Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, sur l'innovation dans le secteur de la santé et de la dépense publique, Paris le 10 octobre 2007.

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Circonstance : Clôture du forum "Innovation santé 2015" à Paris le 10 octobre 2007

Texte intégral

Discours de Roselyne BACHELOT-NARQUIN
Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports
Clôture du Forum « Innovation Santé 2015 »
organisé par le LEEM
MERCREDI 10 OCTOBRE 2007
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui en cet institut Pasteur dont le seul nom, pour le monde entier, est évocateur des progrès conjugués de la médecine, de la recherche et de l'industrie.
Sans succomber pour autant aux lubies de la planification exacerbée, il nous faut bien reconnaître, en effet, que la science ne justifie l'investissement consacré qu'au regard de son utilité sociale. Sans doute, par définition, les inflexions du progrès ne se laissent pas deviner par avance . Sans doute, les applications possibles d'une découverte suivie d'effets thérapeutiques déjouent-elles souvent nos prévisions. En même temps, nous savons que l'innovation, parce qu'elle n'est pas non plus une fin en soi, doit être promue suivant quelques orientations clairement définies.
Certes, les avancées de la recherche dont nous ne saurions refuser le coût sans compromettre nos chances de croissance, déterminent pour une bonne part l'amélioration de la santé publique. L'implication, cependant, n'est pas mécanique.
Seule une politique globale de santé publique peut permettre, en effet, de tirer, de manière optimale, les fruits de l'innovation thérapeutique.
Sans conteste, l'innovation doit être, à double titre, soutenue. L'innovation est non seulement un gage de progrès et un facteur d'espoir pour les patients, mais elle constitue aussi un des leviers essentiels de notre compétitivité.
A cet égard, il convient de rappeler que le dynamisme de l'innovation dépend de la mobilisation conjointe des acteurs publics et privés. En la matière, le LEEM recherche joue d'ailleurs un rôle précurseur dont il convient de saluer l'exemplarité. Dans le même esprit, j'attends beaucoup des travaux fort utiles engagés par le CSIS (Conseil stratégique des industries de santé).
Je veillerai à ce qu'ils se poursuivent dans le cadre d'un partenariat exigeant entre les industriels et les pouvoirs publics. Je sais que les services des différents ministères concernés, ainsi que vous-mêmes, industriels et chercheurs, oeuvrez à la mise en forme d'un programme qui, je l'espère, sera à la hauteur des enjeux. Je l'espère d'autant plus que mon action s'inscrit dans la perspective de la prochaine Présidence française. Ne manquons pas l'occasion de pouvoir y porter quelques projets innovants ! Faisons preuve de créativité et d'audace !
La France a souvent montré l'exemple en la matière. Les bonnes pratiques partenariales entre public et privés, telles que celles qui ont été initiées par le CSIS et qui ont présidé à la constitution du « Centre national de gestion des produits de santé », doivent constituer peu à peu une forme à'habitus national.
La politique du médicament que je veux conduire s'inscrit résolument dans cette logique. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de la frilosité ou du repli. Nous devons avancer au coude à coude pour espérer maintenir et renforcer l'attractivité de notre pays.
Néanmoins, nous ne pouvons pas nous permettre de dépenser sans discernement. L'obligation à laquelle nous sommes tenus de maîtriser les coûts de la santé peut, à cet égard, constituer pour nous une contrainte vertueuse.
Sans aucun doute, la promotion de la recherche et de l'innovation, parce qu'elle stimule la croissance, augmente nos recettes. Nul n'ignore l'existence de ce cercle vertueux qui permet de générer de nouvelles cotisations par l'effet d'investissements porteurs d'emplois.
Cependant, chacun sait aussi que l'augmentation des dépenses de santé ne se justifie qu'au regard des bénéfices attendus pour la collectivité solidaire. Nous sommes même portés à constater, conformément à de vieux préceptes humanistes et épicuriens, qu'il est toujours plus sage de se contenter de ce qui nous suffit, de rechercher l'utile et le nécessaire plutôt que de courir à sa perte en déployant des efforts désordonnés.
Sans vouloir faire de nécessité vertu, comme se plaisent à le dire les mauvais esprits, nous poserons donc sans tabou quelques questions que d'aucuns ont su formuler, à leur tour, de manière plus abrupte et technique. Qu'on en juge, en effet, par le constat établi par la Cour des Comptes, concernant le niveau de consommation très élevé de médicaments en France par rapport aux autres pays. Ce tropisme national se traduit-il réellement par une amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens ? En d'autres termes, les dépenses sont-elles véritablement adaptées aux besoins ?
Cette question n'est pas d'inspiration strictement comptable. Elle constitue plutôt, pour moi, une des questions structurantes de la politique qualitative que je compte mener. C'est dans cette seule perspective que je veux penser et promouvoir l'innovation.
Nous devons être capables d'établir nos priorités. Nous devons déterminer clairement ce qui est nécessaire et qu'il nous faut, sans hésitation, financer ; ce qui constitue un espoir de progrès trop ténu pour mériter l'effort de la collectivité ; et enfin, tout ce qui justifie son existence par les économies qu'il génère pour le système.
Le problème doit être distinctement posé si nous voulons nous donner les moyens d'optimiser nos dépenses : à quelle aune doit-on mesurer l'opportunité d'une innovation ? Il nous faut y réfléchir ensemble pour être en mesure de répondre sans tarder aux besoins qui se font jour.
Vous l'aurez compris, ma démarche est résolument rationnelle et raisonnable.
Sans doute, la flambée des prix des nouveaux médicaments nous oblige au pragmatisme et nous contraint d'en rationaliser scientifiquement l'usage. Mais c'est d'abord l'intérêt du patient et le souci d'améliorer la qualité des soins dans notre pays qui devront guider nos choix.
A cet égard, si nous voulons continuer à offrir à tous les patients un accès rapide aux innovations, il nous faudra disposer de référentiels scientifiques plus performants et plus nombreux. Ainsi, nous devrions pouvoir mieux définir, en amont, éclairés par des données objectives et actualisées, les populations-cibles qui peuvent tirer d'une innovation un réel bénéfice. Dans le même esprit, il faudrait être en mesure d'identifier également les patients pour lesquels les anciens médicaments sont au moins aussi efficaces.
Nos objectifs sont ambitieux, je vous le concède. Les enjeux, ici consubstantiellement liés, sont économiques aussi bien que médicaux. Mais notre action reste normée par les seuls impératifs de santé publique. C'est en ce sens qu'il convient de préserver pour l'innovation le rapport bénéfices-risques optimal. C'est à cette seule condition que nous pourrons permettre à la collectivité de tirer profit des innovations réelles qu'il revient de financer.
Je vous remercie.Source www.leem-media.com, le 19 octobre 2007