Interview de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, à "Europe 1" le 22 octobre 2007, sur la nomination de Bernard Laporte au secrétariat d'Etat aux sports.

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Média : Europe 1

Texte intégral


 
 
 
J.-P. Elkabbach.- J. Pradel : J.-P. Elkabbach, vous recevez ce matin R. Bachelot.
 
Avec intérêt et avec plaisir. R. Bachelot, bonjour.
 
R.- Bonjour J.-P. Elkabbach.
 
Q.- A partir d'aujourd'hui, qui est le vrai ministre des Sports, B. Laporte ou vous ?
 
R.- Eh bien, le ministre des Sports c'est moi-même, R. Bachelot, avec un secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports, B. Laporte, dans une configuration classique dans la République, d'un ministre et d'un secrétaire d'Etat.
 
Q.- Alors, le Journal Officiel ne paraît pas aujourd'hui, celui d'hier n'avait pas annoncé sa nomination. Qu'est-ce qui grince ou coince ?
 
R.- Rien ne grince ! B. Laporte est reçu ce matin par le Premier ministre, puis ensuite par moi-même. Les choses sont claires.
 
Q.- Et il va être nommé secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports.
 
R.- Secrétaire d'Etat à la Jeunesse et aux Sports.
 
Q.- C'est-à-dire il garde les deux.
 
R.- Voilà !
 
Q.- Et vous aviez tellement besoin d'un secrétaire d'Etat ou d'un sous-ministre, vous.
 
R.- Il y a du travail pour deux. Il y a des très grosses échéances sportives, je pense en particulier aux Jeux Olympiques de Pékin, à la préparation d'un certain nombre de grandes échéances internationales. Il faut aussi approfondir notre politique des sports et de la jeunesse, animer les fédérations. Vous savez, dans notre pays, il y a une particularité, c'est que la gouvernance du sport est partagée entre les autorités publiques et les autorités sportives, et vraiment il y a un travail d'animation tout à fait considérable à exécuter, et je sens que... je me réjouis de l'arrivée d'un secrétaire d'Etat et particulièrement de l'arrivée de B. Laporte.
 
Q.- Vous êtes vraiment convaincue de ce que vous dites ?
 
R.- Evidemment ! J'aspire à l'arrivée d'un secrétaire d'Etat depuis le début de mon arrivée à ce ministère et, bon, il s'est dévoué à la cause du rugby, maintenant il va se dévouer à la cause du sport tout entier.
 
Q.- Vous n'aviez pas apprécié qu'il dise : « Si ça ne me plaît, je m'en irai ». Cela faisait plutôt dilettante et léger pour un ministre de la République.
 
R.- Oui, c'est un homme qui n'a pas d'expérience politique, c'est un type intelligent, qui a beaucoup de volonté dans le sport. Il va apprendre, il va apprendre. D'ailleurs, il a exprimé cette volonté d'apprendre.
 
Q.- Qu'est-ce qu'il faut qu'il apprenne ?
 
R.- Tout le mécanisme de la République, un budget...
 
Q.-...Ah, de l'Etat, oui, oui.
 
R.-... Une action parlementaire. Moi, ce que trouve d'assez étonnant dans ce procès qui lui est fait c'est que finalement tout le monde critique une classe politique qui serait endogamique, qui effectivement verrait toujours les mêmes corps constitués rentrer en politique. Voilà un garçon qui n'a pas d'expérience politique, qui a une expérience sportive, qui apporte un souffle d'air frais dans la politique, dont acte.
 
Q.- Oui, oui, pour la publicité aussi. Et il a sur le dos des difficultés avec le fisc, il y a une enquête. Est-ce que vous le présumé, vous, innocent ?
 
R.- Je trouve que la façon dont le président de la République a dit les choses est parfaite. Et moi, maintenant, j'attends B. Laporte dans une grosse heure et nous allons travailler.
 
Q.- Oui. D'ailleurs, il est vrai que rarement une désignation d'un secrétaire d'Etat a provoqué autant de commentaires et de réactions dans la presse, les milieux politiques, au Stade de France où il a été sifflé samedi, et puis tant de fracas à ceux qui l'auront choisi. De tracas aussi.
 
R.- En général, un secrétaire d'Etat quand il arrive dans le Gouvernement a un travail de médiatisation à faire pour se faire connaître.
 
Q.- Lui, ça ne sera pas le cas.
 
R.- Il y a beaucoup de gens qui ne connaissent pas les secrétaires d'Etat qui sont au Gouvernement. Lui, il y a déjà un gros travail de fait, il est connu.
 
Q.- Son budget c'est votre budget ?
 
R.- Bien sûr ! C'est normal, j'ai défendu ce budget qui est d'ailleurs un budget en nette augmentation. Et puis j'irai le défendre devant les assemblées, enfin les deux assemblées parlementaires. J'ai présenté la politique du Gouvernement devant le Comité olympique français, notre politique de subventions devant le conseil, ce qu'on appelle le CNPS.
 
Q.- Donc, vous lui avez bien préparé le terrain, R. Bachelot...
 
R.-...Absolument.
 
Q.-...Mais est-ce que c'est lui qui désormais va représenter la France lors des compétitions, lors des étapes du Tour de France, lors des Jeux Olympiques ?
 
R.- Nous nous partagerons...
 
Q.- Le Tour de France ?
 
R.- Nous nous partagerons le travail, nous allons en discuter ensemble. Nous avons convenu, effectivement, comme chaque secrétaire d'Etat et chaque ministre, de mener cette affaire en parfaite coordination.
 
Q.- On évoque la création...
 
R.-...vous savez, des secrétaires d'Etat et des ministres, il y en a dans ce Gouvernement...
 
Q.- C'est pour ça que je dis que c'est exceptionnel qu'il y ait autant de brouilles.
 
R.-...Et ça ne pose pas de difficulté.
 
Q.- Et la nomination va avoir lieu aujourd'hui, elle va être officialisée tout à l'heure.
 
R.- Voilà !
 
Q.- Si je comprends bien. Pour le moment, il ne l'est pas encore. Alors, il y a aujourd'hui un sommet qui est organisé, c'est-à-dire que c'est vous qui l'avez lancé, pour lutter contre le dopage. Il sera là avec vous, sans doute à vos côtés.
 
R.- Très certainement.
 
Q.- Et à ce propos, on évoque la création d'un passeport biologique individuel.
 
R.- Oui, la lutte contre le dopage donne tout son sens au nouveau périmètre du ministère Sports, Jeunesse et Santé. Il faut absolument lever un certain nombre d'ombres qui subsistent, en particulier sur le cyclisme. Moi, je veux dire que le cyclisme a fait des efforts tout à fait considérables, c'est aussi un sens de ce sommet. Il n'y pas un sport qui est aussi contrôlé que le cyclisme, 20 % des 9 000 analyses sont faites sur le cyclisme, c'est cinquante fois plus, comparativement, que par exemple, pour le football.
 
Q.- Donc, un passeport biologique.
 
R.- Alors, nous allons mettre sur la table un certain nombre de nouveaux procédés pour faire une meilleure lute antidopage. Le passeport sanguin est une excellente formule. Vous savez que les techniques antidopage évoluent, en particulier par les systèmes d'homo ou d'autotransfusion. Donc, il faut qu'on puisse suivre le sportif pour voir s'il a ou non pratiqué ces nouveaux modes de dopage. Je veux aussi à travers ce sommet se faire se rencontrer des acteurs de la lutte antidopage qui avaient, hélas, perdu l'habitude de se parler, comme l'Union cycliste internationale et l'Agence mondiale antidopage.
 
Q.- Vous dites, R. Bachelot, un passeport pour les sportifs, pas seulement pour les cyclistes ?
 
Exactement. Le cyclisme pourrait être une sorte de lieu d'expertise, d'expérimentation sur ce passeport sanguin qui pourrait à la suite, évidemment, intéresser d'autres...
 
Q.-... Être appliqué par exemple au tennis.
 
R.- Au tennis, au football, à l'athlétisme, bien entendu.
 
Q.- A l'athlétisme, au rugby peut-être ?
 
R.- Au rugby, pourquoi pas ?
 
Q.- Cette nuit, votre ministère a négocié avec les internes actuellement en grève - je n'oublie pas que vous êtes ministre de la Santé - pour défendre la liberté d'installation que vous vous promettez de ne pas remettre en cause. Est-ce qu'ils feront ce qu'ils veulent en dépit de la crise géo et démographie médicale ?
 
R.- Il y a eu un certain nombre d'incompréhensions, de procès d'intention qui ont été faits au Gouvernement. Il s'agissait de lever les ambiguïtés. Nous travaillons d'arrache-pied avec les jeunes médecins, nous avons déjà convenu de choses très importantes, c'est-à-dire que ces politiques qui sont destinées à lutter contre des problèmes de démographie médicale qui sont tout à fait importants dans notre pays et qui ne vont pas arrêter, qui vont augmenter.
 
Q.- Oui, alors de quelle façon ils y participeront eux-mêmes ?
 
R.- Alors, ils y participeront à travers des états généraux de l'organisation des soins. Nous sommes en train de travailler avec les internes, nous avons travaillé une partie de la nuit, les choses avancent dans un esprit de dialogue.
 
Q.- Ils arrêtent leur grève ?
 
R.- Je ne veux pas acter de la fin des négociations que nous menons avec eux et qui vont se continuer à peu près jusqu'à demain, et j'ai confiance.
 
Q.- D'accord, mais O. Samain, d'Europe 1, me signalait qu'à Bordeaux le président de la République avait dit que pour les étudiants futurs médecins, il faudra revoir les règles de leur conventionnement par la Sécurité sociale.
 
R.- Non. Les pistes sont en train d'être étudiées, nous les étudions avec les jeunes médecins dans le cadre du dialogue conventionnel. C'est ce que dit le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale, et je ne préempte aucune des solutions. Nous sommes dans une stratégie de dialogue.
 
Q.- Et ce qu'il a dit à Bordeaux ?
 
R.- Ce qu'il a dit à Bordeaux, il a dit des choses très importantes, il a acté la nécessité des états généraux de l'organisation des soins avec les jeunes...
 
Q.- Oui, mais sur le fond, sur le fond ?
 
R.- Et il a dit que de toute façon aucune mesure ne concernerait les générations en cours, c'est ça qui est le plus important.
 
Q.- Ah bon ? Donc, pour les générations à venir de médecins, est-ce qu'ils pourront ouvrir des cabinets, naturellement, librement, mais leurs patients ne seront pas remboursés ?
 
R.- La liberté d'installation est un principe fondamental, et le remboursement des patients en est un autre.
 
Q.- R. Dati est en train de faire un tour de France pour la réforme de la carte judiciaire. Vous allez en faire autant ? Est-ce qu'il y aura une carte de la réforme des hôpitaux ?
 
R.- Le procédé, le processus n'est absolument pas le même, même s'il s'agit de mener une politique de qualité des soins. Je suis, je le répète, la ministre de la qualité des soins. Il y a déjà un certain nombre de dispositifs d'ailleurs dans le plan de financement de la Sécurité Sociale.
 
Q.- Donc, il n'y aura pas - on est direct -il n'y aura pas de carte des hôpitaux ?
 
R.- Non.
 
Q.-...De réforme de la carte hospitalière ?
 
R.- Tout ce juge à partir de la qualité des soins, des regroupements nécessaires, des restructurations nécessaires pour affronter les défis qui sont ceux du vieillissement et du progrès technologique.
 
Q.- Sans réforme de la carte hospitalière. Depuis huit mois, autre chose, le conseil de l'Ordre de Paris est sur la sellette, il est en crise, il a pratiquement implosé. C. Marguerite expliquait ce matin qu'une partie de ses membres et adhérents dénonçaient une gestion opaque, des malversations même. Depuis des mois, O. Plichon, du Parisien, répète que l'IGAS - l'Inspection générale des affaires sociales - a rédigé un rapport enquête accablant, il est sur votre bureau. Qu'est-ce que vous allez en faire ?
 
Ce rapport est effectivement accablant, avec des problèmes de gestion considérables. La gouvernance du Conseil départemental de Paris est en panne. Je mets le Conseil national de l'Ordre devant ses responsabilités et lui demande de dissoudre le Conseil départemental de Paris.
 
Q.- C'est-à-dire que vous approuvez tout ce qui est dans le rapport de l'IGAS ?
 
R.- Le rapport de l'IGAS me paraît suffisamment clair, oui.
.
Q.- Il vous a choqué sur le comportement du Conseil de l'Ordre de Paris.
 
R.- Je n'ai pas d'autre commentaire à faire que de demander au Conseil national de l'Ordre de prendre ses responsabilités.
 
Q.- Autre chose, R. Bachelot, vous avez bien fait de venir. Hier, à 9 heures, sur Europe 1, dans sa chronique du dimanche, L. Schweitzer, président de la Halde, expliquait à Martial You le cas d'une infirmière de 50 ans, madame Dore (phon) qui se plaint de discriminations puisque aucun hôpital public n'accepte de la recruter. Les hôpitaux manquent d'infirmières, on promet de faciliter l'emploi de seniors. Est-ce que vous êtes favorables au recrutement des infirmières de 50 ans ?
 
R.- D'abord, merci à L. Schweitzer d'avoir signalé ce point qui montre que le nettoyage qui avait été fait sur le statut de la fonction publique il y a deux ans n'est pas suffisant. Effectivement, c'est une discrimination absolument insupportable et le Gouvernement va veiller à ce qu'elle soit levée.
 
Q.- Donc, cette dame pourrait, et comme d'autres à partir de 45 ans, trouver un travail dans les hôpitaux ?
 
R.- Mais bien entendu, c'est absurde. C'est le contraire de la politique que veut mener N. Sarkozy et F. Fillon. Ce serait absurde d'en rester là.
 
Q.- Voilà que vous donnez de bonnes nouvelles. Ce matin, il y a un hommage à Guy Moquet. Le président de la République n'a, paraît-il, pas le temps dans son agenda d'aller maintenant dans un lycée. La ministre de la Jeunesse lira-t-elle la lettre de Guy Moquet dans un lycée aujourd'hui ?
 
R.- Je consacre ma journée à B. Laporte. Alors, lui lirais-je la lettre de Guy Môquet ? Je suppose qu'il la connaît.
 
Q.- Oui, d'autant plus qu'il l'avait fait lire ou lu lui-même, enfin il avait fait lire aux rugbymen, ce qui avait choqué pas mal de monde, mais il la connaît peut-être par coeur maintenant.
 
R.- Voilà !
 
Q.- Mais vous voyez que vous concentrez beaucoup de temps à B. Laporte.
 
R.- Absolument !
 
Q.- Et qu'il y a peut-être d'autres choses historiques plus intéressantes.
 
R.- C'est normal !
 
Q.- Le président de la République, c'est ma dernière question, se rend trois jours au Maroc en visite d'Etat chez le Roi Mohammed VI. Il va recevoir un accueil triomphal comme savent le faire les Marocains. Ca va ? Il garde le moral ?
 
R.- Hier soir, il nous a présenté l'énorme succès que représente l'adoption du Traité simplifié. Il a beaucoup insisté pour que nous soyons les premiers, la France, à adopter ce Traité, à ratifier ce Traité simplifié. Il nous a d'ailleurs, nous, mis, les ministres de son Gouvernement et l'ensemble du mouvement politique dont il est issu, devant nos responsabilités historiques. Et il a beaucoup insisté à la fin de cette réunion sur l'enjeu que représentait la Méditerranée. Donc, il y a une très grande logique entre l'Europe et la Méditerranée, et la visite de N. Sarkozy au Maroc s'inscrit dans ce cadre.
 
Q.- Et c'était son rôle d'aller devant l'UMP ?
 
R.- Halte à l'hypocrisie ! Chacun sait bien que le président de la République rencontre les responsables du parti politique dont il est issu. N. Sarkozy tranche avec les hommes politiques précédents, il fait tout ça dans la lumière.
 
Q.- Je vous ai demandé s'il gardait le moral ?
 
R.- Apparemment, oui, non seulement le moral mais une sacré volonté.
 
Q.- Attention ! Quand vous dites « apparemment », on pourrait croire qu'en réalité, non.
 
R.- Non mais vous...
 
Q.-...Hein ?
 
R.-... vous êtes un pervers, monsieur Elkabbach.
 
Q.- Attention ! Quand je lis le livre d'E. Roudinesco sur les pervers, je ne me retrouve pas dans les pervers, non. Je vous conseille sa lecture.
 
R.- Absolument ! La lacano-freudienne que je suis appréciera.
 
Q.- Très bien ! Mais quand vous dites donc, « apparemment, il a le moral », ça veut dire qu'il l'a ou qu'il ne l'a pas ?
 
R.- Il l'a.
 
Q.- Bonne journée, merci d'être venu. Bon courage avec B. Laporte. Cela promet ! Bonne journée.
 
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 octobre 2007