Entretien de M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, dans "Ouest France" du 24 novembre 2007, notamment sur le pacte de stabilité et de croissance, la PAC, l'avenir de la pêche française, les questions environnementales et la politique d'immigration commune.

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Média : Ouest France

Texte intégral

Q - Comment interpréter le propos de Nicolas Sarkozy selon lequel, dans l'Union, la politique a pris trop de retard sur l'économie ?
R - Faire de la politique, c'est aborder des sujets concrets, y compris ceux qui fâchent. On peut être d'accord ou pas, mais on doit discuter. Pendant la présidence française de l'Union, au second semestre 2008, nous voulons qu'il y ait de vrais débats, sur la politique agricole commune, le réexamen des politiques européennes, l'énergie, l'environnement, les migrations ou la politique de défense, qui sont nos priorités.
Q - A l'approche de cette présidence, la France peut-elle être "exemplaire", comme vous le souhaitez, sachant qu'une réduction rapide des déficits est exclue ?
R - Le pacte de stabilité et de croissance prévoit qu'il peut y avoir une pause dans la réduction des déficits dès lors qu'un mouvement de réforme important est engagé. Tel est bien le cas : on l'a vu, cette semaine, avec les réactions provoquées par la réforme de l'Etat et celle des régimes spéciaux de retraite. Nos partenaires doivent comprendre que nous entreprenons, avec trois ans de retard, ce qui avait valu à l'Allemagne d'obtenir, en 2004, à sa demande et avec notre soutien, l'adaptation du pacte.
Q - A quoi les agriculteurs français doivent-ils s'attendre alors que l'Union commence à revoir une nouvelle fois sa politique agricole commune ?
R - Compte tenu d'une demande alimentaire mondiale accrue, ceux qui en sont capables doivent pouvoir produire. Les prix semblent durablement orientés à la hausse, pour autant leur volatilité nécessite une vraie réflexion sur des mécanismes de régulation. Mais nous souhaitons que les prix reprennent une place prépondérante dans le revenu des agriculteurs. Nous défendons aussi une préférence communautaire rénovée en matière agricole qui ne s'appuie plus seulement sur des protections tarifaires mais qui tienne aussi compte de nos exigences sanitaires et environnementales.
Q - Y a-t-il encore un avenir pour les pêcheurs français ?
R - Nous devons avoir une ambition pour la pêche française. Son avenir s'inscrit dans une gestion commune des ressources, avec une répartition équitable entre les pays de l'Union et un meilleur contrôle des activités de pêche.
Une modernisation de notre flottille avec son adaptation à la ressource disponible me semble aussi indispensable.
Q - Comment concilier lutte contre le réchauffement climatique et retour de la croissance ?
R - L'exemplarité écologique s'impose tant pour des raisons morales - l'avenir des générations futures en dépend - que par souci de compétitivité. Ceux qui prendront le plus d'avance dans ce domaine seront les meilleurs en recherche et innovation ; ils créeront de nouvelles activités. Mais il ne faut pas que les obligations écologiques que nous nous imposerons pénalisent les acteurs économiques européens par rapport à leurs concurrents. Si les Etats-Unis, la Chine, le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde, la Russie ne prennent pas leur part du fardeau, il faudra qu'ils en paient le prix. On doit aussi aider ceux qui font des efforts écologiques sous forme d'incitations fiscales au niveau européen.
Q - L'Europe peut-elle mieux protéger ses citoyens sans céder à la tentation du rejet des étrangers ?
R - Oui. L'Europe a besoin de populations non européennes, car sa situation démographique n'est pas favorable. Mais cela nécessite une approche commune des problèmes de contrôle aux frontières, de visas, d'intégration. Les décisions des uns affectent tous les autres. Cette politique commune de l'immigration, que le nouveau traité rend possible, est nécessaire, tant pour l'Europe que pour la dignité de ceux qu'elle accueille.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 novembre 2007