Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, lors du point de presse conjoint avec M. Fatmir Sejdiu, président kosovar, sur l'avenir du Kosovo et l'avancée des négociations avec les Serbes, Paris le 21 octobre 2007.

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Circonstance : Rencontre de Bernard Kouchner avec la Kosovo Unity Team le 21 octobre 2007 à Paris

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
J'ai reçu avec plaisir la délégation des Albanais du Kosovo qui s'intitule Unity Team, équipe qui négocie avec sa contre-partie serbe sous l'égide de la Troïka. La Troïka comprend un ambassadeur russe, un ambassadeur américain et notre excellent ambassadeur allemand qui représente l'Union européenne.
Le président M. Fatmir Sejdiu vous parlera ainsi que son Premier ministre, M. Agim Ceku.
Il manquait à notre réunion M. Veton Surroi qui, aujourd'hui-même, réunit son parti politique. J'ai été très heureux de revoir ceux que je connais si bien, pour avoir, pendant deux années, travaillé avec eux.
Quel était le but de cette rencontre ? C'était d'aider à la négociation si nous le pouvions, aider le processus de négociation et comprendre ce qu'il se passe entre les deux délégations. L'ambassadeur allemand qui représente l'Union européenne nous tient bien évidemment également au courant de toutes ces évolutions.
En juillet dernier, j'avais visité à la fois Belgrade et Pristina. La France souhaite que ce processus, que cette discussion difficile entre les deux groupes de négociateurs aboutissent avant le 10 décembre prochain.
Nous avons donc parlé de tous les sujets qui intéressent la France et qui intéressent nos amis également : le soutien, je le redis, au processus de négociation, le soutien à l'action de la Troïka et à la nécessité du dialogue entre Belgrade et Pristina. La France en appelle à l'esprit de la négociation, à l'esprit de compromis. Trouvons donc une position commune. Il y a trois jours j'ai reçu, à ce sujet, mon ami le ministre des Affaires étrangères de Serbie, mais ceci s'adresse également à nos amis américains et russes : tentons de trouver une solution commune.
Nous sommes prêts à aider, maintenant, demain et après-demain. Nous appuyons fortement la nécessité de préserver le caractère multiethnique du Kosovo et bien sûr, nous serons aux côtés de tous dans cette région des Balkans.
J'ai par ailleurs invité les négociateurs serbes à venir partager également un déjeuner avec nous, je pense que la date sera fixée aux alentours du 6 novembre.
Monsieur le Président, pour que la position de la France vous soit connue, je vous répète combien nous serions heureux de voir ces négociations parvenir à un accord et que la situation soit enfin stabilisée entre la Serbie et le Kosovo, ainsi que dans tous les Balkans.
Q - Quelle sera votre position après la date du 10 décembre ?
R - La France et l'Union européenne attendent le document qui sortira de la Troïka.
Les deux groupes reprendront leurs discussions demain à Vienne. Alors, nous aurons à prendre une décision. Nous ne pouvons pas prendre cette décision sans connaître le document.
Nous souhaitons infiniment, et c'est ma petite différence avec la délégation que j'ai reçue ici avec plaisir, nous souhaitons qu'il y ait une entente, un consensus minimum.
Si ce n'est pas le cas, ce document ira aux Nations unies, à M. Ban Ki-moon, d'abord de la Troïka au Groupe de contact, et du Groupe de contact à M. Ban Ki-moon. Une décision sera ensuite prise par les Nations unies. Ceci prendra peut-être quelques jours supplémentaires et pas exactement le 10 décembre.
A ce moment-là, je l'espère infiniment, il y aura dans les jours qui suivront ce passage par les Nations unies, une décision de l'Union européenne, c'est-à-dire des vingt sept pays de l'Union européenne qui se sont déjà réunis cinq fois dans de longues discussions sur le Kosovo.
J'ai le devoir de vous dire que tout le monde n'est pas d'accord et que certains pays qui ne sont pas majoritaires, mais qui ont de bonnes raisons de penser qu'une indépendance du Kosovo se traduirait pas des troubles chez eux, présenteront des objections.
Ceci s'appelle la démocratie et, évidemment, la démocratie à vingt sept, c'est plus difficile que la démocratie seul chez soi. Il y aura donc cette discussion à nouveau.
Q - Trouver une solution pour le statut du Kosovo pourrait-elle, selon vous, être la prochaine condition de la reprise des négociations entre la Serbie et l'Union européenne ?
R - Ce n'est pas complètement lié, Madame, et d'ailleurs, si je liais complètement ces deux questions, cela ne ferait pas plaisir à nos amis serbes. Il y a un processus d'association et de stabilisation qui est en cours, comme vous le savez. Mais cela n'a pas de rapport direct en tout cas, même si cela a un rapport politique évident, avec la décision qui sera prise après la remise du document de la Troïka.
Bien sûr, les choses sont liées et j'ai dit très simplement à mes amis serbes que la solution du problème du Kosovo était évidemment une partie de la réflexion à propos de l'accord de stabilisation et d'association. Les deux choses vont ensemble. Il y aura aussi, vous le savez, le problème de l'arrestation du général Mladic. Nous attendons avec beaucoup d'impatience que cet homme soit enfin arrêté.
Mais ces trois événements, même s'ils sont reliés les uns aux autres, sont malgré tout indépendants.
Q - Votre ministère indiquait que vous seriez d'accord avec une solution garantissant le respect des Droits de l'Homme pour les Serbes au Kosovo, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Avez-vous parlé de ces questions aujourd'hui et quelles seraient les mesures immédiates qu'il faudrait prendre pour changer cette situation si difficile pour les Serbes au Kosovo ?
R - Madame, je ne peux pas vous laisser dire que nous ne faisons rien sur place. Moi-même, à ma petite mesure, j'ai fait beaucoup de choses sur place et cela a été poursuivi.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes pour les minorités, en particulier pour les Serbes bien évidemment, mais il n'y a pas qu'elles à l'intérieur du Kosovo.
Je pense que les dirigeants du Kosovo doivent être capables de répondre à cette question et c'est à eux qu'il faut la poser. Nous en avons parlé pendant ce déjeuner de travail et ils sont très conscients que c'est une part essentielle dans le succès des accords que j'attends. Il est évident qu'ils doivent s'engager et c'est à eux qu'il faut poser la question afin de protéger les minorités en leur donnant le même statut.
J'ai prononcé le mot pluriethnique, mais c'est un mot, c'est vrai. Dans la réalité, il faut bien sûr que les minorités aient les mêmes droits que la majorité, c'est très clair.
Ma position a toujours été la même à ce sujet. J'espère que ce sera fait, que cela continuera et même que cela s'améliorera, quel que soit le statut qui sortira de la discussion.
Q - Juste une petite précision concernant la réunion des Vingt sept après le 10 décembre, si à l'ONU on n'obtient pas un consensus, cette réunion aura-t-elle pour but d'adopter une position commune afin de régler cette question à l'intérieur de l'Union européenne ?
R - Oui, vous avez tout à fait raison, il y aura un problème juridique qui se posera, mais je ne veux pas en parler avant de connaître les résultats de cette discussion de la Troïka. Ce qui est clair, c'est que de la Troïka, le rapport ira vers le Groupe de contact qui, vous le savez, comprend l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la France, les Etats-Unis et la Russie. C'est nous qui avons été, depuis le début - pendant les années 1998-1999 avec la Conférence de Rambouillet, en tant que Groupe de contact - responsables. C'est à ce Groupe de contact de prendre ses responsabilités face au rapport de la Troïka et, ensuite, de le transmettre aux Nations unies. Pour le moment et jusqu'à nouvel ordre, nous sommes sous l'égide, l'emprise, de la résolution 1244 des Nations unies. Je ne peux pas en parler puisque je ne connais pas le statut exact de ce qui sortira de la discussion, nous verrons bien de quelle manière le problème juridique se posera. Il y a évidemment beaucoup de personnes qui y travaillent à l'Union européenne et aux Nations unies.
Q - La conclusion de la Troïka pourrait-elle être de demander l'ouverture d'un nouveau round de négociations ?
R - Voilà une voix que je reconnais, une silhouette que je reconnais, une manière de poser les questions qui me sont familières.
Très franchement, je ne sais pas. Les membres de la Troïka sont souverains et ils négocient avec les deux délégations, mais je ne le pense pas.
Les choses ont été très claires. Il y a le rapport Athisaari. Nous avons très clairement - la France et votre serviteur en particulier - demandé une prolongation des négociations sous une égide un peu particulière pour que, peut-être, on se parle un peu plus, une prolongation de six mois.
Il a été accepté que quatre mois supplémentaires soient donnés, avec une formation différente qui est la Troïka et les trois ambassadeurs qui font, d'ailleurs, je le précise, un travail admirable.
C'est un travail très sérieux. Je ne dis pas du tout que le travail fourni par M. Athisaari ne l'a pas été, mais c'est la date du 10 décembre qui a été acceptée par tous.
Maintenant, s'ils nous demandent deux jours pour refaire le point, ou bien huit jours pour que la navette s'opère avec les Nations unies, tout cela serait raisonnable. Mais la date du 10 décembre est une date limite. Il faut qu'une décision soit prise.
Vous savez, quel que soit le statut, quelle que soit la solution qui sortira de cette négociation, ce qui s'est passé au Kosovo restera dans l'Histoire de la vie internationale, de la communauté internationale et du rôle des Nations unies comme une opération - attendons la fin, je ne veux pas prononcer d'adjectif particulier - mais les choses seront allées très vite. Tout a commencé en 1999, nous sommes en 2007 et rien n'a été aussi rapide que la prise en charge par la communauté internationale de cette région.
Q - Personnellement, pensez-vous que le Kosovo mérite l'indépendance ?
R- Mon Cher Ami, cette provocation enfantine ne trouvera pas sa réponse. Concluez vous-même. Je ne répondrai pas à cela, j'attends le 10 décembre prochain, fidèlement, loyalement, comme nous l'avons proposé et je vous invite à venir ici, lorsque nous recevrons la délégation serbe.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 octobre 2007