Point de presse de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, avec les correspondants locaux de la presse française, sur les futures conférences d'Annapolis sur le Proche-Orient et de Paris sur l'aide aux Palestiniens, Ramallah le 18 novembre 2007.

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Circonstance : Tournée de Bernard Kouchner au Proche-Orient du 18 au 23 novembre 2007 : déplacement dans les Territoires palestiniens le 18 à Ramallah

Texte intégral

Q - La Conférence d'Annapolis et la Conférence de Paris approchent. On a vu ce qui s'est passé à Gaza lundi dernier, est-ce qu'il est possible de faire la paix avec la moitié des Palestiniens seulement ?
R - Ce n'est pas moi qui décide, ce sont les Palestiniens, ce sont les Israéliens. Arrêtons de nous mettre à la place des autres, aidons-les à prendre leurs décisions. Il se trouve - et la manifestation dont vous parlez, à Gaza, s'est soldée par des morts et des blessés - que les Palestiniens sont encore fortement opposés les uns aux autres.
Je ne suis pas cynique, je pense qu'il faut absolument se dépêcher. Il ne faut pas abandonner les populations de Gaza. D'ailleurs, l'Union européenne et la France ne les abandonnent pas même si l'aide humanitaire n'est pas suffisante. Il faudra, bien sûr, un règlement politique et les Palestiniens parlent déjà de référendum. Je sais que c'est impossible maintenant. Ce qui est possible, c'est d'obtenir à Annapolis qu'il y ait le début d'un espoir pour un Etat palestinien, auquel nous songeons et nous rêvons tous - surtout les Palestiniens, évidemment -, depuis des dizaines d'années.
Ensuite, et ce n'est pas un hasard, après la Conférence d'Annapolis - dont je ne connais pas l'issue -, aura lieu, 15 jours après, la Conférence de Paris sur l'aide aux Palestiniens. Nous avons choisi cette date très proche, directement liée à Annapolis, Tony Blair, le Quartette, l'Union européenne, Mme Benita Ferrero-Waldner, les Norvégiens et la France, afin qu'ensuite, trois semaines après, il y ait le début de la mise en oeuvre de dispositions destinées à améliorer les conditions de vie des Palestiniens, en Cisjordanie, certainement, mais aussi à Gaza.
Je suis très heureux que M. Fayyad, le Premier ministre palestinien ait été capable, en moins de trois semaines, de nous remettre un document très important que nous étudions, qui est un début, bien sûr, de propositions pour que l'aide internationale serve à quelque chose. Nous allons soumettre ce document à la Banque mondiale. Nous verrons ainsi, à la Conférence de Paris, que les Etats, mais aussi les fondations et le monde des affaires, qui ont déjà promis de l'argent, et ceux qui, je l'espère, formuleront de nouvelles promesses, sont capables de choisir des projets qu'ils suivront et qui seront mis en oeuvre par les Palestiniens. C'est une méthode très différente ; l'argent ne sera pas donné sous la forme de chèques à l'Autorité palestinienne. Ils seront impliqués dans la réalisation des projets. La communauté internationale sera associée au contrôle permanent - pardon pour ce mot - de l'utilisation des fonds et, évidemment, nous rendrons compte aux donateurs. C'est une méthode un peu différente de ce qui a été fait avant et qui les avaient découragés.
Q - Mais est-ce que vous croyez qu'il est possible de construire des institutions et de bâtir une économie dans un pays qui est sous occupation ?
R - Oui, je le crois, parce que cette occupation, je l'espère, va céder la place, au fur et à mesure, à la responsabilité des Palestiniens. Je pense que dès qu'il y aura un espoir - et je ne dis pas que cela ne prendra pas plusieurs mois, bien entendu -, des institutions seront mises en place.
Vous verrez, demain, ensemble, Tony Blair, Ehud Barak et Salam Fayyad, mettre devant les Palestiniens le projet et la mise en oeuvre du projet des "Quick impacts projects". Cela va être fait demain et ce sera un signe supplémentaire que les choses vont changer.
Rien n'est idéal. Il vaudrait mieux avoir un pays qui se développerait tout seul, qui ne ferait pas appel à la communauté internationale, qui serait libre de ses mouvements : ce n'est pas le cas. Est-ce que cela veut dire que nous allons renoncer ? Sûrement pas, au contraire. Cela nous pousse à faire de la Conférence de Paris - d'Annapolis d'abord, mais là nous n'en sommes pas responsables -, nous les Français, avec une autre méthode, une conférence et un espoir réussi. Les Palestiniens sont d'accord avec nous ; ne soyons pas plus palestiniens que les Palestiniens, c'est une tentation que je connais bien.
Q - Vous savez très bien que l'opinion publique palestinienne n'y croie pas du tout !
R - Je sais très bien que vous vous trompez parce que je constate que, depuis trois ou quatre mois, il n'y a pas eu d'incident majeur et c'est très important. Même pour Naplouse, il n'y a pas eu d'incidents majeurs et je condamne votre pessimisme. J'espère que vous n'aurez pas raison.
Q - Quel est le sens de la collecte d'un montant aussi important d'argent par la communauté internationale alors qu'elle n'est pas capable d'obtenir d'Israël la levée du moindre check point en l'espace de 6 mois ?
R - Il y a sept ans qu'ils ne se sont pas parlés. Il y a sept ans et, entre temps, il y a eu l'Intifada, il y a eu des affrontements terribles, il y a eu des attentats suicides, etc.
Donnez un peu de respiration aux possibilités, aux espoirs et aux rêves, on verra bien. Il y a des possibilités. Je connais plein de missions de paix qui ont commencé dans la guerre, d'ailleurs, c'est ce qui les caractérise, en effet ? N'est-ce pas ? Je connais aussi de l'espoir qui a été donné et même des paix réussies.
Q - Monsieur le Ministre : sur le Liban ?
R - J'y vais ce soir. Nous n'avons pas encore pris la décision, mais je pense que nous allons y aller ce soir. Si ce n'est pas ce soir, ce sera de toute façon mardi. La situation n'est pas simple non plus.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2007