Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, sur la lutte contre le sida, à Paris le 26 novembre 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence de presse à l'occasion de la Journée mondiale contre le sida, à Paris le 26 novembre 2007

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Le sida, parlons-en ! Parlons-en pour en reparler, pour en parler autrement !
En reparler, pour dire qu'il existe ; et continue de se répandre à travers le monde, fléau implacable, frappant d'abord les pays les plus pauvres, les plus démunis, les plus jeunes, les femmes les plus vulnérables.
Le sida aujourd'hui, un peu comme la faim dans le monde, on en parle moins, comme si la maladie n'était pas l'affaire de tous et qu'une invisible armure protégeait certains d'entre nous de la contagion.
Ici, beaucoup s'en souviennent : il y a quelque vingt ans, ce n'est pas si loin, l'épidémie, en son premier âge, faisait beaucoup parler d'elle, parfois d'ailleurs à tort et à travers. Chacun se rappelle les propos abjects qui ont pu être, à l'occasion, formulés par ceux qui souvent d'ailleurs avaient choisi de faire du racisme ordinaire leur fond de commerce.
Ainsi, il a fallu combattre l'ignorance et le préjugé, au moment même où la recherche tentait de mettre au point les tous premiers traitements d'une maladie qui suivait alors de près les premiers temps de la séropositivité et dont l'évolution tragique et douloureuse reste encore dans nos mémoires.
Je ne voudrais pas ici évoquer les progrès accomplis depuis, sans rendre d'abord hommage à toutes celles et à tous ceux, proches ou familles, associations de malades, militants de la première heure, qui nous ont montré le chemin et sur les traces desquels je veux aujourd'hui poursuivre la lutte.
Je me suis, bien avant d'être ministre de la santé, personnellement engagée : j'ai milité et je militerai toujours contre toutes les formes de discriminations dont les malades ont pu faire l'objet. Là où je me trouve à présent, j'assurerai, soyez en bien persuadés, un service maximum.
Le combat est loin d'être achevé. Le réel, en effet, pour être rendu plus supportable, a tôt fait d'être recouvert par son double réconfortant, quelle que soit la nature de nos représentations, idéologiques, fantasmatiques ou plus simplement naïves. Ce n'est pas ma doctrine de taire ce qui doit être dit et de fuir les questions qui appellent parfois des réponses audacieuses.
Mon action ministérielle sera donc portée par l'intangible conviction qu'on ne saurait transformer la réalité sans avoir le courage de la regarder en face.
Aussi, la politique de prévention que je poursuivrai sera marquée du sceau du réalisme et tiendra le plus grand compte de l'évolution des mentalités et des moeurs. Mon éthique est celle de la responsabilité. Nous ne sommes pas là pour surveiller et punir. Nous ne sommes pas là pour juger mais pour comprendre et agir de telle sorte que les mesures prises puissent produire tous leurs effets en terme de santé publique.
Les données épidémiologiques dont nous disposons nous livrent quelques enseignements significatifs.
Si, dans notre pays, le nombre estimé de personnes découvrant leur séropositivité est désormais en baisse (7000 en 2004, 6700 en 2005, 6300 personnes en 2006), les homosexuels restent la seule population pour laquelle on n'observe pas de diminution des nouveaux diagnostics.
Les homosexuels sont aujourd'hui encore le plus à risque d'exposition vis-à-vis du virus HIV. Plus d'un homosexuel sur dix se déclare ainsi séropositif, selon les enquêtes réalisées par l'InVS.
D'autres indicateurs sont préoccupants : en particulier, la fréquence des infections sexuellement transmissibles. Ainsi, le nombre de diagnostics de syphilis a augmenté en 2006. Trois diagnostics de syphilis sur quatre concernent en 2006 les homosexuels. La quasi totalité des cas de lymphogranulomatose vénérienne est diagnostiquée chez les homosexuels.
Nos politiques de prévention ne peuvent ignorer ces données. Aussi convient-il de prendre en compte désormais l'augmentation préoccupante des pratiques à risques, notamment dans la mise en oeuvre de nos campagnes nationales de prévention.
Les questions ne disparaissent pas du simple fait de n'être pas évoquées. Au contraire, si nous voulons éviter que le discours moralisateur ne se substitue à l'efficacité préventive, ces questions dont la philosophie et les sciences humaines se sont déjà emparées, devront être bien posées : posées de manière réfléchie, instruite. A cet égard, il paraît nécessaire de déterminer précisément les causes qui expliquent l'avènement d'une nouvelle « culture du risque », faite parfois de défi et de provocation autant que d'insouciance, à une époque où, paradoxalement, les messages de prudence et l'exigence de précaution n'ont jamais été aussi présents.
Sur ce sujet, nous avons la chance de pouvoir bénéficier de l'expérience des associations qui travaillent, depuis tant d'années, à la diffusion, au plus près des populations les plus exposées, d'outils de prévention. C'est avec eux, dans un esprit de dialogue constructif, que je souhaite réfléchir aux moyens d'établir les conditions qui permettront de susciter l'adoption et le maintien de comportements préventifs par tous ceux, notamment les homosexuels et les bisexuels à partenaires multiples dont les prises de risques, conscientes ou non, sont nombreuses.
Je pense aussi aux transexuels dont l'image est trop souvent réduite à celle de la prostitution, et dont on connaît la vulnérabilité face à l'infection au VIH.
De même, si le nombre des personnes d'Afrique subsaharienne qui découvre leur séropositivité diminue, cette population de migrants vivant en France reste malgré tout très touchée par l'infection à VIH et le sida puisque pour 100 000 africains vivant dans notre pays, on peut décompter 400 découvertes de séropositivité.
Là encore, il convient d'engager des politiques de prévention mieux adaptées à cette situation particulière.
Ainsi, les publics peu scolarisés et les personnes en situation de précarité, ceux-là même qui sont les moins bien informés sur les modes de contamination, les moyens de se protéger, mais aussi les possibilités d'accès au dépistage et aux soins, doivent pouvoir bénéficier de programmes renforcés de manière à améliorer substantiellement les conditions d'accessibilité au dépistage et à mieux faire entendre les messages de prévention qui leur sont destinés.
Les personnes les plus exposées au risque constituent donc les publics prioritaires de nos actions de prévention.
Cependant, s'il convient de s'adresser de manière plus efficace aux publics prioritaires, notre politique préventive, de manière plus générale, poursuit deux grands objectifs : favoriser une large accessibilité aux préservatifs et aux moyens de dépistage, d'une part, et promouvoir une action continue d'information, de communication et d'éducation à la santé en direction de la population générale qui intègre aussi la nécessité de mieux prévenir les autres infections sexuellement transmissibles.
Ainsi, je souhaite rendre le préservatif encore plus accessible à tous.
Le préservatif à 20 centimes d'euros doit pouvoir être disponible de manière plus systématique en grandes surfaces. A cet égard, un véritable partenariat doit être noué avec la grande distribution.
Il convient également de faciliter la mise en place effective des distributeurs de préservatifs dans les lycées par des actions d'accompagnement.
La distribution gratuite de préservatifs par l'INPES, via les DDASS, aux associations et organismes menant des actions de prévention auprès des publics les plus exposés et les plus précaires, doit être encouragée.
L'accès au préservatif féminin, sur le marché français depuis le début de l'année, doit être facilité.
Plus généralement, je souhaite que des actions adaptées puissent être menées en direction des femmes car elles présentent des spécificités vis-à-vis du VIH dont nous devons tenir compte dans un souci d'efficacité.
En matière de dépistage, notre stratégie doit évoluer, bien que la France soit le pays d'Europe où le recours au dépistage soit le plus important, avec plus de cinq millions de tests par an.
Ainsi, nous lancerons, début 2008, une expérimentation afin de définir la place des tests rapides dans la stratégie de dépistage. Les tests rapides ne doivent pas être confondus avec les autotests (home tests) parfois proposés sur internet. Ce sont des tests qui peuvent être effectués auprès du patient, en dehors du laboratoire.
La direction générale de la santé réunira mi-décembre les acteurs concernés, notamment les associations, l'ANRS, l'AFSSAPS, l'InvS afin de définir les modalités d'une expérimentation, d'un protocole de recherche clinique tenant compte des différents projets en préparation dans ce domaine.
Si les données épidémiologiques donnent des signes d'espoir, elles nous incitent à poursuivre notre politique suivant une approche pragmatique et évolutive.
C'est bien le pragmatisme de cette politique qui nous a permis, par exemple, de mieux maîtriser la transmission du VIH chez les usagers de drogues, population désormais moins touchée que dans les années quatre-vingt. Gageons que nous pourrons, dans les années qui viennent, obtenir des résultats aussi encourageants, concernant les personnes les plus exposées et qui doivent être prioritaires !
Je travaillerai en ce sens, avec la plus grande détermination, fidèle aux convictions qui sont les miennes, désireuse de nouer avec nos partenaires associatifs les liens privilégiés qui nous permettront de poursuivre efficacement le combat.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 27 novembre 2007