Texte intégral
Bonsoir à tout le monde. Comme vous le savez, je viens de rencontrer le Premier ministre birman en exil, le docteur Sein Win. C'est la troisième fois que nous nous rencontrons ces trois derniers jours. Après notre rencontre d'avant-hier et puis d'hier avec le président de la République à l'Elysée.
Les événements actuels évoluent dans un sens d'une exceptionnelle gravité pour l'avenir du pays parce que nous déplorons maintenant des morts. Depuis le début des manifestations, nous avons à de nombreuses reprises condamné la répression et demandé la libération de toutes les personnes emprisonnées, parmi lesquelles de nombreux manifestants.
J'ai voulu dire au Premier ministre birman en exil que la France se tient, conformément aux déclarations du président de la République d'hier, aux côtés des acteurs de la société civile birmane. Ces acteurs s'efforcent de promouvoir dans des conditions dramatiques la réconciliation et la transition pacifique de la Birmanie vers la démocratie.
Il est plus que grand temps que les autorités birmanes acceptent d'engager un authentique processus de réforme et de réconciliation nationale et avant tout de dialogue avec les opposants, plutôt que l'emprisonnement.
Le Quai d'Orsay avait déjà convoqué et avait été le premier à le faire, le représentant birman à Paris pour le mettre solennellement en garde contre toute tentative des autorités birmanes de réprimer par la force des manifestations qui ne sont que l'expression de justes revendications politiques et sociales.
Aujourd'hui même, notre ambassadeur à Rangoun a eu l'occasion de réitérer au ministre birman des Affaires étrangères ce message de fermeté. Nous tiendrons pour responsable la junte birmane pour les actes de brutalité qu'elle ordonnera à l'encontre des manifestants. Et comme l'a dit le président de la République, nous n'accepterons pas que l'opposition birmane soit muselée.
Et au nom de la responsabilité de protéger, nous souhaitons que le Conseil de sécurité recherche les moyens d'empêcher une aggravation de la situation.
Une première étape a été franchie, comme vous le savez, hier, à New York, sous présidence française du Conseil de sécurité qui a été réuni en urgence. Et pour la première fois, unanimement, le Conseil a lancé un appel à la retenue et soutenu la mission à Rangoun de l'Envoyé spécial des Nations unies, M. Ibrahim Gambari, qui est donc dans la région.
Nous restons, ainsi que le Conseil, attentifs à l'évolution de la situation. Sans attendre, l'Union européenne de son côté, a décidé ce matin de commencer à discuter des sanctions contre le régime birman.
C'est donc un message de fermeté, de solidarité et de détermination que je viens de transmettre à M. Sein Win.
Comme vous le savez, les Asiatiques ont un rôle déterminant et le Premier ministre birman en exil, le docteur Sein Win, a évoqué le cas de l'Indonésie qui peut être un acteur important dans la résolution du dialogue avec la junte birmane et je me suis engagée, parce que j'ai rencontré les autorités indonésiennes la semaine dernière, avec lesquelles j'ai d'ailleurs abordé la question de la Birmanie, de me remettre en contact avec ces autorités indonésiennes pour connaître leur position et les convaincre de nous accompagner dans le processus que nous avons engagé vis-à-vis de la junte birmane.
Intervention du Docteur Sein Win
Q - Il a été question d'un gel des investissements français, notamment du groupe français TOTAL en Birmanie qui est très implanté. Est-ce que vous confirmez aujourd'hui une action française à ce sujet ?
R - La déclaration du président était claire. Il a demandé aux sociétés françaises privées de ne plus faire d'investissements supplémentaires en Birmanie. Je crois qu'on ne peut pas être plus clair.
Q - Donc, le groupe TOTAL...
R - Donc, TOTAL est concerné également, puisque c'est une société privée française.
Q - Comment cela peut-il se passer concrètement ?
R - On a parlé des investissements ultérieurs éventuels.
Q - Ne pouvez-vous pas nous en dire plus ?
R - C'est l'idée qu'on ne peut plus investir en Birmanie, plus d'investissements supplémentaires.
Q - Et il y a une conséquence pour le groupe TOTAL ? Doivent-ils se retirer ou pas ?
R - On a parlé des investissements futurs éventuels. C'est cela le gel dont parlait le président de la République. On n'a pas dit plus, mais on verra quand je rencontrerai la direction de TOTAL ce qu'il en est pour la suite. La déclaration présidentielle était très claire en ce qui concerne les investissements supplémentaires éventuels.
Q - Une question sur les sanctions qui concerne les intérêts des généraux dans l'économie : les généraux reçoivent des royalties du fonctionnement ordinaire de TOTAL. Comment va-t-on gérer cette question, parce que bien sûr, on ne va pas démanteler les gazoducs qui vont entièrement en Thaïlande et pas du tout en Birmanie ?
R - L'Union européenne, depuis 1996, a mis en place des sanctions contre le régime birman, pas seulement un embargo sur les armes, mais le gel des avoirs des généraux birmans. S'agissant de l'interdiction pour nous d'investir dans les entreprises dans lesquelles la junte est partie prenante, nous avons déjà pris des mesures. La question aujourd'hui est de les renforcer encore plus. On verra dans quelle direction on part. Pour l'instant, tout cela se discute au Conseil de sécurité des Nations unies.
Pour le reste, la question que TOTAL se retire complètement de la Birmanie n'est pas encore posée en ces termes pour la simple raison que si TOTAL s'en va, on peut se demander si c'est vraiment efficace, ce qui va se passer. Il y aura une autre entreprise qui la remplacera.
C'est pour cela que ce qui est important, pour ces sanctions européennes dont on évoque la faiblesse, ce n'est pas tant leur faiblesse que leur caractère partiel. La clé est asiatique dans la mesure où les Occidentaux ont beau mettre en place des sanctions économiques, dans la mesure où la junte birmane a surtout des relations avec des pays asiatiques, les conséquences ne peuvent pas être globales. Donc, il faut associer, au niveau du Conseil de sécurité, les autres Etats asiatiques, notamment la Chine, l'Inde, l'Indonésie.
Q - Est-ce qu'on reproche aujourd'hui à la Birmanie au niveau européen ou français le fait qu'ils emploient des travailleurs forcés, que ce soit dans le cas de TOTAL ou d'autres ?
R - On condamne clairement le travail forcé quelles que soient les circonstances, quels que soient les auteurs. Vous ne me trouverez pas en train de dire que la France ou l'Union européenne acceptent le travail forcé. Pour le reste, je ne veux pas être le porte-parole de TOTAL. Je suis secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères. Je parle au nom de l'Etat. TOTAL est une entreprise privée. Je crois qu'ils ont eu l'occasion à plusieurs reprises entre hier et aujourd'hui de s'exprimer. Pour le reste, il faut leur demander, puisqu'ils ont dit qu'ils ne voudront pas mettre en place des actions qui nuiraient aux Droits de l'Homme. Il faudrait donc leur demander en quoi, si vous les voyez avant moi. Parce que je les verrai pour leur poser explicitement la question, mais je ne peux pas ici parler au nom de TOTAL.
Q - Pouvez-vous nous en dire plus sur le fait que vous souhaitiez vous rendre en Birmanie ? Est-ce que vous avez un visa ? Tout est organisé ? Vous y serez quand ?
R - Vous savez que ce genre d'affaire n'est jamais simple. Le président de la République, le ministre des Affaires étrangères, M. Bernard Kouchner, ont exprimé le souhait qu'un représentant français se rende à Rangoun. Vous savez que les sanctions européennes sur le plan politique prévoient qu'aucun représentant de l'Union européenne ou d'un pays de l'Union ne puisse s'y rendre. Ni le ministre, ni le président, ni moi, sauf circonstances exceptionnelles. En l'occurrence, ici, les circonstances exceptionnelles sont réunies. Aux Nations unies, Bernard Kouchner en a parlé avec ses collègues européens pour autoriser ce déplacement à Rangoun. C'était la première chose à faire. La deuxième chose, c'est qu'il faut agir maintenant auprès des autorités birmanes pour obtenir un visa. C'est ce que nous avons fait ce matin. Il est encore trop tôt, je n'ai pas encore de réponse. On attend.
Q - Quel serait l'objectif de ce voyage ?
R - L'objectif est d'affirmer notre soutien aux manifestants parce que si c'est bien depuis Paris d'évoquer notre soutien, les Birmans de l'intérieur méritent aussi que l'on puisse leur affirmer le soutien de l'Union européenne, puisqu'en l'occurrence, il s'agirait de l'Union européenne et de la France en particulier.
Q - Mais concrètement, vous allez rencontrer les dirigeants birmans ? Vous allez leur demander des mesures concrètes ?
R - Evidemment, nous n'en sommes pour le moment qu'à la procédure des visas. Donc, pour le contenu du programme, notamment avec les responsables birmans, nous le saurons dans les heures ou les jours qui viennent.
Q - Vous dites que vous voulez exprimer votre solidarité. C'est tout ? Vous n'avez rien d'autre de prévu ?
R - Vous savez que l'information sort difficilement de Birmanie ? Peut-être serait-il intéressant de se rendre compte sur place. Si je reste là, vous allez me dire : "Pourquoi n'y allez-vous pas ?". On ne peut pas plaire à tout le monde, mais en tout cas, sachez que nous y allons pour exprimer un message de solidarité aux manifestants et un message de fermeté à la junte. Pour les modalités, comprenez que ces choses prennent du temps et qu'elles viendront à leur heure lorsque nos échanges se concluront.
Q - Est-ce que la junte donne des signes de vie ?
R - La junte communique parce qu'aujourd'hui, le ministre des Affaires étrangères birman a réuni les ambassadeurs occidentaux notamment basés à Rangoun pour leur faire passer le message officiel des autorités birmanes. Et, par ailleurs, ils ont déjà aussi communiqué sur la reconnaissance du fait qu'ils ont employé la force face aux manifestants hier soir. Ce sont les deux principaux messages que nous avons officiellement de la junte.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2007