Texte intégral
J.-M. Aphatie.- Tout va bien ?
R.- Ca va mieux, merci.
Q.- La réforme des régimes spéciaux de retraite entre dans une phase active. X. Bertrand, qui a consulté les syndicats, le vôtre, les autres, présente maintenant un document d'orientation. Sans surprise, les cotisants à ces régimes spéciaux devront maintenant le faire pendant 40 ans au lieu de 37 ans et demi actuellement. Vous acceptez cette évolution ? Elle fait partie de l'ordre des choses ?
R.- Quarante ans dans un premier temps, quarante-et-un dans un deuxième, comme le chef de l'Etat l'a rappelé, compte tenu des décisions déjà prises en 2003, en considérant que cette mécanique d'allongement de la durée de cotisations pour l'ensemble des retraites, du public et du privé, était inéluctable, quarante-et-un...
Q.- Vous mélangez un peu tout là !
R.- Non...
Q.- On parle des régimes spéciaux et X. Bertrand dit que cela passera de 37 ans et demi à 40 ans". Pour l'instant, on en est là.
R.- Et parallèlement, le Gouvernement dit : l'année prochaine, pour l'ensemble des retraites on passera de 40 à 41 puis 42. Il est donc logique de chercher à montrer - en tout cas, c'est un objectif de notre côté - que ce débat, cette réforme sur les régimes spéciaux n'est qu'une phase d'anticipation de ce que le chef de l'Etat lui-même a appelé la troisième réforme des retraites pour le début 2008. Ce qui est en cause, de nouveau, sur cette réforme, c'est les principes de base à partir desquels nous allons, à l'avenir, assurer le système de retraite par répartition et conforter le droit au départ à 60 ans. Nous sommes attachés, pour ce qui nous concerne, au droit au départ à 60 ans. Mais nous contestons le fait qu'il faille conserver ce droit par un allongement inéluctable, systématique, des annuités de cotisation pour faire valoir ses droits à la retraite, puisque chacun sait qu'inévitablement, il y aura de moins en moins de salariés qui pourront avoir un droit à la retraite à taux plein avec 40, 41, puis demain ou après-demain, 42 annuités de cotisation. C'est donc, si on reste dans ce cadre-là d'avenir de nos retraites, s'inscrire dans une paupérisation généralisée des retraités salariés. D'ailleurs, hier, les cinq organisations de retraités des confédérations syndicales ont appelé à une mobilisation dans la semaine du 15 au 20 octobre, compte tenu du niveau des retraites versées. 64 % des retraités - pardonnez-moi - ont moins de 900 euros par mois.
Q.- On va en reparler. Cela, c'est votre philosophie générale. Il y a quand même un point précis : sur les régimes spéciaux de retraite, X. Bertrand dit qu'on passera de 37 ans et demi à 40 ans. Est-ce que cela vous vous paraît inéluctable ? Vous l'acceptez dans votre tête ? Vous dites, "d'accord, on va faire comme ça ?".
R.- Non, puisque nous souhaitons reposer un cadre national nous permettant de définir une vision précise, partagée dans notre pays : que doit être la retraite dans un pays comme la France ? A quel horizon la fixons-nous ? Sur quel droit la faisons-nous reposer ? Quels doivent être les mécanismes de financement ? Ce que l'on veut nous faire admettre par cette étape de réforme des régimes spéciaux, encore une fois, c'est l'accroissement généralisé des annuités de cotisation pour l'ensemble des retraités.
Q.- Donc, vous refusez la première étape pour ne pas accepter le reste. Comment allez-vous vous y opposer puisque le Gouvernement dit qu'il procèdera par décret ? Alors, comment vous allez vous y opposer ?
R.- Il y a une première réponse qui vient des professionnels concernés par ces régimes spéciaux.
Q.- Une réponse sous la forme de grève ?
R.- De mobilisation, puisque nous avons...
Q.- Grève, mobilisation : c'est la grève ?
R.- Entre autres. Dans un certain nombre de secteurs, vous le savez, le 18 octobre, c'est déjà annoncé comme une journée de mobilisation qui va se traduire par des mouvements de grève dans plusieurs secteurs, à l'appel de la quasi-totalité des organisations syndicales concernées, qu'il s'agisse des secteurs liés aux transports, dans les industries électriques et gazières ou d'autres activités, la journée du 18 a été retenue comme une journée de mobilisation sur ce thème, entre autres.
Q.- Cela ressemble à 1995 ?
R.- On est dans un contexte qui est tout à fait différent.
Q.- Il n'y aura pas de grève générale, il n'y aura pas de blocage des trains, il n'y aura pas de blocage à la SNCF ?
R.- Il n'y a jamais eu, ni en 1995 ni en d'autres périodes, besoin du slogan - je sais bien que c'est un débat très intéressant, historique dans le mouvement syndical - autour de la notion de "grève générale", mais pour qu'un mouvement se généralise, ce n'est pas à partir d'un mot d'ordre. Là, il y a des professionnels qui vont se mobiliser sur ce sujet- là, comme sur des préoccupations sectorielles. Je rappelle qu'à la SNCF, il y a aussi un conflit qui commence à dater, et le Gouvernement ne l'entend pas, à propos de l'avenir du fret. Il y a des suppressions d'emplois, il y a aussi la question du pouvoir d'achat chez les cheminots comme sur une majorité de salariés aujourd'hui, sur les industries électriques et gazières, c'est aussi la question de la fusion GDF-Suez qui sera parmi les motifs de mobilisation...
Q.- Pour rester sur les retraites, on peut dire - ça résume la situation - que vous êtes en désaccord avec la réforme, mais que vous n'avez pas les moyens de vous y opposer ?
R.- Ca, nous allons voir. Et moi je conseille une chose au Gouvernement : c'est de ne pas prendre à la légère cette mobilisation du 18 octobre et de considérer que c'est une petite mauvaise séquence à passer et qu'après les choses vont s'arranger. Le fait de nous rencontrer avec cette tendance à avoir ficelé déjà largement les principes de la réforme, peut l'amener à des déboires.
Q.- Vous faites une différence entre N. Sarkozy et F. Fillon dans ce dossier, ou ils vous semblent aller dans le même pas vers la même réforme ?
R.- Le Premier ministre a cette caractéristique d'avoir été le père de la réforme précédente en 2003. Et d'ailleurs, je considère que pour une part, cette obstination rapide sur les régimes spéciaux participe aussi à faire oublier les conséquences de la réforme sur le régime général de 2003, parce qu'il y a une dégradation des droits à la retraite qui sont versés.
Q.- Une affaire inquiète le monde patronal et syndical : D. Gautier- Sauvagnac, président de l'UIMM, Union des industries des métiers de la métallurgie, fait l'objet d'une enquête parce qu'il aurait retiré en liquide 5,6 millions d'euros sur plusieurs années. on dit que cet argent a été donné sous la table aux syndicats.
R.- Je ne sais pas, je n'ai pas d'éléments supplémentaires que ceux que l'on a pu lire ça et là.
Q.- Votre syndicat a touché de l'argent en liquide de l'UIMM ?
R.- Si monsieur Gautier-Sauvagnac, qui est quand même réputé pour ne pas être un ami, c'est le moins qu'on puisse dire, de la CGT, se mettait en sous-main à verser de l'argent à la CGT, ça, ça serait un scoop ! Vous auriez un scoop.
Q.- Il y a un problème de financement des syndicats, on dit que c'est flou le financement des syndicats.
R.- Deux choses. Il s'agit, a priori, mais je n'ai pas d'élément d'appréciation, donc je ne vais pas me livrer à des commentaires sur des éléments que je n'ai pas - il s'agirait a priori de cotisations ou d'éléments financiers liés aux cotisations patronales. Je ne pense pas que le patronat ait de gros soucis pour recevoir ou pour collecter ces cotisations, moins que les organisations syndicales - il n'y a pas assez de syndiqués dans notre pays. Donc c'est a priori un problème de gestion interne à l'organisation patronale. Maintenant, s'agissant plus largement du financement du syndicalisme, dès 1999, dès mon élection à la première responsabilité de la CGT, je me suis exprimé sur les réformes à faire en matière de représentativité syndicale et de financement. Mais avant de toucher aux questions de financement, acceptons une réforme de la démocratie sociale, de la représentativité...
Q.- D. Gautier-Sauvagnac peut continuer à diriger la négociation sur la modernisation du marché du travail, d'après vous ?
R.- Je n'admettrais pas que le patronat prétende désigner nos représentants dans une négociation ; je ne vais pas me lancer, moi, dans une désignation de ce que doit être la représentation patronale dans les négociations.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 3 octobre 2007