Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Bonjour, J.-P. Jouyet.
R.- Bonjour, J.-M. Aphatie.
Q.- L'affaire EADS continue de susciter beaucoup de commentaires, l'Etat actionnaire s'il savait qu'il y avait des problèmes, pourquoi a-t-il laissé les autres actionnaires vendre des actions ? Ou, s'il n'était pas au courant des problèmes de l'A380 début 2006, quelle était exactement son attitude autour de la table du Conseil d'administration ?
R.- Deux choses. La première, c'est que l'Etat actionnaire n'est pas en mesure et n'a pas les pouvoirs pour interdire la cession d'actions par des actionnaires privés dès lors qu'il n'est pas majoritaire dans une entreprise, ce qui est le cas d'EADS. Deuxièmement, il n'était pas au courant des difficultés de l'A380, d'après les informations qui sont en ma possession, à cette époque-là.
Q.- Il ne l'était pas ? Vous êtes catégorique, ce matin, là-dessus ?
R.- D'après les informations que je sais. D'après les informations, je ne suis pas ministre de l'Economie et des Finances, comme vous le savez, mais d'après les informations que j'ai, il ne l'était pas.
Q.- Donc mauvais actionnaire et mal renseigné, puisque d'après l'Autorité des marchés financiers, les actionnaires qui ont vendu les actions, eux, étaient au courant, sinon il n'y aurait pas de soupçons de délit d'initiés ?
R.- Comme je l'ai dit, et je crois être le premier à l'avoir dit, ces faits s'ils étaient confirmés - et l'enquête judiciaire devra se prononcer - sont extrêmement graves, s'ils étaient confirmés. Il y a plusieurs éléments qui dans cette affaire, sont choquants. Un délit d'initiés, bien sûr, s'il était prouvé, est choquant à cette échelle. Comme cela a été dit, cela nécessite également sur le plan moral de remettre, je crois sur l'ensemble de la table, tout ce qui a trait à la rémunération par le biais des stocks options parce que ça révèle très bien que ce système est inadapté. Admettons même que cela se soit fait à un moment où on considère que l'on devait vendre parce que les actionnaires considèrent qui sont arrivés au point où ils doivent vendre et que la situation, après, sera moins favorable au cours de Bourse. Admettons cette rationalité, ce qui quand même sur le plan moral est choquant c'est que quand on estime que l'on doit vendre à un certain moment et qu'après on estime que ça va mal aller, c'est aux salariés qui vont devoir les efforts. Et j'estime que là, il y a deux poids, deux mesures. Il y a des situations de confort, il y a des situations d'efforts qui sont demandés aux salariés ; et ça j'estime que le système ne peut pas continuer sur ces bases-là. Donc, il faut une moralisation de la vie financière extrêmement profonde, il faut que nous nous interrogions sur ce régime de rémunération des stock options. Je vois que durant l'année dernière, il y a un seul dirigeant d'entreprise, de grande entreprise du CAC 40 qui a renoncé à ses stocks options, c'est le PDG d'AXA. Je n'en connais pas d'autres. C'est un exemple, je crois, à suivre.
Q.- Donc, ce que vous dites, ce matin, J.-P. Jouyet, vous n'écartez pas l'hypothèse qu'en 2006, un actionnaire savait qu'il y avait des problèmes, et un autre pouvait ne pas savoir qu'il y avait des problèmes ?
R.- Ce que je dis - je ne connais pas le fond du dossier -, c'est à l'AMF qui est un gendarme de la Bourse extrêmement rigoureux...
Q.- L'AMF dit : "Les vendeurs connaissaient les problèmes".
R.- Je connais M. Prada, c'est un homme rigoureux. Si M. Prada et l'Autorité des marchés financiers l'ont dit, il y a quelque fondement, ce qui montre la gravité des faits. Il y a d'autres opérations qui suscitent interrogation. Le rôle de la Caisse des Dépôts, à cette époque-là, est pour moi quelque chose qui reste surprenant. Et je ne suis pas sûr qu'on ait demandé...
Q.- Pourquoi vous dites surprenant à la Caisse des Dépôts ?
R.- Parce que je ne vois pas en quoi la Caisse des Dépôts avait à prendre des participations dans ce cadre-là. La Caisse des Dépôts a fait une mauvaise affaire. D'ailleurs, le directeur général de la Caisse des Dépôts actuel, qui est A. de Romanet, qui est un homme tout à fait remarquable et d'une très grande intégrité, n'y est absolument pour rien mais ce qui montre qu'il a tout à fait raison de vouloir remettre de l'ordre dans cette institution.
Q.- Certains demandent que les documents confiés à T. Breton début 2006 par les représentants de l'Etat au Conseil d'administration, soient rendus publics. Vous y êtes favorable, J.-P. Jouyet ?
R.- Ils devront l'être dans une certaine mesure. Ils devront être remis à la Justice, bien évidemment.
Q.- Le plan de suppression d'emplois d'Airbus peut être remis en cause par cette affaire ?
R.- C'est une autre chose. EADS est une formidable aventure européenne. C'est un grand projet. Nous avons tout intérêt à faire en sorte qu'EADS reste compétitif, les dirigeants ont changé. Aujourd'hui, se trouve à la tête d'EADS, un homme, qui est L. Gallois, qui est d'une éthique absolument irréprochable, d'une grande intégrité. J'ai toute confiance en L. Gallois.
Q.- Les dirigeants allemands sont contents de tout ce déballage ?
R.- Les dirigeants allemands ? C'est une aventure franco-allemande. Là, ça n'a rien à voir avec ce qui est la solidarité franco-allemande et nous avons trouvé un très bon accord, comme vous le savez, au mois de juin dernier, entre N. Sarkozy et A. Merkel, nous devons continuer dans cette voie.
Q.- Vous participiez, J.-P. Jouyet, hier au côté du Président de la République, à son voyage officiel à Sofia en Bulgarie ; et c'est l'absence de C. Sarkozy qui a beaucoup étonné. Comment la justifiez-vous, J.-P. Jouyet ?
R.- Ecoutez, moi ce qui m'a surpris à Sofia, c'est le décalage entre les polémiques qui peuvent exister en France et véritablement l'enthousiasme qui régnait, hier, à Sofia, et la gratitude qui s'exprime à l'égard de la France, du Président de la République et de son épouse, et du rôle qu'elle a joué dans le cadre de ces négociations. C'était un rôle extrêmement important...
Q.- Mais on dit que les Bulgares étaient déçus de ne pas avoir vu C. Sarkozy. Vous le confirmez ?
R.- Ecoutez, ça n'a pas été exprimé dans le cadre des rencontres officielles que nous avons eues. Je rappelle aussi que cette rencontre avait pour but de préparer la présidence française. Comme vous le savez, le président de la République et le Premier ministre doivent se rendre dans l'ensemble des pays européens pour préparer cette présidence française. Ca avait également un aspect visite d'Etat dans ce cadre-là, et ce n'était pas uniquement consacré au sort des infirmières bulgares. C. Sarkozy a accompli un travail tout à fait remarquable... Ca a été salué par tous...
Q.- Et elle était absente. Pourquoi ?
R.- Mais elle était absente parce que dans un certain nombre de cas, et je peux le comprendre, d'un côté, vous dites qu'elle est surexposée, qu'il y aurait de l'overdose, et de l'autre côté, qu'elle est absente. Je comprends qu'elle choisisse la discrétion et je la respecte.
Q.- Vous êtes un ministre d'ouverture, J.-P. Jouyet. Qu'avez-vous pensé du ras-le-bol exprimé par les parlementaires UMP vis-à-vis de l'ouverture ?
R.- Ecoutez, j'en ai été à la fois attristé et, je dirais, un peu surpris. Je trouve que les Français acceptent l'ouverture, que N. Sarkozy a fait preuve d'un grand courage, que jusqu'à preuve du contraire, c'est N. Sarkozy qui a gagné les élections, qui a amené l'UMP à un succès. Je n'ai pas remarqué qu'il y ait eu les mêmes commentaires en 2002 lorsqu'un président de la République ayant gagné à 82%, n'a fait aucune ouverture.
Q.- J.-C. Trichet, président de la BCE, appelle à la discipline verbale sur l'euro. En clair : "Arrêtez de parler de l'Euro fort !" Qu'est-ce que vous lui répondez, J.-P. Jouyet ?
R.- Je dis que les problèmes de change sont de la responsabilité partagée des ministres de l'Economie et des Finances et du gouverneur de la Banque centrale européenne sur le plan du traité, et que la discipline verbale n'exclut pas le dialogue intelligent sur le plan économique.
Q.- L'euro est trop fort, J.-P. Jouyet ?
R.- La question des changes se pose...
Q.- Non, l'euro est trop fort ?
R.- Nous ne sommes pas les seuls à le dire. L'euro est à un niveau qui mérite que nous regardions les choses de manière approfondie.
Q.- Voilà, donc l'euro est trop fort ! J.-P. Jouyet était l'invité de RTL.
C. Hondelatte : C'est une traduction de J.-M. Aphatie. Traduction libre.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 5 octobre 2007
R.- Bonjour, J.-M. Aphatie.
Q.- L'affaire EADS continue de susciter beaucoup de commentaires, l'Etat actionnaire s'il savait qu'il y avait des problèmes, pourquoi a-t-il laissé les autres actionnaires vendre des actions ? Ou, s'il n'était pas au courant des problèmes de l'A380 début 2006, quelle était exactement son attitude autour de la table du Conseil d'administration ?
R.- Deux choses. La première, c'est que l'Etat actionnaire n'est pas en mesure et n'a pas les pouvoirs pour interdire la cession d'actions par des actionnaires privés dès lors qu'il n'est pas majoritaire dans une entreprise, ce qui est le cas d'EADS. Deuxièmement, il n'était pas au courant des difficultés de l'A380, d'après les informations qui sont en ma possession, à cette époque-là.
Q.- Il ne l'était pas ? Vous êtes catégorique, ce matin, là-dessus ?
R.- D'après les informations que je sais. D'après les informations, je ne suis pas ministre de l'Economie et des Finances, comme vous le savez, mais d'après les informations que j'ai, il ne l'était pas.
Q.- Donc mauvais actionnaire et mal renseigné, puisque d'après l'Autorité des marchés financiers, les actionnaires qui ont vendu les actions, eux, étaient au courant, sinon il n'y aurait pas de soupçons de délit d'initiés ?
R.- Comme je l'ai dit, et je crois être le premier à l'avoir dit, ces faits s'ils étaient confirmés - et l'enquête judiciaire devra se prononcer - sont extrêmement graves, s'ils étaient confirmés. Il y a plusieurs éléments qui dans cette affaire, sont choquants. Un délit d'initiés, bien sûr, s'il était prouvé, est choquant à cette échelle. Comme cela a été dit, cela nécessite également sur le plan moral de remettre, je crois sur l'ensemble de la table, tout ce qui a trait à la rémunération par le biais des stocks options parce que ça révèle très bien que ce système est inadapté. Admettons même que cela se soit fait à un moment où on considère que l'on devait vendre parce que les actionnaires considèrent qui sont arrivés au point où ils doivent vendre et que la situation, après, sera moins favorable au cours de Bourse. Admettons cette rationalité, ce qui quand même sur le plan moral est choquant c'est que quand on estime que l'on doit vendre à un certain moment et qu'après on estime que ça va mal aller, c'est aux salariés qui vont devoir les efforts. Et j'estime que là, il y a deux poids, deux mesures. Il y a des situations de confort, il y a des situations d'efforts qui sont demandés aux salariés ; et ça j'estime que le système ne peut pas continuer sur ces bases-là. Donc, il faut une moralisation de la vie financière extrêmement profonde, il faut que nous nous interrogions sur ce régime de rémunération des stock options. Je vois que durant l'année dernière, il y a un seul dirigeant d'entreprise, de grande entreprise du CAC 40 qui a renoncé à ses stocks options, c'est le PDG d'AXA. Je n'en connais pas d'autres. C'est un exemple, je crois, à suivre.
Q.- Donc, ce que vous dites, ce matin, J.-P. Jouyet, vous n'écartez pas l'hypothèse qu'en 2006, un actionnaire savait qu'il y avait des problèmes, et un autre pouvait ne pas savoir qu'il y avait des problèmes ?
R.- Ce que je dis - je ne connais pas le fond du dossier -, c'est à l'AMF qui est un gendarme de la Bourse extrêmement rigoureux...
Q.- L'AMF dit : "Les vendeurs connaissaient les problèmes".
R.- Je connais M. Prada, c'est un homme rigoureux. Si M. Prada et l'Autorité des marchés financiers l'ont dit, il y a quelque fondement, ce qui montre la gravité des faits. Il y a d'autres opérations qui suscitent interrogation. Le rôle de la Caisse des Dépôts, à cette époque-là, est pour moi quelque chose qui reste surprenant. Et je ne suis pas sûr qu'on ait demandé...
Q.- Pourquoi vous dites surprenant à la Caisse des Dépôts ?
R.- Parce que je ne vois pas en quoi la Caisse des Dépôts avait à prendre des participations dans ce cadre-là. La Caisse des Dépôts a fait une mauvaise affaire. D'ailleurs, le directeur général de la Caisse des Dépôts actuel, qui est A. de Romanet, qui est un homme tout à fait remarquable et d'une très grande intégrité, n'y est absolument pour rien mais ce qui montre qu'il a tout à fait raison de vouloir remettre de l'ordre dans cette institution.
Q.- Certains demandent que les documents confiés à T. Breton début 2006 par les représentants de l'Etat au Conseil d'administration, soient rendus publics. Vous y êtes favorable, J.-P. Jouyet ?
R.- Ils devront l'être dans une certaine mesure. Ils devront être remis à la Justice, bien évidemment.
Q.- Le plan de suppression d'emplois d'Airbus peut être remis en cause par cette affaire ?
R.- C'est une autre chose. EADS est une formidable aventure européenne. C'est un grand projet. Nous avons tout intérêt à faire en sorte qu'EADS reste compétitif, les dirigeants ont changé. Aujourd'hui, se trouve à la tête d'EADS, un homme, qui est L. Gallois, qui est d'une éthique absolument irréprochable, d'une grande intégrité. J'ai toute confiance en L. Gallois.
Q.- Les dirigeants allemands sont contents de tout ce déballage ?
R.- Les dirigeants allemands ? C'est une aventure franco-allemande. Là, ça n'a rien à voir avec ce qui est la solidarité franco-allemande et nous avons trouvé un très bon accord, comme vous le savez, au mois de juin dernier, entre N. Sarkozy et A. Merkel, nous devons continuer dans cette voie.
Q.- Vous participiez, J.-P. Jouyet, hier au côté du Président de la République, à son voyage officiel à Sofia en Bulgarie ; et c'est l'absence de C. Sarkozy qui a beaucoup étonné. Comment la justifiez-vous, J.-P. Jouyet ?
R.- Ecoutez, moi ce qui m'a surpris à Sofia, c'est le décalage entre les polémiques qui peuvent exister en France et véritablement l'enthousiasme qui régnait, hier, à Sofia, et la gratitude qui s'exprime à l'égard de la France, du Président de la République et de son épouse, et du rôle qu'elle a joué dans le cadre de ces négociations. C'était un rôle extrêmement important...
Q.- Mais on dit que les Bulgares étaient déçus de ne pas avoir vu C. Sarkozy. Vous le confirmez ?
R.- Ecoutez, ça n'a pas été exprimé dans le cadre des rencontres officielles que nous avons eues. Je rappelle aussi que cette rencontre avait pour but de préparer la présidence française. Comme vous le savez, le président de la République et le Premier ministre doivent se rendre dans l'ensemble des pays européens pour préparer cette présidence française. Ca avait également un aspect visite d'Etat dans ce cadre-là, et ce n'était pas uniquement consacré au sort des infirmières bulgares. C. Sarkozy a accompli un travail tout à fait remarquable... Ca a été salué par tous...
Q.- Et elle était absente. Pourquoi ?
R.- Mais elle était absente parce que dans un certain nombre de cas, et je peux le comprendre, d'un côté, vous dites qu'elle est surexposée, qu'il y aurait de l'overdose, et de l'autre côté, qu'elle est absente. Je comprends qu'elle choisisse la discrétion et je la respecte.
Q.- Vous êtes un ministre d'ouverture, J.-P. Jouyet. Qu'avez-vous pensé du ras-le-bol exprimé par les parlementaires UMP vis-à-vis de l'ouverture ?
R.- Ecoutez, j'en ai été à la fois attristé et, je dirais, un peu surpris. Je trouve que les Français acceptent l'ouverture, que N. Sarkozy a fait preuve d'un grand courage, que jusqu'à preuve du contraire, c'est N. Sarkozy qui a gagné les élections, qui a amené l'UMP à un succès. Je n'ai pas remarqué qu'il y ait eu les mêmes commentaires en 2002 lorsqu'un président de la République ayant gagné à 82%, n'a fait aucune ouverture.
Q.- J.-C. Trichet, président de la BCE, appelle à la discipline verbale sur l'euro. En clair : "Arrêtez de parler de l'Euro fort !" Qu'est-ce que vous lui répondez, J.-P. Jouyet ?
R.- Je dis que les problèmes de change sont de la responsabilité partagée des ministres de l'Economie et des Finances et du gouverneur de la Banque centrale européenne sur le plan du traité, et que la discipline verbale n'exclut pas le dialogue intelligent sur le plan économique.
Q.- L'euro est trop fort, J.-P. Jouyet ?
R.- La question des changes se pose...
Q.- Non, l'euro est trop fort ?
R.- Nous ne sommes pas les seuls à le dire. L'euro est à un niveau qui mérite que nous regardions les choses de manière approfondie.
Q.- Voilà, donc l'euro est trop fort ! J.-P. Jouyet était l'invité de RTL.
C. Hondelatte : C'est une traduction de J.-M. Aphatie. Traduction libre.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 5 octobre 2007