Texte intégral
Monsieur le Député,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le directeur et professeur de cette école,
Madame l'Inspectrice générale,
Chers collègues et chers futurs collègues,
C'est avec un très grand plaisir que je vous rencontre en cette après-midi, ici à Rennes, pour cette première grande étape régionale de la Conférence sur les valeurs, missions et métiers de la fonction publique.
Je suis très sensible aux lieux : aussi je trouve que ce grand amphithéâtre, à la pente très professorale, est un cadre particulièrement propice pour donner à notre discussion de ce jour l'ampleur et l'importance qu'elle mérite.
Je veux rappeler d'abord que notre discussion s'inscrit dans le cadre du grand débat national sur les valeurs, missions et métiers de la fonction publique, qu'Eric Woerth et moi-même avons lancé le 1er octobre dernier, en présence du Premier ministre.
Cette conférence de cohésion nationale, qui se déroulera jusqu'en mars 2008, est apparue comme une nécessité. Les attentes légitimes des fonctionnaires à l'égard de l'Etat-employeur, aussi bien que les attentes croissantes des Français en termes de performance, d'efficience et de fiabilité des services publics imposent de revisiter, à grande échelle, les perspectives d'avenir de la fonction publique française.
C'est un débat large et ouvert, qui associe sur tout le territoire les fonctionnaires comme les non-fonctionnaires, les représentants syndicaux comme ceux des employeurs publics, les usagers et, plus généralement, tous ceux qui souhaitent apporter leur pierre à cette refondation.
C'est l'occasion pour moi de rappeler qu'un site Internet est spécifiquement dédié au recueil des contributions. Donc que personne n'hésite !
L'objectif de ce grand débat national est d'établir un constat aussi partagé que possible concernant les missions et métiers des fonctionnaires, afin de refonder le lien qu'ils entretiennent avec la nation.
Ces mois de consultations, de discussions et de contributions aboutiront, comme cela a été annoncé, à un livre blanc dont la rédaction a été confiée à un rapporteur général, M. Jean-Ludovic SILICANI, conseiller d'Etat, et à une rapporteure scientifique, Mme Catherine FIESCHI, directrice d'un think tank basé à Londres.
Nos discussions de ce jour seront ainsi intégralement retranscrites et serviront très directement à l'élaboration de ce livre blanc.
Je ne suis donc pas venu ici pour m'adresser à la fonction publique hospitalière ou à l'Ecole nationale de la santé publique, ce que je ne saurais d'ailleurs faire hors la présence de Roselyne BACHELOT, mais pour discuter, à travers vous, avec tous les fonctionnaires et tous ceux qui aspirent à le devenir.
Car il y a parmi vous des fonctionnaires de la région, représentant les 3 fonctions publiques, mais également des élèves en formation. Eric Woerth et moi voulions aller à la rencontre des fonctionnaires stagiaires car ils représentent la relève et ce sont eux qui bâtiront l'administration de demain. C'est pourquoi nos étapes régionales se feront le plus souvent dans des écoles de service public.
Or, comment refonder nos services publics, si ce n'est en partant de leurs valeurs et principes fondamentaux ?
Nous avons retenu aujourd'hui le thème de l'égalité d'accès à la fonction publique pour plusieurs raisons.
1) D'abord parce que ce thème est principiel. Réfléchir aux voies d'accès à la fonction publique, c'est aussi réfléchir à son attractivité, réfléchir à l'image que la fonction publique véhicule auprès de ceux qui ne sont pas fonctionnaires comme auprès de ceux qui sont agents publics. C'est réfléchir également aux perspectives que l'on offre à tous ceux qui aspirent à devenir fonctionnaires.
Autrement dit, parler du principe d'égalité d'accès à la fonction publique, c'est s'obliger à questionner, peu ou prou, toutes les valeurs fondamentales de la fonction publique : performance, excellence, adaptabilité, représentativité...
2) Choisir ce thème, c'est également un moyen de rappeler que l'Etat au sens large continue de recruter à grande échelle. Personne n'ignore parmi vous les débats que suscite la règle, pourtant vertueuse, que le Gouvernement s'est fixée : un fonctionnaire de l'Etat sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, à l'échelle du quinquennat.
Mais cela ne signifie pas pour autant que l'Etat ne recrutera plus. Bien au contraire, avec des départs annuels estimés entre 65.000 et 70.000 fonctionnaires, il faudra continuer de recruter chaque année plus de 30.000 personnes dans la seule fonction publique de l'Etat, sans oublier que les fonctions publiques territoriale et hospitalière ont leurs dynamiques propres.
Dans ce contexte, les tensions sur le marché du travail pour recruter les meilleurs profils vont s'accroître entre secteur privé et secteur public. C'est pour cela que l'un des sous-thèmes de nos discussions porte précisément sur la qualité et la performance de nos modes de recrutement.
Car que constate-t-on aujourd'hui ?
D'abord, que les procédures de recrutement restent cloisonnées entre administrations et entre fonctions publiques, bien que les métiers soient souvent voisins.
Pour la fonction publique territoriale, l'organisation du recrutement a été récemment clarifiée par la loi du 19 février 2007, en distinguant le rôle joué par le Centre national de la fonction publique territoriale d'une part et les centres de gestion d'autre part.
La fonction publique hospitalière a, elle, le mérite de reposer sur des modes de recrutement fortement décentralisés puisque l'essentiel des recrutements s'opèrent au niveau des établissements de santé et non au niveau national. Des initiatives intéressantes sont par ailleurs en cours de déploiement : je pense notamment aux compétences nouvelles du Centre national de gestion créé par décret du 4 mai 2007, chargé désormais du recrutement des praticiens hospitaliers et des personnels de direction.
Se confronter à ces expériences est particulièrement intéressant pour la fonction publique de l'Etat : car en son sein, les recrutements au niveau national dominent toujours et les concours communs à plusieurs administrations sont encore rares.
L'efficacité des procédures actuelles doit donc être questionnée pour explorer les voies d'une plus grande performance et d'une plus grande modernisation (développement des télé-inscriptions par exemple).
Un système de recrutement efficace, c'est aussi celui qui assure la meilleure adéquation entre les compétences recherchées et les profils recrutés. Aussi le Gouvernement travaille-t-il à promouvoir la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle pour le recrutement et la promotion des agents, de même que la formation professionnelle tout au long de la vie. Je pourrai y revenir.
3) L'égalité d'accès à la fonction publique pose aussi la question de la diversité des effectifs de la fonction publique, thème qui est également au centre de notre débat.
Egalité, diversité : voilà deux notions qui semblent se rejoindre, alors qu'en réalité, la conciliation de ces deux valeurs n'est pas aussi aisée qu'on pourrait le penser.
Le système français de recrutement repose en effet sur ce principe de base : celui de l'égal accès de tous aux emplois publics. Cette valeur trouve sa source à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à l'article 1er de la Constitution. C'est ce principe qui justifierait que le concours tel que nous le connaissons soit la voie d'accès de droit commun à la fonction publique.
En réalité, lorsqu'on y regarde de plus près, on constate que ce qu'impose avant tout notre corpus juridique, c'est que la sélection ne se fonde sur aucun autre critère que les « vertus et talents » comparés des candidats.
Dès lors, les questions se posent : est-ce que les concours, encore souvent académiques, que nous connaissons sont respectueux de ce principe fondateur ? En examinant les connaissances plus que les compétences ou aptitudes professionnelles, ne créent-ils pas parfois des obstacles précisément attentatoires au principe d'égalité ?
Ce sont ces questions que les études sur la diversité dans la fonction publique nous invitent à ouvrir.
Car que montrent-elles ?
Que la fonction publique, comme le secteur privé, a tendance à recruter ses propres enfants, les enfants de fonctionnaires y étant par exemple sur-représentés.
Que les enfants d'immigrés sont, eux, sous-représentés, notamment dans les catégories les plus élevés. De la même manière, il est très rare que sur une promotion de l'ENA, les enfants d'ouvriers représentent plus de 1% des lauréats.
On constate aussi que ceux qui réussissent les concours de la fonction publique sont souvent beaucoup plus diplômés que les critères d'inscription ne l'exigent. C'est une difficulté importante par exemple dans la fonction publique hospitalière où les concours sur titres, qui exigent des diplômes spécifiques, sont plus nombreux qu'ailleurs.
Enfin, la fonction publique ne respecte pas encore le quota que l'Etat a lui-même fixé pour le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique : celles-ci représentent en moyenne 4,5% des effectifs alors que la loi impose une proportion de 6%.
Il ne s'agit pas de prétendre que tout cela est le produit d'une discrimination délibérée à l'égard de telle ou telle partie de la population.
A bien des égards, l'accès à la fonction publique ne prolonge que les inégalités propres au système éducatif et universitaire : que les lauréats des concours de la fonction publique soient sur-diplômés n'est pas un problème en soi ; c'est un problème parce que l'accès aux diplômes est lui-même inégalitaire.
Mais cela nous impose de trouver les voies et moyens d'améliorer la situation, pour une plus grande diversité des effectifs.
4) Enfin, le thème de l'égalité d'accès nous conduira à ouvrir aujourd'hui la question de l'égalité dans le déroulement de carrière, c'est-à-dire en matière d'accès à certains postes, de mobilité, de promotion...
Ce sont évidemment des sujets très riches que nous approfondirons tout au long de ce grand débat national, lorsque nous évoquerons plus spécifiquement les missions et les métiers des fonctionnaires. Mais il est important que nous lancions ces sujets dès aujourd'hui, ne serait-ce qu'au travers des questions d'égalité hommes-femmes.
Sur ce thème, le diagnostic est bien établi. La fonction publique est largement féminisée puisque les femmes représentent plus de 60% des effectifs des trois fonctions publiques (hors militaires).
Mais cette égalité ne se retrouve pas à tous les échelons : si 55% des cadres A sont des femmes (contre 28% dans le privé), les femmes n'occupent que 30,5% des postes d'encadrement supérieur et une faible proportion des emplois à la décision du Gouvernement.
Si le constat est bien établi, les solutions le sont moins, car ce ne sont généralement pas les règles qui sont en cause mais bien les pratiques. Et il est toujours plus facile de modifier une règle que des pratiques.
Je conclurai toutefois en soulignant quelques avancées récentes. Car l'on a toujours intérêt à valoriser ce qui se fait de bien.
Je pense à la suppression en 2005, pour la quasi-totalité des concours d'accès à la fonction publique, des limites d'âge, qui étaient souvent préjudiciables aux femmes qui ont interrompu leur carrière ou aux personnes qui ont dû travailler avant de pouvoir poursuivre des études.
Je tiens à souligner aussi les efforts que nous conduisons pour améliorer la prise en compte des acquis de l'expérience professionnelle dans les procédures de recrutement et les promotions : la loi a été spécifiquement modifiée en février dernier pour permettre à l'expérience professionnelle d'être mieux prise en compte dans la sélection.
Je pense également à la mise en place du « PACTE », dispositif permettant à des jeunes de 16 à 25 ans sortis du système éducatif sans diplôme et sans qualification professionnelle de bénéficier d'un recrutement sans concours et d'une formation en alternance préalable à leur titularisation : ce dispositif s'applique au sein des 3 fonctions publiques.
Nous déployons aussi actuellement un nouveau dispositif d'aide à la préparation aux concours à destination des jeunes les plus méritants, issus de catégories sociales défavorisées. Des allocations de 2000 euros bénéficieront ainsi à 1000 jeunes au cours de cette année universitaire. Ces jeunes seront en outre parrainés par des élèves des écoles de service public afin qu'ils préparent les concours qu'ils souhaitent dans les meilleures conditions.
Enfin, la mise en place du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) est un outil puissant pour améliorer la réponse de la fonction publique à l'obligation légale fixée à 6% des effectifs. Une communication en Conseil des ministres du en a rappelé toute la portée.
Les choses bougent donc, sans même parler des initiatives remarquables prises dans certains domaines (cadets de la République, Défense 2e chance).
J'en terminerai là. Désormais, la parole est à vous.
Source http://www.ensemblefonctionpublique.org, le 23 novembre 2007