Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, sur la politique de la santé en matière de soins palliatifs, la capacité d'accueil et l'accès aux soins, Paris le 17 octobre 2007.

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Circonstance : Visite aux réseaux de santé de soins palliatifs à Paris le 17 octobre 2007

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
L'espérance de vie s'accroît, d'une vie dont chacun voudrait, pour lui-même et les siens, qu'elle fût marquée du sceau de la liberté. Cette liberté, quels que soient les aléas de l'existence, ne diminue pas avec nos forces : elle est ce bien inaliénable entre tous qui vaut la peine de se battre et justifie nos plus grands combats. Ministre de la santé, je voudrais contribuer par mon action à améliorer pour tous la qualité du parcours de soins de sorte que chacun puisse effectivement, dans un projet de vie au long cours, effectuer ces choix éclairés et réfléchis dont dépend à tout moment le sens de notre existence.
Cette exigence éthique est ici la seule pierre de touche de notre politique de santé. Je veux le dire sans grandiloquence ni pathos, mais avec la solennité qu'implique la gravité des enjeux : la diffusion dans notre pays de la culture du soin palliatif procède d'une obligation morale autant que sociale.
Le développement de cette culture palliative, en retour, implique une inflexion majeure de nos représentations, annonce et accompagne de profondes mutations.
L'évolution de la pyramide des âges nous contraint sans doute à opérer un certain nombre de choix qui, pour la collectivité, ont un coût. Mais ces choix, nous ne perdrons pas de vue qu'ils sont d'abord et avant tout des choix de société. Vous qui, au quotidien, assurez concrètement, au plus près des patients et de leurs proches, l'accompagnement nécessaire et les soins palliatifs, vous le savez mieux que tous.
Si les soins palliatifs doivent désormais se banaliser, si les capacités d'accueil doivent être renforcées, conformément d'ailleurs aux engagements du Président de la République, c'est bien pour que les patients, leurs familles et leurs proches puissent se rendre à nouveau comme maîtres et possesseurs de leur vie, alors même que celle-ci vient à s'épuiser. La conscience même de notre fragilité nous oblige d'ailleurs à plus d'attention. C'est quand le fil qui rattache un être à la vie se fait plus tenu que la singularité et l'unicité de cet être nous apparaît dans sa lumineuse évidence. C'est alors, lorsque les soins prodigués requièrent une attention plus fine, que les besoins du patient doivent être saisis et compris dans leur globalité. Tel est le sens de la circulaire que je m'apprête à signer, et qui propose le développement de référentiels structurants et la mise en oeuvre de la démarche palliative, dans les établissements de santé comme en dehors. L'hospitalisation à domicile doit ainsi devenir le support de développement des soins palliatifs.
Ainsi, il est, à mes yeux, absolument indispensable de renforcer la formation des soignants, aussi bien la formation initiale que la formation continue, pour permettre d'assurer à chacun les soins les plus adaptés à sa situation clinique. Je souhaite que les médecins et les infirmiers puissent se former ensemble, et pourquoi pas avec les psychologues et les travailleurs sociaux. L'appartenance des professionnels à des réseaux de soins constitue sans doute un des meilleurs moyens de se préparer à répondre aux attentes spécifiques des personnes en fin de vie et de leur famille. La possibilité de partager l'information et d'échanger sur les pratiques est, à cet égard, du plus précieux secours. Ainsi, en 2006, plus d'une centaine de réseaux ont accueilli, dans toute la France, plus de 16.000 patients. De cette large diffusion de la culture palliative dépend l'extension des bonnes pratiques. Il faut tout faire, en effet, pour que les patients et leurs proches soient en mesure de pouvoir choisir de manière éclairée, réfléchie et sécurisée, les modalités de l'accompagnement qui convient le mieux à chaque situation particulière.
Les aidants professionnels mais aussi les proches doivent bénéficier d'une plus grande reconnaissance.
Certes, la souffrance que nous éprouvons quand l'un des nôtres semble être parvenu au bout de son chemin, loin de nous isoler et de nous anéantir, nous rapproche encore, nous rend plus fraternels, et parfois redouble notre courage. Cependant, le proche ne peut pas tout. Il ne peut pas tout tout seul. Au contraire, le proche a tôt fait de se sentir dépourvu, vulnérable à son tour, dès lors que la solitude, par anticipation redoublée, finit par épuiser ses forces. Le proche, alors, a besoin d'un secours possible à proximité. Je ne laisserai pas l'occasion qui m'est ici donnée de m'exprimer devant vous, pour vous dire que la Ministre de la santé que je suis, la Ministre de la qualité des soins que je veux être, se sent proche de tous ces proches sans qui, souvent, les malades perdent jusqu'au désir de vivre. Il faudra bien, à cet égard, que s'engage une réflexion approfondie sur les devoirs de la collectivité envers les proches. Les proches, en effet, ne sauraient être les oubliés d'une politique de santé globale et ambitieuse.
Ainsi, je souhaite avancer dans les tous prochains mois sur la question du congé de solidarité familiale.
Notre détermination à améliorer le confort des patients en fin de vie, d'ores et déjà, se traduit par des efforts matériels sans précédent. Ainsi, en 5 ans, le nombre de lits identifiés de soins palliatifs est passé de 700 à 3.000. De même, on compte aujourd'hui 350 équipes mobiles, contre seulement 200 en 2002. Ces dernières complètent les réseaux qui se sont développés. J'ai d'ailleurs proposé dans le projet de loi de finance 2008 qu'une enveloppe de 30 millions d'euros soit dédiée au développement des soins palliatifs. Ce montant est trois fois supérieur à l'effort réalisé ces dernières années.
Tous ces chiffres sont éloquents. Cependant, je voudrais conclure cette intervention comme je l'ai commencée, en inscrivant résolument notre démarche dans l'horizon éthique qui en détermine le sens.
Il me suffira de rappeler, pour conclure, l'existence d'une loi, dite loi Léonetti, qui énonce assez clairement les grands principes qui régissent les pratiques palliatives. Par-dessus, c'est le libre choix du patient qui doit être entendu, respecté : un choix réfléchi qui doit être éclairé par la délivrance bien pesée de l'information nécessaire. Tout est ici affaire d'appréciation, de finesse et d'écoute. En tout état de cause, même si le patient demande l'arrêt des soins à visée curative, sa prise en charge globale ne peut jamais être négligée. Tous les moyens utiles doivent ainsi être mis en oeuvre pour assurer une fin de vie confortable à ces patients qui méritent alors la plus scrupuleuse attention des soignants.
Tel est l'esprit du soin palliatif qui, désormais, doit être reconnu à sa juste valeur.
Certes, le respect des personnes en fin de vie, de leur intimité et de leur libre-arbitre, s'expriment souvent dans des attitudes dont l'invisibilité, parfois, rend difficile l'évaluation. Cependant, si je souhaitais pour finir, rendre hommage à ce « travail discret », c'est qu'il incarne à mes yeux le propre du geste soignant, admirable entrelacs d'humanité et de compétence qui soutient tout l'édifice des soins.
Je vous remercie.Source http://www.sante.gouv.fr, le 24 octobre 2007