Texte intégral
Le président de Démocratie libérale défend l'instauration d'une retraite par points et la création de fonds de pension.
LE FIGARO. - Que pensez-vous de l'attitude du Medef sur le dossier des retraites complémentaires?
Alain MADELIN. - Le Medef a raison de mettre les pieds dans le plat. Ce qui est en cause, ce n'est pas l'attitude du Medef, mais l'immobilisme d'un gouvernement qui continue de pratiquer la politique de l'autruche. Compte tenu du vieillissement de la population et de l'allongement de la durée de vie, nous n'échapperons pas à l'allongement progressif de la durée de cotisation, comme tous les pays européens, sans exception, l'ont fait. Cependant, on ne saurait demander aux salariés de cotiser et de travailler plus longtemps sans remettre en cause la tendance des entreprises à se séparer des travailleurs les plus âgés et sans organiser, comme d'autres pays l'ont fait - Pays-Bas, Autriche, Suède -, un marché du travail spécifique pour les seniors.
Le gouvernement doit-il intervenir en cas d'impasse des négociations?
A chacun ses responsabilités. Le gouvernement doit proposer le cadre d'une réforme d'ensemble de notre système de retraites afin de sauver le régime général, de créer des fonds de pension, et de faire évoluer les retraites du secteur public pour assurer leur financement et favoriser l'équité. Pour le reste, il n'a pas à intervenir. Et je n'imagine pas une "nationalisation", de fait ou de droit, de nos systèmes de retraites complémentaires. Au-delà des postures guerrières des uns et des autres, les négociations doivent aboutir. Et je suis sûr que les salariés bénéficiaires de retraites complémentaires sont prêts à accepter une augmentation de la durée de cotisation au rythme d'un trimestre par an jusqu'à un prochain rendez-vous à convenir entre les partenaires sociaux. En échange, il serait juste que celles et ceux qui ont commencé à travailler très tôt puissent bénéficier d'une retraite avancée.
A un an des présidentielles, croyez-vous possible une réforme des retraites?
Votre question suggère qu'il faudrait, pour gagner les élections, savoir mentir et fuir. Il est vrai qu'aujourd'hui le "Courage fuyons" du gouvernement alimente l'immobilisme et la démagogie des syndicats coupables de "non-assistance à retraites en danger". Ceux qui veulent faire croire que l'on pourrait revenir à 37 années et demi de cotisations pour tout le monde trompent les salariés. Et les syndicats qui demandent aux salariés de la fonction publique de descendre dans la rue à propos des négociations qui concernent le secteur privé ne manquent pas de culot quand on connaît l'iniquité qui existe entre les retraites du privé et du public.
L'opposition est-elle en mesure de présenter aujourd'hui un discours commun sur les retraites?
Aujourd'hui, j'en doute. En tout cas, pour ma part, je ne saurais accepter comme programme de réforme des retraites les quelques phrases creuses contenues dans le projet de plate-forme commune qui vient d'être publié avec la bénédiction de l'Elysée. Un programme qui n'ose même pas prononcer les mots de "fonds de pension" ou aborder la question de l'équité entre les régimes de retraites du privé et du public!
Que proposez-vous alors?
Premièrement, allonger progressivement la durée de cotisation, comme l'ont fait nos partenaires en Europe. Deuxièmement, instaurer un système de retraite par points pour le régime général, qui permettrait à chacun de mesurer et calculer ses droits à la retraite, de racheter des points le cas échéant, et de garantir une meilleure articulation entre les différents systèmes de retraite. Troisièmement, favoriser un système de retraite à la carte permettant à chacun de choisir l'âge de sa retraite en tenant compte notamment de ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou de la pénibilité du métier exercé. Quatrièmement, rapprocher le système des pensions du public de celui des retraites du privé. Enfin, et surtout, instituer de vrais fonds de pension à l'instar de ceux dont bénéficient déjà les fonctionnaires - le Préfon - ou les professions indépendantes - grâce à la loi que j'avais fait voter en 1994. Je me souviens avoir proposé au milieu des années 80 d'amorcer de tels fonds de pension en redistribuant à tous les Français la propriété des entreprises nationalisées. Si nous avions suivi cette voie, chaque salarié aurait aujourd'hui un capital de 600 0000 francs (et de 2 millions de francs en 2020). Tous les Français auraient pu ainsi profiter des plus values réalisées par la Bourse, et le problème des retraites serait largement réglé. Il nous faut rattraper le temps perdu. Alors, de l'audace!
Propos recueillis par Sophie Roquelle et Guillaume Tabard
(source http://www.demlib.com, le 26 janvier 2001)
LE FIGARO. - Que pensez-vous de l'attitude du Medef sur le dossier des retraites complémentaires?
Alain MADELIN. - Le Medef a raison de mettre les pieds dans le plat. Ce qui est en cause, ce n'est pas l'attitude du Medef, mais l'immobilisme d'un gouvernement qui continue de pratiquer la politique de l'autruche. Compte tenu du vieillissement de la population et de l'allongement de la durée de vie, nous n'échapperons pas à l'allongement progressif de la durée de cotisation, comme tous les pays européens, sans exception, l'ont fait. Cependant, on ne saurait demander aux salariés de cotiser et de travailler plus longtemps sans remettre en cause la tendance des entreprises à se séparer des travailleurs les plus âgés et sans organiser, comme d'autres pays l'ont fait - Pays-Bas, Autriche, Suède -, un marché du travail spécifique pour les seniors.
Le gouvernement doit-il intervenir en cas d'impasse des négociations?
A chacun ses responsabilités. Le gouvernement doit proposer le cadre d'une réforme d'ensemble de notre système de retraites afin de sauver le régime général, de créer des fonds de pension, et de faire évoluer les retraites du secteur public pour assurer leur financement et favoriser l'équité. Pour le reste, il n'a pas à intervenir. Et je n'imagine pas une "nationalisation", de fait ou de droit, de nos systèmes de retraites complémentaires. Au-delà des postures guerrières des uns et des autres, les négociations doivent aboutir. Et je suis sûr que les salariés bénéficiaires de retraites complémentaires sont prêts à accepter une augmentation de la durée de cotisation au rythme d'un trimestre par an jusqu'à un prochain rendez-vous à convenir entre les partenaires sociaux. En échange, il serait juste que celles et ceux qui ont commencé à travailler très tôt puissent bénéficier d'une retraite avancée.
A un an des présidentielles, croyez-vous possible une réforme des retraites?
Votre question suggère qu'il faudrait, pour gagner les élections, savoir mentir et fuir. Il est vrai qu'aujourd'hui le "Courage fuyons" du gouvernement alimente l'immobilisme et la démagogie des syndicats coupables de "non-assistance à retraites en danger". Ceux qui veulent faire croire que l'on pourrait revenir à 37 années et demi de cotisations pour tout le monde trompent les salariés. Et les syndicats qui demandent aux salariés de la fonction publique de descendre dans la rue à propos des négociations qui concernent le secteur privé ne manquent pas de culot quand on connaît l'iniquité qui existe entre les retraites du privé et du public.
L'opposition est-elle en mesure de présenter aujourd'hui un discours commun sur les retraites?
Aujourd'hui, j'en doute. En tout cas, pour ma part, je ne saurais accepter comme programme de réforme des retraites les quelques phrases creuses contenues dans le projet de plate-forme commune qui vient d'être publié avec la bénédiction de l'Elysée. Un programme qui n'ose même pas prononcer les mots de "fonds de pension" ou aborder la question de l'équité entre les régimes de retraites du privé et du public!
Que proposez-vous alors?
Premièrement, allonger progressivement la durée de cotisation, comme l'ont fait nos partenaires en Europe. Deuxièmement, instaurer un système de retraite par points pour le régime général, qui permettrait à chacun de mesurer et calculer ses droits à la retraite, de racheter des points le cas échéant, et de garantir une meilleure articulation entre les différents systèmes de retraite. Troisièmement, favoriser un système de retraite à la carte permettant à chacun de choisir l'âge de sa retraite en tenant compte notamment de ceux qui ont commencé à travailler jeunes ou de la pénibilité du métier exercé. Quatrièmement, rapprocher le système des pensions du public de celui des retraites du privé. Enfin, et surtout, instituer de vrais fonds de pension à l'instar de ceux dont bénéficient déjà les fonctionnaires - le Préfon - ou les professions indépendantes - grâce à la loi que j'avais fait voter en 1994. Je me souviens avoir proposé au milieu des années 80 d'amorcer de tels fonds de pension en redistribuant à tous les Français la propriété des entreprises nationalisées. Si nous avions suivi cette voie, chaque salarié aurait aujourd'hui un capital de 600 0000 francs (et de 2 millions de francs en 2020). Tous les Français auraient pu ainsi profiter des plus values réalisées par la Bourse, et le problème des retraites serait largement réglé. Il nous faut rattraper le temps perdu. Alors, de l'audace!
Propos recueillis par Sophie Roquelle et Guillaume Tabard
(source http://www.demlib.com, le 26 janvier 2001)