Interview de M. Jean-Louis Debré, président du groupe parlementaire RPR à l'Assemblée nationale, à RTL le 30 janvier 2001, sur la polémique concernant les statistiques de la criminalité et de la délinquance en 2000 et sur les propositions du RPR en matière de sécurité.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

O. Mazerolle - Après les violences de La Défense, comment expliquez-vous que la police n'ait pu se livrer qu'à une seule interpellation sur place ?
- "Je ne veux pas parler de l'affaire de La Défense. Ce que je constate simplement, c'est que depuis quatre ans, le bilan de la gauche..."

Sur la Défense, tout le monde se dit : bataille rangée, plusieurs centaines de jeunes, des armes, une interpellation. Comment expliquez-vous ça en tant qu'ancien ministre de l'Intérieur ?
- "Je n'étais pas sur place. Je pense qu'effectivement on aurait dû intervenir plus. Je pense qu'il y a un laxisme aujourd'hui qui fait qu'on essaye de calmer les choses en n'intervenant pas, et je pense que le Gouvernement se trompe."

Croyez-vous qu'il y a une incapacité de la police nationale à faire face à ce genre de situations ?
- "Non, il y a une incapacité du pouvoir actuel, du Gouvernement, à donner les moyens à la police de fonctionner correctement. Je voudrais prendre un chiffre : dans le budget 2001, il est prévu 148 453 emplois de policiers soit 1 428 policiers en moins que l'année précédente. Le Gouvernement est très fort dans les incantations, très fort dans les colloque, mais il ne donne pas aux policiers les moyens d'exercer leurs missions. Ils créent des ADS - adjoints de sécurité -,mais il ne les encadre pas. Bref, comme la situation que nous avions trouvée après dix ans de pouvoir socialiste - la police n'était plus en été de fonctionner -, quatre ans après l'arrivée au pouvoir de la gauche, ils ont recommencé à paralyser l'action de la police."

Pourtant, J.-P. Chevènement n'a pas donné le sentiment d'être un ministre de l'Intérieur inactif ?
- "Il a créé ou généralisé la police de proximité dont le concept avait été imaginé par l'un de ses prédécesseurs, M. Joxe. Mais la police de proximité, c'est une police qui a besoin de beaucoup d'hommes. Or, les effectifs n'ont pas suivi."

Le Gouvernement se préparerait aujourd'hui à multiplier les zones d'action pour la police de proximité en notant que là où elle peut déjà agir, la délinquance est en régression.
- "Chaque fois qu'il y a un problème, chaque fois qu'il y a une difficulté, effectivement le Gouvernement fait des effets d'annonce. Simplement, faisons attention aux statistiques. Lorsque j'étais magistrat, il y avait les crimes, les délits, et les contraventions ; aujourd'hui, on a créé une nouvelle catégorie : les incivilités et on ne met pas dans toutes ses statistiques les incivilités. Il y a en France, depuis quelques années, un redémarrage de l'insécurité. Je prends des exemples qui apparaissent dans des statistiques - pour les cacher on va faire des effets d'annonce : 13 % d'augmentation de vols à main armée, 10 % d'augmentation de vols avec violence. Dans les banlieues, il y a de nombreuses voitures qui flambent et qui sont détruites."

Cela existait déjà de votre temps.
- "Oui, mais pas à ce point-là. Nous avions essayé progressivement, quartier après quartier - j'ai essayé de le faire quand j'étais ministre de l'Intérieur à Evreux en créant une brigade spéciale, à Dreux également, dans la région parisienne - avec des policiers confirmés et des policiers qui avaient été formés spécialement, nous avons essayé de reprendre rue par rue. Aujourd'hui, on fait des discours."

Vous proposez une solution en mettant le maire des communes au coeur du dispositif de sécurité. Qu'est-ce que cela pourrait changer ?
- "Je pense qu'il faut bien distinguer entre la petite délinquance et la délinquance plus importante. Le maire est responsable de la sécurité et de la tranquillité dans sa commune. L'action de la police doit se faire avec et en harmonie avec les élus. Et le maire doit pouvoir présider une sorte de conseil de la sécurité municipale qui va fixer des objectifs, qui va, avec les policiers, préparer un certain nombre d'opérations. La lutte contre l'insécurité, ce n'est pas simplement le fait de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, mais c'est le fait de tous les acteurs d'une commune, dont le maire, dont les associations, dont les enseignants."

Quelle différence dans votre proposition avec les contrats locaux de sécurité qui ont été mis en place par le Gouvernement ?
- "Il y a une différence très nette et très forte : le maire va pouvoir assigner des objectifs très précis. Ce n'est pas seulement un organisme consultatif, c'est un organisme de décision. Je souhaite même qu'on aille plus loin encore dans l'expérimentation d'une structure où le maire va enjoindre la police de faire dans tel quartier telles opérations."

Y a-t-il vraiment un débat politique ? Quand on lit le discours de J. Chirac à Dreux, il parle de la responsabilité de chacun, du rôle des parents et quand on lit L. Jospin quelques heures plus tard à la Réunion, il dit qu'il faut intervenir auprès des parents et faire appel à la responsabilité de chacun ?
- "Il y a une volonté politique. Je constate simplement que lorsque nous étions aux responsabilités, la délinquance et la criminalité - c'était les statistiques qui le montraient - avaient tendance - insuffisamment évidemment - à diminuer. Or aujourd'hui, avec le Gouvernement actuel, avec sa politique d'incantations et non pas de réalisations, la délinquance et la criminalité ont tendance à remonter de manière très inquiétante."

Vous êtes sûr de cela parce que le Gouvernement dit que c'est la délinquance en col blanc qui progresse ?
- "J'ai les statistiques du ministère de l'Intérieur."

Elles ne sont pas encore publiées !
- "Elles sont publiées dans chaque préfecture. Vous avez ici la note du budget du ministre de l'Intérieur que je tiens à votre disposition, et vous avez ici le graphique. Les statistiques étaient publiées, quand j'étais aux responsabilités, tous les mois. Là, on a fait en sorte de ne les publier que tous les trimestres, et maintenant une fois par an. Je vous remets l'évolution de la criminalité et de la délinquance en France, police nationale et gendarmerie nationale, et vous voyez ce que je viens de vous dire, à savoir que dans les années 1994 à 1997, la criminalité et la délinquance constatées ont baissé. Or, depuis 1997 et 1998 et jusqu'à aujourd'hui, elle a tendance à augmenter. Alors, on peut finasser, on peut maquiller la vérité mais les chiffres sont là. D'ailleurs, s'il y a aujourd'hui un Gouvernement agité sur ces questions..."

Il est piqué au vif par le Président de la République !
- "Il est piqué au vif par la réalité qu'il n'a pas vue parce qu'il s'est caché derrière des mots et derrière des formules."

La fusion de la droite : ce sont des mots, des formules, des réalités ? M. Alliot-Marie n'en veut pas beaucoup. Vous êtes d'accord avec elle ?
- "Il y a la réalité. Quelle est-elle ? Vous savez que je suis à l'Assemblée nationale partisan - et nous la pratiquons, c'est une réalité - de l'union de l'opposition. Qu'est-ce que je crois ? Il faut réunir nos réflexions et nos projets. Il faut accorder nos stratégies. Il faut harmoniser nos objectifs et il faut favoriser le renouvellement de la vie politique par l'accès aux responsabilités de nouveaux hommes et de nouvelles femmes. Pour ce faire, et ce n'est pas la première fois que je le dis, il faut créer une fondation nationale de l'opposition républicaine. Cette fondation aura comme but à la fois de chercher à rassembler dans un projet précis, lisible, compréhensible par tous les Français, toutes les réflexions des partis politiques, des groupes politiques et des clubs. Et puis, partons de cette harmonisation du travail en commun et allons progressivement vers une structure plus unitaire mais qui respectera la diversité des formations politiques. On ne créé pas l'union comme ça : nous avons en France un mode des scrutin, qui est le scrutin majoritaire à deux tours, qui ne favorise pas l'Union. Et puis, nous avons des règles de financement de la vie politique qui ne sont pas des règles qui favorisent l'union. Il faut cependant aller vers cette union et nous irons vers cette union par la défense d'un projet et de propositions communes à l'ensemble de l'opposition."

(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 30 janvier 2001)