrée dans la vie active largement... qui a maintenant ses 21 ans. 40 ans de boulot, s'il veut partir avec une retraite à taux plein, c'est 61 ans. S'il a commencé à 22 ans, c'est 62 ans. Pourquoi encore toucher à la retraite à 60 ans, au droit à la retraite à 60 ans ? Je disais que c'est mal connaître le dossier, si ce n'est pour dire, marteler : "Il faut travailler plus". Mais attendez ! Moi, on va finir par faire comme G. Roux ! Tout le monde dit : il faut qu'il reste, et puis une fois qu'il est resté, il dit "non, vraiment, je m'en vais, parce que physiquement je ne peux plus". Attendez ! Il y a toute une série de dossiers à revoir sur la retraite et la pénibilité. Tous ceux qui sont cassés à 55 ans, et moi j'en connais beaucoup de salariés, dans le bâtiment et les travaux publics, dans les abattoirs, qui sont cassés. Donc, il faut regarder ce genre de choses. On a eu notre congrès au mois de juin. On a dit là-dessus, nous, qu'on va demander à ce qu'on bloque les compteurs à 40 ans. Et puis, moi je m'adresse aux employeurs, en leur disant ...
 
Q.- 40 ans de cotisations, on bloque les compteurs ?
 
R.- Ah oui.
 
Q.- Et en 2008, il y a une nouvelle négociation pour faire passer l'âge de la retraite à 41 ans ?
 
R.- Non, non, ce n'est pas comme ça, c'est déjà décidé les 41 ans.
 
Q.- Ah ben oui.
 
R.- C'est déjà décidé. Nous, ce qu'on va demander, c'est un décret pour bloquer... 41 ans en 2012 c'est déjà dans la loi Fillon.
 
Q.- C'est vrai, c'est vrai.
 
R.- Nous, ce qu'on veut, c'est en rester à 40, mais aussi que les employeurs, ils sont quand même curieux et un peu gonflés, pardonnez-moi l'expression, de dire "il faut repousser l'âge de la retraite", quand on voit comment dans les entreprises on continue à licencier des salariés dits âgés. Alors, déjà, qu'ils ne licencient plus ces salariés !
 
Q.- Ils mettent les salariés en préretraite.
 
R.- Ben oui ! Ils mettent les salariés en préretraite ou au chômage. Ce n'est pas toujours en préretraite. Comme le Gouvernement envisage de durcir encore les préretraites... Donc, qu'ils commencent déjà, les employeurs, à ne pas licencier ceux qui ont dépassé la cinquantaine, et essayer de les garder dans l'entreprise, plutôt que de dire : nous on veut pouvoir continuer à les licencier, mais vous allez devoir bosser plus longtemps.
 
Q.- J'ai vu F. Chérèque, à propos du départ à la retraite, qui dit : "on n'est jamais aussi polis qu'à la rentrée, je ne sais pas si cela va durer". Sur le même terrain, là.
 
R.- En ben, oui, bien sûr. Il a dit ça, je pense, à l'entrée de l'université du Medef. Moi j'y suis allé, comme lui d'ailleurs, et puis d'autres. On n'est pas en négociations à l'université d'été. Moi je suis allé débattre de la Chine, etc. Mais cela ne nous empêche pas de dire ce qu'on a envie de dire, et moi j'ai un principe : quand on a des convictions, on peut les afficher partout et les développer partout. Eh bien, là-dessus, oui, je suis d'accord avec lui.
 
Q.- Il y a un autre point qui pour vous est un vrai point de friction avec le Gouvernement : ce sont les franchises médicales. Vous refusez vraiment ces franchises médicales ?
 
R.- Oui.
 
Q.- On attend des précisions, d'ailleurs - encore des précisions - sur les franchises médicales. Aucune loi n'a été votée, mais on attend. Là, vous refusez, carrément.
 
R.- Parce qu'il y en a déjà, et il y en a déjà pas mal. Le ticket modérateur ! On n'est pas remboursé à 100 % par la Sécu, et depuis longtemps ; il y a le forfait hospitalier qui, au fil des ans, augmente ; il y a la franchise de 1 euro ; il y a une franchise de 18 euros pour les actes supérieurs, etc. Donc, ça sera encore une franchise de plus. En plus, c'est la manière dont on présente les choses. Ça m'irrite quoi ! Au départ, on nous disait : parce qu'il y a déficit à la Sécu, et maintenant, on nous dit : ah non, non, ce n'est pas parce qu'il y a un déficit à la Sécu, c'est qu'on veut financer la recherche contre Alzheimer, le cancer, la dépendance, etc. Autant de choses qui sont nécessaires. Ce n'est pas à la Sécu de financer ça. Et moi, j'ai même suggéré quelque chose au président de la République - je le reconnais, il ne m'a rien dit, il ne m'a pas répondu - avec les intérêts d'emprunts, comme ils ont été retoqués par le Conseil constitutionnel. La mesure était prévue pour 20,4 milliards. Finalement, elle va coûter 850 millions. Affectez la différence à la recherche contre la maladie d'Alzheimer et le cancer, et ne mettez pas la franchise. Il y a une possibilité de faire cela.
 
Q.- Et qu'est-ce qu'il vous a dit ?
 
R.- Rien. Il ne m'a rien répondu là-dessus.
 
Q.- Rien ?
 
R.- Non, il n'a rien dit. Mais la franchise, vous savez, une fois que cela existe, même si ce n'est pas beaucoup au départ, après on a mis le ver dans le fruit, et après on peut la faire augmenter.
 
Q.- Mais J.-C. Mailly, je me mets à la place de l'auditeur de RMC. Il est en train de se dire : mais ce J.-C. Mailly, très bien, mais il refuse tout.
 
R.- Ah non, non, je ne refuse pas tout. Attendez ! Non, pas du tout.
 
Q.- Parce que l'économie française, il faut quand même qu'elle bouge.
 
R.- Mais bien sûr qu'il faut qu'elle bouge. Regardez ! J'ai obtenu du président de la République, et je m'en félicite, quelque chose que nous demandions depuis trois ans : c'est qu'il y ait une véritable réflexion sur l'avenir de la fonction publique, du service public, à un horizon de cinq à dix ans. Qu'on ait une visibilité. Tout le monde se dit attaché à la République. Alors, qu'est-ce que cela suppose comme service public ? Il a dit oui. Nous, on est partisans d'une discussion de fond sur la Sécurité sociale. Il y a plein de choses...
 
Q.- Remettre tout à plat ? Le financement, par exemple ?
 
R.- Il y a un problème de financement. Oui, nous on n'est pas favorable à la TVA sociale, mais on demande par exemple à ce que le critère de valeur ajoutée soit intégré dans les calculs de la cotisation patronale. On demande à ce qu'il y ait une clarification réelle entre l'Etat et la Sécu sur les comptes, parce que l'Etat doit beaucoup d'argent à la Sécurité sociale. On demande qu'on ait une politique avec les médecins qui soit beaucoup plus forte. On demande que la Sécu...
 
Q.- Comment relancer l'économie ? Très bien ça. C'est juste de la justice sociale.
 
R.- Non, non, ce n'est pas simplement de la justice sociale, c'est de l'équilibre aussi. C'est aussi de l'équilibre des comptes. Vous savez, améliorer les conditions de travail, ça améliore les comptes de la Sécu. 4 % du PIB dans le monde, il y a 4 % du PIB qui correspond aux conséquences du stress, d'une manière générale, les conditions de travail, etc. Donc, améliorer la prévention, c'est aussi faire des économies dans le domaine de la Sécu. Après, sur le plan de la politique économique, il faut faire... Moi je n'ai rien contre le fait que...
 
Q.- Comment relancer l'économie française ?
 
R.- Il y a ce qu'on peut faire en France et ce qu'on peut faire au niveau européen. Il y a les deux éléments. Il n'y a toujours pas de coordination des politiques économiques au niveau européen. Au niveau français, qu'on regarde sur l'innovation et la recherche, comment les pouvoirs publics peuvent plus faciliter la recherche, qu'on redonne de la stratégie industrielle, qu'on doit plus exigeant vis-à-vis des banques sur leurs comportements. Qu'on regarde les délais de paiement entre l'Etat et les entreprises, entre les grandes entreprises et les petites entreprises. Il y a de multiples facettes pour améliorer... [Il y a] le pouvoir d'achat. C'est de multiples facettes. Il n'y a pas UNE mesure. Et ce à quoi il faut faire attention, ce n'est pas, comme disait Mme Parisot : il faut une politique de l'offre uniquement, le reste on s'en fout. Non. C'est un ensemble qu'il faut regarder. Nous, on est prêts à regarder mais arrêtons de décider comme cela du jour au lendemain de faire telle chose. Discutons.
 
Q.- E. Dufreigne, au standard de RMC.  E. Dufreigne : Au standard, on parle beaucoup des retraites, ici, après l'apparition de L. Parisot. J'ai Loïc, de Gironde, qui nous dit : "les retraites c'est primordial, on va être obliger de travailler plus pour sauver notre système. Alors pourquoi les syndicats sont-ils toujours entrain de reculer sur ces dossiers on perd du temps ?" Sur les retraites, justement, j'ai la question de Michèle qui nous dit : "J.-C. Mailly, est ce que vous seriez d'accord pour qu'on unifie les méthodes de calcul des retraites entre les gens du privé et les gens du public ?"
 
R.- Là encore, pardonnez-moi, mais c'est mal connaître le dossier. Il n'y a jamais eu unification des règles dans le domaine de la retraite, cela n'a jamais existé en France, pas plus que cela n'existe dans d'autres pays. Vous avez des situations différentes entre les non salariés, les salariés, parmi les salariés. Que l'on regarde les choses, personne n'est opposé à regarder les choses, mais à chaque fois qu'on nous dit "il faut unifier", c'est pour aligner sur le plus mauvais, c'est cela qui n'est pas acceptable. Moi, j'ai déjà pris cet exemple et je le reprends : les cheminots. Alors oui, ils sont encore à trente sept ans et demi. Moi, je comprends qu'ils défendent ce droit, c'est tout à fait logique. Mais une femme cheminotte qui a eu des enfants ; elle n'a pas le droit à deux ans de bonification. Quand vous êtes salarié du secteur privé, que vous avez des enfants, vous avez deux ans de bonification. Donc, il faut prendre tous ces critères. Les fonctionnaires - qui sont à 40 ans, eux par contre - ont dit, " oui mais le mode de calcul n'est pas le même". Oui mais sauf que les fonctionnaires, on leur a mis des primes - ce n'était pas eux qui les demandaient, c'était les Gouvernements successifs. Sur les primes, il n'y a pas de cotisations retraite, ou très très peu. Donc, cela veut dire que quand ils ont leur retraite, ils sont au même niveau en retraite que le secteur privé. Donc, on ne peut pas dire... ce n'est pas aussi simple que ça, le dossier retraite, cela demande là aussi de la discussion approfondie.
 
Q.- P. Dufreigne : On a Gérard qui nous demande : est ce que vous avez le sentiment que N. Sarkozy écoute plus les syndicats que ne le faisait J. Chirac ?
 
R. - "Ecouter", cela veut dire "tenir compte"... On va voir, on va voir notamment cet après-midi. Par contre, qu'il ait le souci - et ça c'est positif, je l'ai dit - d'avoir des contacts réguliers avec les uns et les autres et de pouvoir discuter en direct, sans fil, sans intermédiaire, ça c'est positif, oui. Moi, en quatre mois, je l'ai vu 4 fois, donc ça c'est plutôt positif.
 
Q.- 8h55. A-t-on un auditeur en ligne ? Jean-Luc, bonjour. Jean Luc, auditeur d'Eure et Loire, cadre fonction publique chez France Telecom : Je voulais interroger M. Mailly sur sa pensée concernant France Telecom où l'Etat est à peine à 20% de prise d'intérêt et 75% des effectifs sont encore fonctionnaires. Que pensez-vous de la position des fonctionnaires dans l'entreprise France Télécom ?
 
R.- C'était une solution un peu hybride - le fait que ce soit maintenant une entreprise privée et la majorité du personnel est fonctionnaire. Nous, on s'était battu pour que les fonctionnaires gardent leur statut, d'ailleurs. Mais le risque, c'est que les fonctionnaires, au fur et à mesure qu'ils partiront, ils seront remplacés par des gens du privé. C'est ça, sur France Télécom. Maintenant, que les fonctionnaires qui étaient avant fonctionnaires PTT restent à France Télécom - et on s'est battu pour qu'ils conservent leur statut - je crois que c'était indispensable. Maintenant, cela va être comme on dit, un corps progressivement en extinction.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 30 août 2007