Interview de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat, porte-parole du gouvernement, à "BFM TV" le 17 octobre 2007, sur la réforme des régimes spéciaux de retraite.

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Média : BFM TV

Texte intégral

RUTH ELKRIEF - Voilà sur notre plateau, Laurent WAUQUIEZ, porte-parole du gouvernement, merci beaucoup d'être fidèle à BFM TV. Benoît HAMON, porte-parole du PS et député européen. La grève s'annonce dure demain, est-ce que c'est un malaise social durable qui va s'installer en France ? Benoît HAMON.
BENOIT HAMON - Ce sera un premier indicateur des conséquences et de la perception ou de la réception de la politique sociale du gouvernement. Je pense que ce sera un indicateur parmi d'autres. Mais il faudra le regarder comme tel, si la mobilisation est suivie, si elle est importante, ça veut dire que la première réforme sociale emblématique du gouvernement est mal reçue par ceux et celles à qui elle s'adresse. Indépendamment des sondages, moi, je serais le gouvernement, je serais prudent là-dessus, parce que je me souviens que lors de la réforme du CPE, 70 % des français y étaient favorables au début, ils étaient...
RUTH ELKRIEF - Contrat Première Embauche sous Dominique de VILLEPIN.
BENOIT HAMON - 70 % au terme du mouvement à dire que les étudiants avaient eu raison de le remettre en cause. Donc aujourd'hui, je pense qu'effectivement, ce malais sociale existe et bien au-delà des gaziers, électriciens de cheminots.
LAURENT WAUQUIEZ - C'est forcément une réforme qui est une réforme difficile. Si tous les gouvernements précédents n'ont pas eu le courage de la faire, c'est précisément parce qu'elle est délicate. La deuxième chose aussi, c'est qu'on comprend forcément, quand vous êtes dans une entreprise et que vous avez un régime de retraite, qui était un régime spécial de retraite, forcément la réforme créait des inquiétudes ou des interrogations. Donc pour nous, le but du gouvernement, c'est à la fois d'expliquer pourquoi on l'a fait, notamment pour assurer la pérennité financière du régime de retraite, d'être à l'écoute des interrogations que peuvent avoir les gens qui sont dans les régimes spéciaux et d'essayer d'y répondre. C'est finalement continuer à avoir cet équilibre, être déterminé sur la réforme, parce qu'on en a besoin. Et en même temps, être vraiment à l'écoute des inquiétudes qui peuvent légitimement s'exprimer à cette occasion.
RUTH ELKRIEF - Les syndicats ne reconnaissent pas complètement l'écoute. Ils disent que Xavier BERTRAND a fixé un certain nombre de choses incontournables, non négociables et...
LAURENT WAUQUIEZ - Il y a un jeu de rôles. Mais ce qui est clair c'est qu'effectivement sur le passage de 37 ans et demi de durée de cotisations à 40 ans, c'est un effort, qui est un effort collectif. Et là-dessus, c'est vrai sur ce cap-là, il n'y a pas de négociations possibles. Par contre, il y a plein d'autres aspects sur lesquels on peut essayer de travailler ensemble. Sur par exemple la pénibilité des tâches, sur l'emploi des seniors, sur la question des acquis familiaux notamment pour les femmes. Sur la place du travail pour les personnes en situation de handicap. Donc il y a des sujets sur lesquels on peut négocier, il y a d'autres dossiers, sur lesquels, c'est vrai, on a besoin de faire une réforme qui nécessite un petit effort, mais il faut avoir le courage.
BENOIT HAMON - Mais moi j'aimerais bien que, monsieur WAUQUIEZ, le gouvernement soit courageux à l'égard de tout le monde. C'est-à-dire qu'il ne soit pas courageux à l'égard de ceux qu'ils présentent comme la noblesse du salariat, gaziers, électricité...
LAURENT WAUQUIEZ - Pas du tout ! Ce n'est pas du tout le but de dire que c'est la noblesse...
BENOIT HAMON - Je termine s'il vous plaît, Laurent WAUQUIEZ, juste ça. Il y a un autre régime spécial qui coûte 3 milliards d'euros à l'Etat, c'est le régime spécial de retraite des agriculteurs. On en reparlera, est-ce qu'aujourd'hui, alors qu'on a 4 milliards d'euros du déficit de la branche vieillesse, vous êtes prêt aussi à regarder le fait, qu'il existe 25 milliards d'exonérations de cotisations sociales, pour les chefs d'entreprise, par an. Entend-t-on aujourd'hui, continuer, à exonérer un certain nombre d'entreprises de cotisations sociales pour leur faciliter le départ à la retraite ou l'éviction du marché du travail, des salariés de plus de 55 ans. Et là observez que vis-à-vis du MEDEF, qui est votre partenaire de travail privilégié aujourd'hui, le MEDEF dit quoi ?
LAURENT WAUQUIEZ - Comme les autres partenaires sociaux.
BENOIT HAMON - Le MEDEF est pour l'allongement de la cotisation de tous les salariés, mais il est en même temps celui qui recourt le plus facilement aux dispositifs que vous mettez en place, qui facilite l'éviction du marché du travail, des plus de 55 ans. Eh bien, moi, je vous dis, soyez courageux et ils gardent tout le monde. Le problème depuis, avec ce gouvernement, c'est qu'on a le sentiment qu'il est audacieux à l'égard, juste d'une petite partie de la population, et si effectivement, aujourd'hui, il y a nécessité de réformer les régimes de retraites pourquoi ? Parce qu'il y a de plus en plus d'inactif...
RUTH ELKRIEF - La méthode est bonne ou pas ?
BENOIT HAMON - A l'évidence, il faut de toute façon se poser la question de savoir comment on fera en sorte d'assurer une bonne retraite et une retraite décente, pour à échéance de 20 ans, 18 millions de retraités, quand on en a 13 millions aujourd'hui. Et la réponse n'est pas seulement aujourd'hui comme le propose le gouvernement, l'augmentation de la durée de cotisation. Elle est aussi l'augmentation des cotisations et en l'occurrence des cotisations patronales, et j'ajoute, la manière dont on revoit, ce système d'exonération de cotisation sociale qui fait qu'aujourd'hui, par an, c'est 4 milliards de déficits. Il y a 25 milliards d'exonérations...
RUTH ELKRIEF - Réponse, réponse, réponse, il trépigne, il veut répondre...
LAURENT WAUQUIEZ - Ok, alors juste si jamais je peux répondre, tout simplement. D'abord il est hors de question de dire que ce sont des nantis. Les gens qui bénéficient des régimes spéciaux ne sont pas nantis. On a juste un problème d'équité sur l'ensemble de notre régime de retraite. La deuxième chose, c'est que je comprends que vous noyez un peu le poisson. Mais il y a un moment où il faut être lucide, il y a un problème d'équité...
BENOIT HAMON - C'est vous qui gouvernez, je vous pose des questions quand même.
LAURENT WAUQUIEZ - Oui, bien sûr, c'est pour ça que j'essaie de vous répondre. Par exemple, quelle est la position et qu'est-ce que vous, vous allez faire, par rapport à votre position sur les débats. Est-ce que vous êtes favorable ou non, à cette réforme des régimes spéciaux de retraites et à mettre plus d'équité dans le régime de retraite. Attendez, dernière, dernière...
RUTH ELKRIEF - Attendez, il va parler, il va finir.
LAURENT WAUQUIEZ - Je vais justement répondre à votre dernière question. Vous avez dit une chose en citant par exemple le MEDEF. En disant : le MEDEF c'est très bien, eux ils demandent d'allonger, de permettre qu'on parte à la retraite qu'à 61 ans, et dans le même temps, comme vous l'avez dit, sur l'emploi des seniors, ils ne font rien, ils n'embauchent pas de seniors. Ca tombe bien monsieur HAMON, parce que précisément, ce qu'on a fait, c'est d'agir sur ces questions d'exonération sociale pour les entreprises qui se séparent, de seniors avant l'âge de la retraite, en supprimant toutes les exonérations et toutes les aides qui existaient avant, et sur lesquelles les gouvernements précédents, toutes tendances confondues ne sont jamais revenues. Pour dire, il faut avoir un discours qui soit cohérent, vous avez raison. Il faut qu'on soit cohérent, sur remettre un peu plus d'équité, dans notre régime de retraite. Il faut aussi qu'on soit cohérent, en faisant en sorte que les seniors puissent rester et qu'on ne considère pas, quelqu'un qui a plus de 55 ans, n'a pas de place et il faut aussi qu'on soit cohérent des deux côtés de la table.
RUTH ELKRIEF - Benoît HAMON, une dernière chose, vous soutenez, le Parti socialiste, soutient les grévistes demain, il l'a dit officiellement ?
BENOIT HAMON - Absolument, nous pensons aujourd'hui...
RUTH ELKRIEF - Ça veut dire que vous êtes contre la réforme ? Vous pensez qu'elle est injustifiée ?
BENOIT HAMON - Mais oui, mais oui, vous savez quand réforme et réforme, il n'y a pas qu'une seule réforme possible. Il faut arrêter avec ces mots selon lesquels il n'y aurait qu'une seule possible, quand on dit « réforme » il y a des réformes de gauche et des réformes de droite. Il y a des régressions, des progrès...
LAURENT WAUQUIEZ - Qu'est-ce qu'on fait par exemple ? 37 et demi, on met 35 ans, on met 40 ans ?
BENOIT HAMON - Attendez, aujourd'hui, votre approche du progrès social, c'est de considérer que celles et ceux qui bénéficient des avantages doivent voir ces avantages remis en cause, dès lors qu'aujourd'hui, il y a un problème de financement. Ce n'est pas notre approche, écoutez...
LAURENT WAUQUIEZ - Non, le progrès social, c'est faire en sorte que la charge soit équitablement répartie dans la société.
BENOIT HAMON - Oui, c'est ça, sauf que vous observerez aujourd'hui, que le nombre de gens dans ce pays se demande, quelle est la part du progrès social qui leur est réservé au moment où il n'y aura pas eu de revalorisation du SMIC, pas eu de revalorisation de l'allocation de rentrée scolaire. Vous leur proposez de payer des franchises supplémentaires...
LAURENT WAUQUIEZ - L'allocation de rentrée scolaire a été revalorisée, je suis désolé monsieur HAMON.
BENOIT HAMON - Non, ce n'est pas vrai. Non, non, ce n'est pas vrai. Et de la même manière, qu'aujourd'hui, on se retrouve avec l'essentiel des Français vont payer des franchises. Non, mais attendez, les franchises santé, pour pouvoir faire face au creusement du déficit de l'Assurance maladie. Je veux juste vous dire qu'il apparaît de manière flagrante, que l'essentiel des efforts est fait par la grande majorité des Français.
RUTH ELKRIEF - Pour conclure.
BENOÎT HAMON - Et que vous avez réservé l'essentiel des cadeaux d'abord sous la forme du paquet fiscal aux plus aisés, quand ce n'est pas au groupe LAGARDERE, en lui filant 600 millions d'euros de pertes qu'il allait réaliser sur ses actions.
RUTH ELKRIEF - Benoît HAMON, demain s'il y a beaucoup de monde dans les rues, il faut continuer le mouvement ?
BENOIT HAMON - Ah ! Ca c'est aux syndicats de décider, moi, je ne me mets pas à la place des syndicats.
RUTH ELKRIEF - D'accord, Laurent WAUQUIEZ, demain s'il y a beaucoup de monde dans les rues vous serez inquiets, vous penserez qu'on peut recommencer 95 ?
LAURENT WAUQUIEZ - Non, pas du tout, ce que je pense c'est qu'il faut qu'on réponde aux inquiétudes qui s'exprimeront demain, d'une part et que la question ce n'est pas de savoir si le gouvernement recule ou ne recule, c'est de savoir si on peut se passer ou non, de cette réforme, notamment pour assurer le financement dans la durée des retraites.
Source http://www.porte-parole.gouv.fr, le 8 novembre 2007