Déclaration de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat à la solidarité, sur la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes, notamment l'égalité professionnelle et salariale et l'accès des femmes aux responsabilités, Paris le 2 octobre 2007.

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Circonstance : Audition devant la délégation aux droits des femmes au Sénat le 2 octobre 2007

Texte intégral


" Je vous remercie vivement de m'avoir conviée à cette audition qui est pour moi l'occasion de vous faire part de l'action du Gouvernement pour développer la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Si l'égalité entre les hommes et les femmes est désormais acquise en droit dans notre pays et si de nombreux progrès sont constatés, cette égalité de droit ne s'est pas encore totalement concrétisée dans les faits. Vous pouvez le mesurer chaque jour dans vos départements.
L'égalité entre les hommes et les femmes est un principe fondamental solidement ancré dans l'histoire de la construction européenne et cette politique est une politique à part entière. Elle est placée au coeur des actions qui relèvent de la Solidarité et nous ferons en sorte que, dans toutes nos politiques publiques, l'égalité entre les femmes et les hommes soit prise en compte C'est la méthode de l'approche intégrée qui doit se traduire par des démarches concrètes et largement transversales.
S'agissant de l'action que j'entends mener, elle repose sur quatre axes indissociables :
- favoriser l'accès des femmes aux responsabilités,
- parvenir à l'égalité professionnelle et salariale,
- garantir l'égalité en droit et en dignité,
favoriser l'articulation des temps de vie.
Sur chacun d'entre eux, des actes forts et emblématiques ont marqué la récente période et apporté de notables avancées : Je citerai pour mémoire :
*la loi relative à l'égalité salariale du 23 mars 2006, qui constitue une première avancée en visant à éliminer les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes par la négociation collective.
*La loi du 4 avril 2006 qui a renforcé la prévention et la répression des violences au sein du couple.
Et plus récemment, la loi du 31 janvier dernier tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives Cette dernière complète l'évolution amorcée vers une « parité réelle » dans nos assemblées, Elle est d'application immédiate et s'appliquera aux prochaines élections municipales et cantonales. Voici pour le bilan, j'en viens à nos projets.
Avec Xavier Bertrand, Ministre du Travail des relations sociales et de la solidarité, le Président de la République nous a donné deux priorités fortes : atteindre l'égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes en 2009 et renforcer la lutte contre les violences envers les femmes. Ces priorités constituent donc le coeur de notre action.
Pour répondre à la demande du Président de la République, l'action du ministère s'est engagée sur deux démarches fortes :
- la préparation de la Conférence relative à l'égalité professionnelle prévue le 26 novembre prochain ;
- l'élaboration d'un nouveau Plan de lutte contre les violences envers les femmes pour la période 2008-2010.
L'objet de la Conférence est de rassembler les partenaires sociaux et les pouvoirs publics en vue de dégager des pistes d'actions qui permettront de supprimer les inégalités salariales en 2009. De ce point de vue tant les partenaires sociaux que les pouvoirs publics sont animés par une volonté commune : celle d'aboutir sur des points concrets. Il n'est pas question pour reprendre les mots employés par Xavier Bertrand que ce soit une « conférence colloque ».
Il faut agir non seulement sur la discrimination salariale mais aussi sur l'ensemble des facteurs structurels qui pèsent sur la carrière des femmes et qui représentent de 50 à 75% des écarts de rémunérations.
Pour préparer cette Conférence, deux groupes de travail ont été constitués, l'un, piloté par la Direction générale du travail axé sur l'élargissement de la négociation collective sur l'égalité salariale et le renforcement de la lutte contre les discriminations salariales, l'autre, piloté par le Service des droits des femmes et de l'égalité sur la lutte contre les effets structurels qui affectent la rémunération et la carrière des femmes.
Nous devons nous appuyer sur les pratiques des entreprises et sur celles des services déconcentrés. En effet, une politique d'égalité professionnelle doit s'appliquer au plus près des territoires et les partenariats développés à ce jour sont autant de pratiques qu'il importe de faire connaître et de valoriser.
A l'issue de la Conférence, un suivi régional, voire interrégional des propositions qui seront formulées sera assuré et des actions exemplaires seront mises en place. L'Etat doit en effet prendre toute sa place pour promouvoir les avancées qui seront préconisées. Les pouvoirs publics se doivent, en outre, d'accompagner les branches professionnelles et les entreprises dans leurs démarches.
A ce titre, nous disposons d'ores et déjà, d'instruments qui, en permettant de développer des actions positives en direction du public féminin, suscitent un effet d'exemplarité et d'entraînement :
* Dans le projet de loi de finances 2008, j'ai ainsi prévu d'augmenter les dotations allouées aux dispositifs spécifiques que sont les contrats d'égalité professionnelle et les contrats pour la mixité des emplois. Encore mal connues, ces aides doivent devenir plus accessibles.
* Le Fonds de garantie pour la création, la reprise et le développement d'entreprises à l'initiative des femmes (FGIF) qui favorise l'accès des femmes aux prêts bancaires, doit être consolidé, pour jouer là encore l'effet d'exemplarité. Nous tenons à renforcer le développement de l'entrepreneuriat féminin. Alors que la moitié des 13 millions de personnes qui souhaitent créer leur entreprise sont des femmes, seulement 30% des créateurs d'entreprises sont des créatrices. Ce pourcentage évolue peu depuis plusieurs années et pourtant la création d'entreprise constitue une opportunité pour l'emploi des femmes.
* Le « Label égalité » reconnaît les entreprises qui se sont réellement engagées en faveur de l'égalité professionnelle ; c'est un outil remarquable pour montrer que l'égalité dans l'entreprise est non seulement possible, mais produit des effets positifs sur son organisation et sur les conditions de travail offertes aux femmes, comme aux hommes. A ce jour, il a été décerné à 29 entreprises et concerne plus de 615 000 salariés. Nous devons amplifier le mouvement.
Par ailleurs, Xavier BERTRAND et moi même mettrons l'accent sur deux points : Premièrement, D'une part l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale. Nous sommes animés d'une double préoccupation :
* Satisfaire à la demande du Président de la République de développer et de diversifier les modes de garde adaptés aux besoins pour aboutir à la mise en place d'un droit de garde opposable en 2012 ;
* Utiliser le temps partiel de la meilleure façon pour l'entreprise et pour le salarié. Nous ne pouvons plus accepter le temps partiel subi, ni le temps partiel éclaté, a fortiori le temps partiel subi et éclaté, sans toutefois remettre en cause le temps partiel choisi.
Deuxièmement, les causes structurelles des inégalités professionnelles et salariales. Je pense en particulier à l'orientation différenciée selon le sexe qui conduit à maintenir les femmes dans des métiers moins rémunérés. Je pense aussi à l'inégal accès à la formation continue, et à l'impact de la maternité qui perturbe les trajectoires professionnelles des femmes, ainsi qu'à la situation des chefs de familles monoparentales en situations précaires.
En matière d'orientation, il paraît essentiel de diversifier l'emploi féminin et favoriser la promotion des femmes aux postes de responsabilité. Près de la moitié des emplois occupés par les femmes sont concentrés dans 10 des 84 familles professionnelles. Elles n'occupent qu'un quart des fonctions d'encadrement des entreprises du secteur privé et sont absentes aux plus hauts postes de l'administration. Avec l'Education nationale, les branches professionnelles et les entreprises, nous devons progresser sur ces deux objectifs. La convention interministérielle renouvelée en 2006 avec sept ministères exerçant leur tutelle sur plus de 70 000 établissements constitue à cet égard un socle important pour coordonner l'action publique. Les objectifs affichés par l'UIMM, la Fédération du bâtiment ou la CAPEB montrent que les professionnels sont prêts à s'investir sur cette question.
S'agissant de l'accès des femmes aux postes de responsabilité, le Conseil Constitutionnel, fidèle à sa jurisprudence, a déclaré anticonstitutionnelle l'institution de quotas d'hommes et de femmes dans les conseils d'administration et au niveau des élections des institutions représentatives du personnel. Il admet cependant la notion de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. Nous allons exploiter cette porte laissée entrouverte par le Conseil constitutionnel pour tenter d'améliorer la législation sur ce point.
Il faut aussi éliminer les facteurs de précarité que rencontrent principalement les femmes seules en charge d'enfants. Madame la Présidente, votre rapport sur « La situation des familles monoparentales et des familles recomposées » insiste sur deux volets essentiels.
* Le premier volet tend à faciliter l'activité professionnelle ou la reprise d'activité de ces personnes. La loi de retour à l'emploi du 23 mars 2006 facilite la formation, et l'accès aux modes de garde adaptés à leur situation. La Conférence permettra d'éclairer ces différents sujets et mes services doivent me remettre très prochainement des propositions pour développer des modes de garde avec horaires atypiques, en s'appuyant sur les services à la personne.
* Le deuxième volet présent dans votre rapport préconise également des dispositions qui visent à mieux encadrer les règles de résidence alternée ou de calcul des pensions alimentaires, à renforcer la médiation familiale ou à introduire le partage de l'autorité parentale. Ces recommandations sont excellentes et je poursuivrai ces différentes pistes en lien en particulier avec le Ministère de la Justice.
Nos travaux, dans l'avenir, s'appuieront sur les résultats de la Conférence et sur les propositions que la Commission européenne a présentées en juillet 2007 dans sa communication sur l'égalité salariale, ainsi que sur les nombreux exercices européens se rapportant aux questions démographiques et à la conciliation du travail et de la vie privée et familiale.
Nous souhaitons également favoriser le plein et égal accès des femmes à leurs droits, et le respect de la dignité des personnes en particulier par une lutte renouvelée contre toutes les formes de violences que subissent les femmes. Et ceci sera mon deuxième axe fort.
Les violences au sein du couple concernent une femme sur dix dans notre pays. Et le recensement national des morts violentes survenues au sein du couple réalisé par le ministère de ministère de l'intérieur révèle qu'au cours de l'année 2006 une femme est décédée tous les trois jours sous les coups de son compagnon.
L'instauration, le 14 mars dernier, du « 39.19 », numéro national unique à destination des femmes victimes de violences au sein du couple a d'ores et déjà permis une avancée significative dans l'appui aux femmes victimes que je veux conforter. C'est pourquoi ce dispositif, est actuellement en cours d'évaluation pour en mesurer la pertinence et son adéquation aux besoins, et notamment la capacité des opérateurs locaux à apporter un service de qualité aux femmes victimes de ces violences.
Il aura toute sa place dans le nouveau plan de lutte contre les violences envers les femmes que je présenterai en novembre prochain. Car cette lutte constitue un enjeu confirmé pour les pouvoirs publics, un besoin malheureusement persistant pour les femmes victimes et leur entourage et une exigence renouvelée pour les professionnels qui sont au contact des victimes.
Il m'apparaît en particulier indispensable dans ce plan de valoriser et d'approfondir les résultats de l'étude sur l'évaluation des répercussions économiques des violences au sein du couple en France menée par le Centre de recherches économiques, sociologiques et de gestion, qui estime le coût lié aux violences conjugales, en 2006, à plus d'un milliard d'Euros par an. Un séminaire, sur ce sujet, associant à la fois des chercheurs du domaine et des décideurs des départements ministériels concernés, doit se tenir prochainement.
D'une manière générale, je souhaite que la prise en charge des femmes victimes de violences s'effectue dans le cadre d'une approche globale et dans la durée. Pour ce faire, l'ensemble des acteurs, tant au niveau national que local, doivent se coordonner étroitement pour apporter une réponse cohérente et utile. C'est, en effet, l'ensemble de la trajectoire de ces femmes que nous devons savoir prendre en charge.
Je demanderai, à cet effet, aux préfets de veiller à la mise en place d'une instance dédiée aux violences faites aux femmes au sein du « Conseil départemental de la délinquance, d'aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes ». Ils devront initier et appuyer la signature de protocoles départementaux sur cette problématique dans les territoires qui ne les ont pas encore conclus. Le renforcement des partenariats locaux sur cette action est tout à fait primordial.
La violence s'exerce aussi par l'image qui parfois dégrade et avilit la femme et son corps, véhicule des stéréotypes qui ne sont plus de mise et entretient des comportements ou des pratiques qui peuvent mener au pire. Il nous faut veiller à protéger l'image de la femme dans les médias. Les dispositions actuelles en la matière sont insuffisantes, on le voit encore aujourd'hui avec les photos de cette jeune mannequin diffusées en Italie. Je dois rencontrer le Bureau de vérification de la publicité (BVP) dès demain et je retiens la proposition de votre dernier rapport d'activité d'établir, avec les professionnels concernés, une Charte pour empêcher absolument toute image dégradante, stéréotypée ou incitative au « culte de la minceur excessive ».
Sur un tout autre plan enfin, qui concerne un des droits essentiels des femmes, nous devons être attentifs aux pratiques d'IVG et de contraception. Le nombre d'IVG ne baisse toujours pas en France et leur prise en charge sanitaire est encore problématique.
D'ores et déjà, le PLFSS 2008 propose d'ajouter les centres de planification ou d'éducation familiale à la liste des professionnels habilités à pratiquer des IVG médicamenteuses, ce qui complètera utilement leur rôle d'accueil et d'écoute.
Par ailleurs, une campagne nationale d'information sur la contraception vient d'être lancée. Elle s'inscrit dans un programme de trois ans, de 2007 à 2009. Je veillerai à ce que mes services assurent le relais de cette campagne au niveau local.
Enfin, l'information des femmes sur leurs droits est fondamentale. Je tiens à souligner la qualité de notre partenariat avec le CNIDFF et le réseau des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) qui occupe une place importante parmi les associations que nous soutenons. Nous préparons d'ailleurs avec ce réseau un nouveau contrat d'objectif 2008/2010.
Enfin toujours sur ce volet du respect des droits et de la dignité, au niveau international, je tiens à rappeler que le début de l'année 2008 sera marqué par la présentation, en janvier à Genève, du 6ème rapport d'application de la « Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes » au comité d'experts indépendants qui veille à l'application de cette convention, le CEDAW. Le rapport de la France a été transmis à ce Comité en 2006 et mes services doivent lui adresser réponse à un questionnaire complémentaire avant le 15 octobre prochain. L'audition de la Délégation française, que je conduirai avec Xavier Bertrand, est prévue dans la deuxième quinzaine de janvier 2008.
Un autre exercice important sera la préparation et la réussite de la Présidence française pour faire progresser l'égalité dans l'Union européenne en 2008. La feuille de route de la Commission européenne sur l'égalité, le Pacte européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes adopté en mars 2006 par le Conseil européen traduisent la mobilisation des Etats membres en faveur de la promotion de l'égalité dans le domaine de l'emploi. La création d'un Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes traduit la volonté de l'Union de progresser de manière concrète par l'échange de pratiques et la mise en réseau des acteurs des pays membres. Il revient à la Présidence française de porter ces problématiques.
J'ai la conviction que la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes constitue un des leviers majeurs qui peut contribuer à transformer notre société. Nous devons progressivement et durablement faire évoluer les mentalités et la situation des femmes dans notre pays. Toute la palette des moyens dont nous disposons doit être utilisée pour y parvenir. Nous devons porter notre effort sur les actions de terrain, sans exclure le recours à la norme législative ou réglementaire le cas échéant au regard des conclusions de nos travaux.
Notre ambition est de nous acheminer vers un nouveau contrat social entre les femmes et les hommes en ouvrant une nouvelle étape vers l'égalité et la parité.
Je vous remercie."source http://www.travail-solidarite.gouv.fr, le 3 octobre 2007