Interview de M. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à RMC le 15 octobre 2007, sur les affaires liées au financement des syndicats et à EADS, et sur l'amendement Mariani sur les tests ADN du projet de loi sur l'immigration .

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin Notre invité ce matin, J.-F. Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale. Alors l'actu on en parle : si le président de la République divorçait, ça changerait quoi ?

R.- Oh, écoutez, ne me demandez pas de faire des commentaires là-dessus, franchement.

Q.- Non, mais si ça ne changera rien ?

R.- D'abord, c'est quand même un évènement important dans une vie. Mais enfin, moi je ne peux pas faire de commentaire là-dessus. Là vous me demandez l'impossible.

Q.- Est-ce que le silence alimente la rumeur sur ces sujets là ?

R.- Vous savez, malheureusement la rumeur elle a besoin de rien d'autre que d'elle-même pour s'alimenter, et c'est souvent assez sordide. Vous le savez bien.

Q.- D. Gautier-Sauvagnac en serait à 24 millions d'euros tirés des comptes de l'UIMM depuis l'année 2000. Cela fait beaucoup 24 millions d'euros ! Tout le monde demande la transparence sur cette affaire. Lui dit : "Je n'ai jamais mis un sou dans mes poches". Alors où est passé l'argent ? Peut-il incarner le Medef dans les importantes négociations en cours ?

R.- Cela m'est difficile de faire des commentaires sur ce qui relève réellement d'abord de l'affaire. Et je vous l'ai déjà dit quand vous m'aviez interrogé il y a quelques semaines là-dessus, je crois qu'effectivement, nous en tant que responsables publics, notre sujet c'est de réfléchir effectivement à la manière de faire en sorte qu'il y ait une transparence totale dans le financement des syndicats.

Q.- Cela veut dire que cet argent est allé aux syndicats, si je vous comprends bien...

R.- Non, je ne sais strictement rien. Mais enfin comme c'est le grand sujet dont tout le monde parle, moi je ne suis pas en situation, je ne suis pas enquêteur.

Q.- Vous étiez ministre du Budget. Certes ça n'a rien à voir, mais vous étiez prévenu à Bercy.

R.- Je n'avais été prévenu...

Q.- Jamais ? La BNP dit avoir prévenu le ministère des Finances, Bercy.

R.- Moi, ce que je peux vous dire, c'est que je n'ai jamais été alerté en ce qui me concerne de tout cela. C'est vrai que j'étais ministre du Budget, donc en charge de fonctions bien particulières par rapport aux finances publiques. Mais la seule chose que je peux dire, c'est qu'évidemment pour nous, et je pense qu'en tant que parlementaires on aura certainement, d'une manière ou d'une autre, à être saisis de cette question, si j'en crois ce qui a pu être dit ici ou là par les responsables du Gouvernement. Donc, je pense qu'effectivement il faudra sans nul doute qu'on réfléchisse à la manière de rendre transparent pour les syndicats leur financement.

Q.- Faire pour les syndicats ce qui s'est passé pour les Partis politiques ?

R.- C'est en tout cas ce qui a été fait il y a quelques années pour les partis politiques. Je crois que c'est une très bonne chose.

Q.- C'est nécessaire ?

R.- En tout cas cela permet d'avoir des règles de transparences que chacun peut attendre, bien sûr.

Q.- Le premier Airbus A380 - parlons d'EADS - livré avec des invités du monde entier, mais il n'y a ni N. Sarkozy, ni F. Fillon, aujourd'hui. C'est regrettable ou pas ?

R.- Je ne sais pas si c'est la chose la plus essentielle...

Q.- Pour fêter cet évènement... C'est l'occasion de rendre hommage aux salariés, c'est peut-être l'occasion aussi de faire preuve d'un peu de fierté.

R.- J'allais vous dire : posons le problème autrement. C'est un grand jour pour Airbus et Dieu sait si dans cette période difficile pour l'entreprise, il y a besoin aussi de rappeler que c'est une très grande maison.

Q.- N'est-ce pas le rôle du président de la République de rappeler que c'est une très grande maison ?

R.- Il a eu l'occasion de le faire en d'autres circonstances. Et puis, écoutez, il faut savoir être là dans les moments difficiles. Il l'a montré qu'il l'était. Je vous rappelle que c'est grâce à son intervention durant cet été, qu'on a revu de fond en comble la gouvernance de cette entreprise, et que je crois que les choses sont maintenant un peu plus clarifiées de ce point de vue. C'est vrai que dans le contexte "d'affaires" que vous avez beaucoup en tête, la livraison de cet avion, aujourd'hui, est quand même un rayon de soleil dans une période difficile.

Q.- Peut être aurait-on pu le fêter autrement mais cela chacun jugera. A. Lagardère affirme avoir prévenu le Premier ministre D. de Villepin qu'il voulait vendre des tires EADS. Bercy n'était pas au courant ?

R.- Moi, là-dessus, c'est pareil. Je suis désolé parce que vous avez l'impression que je tourne autour du pot...

Q.- Je n'ai pas l'impression, je vous pose la question ! Si vous n'étiez pas au courant, dites "non, on n'était pas au courant". Si vous étiez au courant, vous me dites "oui, oui on n'était au courant".

R.- Moi, pour ce qui me concerne, je ne l'étais pas, parce que je n'étais pas en charge de ça. J'ai d'ailleurs eu, vous vous souvenez, l'occasion de vous le dire la dernière fois aussi. Mais pour autant...

Q.- Oui, mais je vous repose la question, l'actualité évolue.

R.- Oui, mais n'évolue pas dans le passé.

Q.- Oui enfin, A. Lagardère accuse là nommément D. de Villepin.

R.- Ceci m'amène à vous dire que cette histoire fleuve dans laquelle on est en train de rentrer, qui est incroyablement complexe, fait qu'avec le flot d'actualités, il nous arrive parfois de mêler les choses qui n'ont pas forcément le même lien. Donc, je crois que c'est la nouvelle démonstration, s'il en était besoin, qu'il y a un travail d'investigation et d'enquête qui doit être fait. C'est le cas. Que la Commission des finances de l'Assemblée nationale, de ce point de vue, qui souhaite faire un certain nombre d'auditions, je crois, le fait avec sagesse. Tout cela est naturellement utile. Parce que cela permet à chacun de s'expliquer.

Q.- En marge de cette affaire, est-ce qu'on peut accepter - la question commence à être posée ici ou là, et même au sein de l'UMP - que de grands capitaines d'industrie, amis du pouvoir politique, passent en commande avec l'Etat et puissent aussi posséder de grands groupes de presse ?

R.- Qu'est-ce qui vous choque là-dedans ? C'est la relation personnelle, c'est cela ? Parce que si c'est la relation personnelle, je voudrais quand même en dire un mot, J.-J. Bourdin...

Q.- Non, non, la relation d'affaires...

R.- Je voudrais, si vous le permettez, parce que...

Q.- Les choses sont plus claires dans de nombreux pays, vous le savez bien, J.-F. Copé !

R.- Je n'en sais rien. Moi, je vais vous dire, je fais partie des gens qui en ont un peu assez qu'on dise qu'ailleurs c'est beaucoup plus clair que chez nous.

Q.- C'est qu'on dit sur les tests ADN. On va y revenir mais c'est l'argument utilisé par le Gouvernement.

R.- Il est normal qu'il y ait des relations régulières entre les responsables politiques et les responsables économiques d'un pays. On a quand même beaucoup de choses à se dire, beaucoup de choses à faire ensemble. Ces relations elles sont des relations normales entre personnalités.

Q.- On est d'accord, J.-F. Copé, mais est-il normal...

R.- Oui mais parce qu'il est souvent fait de l'amalgame entre les deux. Moi, je trouve cela à la fin un peu choquant. Parce que c'est comme cela qu'on met l'idéologie à tous les étages, qu'on met des murs "caricaturants" entre les uns et les autres, et que là où les choses positives doivent se faire pour l'économie du pays, on ne les fait plus. Et je crois, que c'est vraiment....

Q.- Est-ce normal que de grands groupes d'industries, qui passent commande avec l'Etat, possèdent aussi des grands groupes de médias. Est-ce normal ?

R.- La loi l'a dessus n'a jamais... Mais pourquoi plus les médias que d'autres ?

Q.- Faut-il changer la loi ? Je pose la pose la question.

R.- Eh bien, je ne le crois pas. Parce qu'à ce moment là, cela veut dire qu'on introduirait de nouvelles barrières dans l'économie au moment où l'économie a tellement besoin de fluidité et de souplesse. Ce qui est important, c'est qu'il y ait de la transparence. Et la transparence, ma foi, il y a bien des manières de le faire. A ma connaissance, les journaux qui relatent tous les jours les évènements de l'actualité ne me donnent pas le sentiment d'être bridés quels que soient le nom et l'activité de leurs différents propriétaires. Donc, je crois qu'il faut quand même remettre les choses à leur juste proportion pas rapport à cela.

Q.- Parlons des tests ADN. Cet amendement doit-il être retiré ?

R.- Cet amendement a fait couler beaucoup de bruits. Tout à l'heure, on...

Q.- Parce que demain, il y a une commission mixte Sénat/Assemblée qui se prononcera.

R.- Qui se prononcera sur, vous le savez, un texte qui n'a plus rien avoir avec le texte originel. Plusieurs choses par rapport à cela. D'abord, il y a eu un débat passionné entre ceux qui considèrent...

Q.- Occulté d'ailleurs, peut-être.

R.- Complètement, mais ça alors, là, complètement.

Q.- La faute à qui ? A un député ? Vous avez été prévenu par T. Mariani lorsqu'il a déposé cet amendement ?

R.- Non. Mais écoutez, vous savez quand vous êtes président du groupe, vous êtes en plus le chef des députés, vous essayez de faire en sorte surtout que chacun puisse s'exprimer. Il y a eu un débat parlementaire. Moi, je regrette qu'à chaque fois cela fasse des psychodrames. En revanche, que ce soit des débats passionnés, c'est très bien, c'est aussi la démocratie. Pour revenir là-dessus, il y a un débat qui n'est pas médiocre : est-ce qu'il faut privilégier l'efficacité publique face aux fraudes de faux papiers, quand on veut réglementer l'immigration clandestine et bien lutter contre, ou bien est-ce qu'il faut faire privilégier l'éthique ? C'est un débat très important qui a eu lieu, qui continue d'avoir lieu. Moi je veux simplement dire que ce qui est aujourd'hui le dispositif est quand même très édulcoré par rapport à tout ce qui pouvait choquer, à juste titre...

Q.- Justement. Certains disent : à quoi ça sert de garder ce texte édulcoré, comme il l'a été ?

R.- Parce que cela permet quand même, sous le contrôle du juge, avec effectivement des barrières plus strictes que dans le texte originel, de lutter contre la fraude des faux papiers et de permettre à ceux qui sont candidats au regroupement familial de pouvoir plus aisément, s'ils le souhaitent, faire connaître leur identité. Si vous me permettez, je voudrais rajouter une chose, parce qu'on oublie : onze pays le font y compris la Grande-Bretagne.

Q.- Pour favoriser le regroupement familial...

R.- Y compris la Grande-Bretagne, le pays de l'habeas corpus quand même. Deuxième élément, le haut commissariat aux réfugiés, l'ONU, a produit un mémorandum au mois de mai dernier indiquant qu'il constatait de plus en plus que dans le monde entier, l'ADN serait un élément qui se développerait pour prouver l'identité. Et enfin, troisième point : la Commission européenne elle-même, il y a quelques jours, a validé l'utilisation des tests ADN en Europe. Ce n'est donc pas tout à fait un hasard si un certain nombre de pays le pratiquent.

Q.- Alors, imaginons, J.-F. Copé...

R.- Je veux simplement dire que sur ce sujet, d'autres pays qui sont tous aussi démocratiques que le nôtre, ont mis cela en oeuvre.

Q.- Imaginons que des Français veuillent s'installer au Maroc et pratiquer le regroupement familial. Il faudra que ces Français prouvent l'affiliation par des tests ADN. Est-ce que vous accepteriez cela ?

R.- Mais pourquoi ? Pourquoi puisqu'ils auront des passeports, que je sache. Ils ont des papiers d'état civil. Il n'a jamais été question de poser la question quand on n'avait pas de problème d'état civil.

Q.- Alors, imaginons...

R.- Mais je voudrais rappeler, vous avez raison, c'est très bien que vous me posiez ça, parce que cette question aurait pu être posée par un auditeur en toute bonne foi. Mais très bon exemple !

Q.- Très bon exemple, parce qu'on met en cause l'indépendance de certains pays d'Afrique. On met en cause l'efficacité des services d'Etat de certains pays d'Afrique. Et moi, je vous pose une autre question...

R.- Je réponds à celle-là, parce qu'elle est très importante. Oui il y a des pays d'Afrique sud-saharienne qui sont des pays dans lesquels il y a des dizaines de milliers de candidats à l'immigration en France...

Q.- Et donc ?

R.-...qui ont...

Q.- Des faux papiers...

R.-...Des faux papiers ou pas de papiers du tout. Ce n'est pas qu'on met en cause, c'est une réalité. Nous qu'est-ce qu'on fait ? On n e fait rien ?

Q.- Imaginons, je suis en France, j'épouse une jeune femme d'Afrique ou d'ailleurs, je veux la faire venir. Je la fais venir mais cette jeune femme a adopté des enfants. Elle ne pourra pas faire venir ses enfants ?

R.- Mais attendez ! C'est pour cela justement qu'on a renforcé l'encadrement de ce système, et que l'on passe par la décision du juge, et qu'il y aura naturellement une situation au cas par cas. Et enfin, dernier point, c'est sur la base du volontariat de celui qui est candidat à l'immigration en France. Ce n'est donc pas la France qui décide. C'est si quelqu'un veut prouver, qui n'a pas d'autres moyens, sa filiation, il peut faire recours au test ADN. On a dit beaucoup de choses. Je crois que cela vaut la peine de rappeler cela. Et quelque part, les Français, pour une très grande majorité d'entre eux, si j'en crois les sondages, ont fait savoir qu'ils étaient plutôt favorables à cet élément dans ce cadre-là.

Q.- Une majorité, une très grande majorité.

R.- 55 % quand même ! Il y a une écrasante majorité est contre aussi. Donc, il faut faire attention.

Q.- Donc, on garde ce texte ? La commission s'exprimera mais vous êtes partisan qu'on garde ce texte !

R.- Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. C'est la Commission paritaire, elle se réunit demain, et donc, naturellement elle décidera.

Q.- D'autres sujets, toujours sur ce projet de loi sur l'immigration. Il y a un amendement qui donne la possibilité au préfet de régulariser des personnes en situation irrégulière, travaillant dans des secteurs d'activité connaissant des pénuries de main-d'oeuvre. Cela veut dire que le Parlement ouvre la voie à une forme de régularisation de sans papiers utiles, si j'ai bien compris ?

R.- C'est l'immigration choisie. Voilà.

Q.- Je vous pose la question.

R.- Oui. Non mais l'idée c'est quoi ? C'est qu'effectivement on passe de plus en plus vers l'immigration choisie.

Q.- Mais moi je vous pose la question.

R.- Et je vous réponds. Il n'y a pas de surprise là-dessus. On a fait campagne là-dessus, pour une raison simple aujourd'hui : quand vous avez neuf personnes qui sont candidats à l'immigration en France, vous en avez huit sur neuf qui le font sur la base d'un critère familial, et un sur neuf au titre d'un critère professionnel. On a envie de rééquilibrer un peu les choses. C'est ce que font beaucoup d'autres pays, là encore.

Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 octobre 2007