Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le programme de la session parlementaire destiné à replacer la France au premier rang des pays européens pour la croissance, l'emploi, les libertés et la justice sociale et sur la préparation de la présidence française de l'Union européenne, Paris le 19 septembre 2007.

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Circonstance : Intervention devant les parlementaires de la majorité à Paris le 19 septembre 2007

Texte intégral

Messieurs les présidents, Mes chers amis,
Je voudrais vous dire très sincèrement combien je suis heureux de vous retrouver. Je l'ai dit devant le groupe UMP à l'Assemblée il y a quinze jours, vous m'avez manqué. Je veux dire par là que sans vous, il n'est pas possible de poursuivre l'effort de réforme que nous avions engagé et je suis impatient de le reprendre avec vous, cet effort de réforme.
Avec la session extraordinaire de juillet, nous avons donné le ton de ce que sera le quinquennat de Nicolas Sarkozy, c'est-à-dire une course de vitesse pour replacer la France au premier rang des pays européens pour la croissance, pour l'emploi, pour les libertés, pour la justice sociale. Et je veux vous dire que le mois de juillet, que vous avez peut-être vécu comme un mois particulièrement intense, ce n'était qu'un échauffement. Durant cet échauffement, vous avez engagé la libération du travail, à travers le texte sur les heures supplémentaires, dont je vous proposerai tout à l'heure, d'ailleurs, de franchir une nouvelle étape. Vous avez réformé l'université bloquée depuis vingt-cinq ans, vous avez ramené la fiscalité sur le revenu dans la moyenne européenne, vous avez durci les peines encourues par les multirécidivistes et vous avez favorisé l'accession à la propriété de nos concitoyens. Voilà ce que vous avez fait en quelques semaines, voilà ce que nous avons fait en quatre mois.
Je veux vous dire qu'il s'agit d'un bilan qui est déjà bien plus qu'honorable et dont vous n'avez pas à rougir et qui, d'ailleurs, est largement soutenu par les Français. Nous avons amorcé une dynamique de changement, nous avons créé une relation de confiance avec les Français parce que nous leur avons montré que nous commencions à respecter nos engagements. Pourquoi y avait-il une crise de confiance dans notre pays ? Parce que les Français avaient le sentiment que les majorités qui se succédaient ne respectaient jamais leurs engagements. La première des tâches qui est la mienne, à la tête du Gouvernement, c'est de veiller scrupuleusement à ce que tous les engagements que le Président de la République a pris et à ce que tous les engagements que vous avez pris, que nous avons pris ensemble dans la campagne soient respectés.
Alors le moment de surprise passé, le microcosme cherche à retrouver ses repères et ses habitudes. C'est "la fin de l'état de grâce", c'est "le début des difficultés", "une rentrée sociale explosive se prépare...". Enivrés par leur propre discours, certains prédisent même déjà un remaniement. Eh bien je veux vous dire qu'avec le président de la République, nous sommes à cent lieues de cette agitation. La vérité, c'est que pour nous, il n'y a jamais eu d'état de grâce ; la vérité, c'est que nous n'avons jamais eu avec Nicolas Sarkozy le sentiment de facilité ou de légèreté, bien au contraire. Nous avons été élus sur un diagnostic qui est celui d'une France bloquée et d'une France crispée, et je pense que personne, ici, n'a été élu sur le diagnostic qu'une France idyllique permettant à ses responsables de vivre en apesanteur et dans la grâce.
Nous savons que la France a pris du retard, nous savons que nous avons un travail difficile à faire. Nous savons que nous avons un travail de fond à réaliser, que le pays attend et sur lequel nous serons jugés. Durant tout l'été, vous comme moi, nous avons rencontré les Français, on a bien vu que majoritairement ils nous soutenaient, mais qu'est-ce qu'ils nous disent ? Ils nous disent : "c'est bien, mais ne calez pas ; c'est bien, mais allez jusqu'au bout, ne nous décevez pas, pensez à la France, pensez à nous avant de penser à vous".
Eh bien je veux vous dire que nous allons non seulement les entendre mais que nous allons aller au devant de tous leurs désirs en accélérant le rythme des réformes. Nous y avons travaillé tout l'été avec le président de la République et avec le Gouvernement. Nous sommes prêts. Le président de la République nous a donné hier notre feuille de route sociale, il a fixé les objectifs, il a fixé le calendrier, il a fixé la méthode, eh bien il n'y a plus qu'à faire. Il n'y a plus qu'à faire quoi ? II n'y a plus qu'à sortir définitivement la France de l'impasse des 35 heures. C'est la raison pour laquelle le président de la République a souhaité, qu'au-delà du texte que nous avons voté au mois de juillet et qui permet la détaxation des heures supplémentaires, on modifie les règles du dialogue social pour faire en sorte que ce soit dans les entreprises que puissent avoir lieu les négociations et les accords sur cette question des heures supplémentaires et sur le temps de travail pour que, tous les Français, tous les salariés français, quelle que soit l'entreprise dans laquelle ils se trouvent, quelle que soit la branche dans laquelle ils travaillent, puissent bénéficier de cette liberté de "travailler plus pour gagner plus".
Qu'est-ce qu'il y a à faire ? Organiser un meilleur marché du travail. "En fusionnant l'ANPE et l'Unedic". Les mots du président de la République sont clairs. Il ne s'agit pas de biaiser, il ne s'agit pas de fusionner les réseaux, il s'agit de fusionner l'ANPE et l'Unedic, pour faire en sorte que les chômeurs, les demandeurs d'emplois, aient un véritable service à leur disposition pour les accompagner et leur permettre de retrouver le plus rapidement possible un emploi.
Et naturellement, cette réorganisation du marché du travail s'accompagnera d'un contrôle plus strict et de sanctions pour ceux qui ne respectent pas les règles que la collectivité a choisies. Et enfin, d'une réforme profonde de la formation professionnelle, parce qu'il faut pouvoir utiliser les périodes pendant lesquelles certains de nos concitoyens n'ont pas d'emploi, pour assurer leur remise à niveau et leur formation professionnelle. Vous savez qu'aujourd'hui les moins qualifiés sont ceux qui ont le moins accès à la formation professionnelle.
Le président de la République nous a demandé de mettre en oeuvre les outils d'une politique de négociation salariale plus ambitieuse. Il nous a demandé de réaliser une réforme profonde du contrat de travail. Il nous a demandé de mettre en place le revenu de solidarité active. Et enfin, il nous a demandé d'engager une vraie réforme de l'assurance maladie, dont l'objectif ne soit pas seulement de modérer la croissance du déficit, mais de supprimer le déficit, en répondant aux attentes qui sont celles de nos concitoyens quant à la qualité des soins. Il nous a demandé de mettre en place le cinquième risque. Et enfin, il nous a demandé de poursuivre la réforme des retraites, engagée en 1993, poursuivie en 2003, avec, notamment, la réforme des régimes spéciaux que les Français attendent, parce qu'il s'agit d'une réforme d'équité, et parce que, sans cette réforme d'équité, nous ne pourrons pas continuer la marche en avant pour permettre la sécurisation des régimes de retraites.
Eh bien, mes chers amis, toutes ces réformes doivent être engagées avant la fin de l'année. Bien entendu, nous allons donner la priorité absolue à la négociation. Et je sais par expérience que les partenaires sociaux auront à coeur d'assumer leurs responsabilités. Je sais qu'ils ne se déroberont pas, parce qu'après tout, ils sont comme nous : ils sont sous le regard de l'opinion, ils sont sous le regard de leurs mandants, ils sont sous le regard de la France, et ils savent qu'ils ont une responsabilité essentielle à jouer pour permettre à notre pays de se moderniser.
Ces réformes, ne vous y trompez pas, ce sont des réformes structurelles que nous allons mener durant cet automne et au début de 2008, et qui vont déterminer ensuite tout le reste du quinquennat. J'ai la conviction que le mouvement est en marche. Et d'ailleurs, dès cet après-midi, je réunirai dans une heure les ministres concernés, et au premier rang d'entre eux, Xavier Bertrand, Christine Lagarde et Roselyne Bachelot, pour mettre en place le calendrier des réformes et coordonner la mise en oeuvre des orientations fixées par le président de la République.
L'agenda social est chargé. On pourrait penser qu'il va nous occuper tout l'automne. La vérité c'est qu'il ne résume pas le programme de travail qui sera le nôtre. Au-delà de cet agenda social, vous avez engagé aujourd'hui la réforme du regroupement familial et le texte sur l'immigration qui est un texte fondamental pour nous donner les outils de l'immigration "choisie" que nous souhaitons mettre en oeuvre. Et je veux dire d'ailleurs à ce sujet, qu'après en avoir débattu avec les groupes, avec chacun d'entre vous, le Gouvernement a décidé d'apporter son soutien à l'amendement de Thierry Mariani sur le recours à l'ADN, avec un certain nombre de garanties supplémentaires que nous avons demandées, et dont j'espère que vous accepterez les sous-amendements qui les permettront. Il s'agit de veiller à la liberté de choix ; il s'agit de veiller à ce que ces textes ne soient pas accessibles seulement à ceux qui en ont les moyens en permettant le remboursement ; et il s'agit enfin d'expérimenter cette formule, en se donnant rendez-vous dans deux ans pour la remise à plat de la loi de bioéthique, dont nous pourrons débattre au regard de cette expérience.
Vous allez devoir vous prononcer sur la ratification du protocole de Londres, longtemps repoussée. Je veux vous dire qu'il s'agit d'une réforme essentielle pour les entreprises françaises et en particulier pour les PME françaises qui sont handicapées par un système qui leur coûte extrêmement cher et qui explique pour une part que nous soyons parmi les grands pays développés, un de ceux qui dépose le moins de brevets.
Nous allons discuter de la loi de finance. Je veux vous dire que nous la préparons en respectant scrupuleusement les engagements que nous avons pris devant nos partenaires européens, et d'ailleurs des engagements que nous avons en réalité pris devant tous les Français, car tous les Français ont intérêt à ce que nous sortions de la situation de déficit et d'endettement qui est la nôtre. Nous allons débattre du PLFSS et des franchises médicales. Nous allons débattre avant la fin de cette année de la modernisation de nos institutions politiques, à partir des travaux que mène la Commission présidée par Edouard Balladur. Nous allons débattre d'un plan banlieue.
Nous allons continuer notre effort pour assurer une meilleure sécurité des Français avec la loi pénitentiaire, avec la loi annoncée par le président de la République cet été sur les délinquants sexuels récidivistes, et s'agissant de l'extérieur, avec le débat sur la loi de programmation militaire, qui est un débat essentiel, non seulement pour la sécurité des Français mais pour la sécurité de l'Europe. On voit bien la montée des menaces autour de l'Europe, on voit bien la montée des menaces autour des pays développés, on voit bien à quel point l'Europe a besoin de se doter d'une capacité de défense qu'elle a toujours pour l'instant hésité à construire, et on voit bien que cette capacité de défense, elle se construira sur les armées, sur les outils militaires qui eux ont une vraie crédibilité, et c'est naturellement le cas de l'outil militaire français.
Nous préparons la présidence de l'Union européenne, ce sera aussi l'un des objets de nos travaux cet automne. Je veux vous rappeler que cette présidence française de l'Union européenne sera la dernière du genre, puisque après on passera au système qui permettra l'élection d'un président de l'Union sur une durée bien plus longue, c'est dire si cette présidence est fondamentale, si elle est historique. Vous avez pu constater cet été que la France se faisait entendre en Europe, elle a ouvert la voie de la sortie de la crise institutionnelle avec le traité simplifié, elle a émis des idées sur la crise financière que nous sommes en train de connaître, c'est quand même tout à fait extraordinaire d'imaginer que tous les pays européens peuvent se réunir, les ministres des Finances, sans même aborder la question de la crise financière qui menace ou qui pourrait menacer la stabilité de nos économies. Nous avons convaincu nos partenaires européens d'accepter la mise en place d'un comité des sages qui va permettre de réfléchir aux frontières de l'Europe, et à l'identité de l'Europe, et je vous demande de réfléchir au débat sur l'élargissement de l'Europe au regard du travail qui va d'abord être fait pour fixer les frontières de l'Europe, dans un projet commun sur lequel naturellement nous aurons à nous prononcer.
Voilà, messieurs les présidents, mes chers amis, le programme de travail qui sera celui de cet automne pour notre majorité. Je ne vous propose pas un chemin de roses, je vous propose de la sueur et des séances de nuit, mais je veux simplement vous dire qu'à la fin de l'année, ma seule ambition, ma seule volonté c'est que vous soyez fiers de votre Gouvernement et de votre majorité, que la France ait réellement été remise en mouvement, et que vous puissiez aller à l'approche des élections municipales, au devant des Français en les regardant dans les yeux, et en leur disant : nous, nous ne vous avons pas trahi.
Merci.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 20 septembre 2007