Déclaration de M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur la défense des intérêts de l'agriculture françaises lors des futures négociations multilatérales de l'OMC, Paris le 28 janvier 1999.

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Circonstance : Journée nationale FNSEA sur les négociations commerciales multilatérales

Texte intégral

Messieurs les Présidents, Mesdames et messieurs,
Au terme de cette journée de débats particulièrement riches, il me revient le rôle difficile de tracer quelques perspectives en guise de conclusion.
1. Un mot, avant de commencer, pour remercier M. GUYAU et M. HERVIEU davoir organisé cet échange de vues sur les futures négociations multilatérales et les intérêts de lagriculture française.
Cette réunion vient à point, alors que nous entrons dans la dernière phase de la négociation de la réforme de la PAC, et que nous nous préparons à engager la réflexion sur les prochaines échéances multilatérales à lOMC.
Le travail, sur ce volet, ne fait que commencer. Nous ne pourrons vraiment discuter de manière précise des prochaines échéances, quune fois conclu le débat intra-communautaire sur la PAC. Mais cette réunion a permis un premier échange de vues. Il faudra évidemment quil y en ait dautres. Nous sommes convenu avec Jean GLAVANY dorganiser ensemble, dans les prochains mois, tous les contacts qui seront nécessaires pour bien préparer la future négociation de lOMC.
2. Mais avant den venir aux négociations proprement dites, je voudrais dire quau vu des résultats de cette année, comme de ceux des années passées, il y a quelques raisons dêtre optimiste pour lagriculture française.
Cette année, comme lannée dernière, les produits agricoles ont représenté un gros tiers de notre excédent, 60 MdF environ, contre un excédent total qui devrait être de lordre de 160 MdF.
Cest un résultat qui frappe par sa régularité. En 1998, malgré la crise en Asie et en Russie, nos exportations agricoles se sont maintenues, y compris hors dEurope. Nos échanges industriels, vous le savez, ont connu des variations brutales au cours des dernières années (déficit de -80 MdF en 1990, excédent de 100 à 110 MdF cette année). Ce nest pas le cas de nos résultats dans le domaine agricole qui tournent autour de 50 MdF depuis de nombreuses années. Cest un facteur important de stabilité.
Enfin, ces résultats sont le produit dune agriculture qui a fait de réels progrès, au cours des dernières années, en termes de compétitivité et de qualité. Cest dire que nous sommes bien placés pour continuer à miser sur le développement international de nos produits et de nos entreprises du secteur agro-alimentaire.
La loi dorientation agricole permettra de continuer à progresser dans la même direction, en contribuant au maintien de lemploi et au respect de lenvironnement, mais aussi à la qualité des produits, et par là à la compétitivité de nos agriculteurs, les grandes mais aussi les petites et moyennes exploitations.
3. Comment faire pour que les négociations internationales ne remettent pas en cause les progrès réalisés ?
La première étape, cest évidemment la réforme de la PAC. Cest un sujet difficile tant il est complexe de bien doser lampleur de la réforme adaptée à chaque secteur. Je ny reviens pas, sinon pour dire que la conclusion de cette discussion dans les délais prévus est évidemment la première chose dont nous avons besoin pour préparer la négociation à lOMC. Les préparatifs pour la réunion des Ministres à lOMC en novembre 1999 vont entrer dans une phase plus active. Pour être efficace, il est très important que nous nous soyons mis daccord entre nous. On ne négocie efficacement à lOMC que lorsque la position européenne est solidement arrêtée. Cest cela qui permet de donner un mandat clair aux négociateurs de la Commission. Sans cela, nous risquons en outre de nous trouver en porte à faux perpétuel. On ne peut pas négocier à la fois la réforme en interne et se défendre en externe contre des attaques sur lagriculture. Ce schéma doit naturellement saccompagner dune grande vigilance pour ne pas sexposer à de doubles concessions qui remettraient en cause la réforme que nous souhaitons voir adoptée au sein de lUnion européenne.
4. Au-delà nous déciderons, à la fin de lannée des conditions de la reprise des négociations à Genève.
LOMC, avec son système de règlement des conflits qui est maintenant contraignant, a prouvé son efficacité. La querelle euro-américaine sur la banane montre quil est très important de consolider encore ce dispositif.
La crise des pays émergents doit nous inciter dans le même temps à renforcer les règles du commerce international. A lévidence, il y a là pour nous tous un très large chantier.
Cest pour cela quil parait nécessaire de rechercher un cycle large, allant au-delà des sujets traditionnels que sont lagriculture et les services.
Je crois que cest aussi la bonne approche pour lagriculture. Cest comme cela que nous pourrons prendre en compte tous les aspects de la libéralisation susceptibles de toucher lagriculture (questions sanitaires, environnementales, par exemple). Il sagit davoir une palette plus large pour mieux répondre aux attaques contre lagriculture européenne, et pour imposer le principe de réalisme à lensemble des secteurs soumis à négociation.
5. Ainsi, il ne faut pas se priver de dénoncer certaines pratiques dautres Etats pour que la négociation agricole ne se focalise pas uniquement sur les sujets traditionnels que sont les subventions et les tarifs douaniers. Laide alimentaire, est un sujet important. Il ne faut pas, comme le font parfois certains de nos partenaires, mélanger objectifs commerciaux et humanitaires. Cest la raison pour laquelle la Communauté, à linitiative de la France, a refusé dentériner un accord international sur laide alimentaire (la Convention de Londres) qui ne mettrait pas certaines limites à ces pratiques déstabilisatrices. De même, la protection des indications dorigines géographiques, particulièrement importantes pour nos exportations de vins et spiritueux, pourrait faire lobjet de disciplines renforcées.
Enfin, il y a ici et là des monopoles dexportation qui fonctionnent de manière peu transparente. Ce sujet doit aussi être sur la table des négociations.
6. Dans les domaines sanitaires et environnementaux, nous devons cheminer sur une voie étroite : il faut préserver et améliorer encore le haut niveau de protection sanitaire qui existe en Europe, il faut tenir compte de nouvelles demandes de la société en matière denvironnement et préserver la compétitivité de notre agriculture en améliorant toujours la qualité de nos produits. Toutefois, nous souhaitons que les nouvelles normes sanitaires et environnementales soient fondées sur des critères objectifs. Ces thèmes devront être abordés dans les prochaines négociations, même sils ne sont pas - tant sen faut - uniquement liés à lagriculture.
7. Un mot enfin, sur la durée du Cycle. La Commission propose que celles-ci soit fixée à 3 ans. Dans le cas de lagriculture, une durée longue peut se révéler dangereuse en raison de lexpiration de la clause de paix en 2003. Il est toujours plus difficile de négocier avec une épée dans le dos et une menace dactions contentieuses à lOMC contre les subventions agricoles communautaires. Il y a une deuxième raison plus fondamentale. Si nous réussissons à " consolider " tout ou partie de la réforme de la PAC à lOMC, nous aurons gagné en stabilité pour lavenir. Mais il faut pour cela éviter quun laps de temps trop grand ne sécoule entre la réforme de la PAC et la conclusion de la négociation OMC. Il serait irréaliste de vouloir consolider à lOMC en 2006 une PAC réformée en 1999 par exemple. Enfin, le processus délargissement de lUnion sera sans aucun doute un facteur de nature à compliquer une négociation qui se prolongerait au-delà de trois ou quatre ans.
La négociation multilatérale doit être maîtrisée et équilibrée : il faudra à la fois défendre le socle de notre politique agricole et obtenir des ouvertures de marché encore plus grandes chez les grands importateurs de produits agricoles. Cest avec cet objectif et cette ambition que lagriculture française continuera à se développer.
(Source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr)