Texte intégral
F. Rivière.- Vous avez salué dimanche soir la mise en place d'une coopération judiciaire entre la France et le Tchad, dans l'affaire de "l'Arche de Zoé". Les juges français chargés du volet franco-français, pourrait-on dire, de l'affaire attendent un feu vert des autorités tchadiennes pour se rendre sur place. La mission d'enquête constituée par F. Fillon est pour sa part déjà à N'Djamena, depuis dimanche soir. Est-ce qu'après les déclarations un peu fracassantes de N. Sarkozy la semaine dernière "j'irai chercher tous ceux qui restent, quoi qu'ils aient fait", avait-il dit, qui avait profondément irrité les autorités tchadiennes, est-ce qu'aujourd'hui le climat est un peu plus apaisé ?
R.- Ecoutez, les propos de N. Sarkozy, il y a deux choses, il y a la forme et il y a le fond. Je ne crois pas que sur le fond, il ait dit quelque chose de nouveau, puisque dès la libération des journalistes et des hôtesses espagnoles, le président de la République avait exprimé son souhait que les ressortissants français soient jugés en France. Maintenant la forme. La forme c'est sans doute cela dont vous parlez, mais il avait été apostrophé dans le cadre de sa visite aux marins pêcheurs de Guilvinec, donc il a répondu comme il l'a dit lui-même, « rapidement » à un journaliste qui lui a posé une question qui n'avait rien à voir avec le sujet abordé. Donc voilà, mais ça ne change rien sur le fond de sa position qui était, qu'il voulait un jugement au Tchad. En France, pardon.
Q.- Mais c'est sans doute la forme qui a tout de même irrité les Tchadiens ?
R.- Ecoutez...
Q.- Une position qui est apparue un peu arrogante quoi ?
R.- Je ne crois pas qu'on puisse présenter ça comme ça, parce que moi, j'ai vu N. Sarkozy s'entretenir avec I. Déby, je peux vous assurer qu'il avait beaucoup de respect dans le langage, dans la méthode et lui-même a toujours dit que la procédure tchadienne devra être respectée. Donc je ne pense pas qu'il y ait... moi-même j'ai répété plusieurs fois que la souveraineté du Tchad devait être respectée également, donc je crois que de ce point de vue on a fait ce qu'il fallait. Alors après, c'est une histoire très compliquée, c'est une histoire très, très compliquée, qui quel que soit le bout par laquelle on la prend, cette histoire, elle met en jeu beaucoup d'éléments diplomatiques, politiques, judiciaires. Donc je ne crois pas que sur cette affaire, on puisse penser que les choses doivent se régler de manière très simple, très facile, très... non, c'est une affaire très compliquée, où je pense qu'on se débrouille très bien, pour essayer de la gérer, donc voilà. Je ne pense pas que... en dix jours, je pense qu'on a beaucoup avancé et donc de ce point de vue, je m'en félicite.
Q.- Alors, effectivement, c'est une affaire très complexe. On va essayer d'aborder des questions concrètes. Quel est aujourd'hui le but, l'objectif, poursuivi par la France ? Est-ce que c'est que les membres de "l'Arche de Zoé", qui sont actuellement au Tchad soient ramenés en France pour y être jugés ?
R.- Oui, oui, c'est ce que je vous disais tout à l'heure. Le but c'est qu'ils arrivent, ils soient en France. Alors ça peut être avant le jugement pour être jugé en France, ou bien après. Cela on le saura au fur et à mesure de l'évolution, de la coopération judiciaire. Cela dépend aussi du comportement, de la volonté des juges tchadiens, qui, je vous le rappelle quand même que nos juges et les juges tchadiens sont relativement indépendants. Et on ne peut pas en tant que pouvoir politique - moi, je ne peux pas vous dire d'ores et déjà en tant que pouvoir politique : voilà ce qui va advenir au niveau judiciaire. Je peux juste vous parler de la coopération judiciaire, qui permet un dessaisissement avant jugement ou après jugement. Pour le reste, c'est la coopération des juges qui le déterminera.
Q.- Mais ce que vous nous dites quand même, c'est que ce soit avant ou juste après le jugement, la France mène des efforts, entreprend des démarches, pour faire ramener ces ressortissants sur son territoire ?
R.- C'est ce que dit la convention. La convention permet avant ou après que ces Français soient transférés. Maintenant, je vous dis, ça ne dépend pas que de nous, ça dépend des juges français et tchadiens et je pense qu'il faut respecter la procédure judiciaire.Q.- Donc vous ne pouvez vous engager...
R.- Absolument.Q.- Aucun délai ? Des semaines, des mois, des années, on ne sait pas ?
R.- Si je m'engageais sur un délai, ça voudrait dire que les juges ne sont pas indépendants.
Q.- Alors vous serez entendu cet après-midi par la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, sur ce volet franco-français de l'affaire...
R.- Non, enfin sur tout.
Q.- En particulier, vous avez entendu, il y a quelques instants, le président de la commission des Affaires étrangères, A. Poniatowski, dire ce qu'il attendait de cette audition. Je résume en quelques mots : il souhaite à la fois savoir comment il a été possible que "l'Arche de Zoé" ait été à deux doigts de réussir son opération, de la mener jusqu'à son terme, et si vous avez l'intention de prendre des dispositions pour que cela ne se reproduise pas. Est-ce que vous avez déjà une idée de ce que vous allez répondre ?
R.- Alors, moi, je dirais ce qu'on sait du côté du secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères. Pour le reste, sans doute les autres auront à coeur de donner leur vision, en ce qui concerne la partie qui mettait en cause leurs administrations. Néanmoins, moi, je pense que ce qui est intéressant, c'est qu'il faut élever le débat. Parce qu'on ne va pas tomber dans mise en cause de l'Etat, alors que ceux qui sont responsables ou en tout cas partie prenante de cette affaire sont quand même, ceux qui ont cherché à prendre les enfants. Donc ne mettons pas les choses à l'envers en accusant systématiquement...
Q.- Vous ne parlez pas d'enlèvement, vous comme le fait A. Poniatowski ?
R.- Je ne sais pas comment qualifier... enfin ce n'est pas à moi de qualifier les faits. C'est aux juges de le faire. Moi, je ne peux pas, ce que je vois, c'est qu'il y avait une volonté de transfert d'enfants qui était annoncée sur un site Internet et qui a été tentée, voilà ! Mais pour qualifier juridiquement ce qui s'est passé, je ne suis pas assez juge et même pas juge du tout, pour le faire. Donc je ne m'y aventurerais pas. Mais pour l'aspect Arche, je pense que les leçons qu'il faut en tirer, et je suis assez frappée de voir que le débat n'a jamais pu s'élever à ce niveau-là, c'est quand même des questions d'éthique : est-ce qu'il faut plus ou moins contrôler les ONG ? Que pense la communauté ONG ? Parce qu'aujourd'hui, quand même les ONG, Organisations Non Gouvernementales, associations de loi 1901 bénéficient d'une totale liberté. C'est à l'honneur de nos démocraties que de laisser les ONG, les associations, travailler seules.
Q.- Est-ce qu'il faut mieux les encadrer quand même aujourd'hui ?
R.- Mais c'est une question qui se pose que moi, je pose aux ONG aujourd'hui, que j'invite à débattre de cette question, parce que je crois qu'il y a... quand je les ai interrogées là-dessus à deux reprises, ces dernières semaines, qui n'est pas en consensus. Il n'y a pas un consensus. Alors on ne peut pas d'un côté dire « on veut être libre » et en même temps quand de cette liberté, on arrive à des choses comme "l'Arche de Zoé", dire, « on veut que l'Etat assume ». Ce n'est pas possible. Donc il faudra choisir, il faudra que les ONG choisissent, qu'on contrôle plus pour éviter cela ou bien qu'on les laisse libres, mais alors qu'ils se dotent d'une charte de déontologie beaucoup plus solide que cela.
Q.- R. Yade, est-ce que vous craignez que cette affaire n'écorne durablement l'image de la France au Tchad et au-delà d'ailleurs ? On a vu hier des manifestations devant l'ambassade de France à Khartoum, vous pensez que l'image de la France en a pris un coup et que ça peut durer ?
R.- Bien sûr, moi, c'est ce que je crains. Parce qu'en ce moment, on parle beaucoup de cette affaire, on commence à présenter les membres de cette "Arche de Zoé", quasiment comme des victimes et je pense que la première victime c'est la France. Et moi, en tant que responsable politique, je ne peux pas, enfin mon rôle c'est de penser France. Et quand je pense France, je ne supporte pas que notre Etat, l'image de notre pays soit mise en cause, alors que nous sommes en matière humanitaire, l'un des pays les plus actifs. Nous avons théorisé le devoir d'ingérence. Nous avons été parmi les premiers théoriciens de l'action humanitaire. Et avec cette affaire "Arche de Zoé", c'est notre action humanitaire, notre politique humanitaire à l'étranger qui est éclaboussée et cela, je le trouve dommage. C'est pour ça qu'il faut très vite redresser la situation, en ayant une réflexion sur la manière dont travaillent les ONG. En ayant une réflexion aussi sur la responsabilité individuelle, c'est important, la responsabilité individuelle. Il ne suffit pas de se tourner vers l'Etat à qui on dit : qu'avez-vous fait ? Pourquoi vous n'avez pas fait ci ? Pourquoi vous n'avez pas fait ça ? On est quand même dans un Etat de droit, dans un Etat de liberté. Et donc quand on veut une liberté, il faut être en capacité d'en assumer les responsabilités. Et ça je ne le dirai jamais assez, c'est important et parce que ce qui est en cause, quand une ONG, une association travaille à l'étranger, ce qu'il engage aussi, c'est l'image de notre pays. Et donc aujourd'hui, moi, je ne veux pas que les ONG dans leur ensemble soient éclaboussées, soient caillassées, soient suspectées par les habitants ou les populations civiles des pays en crise où elles interviennent. C'est absolument quelque chose dont il faut se soucier. C'est pour ça que pour moi, l'une des premières nécessités, c'est de protéger les ONG, de demander par exemple au Tchad ou au Soudan, de faire en sorte que les ONG continuent à travailler bien. Parce que ce qu'elles font ce n'est pas assimilable à "l'Arche de Zoé" qui est un cas exceptionnel.
Q.- Je reviens, d'un mot, pour être sûr d'avoir bien compris. Donc aujourd'hui, vous ne pouvez pas nous dire si le retour des six Français est une affaire de jours, de semaines, de mois ou d'années même ?
R.- Si je vous le disais, ce serait faire intrusion dans la procédure judiciaire et parler à la place des juges. Et je ne peux pas le faire.
Q.- Donc on doit bien comprendre qu'on n'a aucune garantie sur un délai de retour ?
R.- On peut avoir des espoirs, on peut avoir des attentes, mais c'est aux juges de le faire. Ce n'est pas les juges tchadiens seulement, c'est les juges tchadiens et français. Donc...
Q.- Et ils le feront en toute indépendance de part et d'autres ?
R.- En tout cas, c'est la position, c'est notre position parce que c'est la position d'une démocratie, donc je ne peux vous dire, ils viendront le 16 décembre, je ne peux pas vous le dire.
Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 novembre 2007
R.- Ecoutez, les propos de N. Sarkozy, il y a deux choses, il y a la forme et il y a le fond. Je ne crois pas que sur le fond, il ait dit quelque chose de nouveau, puisque dès la libération des journalistes et des hôtesses espagnoles, le président de la République avait exprimé son souhait que les ressortissants français soient jugés en France. Maintenant la forme. La forme c'est sans doute cela dont vous parlez, mais il avait été apostrophé dans le cadre de sa visite aux marins pêcheurs de Guilvinec, donc il a répondu comme il l'a dit lui-même, « rapidement » à un journaliste qui lui a posé une question qui n'avait rien à voir avec le sujet abordé. Donc voilà, mais ça ne change rien sur le fond de sa position qui était, qu'il voulait un jugement au Tchad. En France, pardon.
Q.- Mais c'est sans doute la forme qui a tout de même irrité les Tchadiens ?
R.- Ecoutez...
Q.- Une position qui est apparue un peu arrogante quoi ?
R.- Je ne crois pas qu'on puisse présenter ça comme ça, parce que moi, j'ai vu N. Sarkozy s'entretenir avec I. Déby, je peux vous assurer qu'il avait beaucoup de respect dans le langage, dans la méthode et lui-même a toujours dit que la procédure tchadienne devra être respectée. Donc je ne pense pas qu'il y ait... moi-même j'ai répété plusieurs fois que la souveraineté du Tchad devait être respectée également, donc je crois que de ce point de vue on a fait ce qu'il fallait. Alors après, c'est une histoire très compliquée, c'est une histoire très, très compliquée, qui quel que soit le bout par laquelle on la prend, cette histoire, elle met en jeu beaucoup d'éléments diplomatiques, politiques, judiciaires. Donc je ne crois pas que sur cette affaire, on puisse penser que les choses doivent se régler de manière très simple, très facile, très... non, c'est une affaire très compliquée, où je pense qu'on se débrouille très bien, pour essayer de la gérer, donc voilà. Je ne pense pas que... en dix jours, je pense qu'on a beaucoup avancé et donc de ce point de vue, je m'en félicite.
Q.- Alors, effectivement, c'est une affaire très complexe. On va essayer d'aborder des questions concrètes. Quel est aujourd'hui le but, l'objectif, poursuivi par la France ? Est-ce que c'est que les membres de "l'Arche de Zoé", qui sont actuellement au Tchad soient ramenés en France pour y être jugés ?
R.- Oui, oui, c'est ce que je vous disais tout à l'heure. Le but c'est qu'ils arrivent, ils soient en France. Alors ça peut être avant le jugement pour être jugé en France, ou bien après. Cela on le saura au fur et à mesure de l'évolution, de la coopération judiciaire. Cela dépend aussi du comportement, de la volonté des juges tchadiens, qui, je vous le rappelle quand même que nos juges et les juges tchadiens sont relativement indépendants. Et on ne peut pas en tant que pouvoir politique - moi, je ne peux pas vous dire d'ores et déjà en tant que pouvoir politique : voilà ce qui va advenir au niveau judiciaire. Je peux juste vous parler de la coopération judiciaire, qui permet un dessaisissement avant jugement ou après jugement. Pour le reste, c'est la coopération des juges qui le déterminera.
Q.- Mais ce que vous nous dites quand même, c'est que ce soit avant ou juste après le jugement, la France mène des efforts, entreprend des démarches, pour faire ramener ces ressortissants sur son territoire ?
R.- C'est ce que dit la convention. La convention permet avant ou après que ces Français soient transférés. Maintenant, je vous dis, ça ne dépend pas que de nous, ça dépend des juges français et tchadiens et je pense qu'il faut respecter la procédure judiciaire.Q.- Donc vous ne pouvez vous engager...
R.- Absolument.Q.- Aucun délai ? Des semaines, des mois, des années, on ne sait pas ?
R.- Si je m'engageais sur un délai, ça voudrait dire que les juges ne sont pas indépendants.
Q.- Alors vous serez entendu cet après-midi par la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale, sur ce volet franco-français de l'affaire...
R.- Non, enfin sur tout.
Q.- En particulier, vous avez entendu, il y a quelques instants, le président de la commission des Affaires étrangères, A. Poniatowski, dire ce qu'il attendait de cette audition. Je résume en quelques mots : il souhaite à la fois savoir comment il a été possible que "l'Arche de Zoé" ait été à deux doigts de réussir son opération, de la mener jusqu'à son terme, et si vous avez l'intention de prendre des dispositions pour que cela ne se reproduise pas. Est-ce que vous avez déjà une idée de ce que vous allez répondre ?
R.- Alors, moi, je dirais ce qu'on sait du côté du secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères. Pour le reste, sans doute les autres auront à coeur de donner leur vision, en ce qui concerne la partie qui mettait en cause leurs administrations. Néanmoins, moi, je pense que ce qui est intéressant, c'est qu'il faut élever le débat. Parce qu'on ne va pas tomber dans mise en cause de l'Etat, alors que ceux qui sont responsables ou en tout cas partie prenante de cette affaire sont quand même, ceux qui ont cherché à prendre les enfants. Donc ne mettons pas les choses à l'envers en accusant systématiquement...
Q.- Vous ne parlez pas d'enlèvement, vous comme le fait A. Poniatowski ?
R.- Je ne sais pas comment qualifier... enfin ce n'est pas à moi de qualifier les faits. C'est aux juges de le faire. Moi, je ne peux pas, ce que je vois, c'est qu'il y avait une volonté de transfert d'enfants qui était annoncée sur un site Internet et qui a été tentée, voilà ! Mais pour qualifier juridiquement ce qui s'est passé, je ne suis pas assez juge et même pas juge du tout, pour le faire. Donc je ne m'y aventurerais pas. Mais pour l'aspect Arche, je pense que les leçons qu'il faut en tirer, et je suis assez frappée de voir que le débat n'a jamais pu s'élever à ce niveau-là, c'est quand même des questions d'éthique : est-ce qu'il faut plus ou moins contrôler les ONG ? Que pense la communauté ONG ? Parce qu'aujourd'hui, quand même les ONG, Organisations Non Gouvernementales, associations de loi 1901 bénéficient d'une totale liberté. C'est à l'honneur de nos démocraties que de laisser les ONG, les associations, travailler seules.
Q.- Est-ce qu'il faut mieux les encadrer quand même aujourd'hui ?
R.- Mais c'est une question qui se pose que moi, je pose aux ONG aujourd'hui, que j'invite à débattre de cette question, parce que je crois qu'il y a... quand je les ai interrogées là-dessus à deux reprises, ces dernières semaines, qui n'est pas en consensus. Il n'y a pas un consensus. Alors on ne peut pas d'un côté dire « on veut être libre » et en même temps quand de cette liberté, on arrive à des choses comme "l'Arche de Zoé", dire, « on veut que l'Etat assume ». Ce n'est pas possible. Donc il faudra choisir, il faudra que les ONG choisissent, qu'on contrôle plus pour éviter cela ou bien qu'on les laisse libres, mais alors qu'ils se dotent d'une charte de déontologie beaucoup plus solide que cela.
Q.- R. Yade, est-ce que vous craignez que cette affaire n'écorne durablement l'image de la France au Tchad et au-delà d'ailleurs ? On a vu hier des manifestations devant l'ambassade de France à Khartoum, vous pensez que l'image de la France en a pris un coup et que ça peut durer ?
R.- Bien sûr, moi, c'est ce que je crains. Parce qu'en ce moment, on parle beaucoup de cette affaire, on commence à présenter les membres de cette "Arche de Zoé", quasiment comme des victimes et je pense que la première victime c'est la France. Et moi, en tant que responsable politique, je ne peux pas, enfin mon rôle c'est de penser France. Et quand je pense France, je ne supporte pas que notre Etat, l'image de notre pays soit mise en cause, alors que nous sommes en matière humanitaire, l'un des pays les plus actifs. Nous avons théorisé le devoir d'ingérence. Nous avons été parmi les premiers théoriciens de l'action humanitaire. Et avec cette affaire "Arche de Zoé", c'est notre action humanitaire, notre politique humanitaire à l'étranger qui est éclaboussée et cela, je le trouve dommage. C'est pour ça qu'il faut très vite redresser la situation, en ayant une réflexion sur la manière dont travaillent les ONG. En ayant une réflexion aussi sur la responsabilité individuelle, c'est important, la responsabilité individuelle. Il ne suffit pas de se tourner vers l'Etat à qui on dit : qu'avez-vous fait ? Pourquoi vous n'avez pas fait ci ? Pourquoi vous n'avez pas fait ça ? On est quand même dans un Etat de droit, dans un Etat de liberté. Et donc quand on veut une liberté, il faut être en capacité d'en assumer les responsabilités. Et ça je ne le dirai jamais assez, c'est important et parce que ce qui est en cause, quand une ONG, une association travaille à l'étranger, ce qu'il engage aussi, c'est l'image de notre pays. Et donc aujourd'hui, moi, je ne veux pas que les ONG dans leur ensemble soient éclaboussées, soient caillassées, soient suspectées par les habitants ou les populations civiles des pays en crise où elles interviennent. C'est absolument quelque chose dont il faut se soucier. C'est pour ça que pour moi, l'une des premières nécessités, c'est de protéger les ONG, de demander par exemple au Tchad ou au Soudan, de faire en sorte que les ONG continuent à travailler bien. Parce que ce qu'elles font ce n'est pas assimilable à "l'Arche de Zoé" qui est un cas exceptionnel.
Q.- Je reviens, d'un mot, pour être sûr d'avoir bien compris. Donc aujourd'hui, vous ne pouvez pas nous dire si le retour des six Français est une affaire de jours, de semaines, de mois ou d'années même ?
R.- Si je vous le disais, ce serait faire intrusion dans la procédure judiciaire et parler à la place des juges. Et je ne peux pas le faire.
Q.- Donc on doit bien comprendre qu'on n'a aucune garantie sur un délai de retour ?
R.- On peut avoir des espoirs, on peut avoir des attentes, mais c'est aux juges de le faire. Ce n'est pas les juges tchadiens seulement, c'est les juges tchadiens et français. Donc...
Q.- Et ils le feront en toute indépendance de part et d'autres ?
R.- En tout cas, c'est la position, c'est notre position parce que c'est la position d'une démocratie, donc je ne peux vous dire, ils viendront le 16 décembre, je ne peux pas vous le dire.
Source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 13 novembre 2007