Déclaration de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur la politique maritime de l'Union européenne, à Lisbonne le 22 octobre 2007.

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Circonstance : Conférence ministérielle sur la politique maritime intégrée, à Lisbonne (Portugal) le 22 octobre 2007

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Cher Joao Mira Gomes,
Monsieur le Commissaire Borg,
Monsieur le Président du Comité des Régions, cher Michel Delebarre,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais en premier lieu remercier la présidence portugaise d'avoir organisé cette réunion. Cette initiative nous permet de marquer toute l'importance que nous attachons au développement d'une véritable politique maritime intégrée de l'Union.
Je souhaite également féliciter la Commission européenne et particulièrement le commissaire Borg pour le livre bleu qu'elle vient récemment d'adopter. Il s'agit d'une réponse particulièrement complète face aux attentes qu'avait suscitées le Livre vert. Nous accueillons avec beaucoup d'intérêt cette contribution de la Commission. Nous attendons qu'elle favorise la mise en oeuvre d'une politique cohérente et ambitieuse.
Je voudrais tout d'abord évoquer quatre points qui me semblent fondamentaux :
En matière maritime, probablement plus que dans d'autres domaines, une vision globale s'impose. C'est avec raison que la Commission invite à la définition d'une politique véritablement intégrée. Il faut en effet dépasser les approches sectorielles, décloisonner les pratiques et mettre en cohérence, mieux que nous ne le faisons aujourd'hui, les instruments existants.
Cette approche intégrée doit être déclinée à tous les niveaux. Au niveau européen et communautaire, nous devons par exemple rechercher les moyens de faire travailler ensemble, lorsque c'est pertinent, les agences communautaires (l'Agence européenne pour la Sécurité maritime, FRONTEX ou l'Agence en charge du Contrôle des pêches).
Il ne pourra y avoir de politique maritime intégrée sans une gouvernance maritime. Nous serons particulièrement attentifs à cette question. C'est dans cet esprit que nous avons proposé la création de points de contact nationaux, dont la mise en réseau pourrait préfigurer une telle gouvernance.
L'approche régionale devra aussi avoir sa place dans le dispositif. La politique maritime doit en effet tenir compte de la diversité de nos régions et de nos pratiques. Les problèmes varient d'un territoire à un autre : ils appellent des solutions adaptées aux spécificités régionales.
Cette approche ne doit naturellement pas nous interdire d'aborder les problèmes par grands bassins maritimes : l'Atlantique, la Manche-Mer du Nord, la Méditerranée, la Mer Noire et la Baltique, sans oublier les espaces maritimes de l'outre mer. De même faut-il conserver une vision d'ensemble qui permette, par exemple, de garantir la continuité dans le suivi des flux maritimes entre les bassins, d'assurer la transmission des données ou de permettre les échanges d'expériences et de bonnes pratiques.
Enfin, la politique intégrée dont nous avons l'ambition, doit se décliner, non seulement sur une base territoriale, mais également sur une base fonctionnelle. Au plan territorial, les pays et territoires d'outre mer ont pleinement vocation à participer à la politique maritime de l'Europe. Au plan fonctionnel, cette politique maritime doit être inter-piliers. Sur les questions maritimes, des passerelles doivent être lancées entre l'action communautaire et le second pilier par exemple. Il serait aussi judicieux d'ouvrir des liens avec le troisième pilier pour accorder les instruments juridiques de cette politique aux organisations et aux moyens qu'on lui consacre. C'est une dimension sur laquelle nous devrons sans aucun doute travailler à l'avenir.
J'en viens maintenant à quelques points particuliers.
Nous nous réjouissons, bien sûr, de constater que la surveillance maritime figure au nombre des actions jugées prioritaires par la Commission. C'est un objectif que nous partageons pleinement : la surveillance maritime, au profit de tous les Etats membres, doit être améliorée. Ce sujet, par nature intersectoriel et intégrateur, peut être le point de départ d'une gouvernance maritime européenne qui s'installerait progressivement.
Nous partageons aussi la perspective d'un espace maritime ouvert compatible avec la nécessaire fluidité des échanges internationaux et la préservation des intérêts des consommateurs européens. Cette approche devra être graduelle et uniforme au sein de l'espace communautaire.
En matière de recherche et d'innovation nous souscrivons pleinement à l'avènement d'une stratégie européenne pour la recherche marine, et soutenons l'approche proposée visant au développement de "clusters" ou plus généralement, selon la terminologie que nous utilisons en France, de pôles de compétitivité.
En matière de données d'observation et de surveillance, d'informations, et plus largement d'infrastructures pour la recherche et la surveillance, la mise en place d'une structuration européenne mérite, bien sûr, d'être soutenue, pour venir notamment conforter dans le domaine marin les initiatives en cours [GEO (global earth observation) et GMES (Global monitoring for environment and security)]. Par ailleurs, la mise en place progressive d'un système d'informations géographiques unifié à l'échelle des espaces littoraux européen pourrait utilement être associée à la création d'un tel réseau.
La Commission évoque l'aménagement spatial de l'espace maritime. Les contours de cette problématique doivent être clarifiés. Nous devrons encore y réfléchir avant de nous engager sur ce point.
Un domaine paraît, en revanche, mériter d'être clairement soutenu. Il s'agit de la dimension sociale. J'espère que cette perspective progressera à la faveur des prochains travaux au Conseil.
Enfin, deux sujets me paraissent encore devoir être mis en exergue : le changement climatique et la biodiversité marine. Une véritable politique maritime ne peut occulter ces deux priorités qui appellent notamment, une meilleure connaissance des mécanismes et des effets du changement climatique sur le milieu marin. A cet égard, le projet de directive "stratégie marine" constitue un important facteur d'intégration et devrait avoir une place accrue dans le volet environnemental de la politique maritime européenne. Cette thématique intéresserait tout particulièrement, mais pas seulement, les territoires d'outre-mer dans lesquels la recherche sur la biodiversité et son évolution pourrait être encouragée.
De façon générale, il est évident que les activités qui s'exercent dans le milieu marin ne peuvent échapper au défi de la lutte contre le changement climatique. C'est une priorité que l'Union s'est assignée et la politique maritime doit prendre toute sa part dans cet effort.
Pour conclure, je voudrais de nouveau remercier la Présidence et la Commission pour leurs efforts et leur indiquer qu'elles peuvent compter sur la France pour maintenir, durant sa présidence de l'an prochain, la politique maritime intégrée au rang des priorités de l'Union européenne.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2007