Interview de M. Hervé Morin, ministre de la Défense et président du Parti le Nouveau Centre, à Télé Toulouse le 17 septembre 2007, notamment sur les priorités de la politique de défense et sur la place de son parti le Nouveau Centre dans la vie politique.

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PIERRE ESPLUGAS : Bonjour à tous, merci de nous retrouver pour ce nouveau numéro de "Parlons politique". Nous accueillons Hervé MORIN le ministre de la Défense et président du Parti le Nouveau Centre. Monsieur, bonjour et merci d'avoir accepté l'invitation de TLT. Hervé MORIN tout d'abord, un mot sur vos activités au titre de ministre de la Défense, vous êtes présent aujourd'hui à Toulouse pour participer aux universités d'été de la Défense qui ont pour objet de réfléchir à ce que sera la défense demain. Alors précisément, à quoi ressemblera cette défense de demain ?
R - Nous sommes engagés à l'heure actuelle dans un vaste travail de réflexion, d'analyse à travers trois exercices, d'une part un Livre Blanc qui va redéfinir la stratégie de défense de notre pays pour les 15 années qui viennent, de cette stratégie, de la réflexion sur nos alliances, de l'analyse des menaces et des risques, nous en tirerons un format pour nos armées, des missions pour nos forces armées et donc bien entendu après cela un certain nombre de réorganisations. Nous avons cet exercice-là, nous avons un deuxième exercice qu'on appelle la revue des programmes, c'est-à-dire d'analyser chaque programme d'équipement militaire, de voir combien ça a coûté, combien ça va coûter, pour quel objectif quantitatif et d'examiner si tous ces programmes-là sont bien utiles et quelles sont les priorités que nous devons fixer et nous avons un troisième exercice concomitant qu'on appelle d'un mot barbare et technocratique, la revue générale des politiques publiques, c'est-à-dire d'examiner sur chaque structure du ministère, sur chaque système d'organisation, comment on peut arriver à dépenser mieux, à éviter les doublons, à mutualiser les services etc. Et donc de tout cela, nous aurons des arbitrages du président de la République et une loi de programmation militaire qui sera débattue au Parlement à la fin du printemps prochain.
Q - Justement, le président de la République parle ici d'une réflexion sans tabou, le président de la Commission qui est en train de rédiger le Livre Blanc, parle de remise en cause importante. Est-ce que d'ores et déjà, on connaît ces remises en cause ? Quelles sont-elles dans l'avenir ?
R - Il y a des choses absolument inflexibles auxquelles on ne touchera pas mais qui peuvent néanmoins faire l'objet de modifications. Je pense par exemple à la dissuasion. Bien entendu, il est absolument inconcevable qu'on touche à ce qui constitue une espèce d'assurance vie du pays, et qu'en revanche on examine les moyens qui permettent d'aller vers cette dissuasion, ça fait partie des sujets que nous aborderons. Sans tabou, sans préjugé, c'est aussi par exemple de voir comment on articule mieux, volonté de construire l'Europe de la défense et relation avec l'OTAN.
Q - Sur cette Europe de la défense, est-ce qu'elle est possible, elle a été difficile pendant la guerre en Irak, les Anglais ou plutôt les Britanniques ont été tentés par une alliance avec les Américains, et pas par une alliance avec d'autres partenaires européens.
R - Oui c'est vrai que souvent nous sommes seuls à porter cette idée du construire une Europe de la défense, mais nous avons une part de responsabilité dans les difficultés de cette Europe de la défense, c'est que nous sommes dans l'OTAN, pas dans le système militaire intégré, mais nous participons à l'alliance Atlantique, nous sommes parmi les meilleurs élèves dans ce qu'on appelle les générations de force, c'est-à-dire la constitution des forces pour les théâtres extérieurs, mais nous apparaissons souvent au sein de l'alliance comme ceux qui chipotent, qui sont les mauvais coucheurs, etc. Et donc nos partenaires européens qui sont eux très attachés à l'OTAN parce que ça fait 60 ans que leur assure une sécurité quel que soit le contexte, se disent, mais si on va vers l'Europe de la défense, est-ce qu'on ne va pas lâcher la proie pour l'ombre. Et donc il faut qu'on ait un comportement plus positif au sein de l'alliance atlantique pour que nos partenaires éventuellement souhaitent aller vers l'Europe de la défense. Ca c'était une part du sujet. La deuxième part du sujet, c'est que nous allons prendre la présidence de l'Union européenne l'année prochaine et donc, dès lors que le président de la République m'aura donné son feu vert sur les orientations que je suis en train de lui proposer, j'ai l'intention de faire le tour des capitales européennes pour voir sur quel sujet on compte avancer, mais on en peut pas continuer à laisser en totalité notre sécurité et éventuellement la remise... rétablir la stabilité de tel ou tel pays comme on l'a fait dans les Balkans en laissant ça aux mains des Américains.
Q - Un mot encore sur le futur de la défense, est-ce que ce futur passe par une réduction des effectifs ?
R - On verra ce que donneront les conclusions...
Q - La question se pose.
R - J'entends bien, on verra ce que donneront les conclusions du Livre Blanc. La réduction des effectifs, si ça ne touche pas les forces opérationnelles, j'allais dire, si ça permet en même temps d'améliorer la condition militaire, moi je préfère une armée un peu moins nombreuse où on a réfléchi aux implantations, où on a réfléchi aux services, où on a réfléchi à l'organisation territoriale du ministère. Pourquoi par exemple encore avons-nous des régions militaires au sein de l'armée de terre ? Est-ce que ça se justifie bien dès lors que ce système avait été pensé du temps du pacte de Varsovie, du temps de cette relation entre l'OTAN et le pacte de Varsovie ? Est-ce que, s'il s'agit de faire en sorte que grâce à ces efforts, nous soyons en mesure d'avoir une armée avec des militaires mieux payés, mieux équipés, et qui ont des conditions de travail meilleures, je crois que personne ne peut le regretter. J'ajoute une chose, cette année nous connaissons une réduction des effectifs avec le non remplacement d'un départ sur deux à la retraite. Ce non remplacement va nous permettre d'avoir un plan de revalorisation de la condition militaire de 100 millions d'euros, on n'a jamais eu un plan pareil, ce qui veut dire clairement que si on fait des efforts, eh bien on pourra améliorer la situation du quotidien et c'est ça que je souhaite.
Q - Deux questions très précises sur Toulouse et l'industrie de la défense. Premièrement à propos de l'A-400M, l'AIRBUS, l'avion de transport militaire d'AIRBUS, on parle de retard, pour quand la première livraison ?
R - J'en ai parlé avec le président GALLOIS pas plus tard qu'il y a quelques jours à Paris et il a évoqué ce matin devant moi encore cette question aux universités d'été de la Défense, il y a un problème sur les moteurs lié au fait qu'on ait des systèmes où il y a énormément de partenaires industriels et donc ça complique l'assemblage de l'ensemble des... tout du moins l'organisation de l'ensemble du programme. De toute évidence, on va prendre un peu de retard sur les premiers essais, donc probablement un peu de retard sur les premières livraisons, de toute évidence, ce serait un retard de quelques mois.
Q - Deuxième question : GALILEO, l'équivalent du GPS américain, a priori le siège du concessionnaire devait être à Toulouse, ce système a des applications militaires, est-ce que c'est toujours d'actualité ?
R - C'est un programme absolument majeur. Tout ce qui relève du spatial est absolument capital, ça fera partie des objets de mes discussions avec les partenaires européens. Si vous voulez être souverain, si vous voulez avoir votre propre capacité d'analyse, si vous voulez appréhender vous-même telle ou telle crise, vous devez avoir les moyens d'observation, de renseignements et de communication qui vous sont propres et pour cela, il faut que l'Europe constitue ce système...
Q - C'est d'actualité ou pas ?
R - Oui c'est toujours d'actualité et j'espère bien qu'on finira par le faire.
Q - J'en viens maintenant à vos activités de président du Nouveau Centre, expliquez-nous, le Nouveau Centre c'est quoi ? Pourquoi ? Comment ?
R - Ah, le Nouveau Centre c'est quelque chose d'extrêmement simple, c'est un Parti politique qui est parti du constat que le Modem a décidé de fermer la porte à la majorité présidentielle et que nous, nous souhaitons réinscrire un centre et un centre droite dans la majorité présidentielle comme l'UDF l'a été il y a quelques années.
Q - C'est un Parti créé contre François BAYROU, contre le Modem ?
R - Non, c'est un Parti qui a constaté que le centre centre droite qu'occupait l'UDF a été abandonné par le Modem et qu'il y a une place historique dans le pays de tout temps qui existe, j'allais dire depuis des siècles, une formation politique de centre droite profondément européenne qui croit en l'économie de marché, mais qui dit que l'économie de marché ne doit pas tenir l'ensemble des manettes.
Q - Vous insistez souvent sur l'autonomie par rapport à la majorité présidentielle et par rapport à Nicolas SARKOZY, par rapport à l'UMP, comment concrètement peut se manifester cette autonomie ?
R - Vous le verrez sur certains sujets, nous l'avons déjà fait sur les débats fiscaux cet été au Parlement ; vous le verrez sur un sujet extrêmement simple qui est la révision de la Constitution. Nous avons un certain nombre d'exigence dans le cadre de la révision de cette Constitution, l'introduction d'une dose de proportionnelle, l'introduction du principe de neutralité de l'Etat dans les nominations dans la haute fonction publique ; la restauration du droit du Parlement, la fin du cumul des mandats et toute une série sur lesquelles nous souhaitons moderniser la démocratie et on se fera entendre. Deuxième exemple si vous en voulez un autre, nous avons porté durant la campagne électorale, le "small business act" à la française, c'est-à-dire une loi en faveur des petites et moyennes entreprises, nous l'avons fait inscrire dans le programme de la majorité, il sera débattu au Parlement à la fin de l'année. La politique c'est aussi la possibilité non pas d'être toujours dans l'analyse, la critique observation, le "ah mais moi j'aurais peut-être fait un peu mieux" ; c'est aussi d'être dans l'action et c'est ça que nous avons voulu faire au soir des élections présidentielles.
Nous avons à l'heure actuelle un nombre considérable de personnes qui, dans toutes les villes de France se disent, mais moi j'ai été à l'UMP, mais j'ai toujours été UDF, j'ai envie de revenir chez vous, j'ai été au Modem mais la démarche de François BAYROU ne me plaît pas, j'ai envie d'être avec vous. Des personnes de cette région importante qui sont plutôt considérés de gauche qui nous disent, votre démarche nous intéresse parce qu'on n'a pas envie d'être à l'UMP mais on trouve que ce que vous faites au niveau national, la démarche de Nicolas SARKOZY, la vôtre, etc, nous plaît. Et donc vous verrez, à Toulouse, je peux vous garantir une chose, vous aurez quelques surprises assez formidables.Source http://www.le-nouveaucentre.org, le 20 septembre 2007