Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de pouvoir vous accueillir ici pour la dernière étape de cette conférence sur l'emploi et le pouvoir d'achat avec les partenaires sociaux. Cette concertation me semblait indispensable avant d'aller plus loin dans nos projets de réformes.
Sur des sujets aussi complexes que ceux que de l'emploi et du pouvoir d'achat aujourd'hui chacun des participants à cette conférence, Etat, patronat, salariés, a sa part de responsabilité à assumer, et sa part de solutions à apporter.
Cette approche est bien dans la logique de la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007, qui prévoit une phase de concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux pour les projets de réforme dans les domaines des relations du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Cette conférence constitue donc la première étape de cette concertation.
L'objectif de cette conférence n'était pas d'apporter dans l'heure des réponses toutes prêtes à nos questions, mais au contraire de lancer un cycle de travail sur la base d'un constat partagé, et de grandes orientations pour les réformes à venir.
Laisser moi tout d'abord revenir rapidement sur le constat d'ensemble
S'il y a un problème de pouvoir d'achat dans notre pays, c'est d'abord et avant tout parce que nous avons un problème d'emploi. Niveau des revenus d'activité et situation du marché du travail sont étroitement liés et l'erreur qui a été commise au cours de la dernière décennie, notamment lors du passage aux 35 heures, est d'avoir cru que l'on pouvait traiter ces deux questions séparément.
On ne peut pas espérer augmenter durablement le niveau des revenus et partant le pouvoir d'achat si on ne s'attache pas dans le même temps à développer l'activité et l'emploi.
Nos piètres performances en matière d'emploi tiennent en partie à un problème de coût global du travail relativement élevé, à l'insuffisance de la R&D, à un niveau de qualification insuffisant ou inadapté, et d'une manière générale, un marché du travail trop peu fluide.
Le Gouvernement a d'ores et déjà pris ses responsabilités en engageant dès cet été des réformes de fond. J'ai porté moi-même certaines mesures importantes comme le développement du crédit impôt recherche, le renforcement du réseau de financement des PME innovantes, et la modernisation du service public de l'emploi à travers la fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC.
Les partenaires sociaux font également leur part du chemin, à travers les négociations sur la sécurisation des parcours professionnels qui se tiennent ne ce moment.
Nous aurons également à ouvrir prochainement le chantier de la formation professionnelle continue qui constitue la clé de la compétitivité de notre économie.
Reste la question du coût global du travail et du niveau des revenus d'activité, domaine de responsabilité partagée entre l'Etat et les partenaires sociaux . Notre coût du travail est élevé en comparaison de nos partenaires européens, surtout au niveau des bas salaires, mais pour autant le pouvoir d'achat des revenus d'activité stagnent, et le retour à l'emploi ne paie pas toujours dans notre pays.
Notre politique d'allégement des charges sociales menée depuis 1993 et plus encore depuis 2002 a permis d'atténuer les effets de la progression du SMIC, et de sauvegarder ou créer plusieurs centaines de milliers d'emplois peu qualifiés.
Mais cet effort n'a porté que peu de fruits en termes de revenus nets pour les salariés, notamment dans les professions intermédiaires. En effet, si le pouvoir d'achat du SMIC a progressé de plus de 20 % depuis 1999, cette hausse a été plus limitée pour nombre d'employés et de cadres, et quasi-nulle pour les professions intermédiaires.
Résultat :la part des salariés au SMIC a presque doublé en 10 ans. Cette évolution risque à terme de dévaloriser les trajectoires professionnelles et de décourager les efforts de formation, pourtant indispensables à la compétitivité de nos entreprises comme à l'épanouissement des salariés.
Comment résoudre cette situation pour le moins paradoxale ?
Il me semble que nous devons apporter des réponses à 4 questions avant la fin du printemps 2008.
- Première question : Comment redynamiser les salaires tout en préservant la compétitivité de notre économie ?
Première réponse : en discutant de manière effective des salaires sur une base annuelle
Je crois que nos discussions on montré un consensus sur la nécessité de revoir le cadre même dans lequel ce dialogue sur le niveau des rémunérations a lieu. Il faut mettre en place un mécanisme permettant d'assurer que la question des salaires soit régulièrement posée dans les entreprises et dans les branches et que les fruits des efforts de productivité demandés à l'ensemble de la communauté de travail bénéficient à tous.
C'est pourquoi je présenterai avec Xavier Bertrand d'ici la fin de l'année des propositions établissant le principe d'une conditionnalité des allègements généraux de charges en fonction d'une double règle:
- L'obligation d'ouvrir de manière effective, et sur une base annuelle, des négociations sur les salaires au niveau de la branche ou de l'entreprise.
- La révision systématique des minima de branche inférieurs afin qu'ils ne soient plus inférieurs au SMIC.
Je souhaite également faire jouer ce principe de conditionnalité sur les modes de rémunération non-salariaux afin que les fruits de l'entreprise puissent bénéficier à tous. Je suis favorable, par exemple, à ce que la distribution des stock-options à la signature d'accords d'intéressement.
Je solliciterai avec Xavier Bertrand l'avis du conseil d'orientation pour l'emploi sur des propositions précises d'ici la fin de l'année qui, dans son rapport sur les aides publiques aux entreprises, avait recommandé une telle évolution.
Dans le même temps il me semble important de poursuivre la réflexion sur la réduction du coût global du travail en faisant moins peser le financement de notre protection sociale sur les salaires. J'attends avec impatience sur ce point les conclusions du Conseil Economique et Social, dont les travaux devraient aboutir d'ici la fin de l'année.
Deuxième réponse : dépassionner les débats sur le SMIC
Revisiter le pacte salarial au sein des branches et des entreprises passe aussi par une évolution des modes d'évolution du SMIC, dans un souci de transparence et de prévisibilité.
De nos échanges, je comprends qu'il y a un consensus sur la nécessité de revoir le calendrier de fixation du SMIC. Je propose donc que la date d'annonce de la revalorisation soit avancée au 1er avril afin de permettre aux négociations dans les branches et les entreprises d'anticiper les revalorisations de grilles nécessaires. Mais bien entendu la revalorisation ne sera effective que le 1er juillet comme auparavant.
Nous devons également aller vers une commission chargée de rendre un avis public au gouvernement et la CNNC sur les évolutions souhaitables du SMIC. Elle sera composée d'experts et fondera ses avis sur des éléments objectifs reflétant les conditions économiques d'ensemble.
Je prends l'engagement, avec Xavier Bertrand, de présenter un projet de réforme à la commission nationale de la négociation collective au printemps, de telle sorte que le changement de calendrier et la constitution de la commission d'experts puissent être effectifs lors de la prochaine revalorisation du SMIC.
Deuxième question : comment favoriser le retour à l'emploi des salariés fragiles
Première réponse : en s'assurant que le travail paie pour tous
Nos échanges l'ont montré, le retour à l'emploi des personnes les plus en difficulté se heurte à des obstacles multiples et de nature différente : incertitude financière concernant des emplois de courte durée ou à temps partiel, obstacles non-financiers, etc. Trop souvent, le retour à l'emploi ne paie pas suffisamment dans notre pays.
Le Gouvernement s'est donc engagé dans une démarche nouvelle et expérimentale: le Revenu de Solidarité Active (RSA) qui doit permettre d'assurer une progression nette et continue des revenus aux bénéficiaires de minima sociaux ou de revenus de remplacement qui reprennent un emploi.
Pour aller plus loin dans cette démarche, le Gouvernement proposera une généralisation, en ayant bien entendu à coeur d'identifier les avantages et les inconvénients pour le marché du travail. D'où une démarche en 3 temps pour mettre au point une réforme opérationnelle d'ici la fin de l'année 2008 :
- 1er temps : l'expérimentation, actuellement en cours et son évaluation.
- 2e temps : l'élaboration par mes services, en liaison avec Martin Hirsch, de scénarios de généralisation au plus tard fin-janvier 2008.
- 3e temps : l'examen par le Conseil d'Orientation pour l'Emploi de ces scénarios pour avis fin-mai 2008.
- Deuxième réponse : en luttant aussi contre les obstacles non financiers
S'assurer de gains financiers ne suffit pas toujours. Lutter contre les freins non financiers au retour à l'emploi me semble tout aussi nécessaire. Je propose dans ce cadre de renforcer le soutien à la garde d'enfant, avec la mise en place courant 2008 d'un chèque emploi-service préfinancé par l'Etat. C'est une mesure plus importante qu'elle n'y paraît, car elle contribuera à résoudre le dilemme de bien des parents isolés entre leur enfant et leur vie professionnelle. Je souhaite aussi promouvoir le développement du chèque transport, afin de financer en partie les déplacements des salariés qui acceptent de prendre un emploi loin de chez eux.
- Troisième question : comment inscrire cette réflexion sur les grands équilibres du marché du travail dans une perspective européenne ?
L'année 2008 sera la dernière étape de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi. A partir d'un diagnostic dont personne ne met en cause la pertinence, cet outil de pilotage et de mise en cohérence des politiques économiques et sociales à l'échelle européenne n'a pas tenu toutes ses promesses.
C'est pourquoi je souhaite que nous puissions réfléchir ensemble aux évolutions souhaitables et possibles pour cette dernière étape, dans la perspective de notre présidence de l'Union.
J'ai donc décidé de confier à M. Laurent Cohen Tanugi une mission en ce sens, en liaison avec le Comité du dialogue social sur les questions européennes et internationales. J'attends de premières conclusions avant le Conseil Européen de mars 2008, lors duquel les lignes directrices seront révisées, mais je souhaite également que ce travail puisse nourrir très amont notre réflexion sur l'après-Lisbonne en identifiant des initiatives que la France pourrait porter avec ses partenaires.
Quatrième question : comment améliorer le pouvoir d'achat des ménages par une action sur les prix ?
Première réponse : améliorer la mesure de l'évolution du coût de la vie
Nous l'avons constaté ensemble aujourd'hui, il y a une distorsion grandissante entre nos indicateurs de pouvoir d'achat et le sentiment des Français, qui depuis l'apparition de l'euro ont l'impression d'être moins riches. Je souhaite donc élaborer de nouveaux indicateurs sur le pouvoir d'achat des ménages, catégorie par catégorie. Je vais mandater un groupe d'experts pour mettre au point de nouveaux indicateurs, qui présentera ses résultats au Conseil National de l'Information Statistique, fera des propositions avant fin mars 2008.
Deuxième réponse : améliorer la transparence des prix dans la grande distribution et les services
Par ailleurs, je souhaite améliorer la transparence des prix et les conditions de concurrence dans la grande distribution. La 2ème étape de la réforme de la loi Galland, annoncée par Luc Chatel, permettra d'intégrer l'ensemble des marges arrière dans le prix de vente au bénéfice des consommateurs. C'est une réforme importante qui devrait être mise en oeuvre d'ici la fin de l'année dans le cadre du projet de loi Consommation auquel nos mettons la dernière main.
D'autres mesures viendront compléter cet arsenal dans le champ des services, en particulier l'instauration de relevés annuels de frais bancaires, ou encore une remise à plat des conditions d'abonnement en matière de téléphonie.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les différentes réponses que nous pouvons esquisser dès maintenant aux trois grandes questions que nous nous posions en début de matinée. Ce cycle de conférences nous permettra de les enrichir et de les compléter. Ma certitude première, c'est que seuls le dialogue et la concertation nous permettrons d'avancer.
François Mitterrand, désabusé, disait à la fin de son dernier mandat : « Contre le chômage, on a tout essayé ». Les discussions d'aujourd'hui m'ont montré tout le contraire. Les résultats de demain vous le prouveront.
Je vous remercie.
Source http://www.minefe.gouv.fr, le 24 octobre 2007