Déclaration de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur l'enseignement supérieur en Europe, notamment le programme Erasmus, et le projet de loi sur l'autonomie universitaire, Paris le 18 octobre 2007.

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Circonstance : Rencontres européennes de l'enseignement supérieur à Bordeuax le 18 octobre 2007

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Je ne peux malheureusement être parmi vous aujourd'hui comme je l'espérais, mais grâce aux nouvelles technologies, je peux néanmoins m'adresser à vous et participer ainsi à distance à ces rencontres européennes de l'enseignement supérieur, consacrées cette année au " défi de l'emploi ".
Permettez-moi de saluer ceux sans qui ces rencontres n'auraient pas pu avoir lieu et tout d'abord Sonia DUBOURG-LAVROFF, la dynamique directrice de l'agence Europe-Education-Formation-France et toute son équipe.
Au cours de ces deux journées, vous allez fêter, Mesdames et Messieurs, les 20 ans du programme ERASMUS : c'est un anniversaire important. Il démontre s'il en était encore besoin, le succès de cette initiative qui, aux yeux de chaque Européen, est la meilleure preuve de l'existence d'un véritable espace européen de l'enseignement supérieur.
En 20 ans, ce sont plus de 240 000 étudiants français qui ont ainsi saisi l'occasion d'étudier à l'étranger pendant un ou plusieurs semestres, de découvrir d'autres cultures, d'autres universités et d'autres enseignements, tout en nouant des liens amicaux étroits avec leurs camarades européens, des liens qui durent souvent bien plus longtemps que le séjour lui-même.
En 20 ans, le programme Erasmus est vraiment devenu très populaire : il attire chaque année toujours plus d'étudiants - ils sont plus de 150 000 à en avoir bénéficié en 2005-2006 - et a même créé sa propre mythologie, illustrée par des ouvrages et des longs métrages à succès, qui viennent célébrer cette expérience exceptionnelle et les amitiés qui l'accompagnent.
Cette expérience exceptionnelle ne contribue pas seulement à la formation humaine et universitaire de tous ces jeunes Européens, elle leur ouvre aussi bien des perspectives d'avenir : grâce à l'excellente maîtrise d'une langue étrangère qu'ils lui doivent souvent, mais aussi tout simplement parce que la mention d'un long séjour dans un autre pays de l'Union ne manque jamais d'attirer l'attention des recruteurs : ils y voient, et à raison, une preuve de leur capacité d'adaptation, de leur curiosité et de leur dynamisme.
Cette mobilité internationale entre dans les habitudes et c'est tant mieux car c'est sans doute l'un des atouts les plus précieux de l'espace européen de l'enseignement supérieur à l'heure où les échanges scientifiques et culturels entre les pays du monde s'intensifient.
Mais il est indispensable de renforcer encore cette mobilité : cela veut dire d'abord la rendre plus facile pour les étudiants européens qui choisissent la France. J'invite donc chaque établissement à réfléchir à son offre de formation ouverte aux étudiants européens et étrangers, à améliorer la lisibilité de chaque programme et de la gamme de diplômes proposés, mais aussi à accompagner mieux encore nos jeunes hôtes.
Je pense ainsi au nécessaire développement des tutorats et de toutes les formes d'aide linguistique, ou bien encore à l'amélioration des conditions de vie et de travail qui leur sont offertes.
Tout départ à l'étranger restera bien entendu toujours une forme d'aventure, et il est bon qu'il en soit ainsi : c'est aussi le gage d'un véritable enrichissement personnel et intellectuel. Mais l'aventure ne doit pas se transformer en épopée déplaisante, rythmée par les difficultés à se loger, à circuler ou à remplir telle ou telle formalité administrative.
Faciliter la vie aux étudiants étrangers, ce doit être aussi un objectif des pouvoirs publics : le statut particulier de la mobilité universitaire a déjà été pris en compte par la loi du 24 juillet 2006 et ses textes d'application. Mais nous pouvons aller plus loin encore en aménageant autant que faire se peut le cadre juridique et administratif qui régit la mobilité internationale des étudiants, au moment même où le programme Erasmus s'ouvre non plus seulement à des périodes d'études, mais aussi à des stages.
Développer les mobilités internationales, c'est enfin maintenir l'effort soutenu consenti par les pouvoirs publics pour financer les programmes de bourses à la mobilité. Grâce à l'Etat, mais aussi grâce aux collectivités territoriales, qui n'hésitent jamais à s'impliquer dans ces programmes, ce sont 21 000 étudiants européens qui fréquentent cette année les établissements français, et plus de 22 000 étudiants français inscrits dans des universités européennes dans le cadre du programme Erasmus.
Nous devons faire mieux encore pour nos étudiants. Car chacun le sait, un séjour long à l'étranger, il faut que cela devienne la norme pour nos étudiants. Je souhaite qu'à terme tout étudiant puisse effectuer une période d'études hors de notre pays. Tous nos jeunes, je dis bien, et pas seulement ceux qui en ont et l'envie et les moyens.
C'est pourquoi, avec tous nos partenaires de l'Union européenne et la Commission européenne, je veux explorer les pistes qui permettront de développer encore davantage la mobilité des jeunes en Europe.
Première piste : renforcer et de promouvoir l'enseignement des langues dans toutes les filières de l'enseignement supérieur : c'est bien sûr un gage d'ouverture au monde, mais c'est aussi la première condition d'une généralisation de la mobilité internationale.
Deuxième piste : offrir des bourses véritablement incitatives, en réunissant les financements communautaires, nationaux et locaux, qui sont complémentaires, en une enveloppe unique, proposée comme telle. C'est dans cette perspective, que j'ai souhaité doubler dès 2008 le nombre de bourses de mobilité internationale accordées par l'Etat : ces bourses passeront de 15.000 à 30.000 et seront désormais offertes à tous les étudiants dont les parents ne sont pas imposables. Leur montant sera porté à 400 euros par mois, cumulables avec les autres bourses attribuées sur critères sociaux.
Troisième piste : s'appuyer plus encore sur les programmes existant, pour attirer toujours plus d'étudiants étrangers : en quelques années, la France est passée de la première à la troisième place en nombre d'étudiants européens Erasmus accueillis, derrière l'Allemagne et l'Espagne. Autant vous le dire, c'est une évolution que nous ne pouvons subir sans réagir.
Je souhaite donc que la Présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008 considère la mobilité étudiante comme l'un des moteurs de la construction d'une économie européenne fondée sur la connaissance. Pour moi, la Présidence française doit vraiment être l'occasion de favoriser la mobilité des étudiants en Europe et vers l'Europe. Il s'agit d'imaginer les outils de la mobilité de demain, de mieux intégrer la mobilité dans un parcours de formation mais également de renforcer l'attractivité de notre enseignement supérieur vis-à-vis des étudiants étrangers.
Pour renforcer l'attractivité de l'enseignement supérieur français, j'ai débuté un mouvement de réforme qui va redonner aux universités françaises toute leur attractivité.
C'est l'un des objectifs centraux poursuivis par la loi adoptée cet été et refondant nos universités autour des valeurs de liberté et de responsabilité.
Car il n'était plus possible de voir nos établissements se débattre dans des pesanteurs administratives quelquefois inimaginables, alors même que leurs voisins européens et internationaux bénéficiaient déjà depuis longtemps de la souplesse qui accompagne naturellement des formations d'excellence et des recherches de pointe.
C'est par l'autonomie, et par la réactivité qu'elle leur procure que nous rendrons à l'enseignement supérieur français tout son lustre, et que nous relèverons le défi de l'emploi, qui vous réunit aujourd'hui.
Ce défi, nous le connaissons bien et nous allons y répondre pleinement, d'abord en faisant de la licence un véritable passeport sur l'emploi, avec plus d'accompagnement méthodologique, avec une orientation disciplinaire plus large, avec plus de langues et plus de technologies de l'information, en un mot, avec tout le bagage nécessaire pour entrer sereinement sur le marché de l'emploi.
Car la professionnalisation des formations supérieures est désormais une exigence incontournable : et nous la réussirons grâce à une meilleure orientation et aux partenariats étroits qui se noueront de plus en plus entre les établissements, les entreprises et les collectivités territoriales.
C'est ainsi que nous en finirons, comme l'ont fait la plupart de nos voisins européens, avec cette situation inacceptable où pour certains étudiants, des années d'études supérieures sont synonymes de moins de perspectives d'avenir et non pas de plus ! Quoi de plus absurde, quoi de plus contraire à la stratégie de Lisbonne que cela ?
La France s'apprête donc à faire un effort sans précédent pour son enseignement supérieur et sa recherche, un effort budgétaire, bien sûr, en leur consacrant 1,8 milliard d'euros supplémentaires dès 2008, mais aussi un effort de rationalisation et de réorganisation, afin de permettre à chaque établissement, à chaque étudiant, français ou étranger, de viser l'excellence.
Mais pour l'atteindre, Mesdames et Messieurs, nous aurons plus que jamais besoin de l'Europe, et en particulier de l'espace européen de l'enseignement supérieur. A l'heure de la mondialisation de l'intelligence, l'engagement de toute notre Nation au service de notre enseignement supérieur ne suffira pas, nous devrons aussi unir nos efforts à ceux de tous les peuples de l'Union.
C'est pourquoi la France attache un intérêt majeur au processus de Bologne, à ses principes, à ses objectifs comme à ses valeurs. D'ores et déjà, il en est sorti des avancées remarquables : je pense à l'harmonisation de nos rythmes de formation, grâce au système LMD, ainsi qu'à ce progrès majeur qu'a été l'apparition des crédits européens transférables ECTS, qui donnent tout son sens à l'idée d'un parcours universitaire européen.
Mais nous devrons aller plus loin encore, en garantissant une évaluation efficace et crédible de la qualité des formations proposées au sein de chaque pays.
Grâce au registre européen des agences chargées de cette mission, adopté à Londres en mai dernier et construit sur une base volontaire, nous allons disposer d'un premier instrument décisif pour cela. Je souhaite que nous mettions rapidement en place la méthodologie rigoureuse qui nous permettra de disposer rapidement de premières évaluations fiables et donc indiscutables. C'est essentiel, si nous voulons qu'à l'avenir l'Europe puisse à son tour peser dans les classements internationaux.
Enfin, et je veux le redire aujourd'hui, il n'y a pas d'université forte qui ne s'adosse à une recherche de qualité. C'est pourquoi il est à mes yeux nécessaire de renforcer encore l'articulation déjà étroite de ces deux espaces jumeaux que sont l'espace européen de l'enseignement supérieur et l'espace européen de la recherche.
Au moment de présider l'Union européenne à partir du 1er juillet 2008, la France soutiendra donc très fortement le développement de formations doctorales structurées au niveau européen, qui feront de la thèse la première expérience professionnelle en matière de recherche, reconnue et valorisée comme telle.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, le renouveau de l'enseignement supérieur français ne pourra se faire totalement s'il n'est accompagné par de nouveaux progrès de l'Europe des savoirs et de l'intelligence, de cette Europe dont nous fêtons aujourd'hui les 20 ans avec le programme Erasmus, un âge où la première maturité se conjugue avec toutes les promesses.
Ces promesses, nous allonsles tenir en unissant nos efforts dans tous les pays d'Europe. Nous sommes déjà sur la bonne voie : votre présence lors de ces journées le prouve.
Je vous remercie. Source http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr, le 22 octobre 2007