Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin, V. Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. V. Pécresse, bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Vous allez maintenir votre réforme des universités ? Oui, non ?
R.- La réforme, ce qu'il faut savoir c'est que la loi sur l'autonomie dont on parle beaucoup en ce moment n'est que la première pierre de cette réforme. La réforme c'est, pendant cinq ans, toute une série de mesures pour la réussite des étudiants et pour la réussite des universités. Donc, la réforme, pour nous, c'est un projet sur cinq ans avec 5 milliards d'euros.
Q.- Donc, vous ne reviendrez pas sur cette réforme ?
R.- Nous avons la volonté de la mener, et ce que je veux dire c'est que cette loi autonomie c'est le socle, c'est vital. Et s'il n'y a pas cette loi autonomie qui permet aux universités d'être responsables de la réussite de leurs étudiants, d'avoir comme mission leur insertion professionnelle, d'avoir une meilleure gouvernance pour prendre des décisions beaucoup plus rapidement, recruter des professeurs en moins d'un an, un an et demi, changer le contenu des formations en moins de deux ans, nouer des partenariats avec leur environnement, que ce soit avec les collectivités locales, les universités étrangères ou des entreprises, si on n'a pas cette loi qui modifie le fonctionnement de l'université, on ne pourra pas faire la suite de la réforme, on ne pourra pas faire la lutte contre l'échec en premier cycle, on ne pourra pas faire la réforme du master, on ne pourra pas attirer les jeunes vers le doctorat.
Q.- Alors, que dites-vous à ceux qui sont dans la rue, les étudiants, les lycéens ? Les lycéens on en parlera après, parce que c'est une question d'orientation et de choix de leur avenir. Mais que dites-vous aux étudiants ce matin ?
R.- Je leur dis que j'ai entendu leurs craintes, que leurs craintes et leurs préoccupations elles viennent de la situation qui est la leur aujourd'hui, une situation où les étudiants n'ont pas confiance, ont peur de leur avenir. Ils ont peur de leur avenir parce que personne ne s'est occupé d'eux depuis dix, quinze, vingt ans. Et ce que je veux leur dire, c'est que ce Gouvernement a décidé de s'occuper d'eux, ce Gouvernement a décidé de les conduire vers des diplômes qualifiants qui vont leur ouvrir les portes du marché du travail, et que là encore, cette réforme de l'autonomie, qu'ils ne comprennent pas bien, parce que c'est des règles de fonctionnement de l'université, c'est le fonctionnement du conseil d'administration, c'est des règles de compétence immobilière, de gestion, etc., ils ne la comprennent pas bien, mais cette loi c'est un outil pour pouvoir ensuite avancer sur des chantiers qui eux les intéressent : le chantier de la réussite en licence, le chantier du logement étudiant, la réforme des bourses qu'on a lancée depuis le mois d'octobre.
Q.- On va entrer dans tous ces chantiers, on va essayer de faire avancer les choses, V. Pécresse, ensemble. Regardons l'autonomie des universités, très vite. L'université s'ouvre, c'est l'idée de la réforme. Elle peut peut s'ouvrir par exemple à l'entreprise privée ; une entreprise privée viendra participer au fonctionnement de l'université, c'est-à-dire financera une partie du fonctionnement de l'université. C'est bien ça l'idée ?
R.- Alors, excusez-moi de vous reprendre un tout petit peu, parce qu'il faut être très précis.
Q.- Justement !
R.- Aujourd'hui, le budget de l'université c'est 10 milliards d'euros de crédits entièrement d'Etat, 10 milliards d'euros. Ensuite, il y a 1 milliard d'euros des collectivités locales qui investissent dans le bâtiment, etc. ou plus. Donc, ça fait 11 milliards d'euros. Ce que permet la loi aux universités c'est de créer des fondations universitaires dans lesquelles elles pourront récupérer quelques centaines de milliers d'euros.
Q.- Pas plus ! Il aura des plafonds ?
R.- Mais non, il n'y a pas de plafond.
Q.- Imaginons qu'une entreprise privée tout à coup décide de financer une université parce qu'elle veut...
R.-...Attendez ! Attendez ! Le mode de fonctionnement de ces fondations, maintenant : elles récupéreront de l'argent. Bon, ça va venir petit à petit, c'est quand même un changement de culture pour les entreprises de faire du mécénat universitaire. Mais les fondations elles vont fonctionner comment ? Ces fondations universitaires c'est le conseil d'administration de l'université où siègent les étudiants, les personnels, les enseignants chercheurs qui décidera de comment les fonds vont être attribués. Et vous savez, les enseignants chercheurs sont farouchement attachés à leur indépendance, les étudiants le prouvent encore aujourd'hui, ils sont farouchement attachés à la qualité de la formation. Donc, vous croyez que ces conseils d'administration universitaires qui vont récupérer ces fonds de mécènes, d'anciens élèves, d'entreprises, etc., ils ne les utiliseront pas ? Je n'arrive pas à comprendre quelle est la peur derrière parce que ce conseil d'administration viendra.
Q.- Vous n'avez donc pas choisi le modèle américain.
R.- Il n'y a pas de privatisation de l'université à craindre, d'autant plus que l'Etat gardera l'entière compétence sur la définition des diplômes et sur la délivrance de ces diplômes. Et d'ailleurs, on est en train de travailler sur un chantier sur la réussite en licence, nous voulons rénover profondément la licence et particulièrement la licence de Sciences humaines, parce qu'aujourd'hui c'est les sciences humaines qui sont au coeur de ce débat. Mais, on va bien montrer avec ce nouveau chantier à quel point c'est l'Etat qui a la main, et l'Etat qui a la main dans le contenu des formations et pour définir ce que c'est que la formation qui donne un emploi, qui donne des perspectives au 21ème siècle.
Q.- Oui, au passage, rénover les sciences humaines c'est ouvrir les sciences humaines à d'autres matières, je ne sais pas, l'apprentissage d'une lange, par exemple, c'est ça ? Enfin, pas « apprentissage », mais perfectionnement.
R.- C'est tout le paradoxe, monsieur Bourdin. Aujourd'hui, dans tous les pays du monde, on est dans des économies de services. Economie de services ça veut dire la communication, ça veut dire le tourisme, ça veut dire des métiers du social, etc. Donc, on est dans une économie de services, dans une économie de services les sciences humaines sont la meilleure des formations, humaines et sociales, parce que les sciences humaines et sociales c'est réfléchir sur le monde dans lequel on vit, c'est la culture générale, c'est l'expression écrite, c'est l'expression orale, c'est donc ce qui forme un honnête homme au 21ème siècle. Or, aujourd'hui, nous avons des filières de sciences humaines dont les étudiants croient, parce que c'est l'héritage de l'histoire, qu'ils sont voués uniquement au métier de l'enseignement, et un petit peu aux métiers de la fonction publique. Eh bien, moi, je leur dis : « on va rénover votre formation pour vous ouvrir le champ des possibles. Vous pouvez bien sûr choisir d'être enseignant, mais vous devez pouvoir avoir accès à tous les métiers de l'économie française aujourd'hui ».
Q.- Est-ce que vous allez supprimer des filières non rentables ?
R.- On ne va pas faire ça, on va réformer les filières pour faire en sorte qu'il y ait, en licence notamment, un socle commun d'apprentissages qui fasse que on puisse avoir des passerelles. Moi, je veux une université avec des ponts et des passerelles, je ne veux plus cette université où on est dans une voie et puis si la voie c'est une impasse, on se cogne contre le mur et on ne peut plus rien faire. Moi, je veux par exemple faire des passerelles avec les grandes écoles, je veux faire des passerelles entre les formations. Je veux qu'à la fin de la première année à l'université, voire même à la fin du premier semestre, si on s'est trompé, on puisse récupérer les crédits qu'on a eus dans le premier semestre et aller dans une autre licence. Et ça, ça veut dire ne pas hyper spécialiser de suite.
Q.- Donc, des conseils de réorientation qui seront mis en place.
R.- Des conseils de réorientation, mais surtout vraiment un socle commun en première année, une année fondamentale, la première année ça doit être l'année fondamentale.
Q.- Socle commun, le premier trimestre ?
R.- Oui, où on apprend des langues, où on apprend de la méthode, où on apprend aussi le métier d'étudiant, parce que vous savez, il y a des codes pour être étudiant : il faut une certaine autonomie, il faut savoir aller chercher des documents, il faut savoir travailler, il faut comprendre comment fonctionne une université, et moi ce qui me revient beaucoup de tous les étudiants que je vois, c'est le sentiment d'être lâché tout seul ; c'est l'université c'est chacun pour soi.
Q.- Peu de tutorats, par exemple.
R.- Chacun pour soi et c'est la jungle. Et c'est ça le sentiment qu'ont les jeunes aujourd'hui. Moi, je crois qu'il faut les accompagner et je crois qu'il faut aussi leur donner vraiment non seulement des connaissances mais aussi des compétences. Et vous me parliez des langues étrangères. Scandale ! Scandale ! En filière de sciences humaines, aujourd'hui en France, il n'y a pas d'anglais, il n'y a pas de deuxième langue.
Q.- V. Pécresse, c'est bien beau, les étudiants qui arrivent à l'université n'arrivent pas à se loger, par exemple, ont des difficultés, vous le savez bien, on l'entend, vous l'entendez, je l'entends, tout le monde l'entend. Est-ce qu'on ne pourrait pas aller jusqu'à supprimer les cautions demandées aux étudiants qui veulent louer un appartement ?
R.- Si !
Q.- Vous allez aller jusque-là ?
R.- Oui, on va aller...
Q.- On va supprimer les cautions demandées aux étudiants ?
R.- Nous sommes en train de travailler et nous allons aboutir d'ici la fin de l'année à ce qu'on appelle la garantie du risque locatif. La garantie du risque locatif c'est quoi ? C'est un mécanisme qui va garantir les impayés, et ce mécanisme va s'appliquer aux étudiants. C. Boutin est en train de le finaliser et de le mettre en place. Il est présenté dans le projet de loi rectificatif à la loi de finances de 2007, ça veut dire que d'ici la fin de l'année, j'espère pouvoir vous annoncer, monsieur Bourdin, avec C. Boutin, que désormais on ne demandera plus de caution aux étudiants. Et ça, c'est vraiment une révolution.
Q.- Ah, ça c'est une révolution !
R.- C'est une révolution parce qu'aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe dans le logement étudiant ? Vous connaissez la situation mieux que moi, le problème du logement étudiant c'est que même si les étudiants travaillent à côté pour se payer leur logement et même s'ils ont des aides au logement, entre 120 et 180 euros/mois, eh bien on leur dit, quand ils n'ont pas de parents qui sont riches : « vous n'avez pas de caution, vous ne pouvez pas avoir de logement ».
Q.- Pourquoi est-ce que le système Loca-pass, par exemple, n'est réservé qu'aux étudiants boursiers ?
R.- Il était réservé au départ aux étudiants salariés. Ensuite, on l'a étendu aux étudiants boursiers, mais parce que le Loca-pass au départ avait été négocié avec les partenaires sociaux du 1 % logement.
Q.- Exact.
R.- Et les partenaires sociaux avaient dit : « le 1 % logement c'est pour les salariés ». Et tout le pouvoir de conviction de C. Boutin ça été pour la garantie des risques locatifs qui sera aussi négociée, toute l'énergie de C. Boutin a été mise à leur dire : « mais, ok, le 1 % logement c'est les partenaires sociaux, c'est les salariés, mais est-ce que vous n'avez pas intérêt à ce que les jeunes soient heureux et les étudiants aient des bonnes formations dans de bonnes conditions ? ». C'est tout le dialogue pédagogique qu'on va nouer avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, c'est de leur dire : vous avez tous intérêt à investir sur la jeunesse, vous avez tous intérêt à élever le niveau de connaissance de vos enfants, vous avez tous intérêt à ce que les étudiants soient heureux d'être étudiants.
Q.- Oui, ça veut dire donc, et vous confirmez cette information, qu'il n'y aura plus de caution demandée aux étudiants avant la fin de l'année.
R.- C'est le projet de C. Boutin.
Q.- Bien, 08 h 42 déjà, ça passe vite. V. Pécresse est notre invitée ce matin. On se retrouve dans deux minutes.
[Pause]
Q.- Parlons des lycéens, parce que dans la rue, il y a des étudiants mais il y a beaucoup de lycéens. Et les lycéens se demandent ce que vous leur réservez. Ils protestent, par exemple, contre "l'orientation active obligatoire", qui est inscrite dans la loi. C'est quoi cette "orientation active obligatoire" ?
R.- L'orientation active c'est aujourd'hui une expérimentation qui est faite dans soixante-sept universités, donc ça existe déjà. Et c'est quoi ? Cela part du constat que les lycéens ne sont en réalité pas suffisamment accompagnés dans leur décision d'orientation.
Q.- Donc ils ne sont pas, pendant leurs années lycée, suffisamment informés de ce qu'ils peuvent faire plus tard ?
R.- Exactement. Et en plus, comme les métiers changent...
Q.- Et c'est au ministère de l'Education nationale de faire des efforts ?
R.- Mais on va travailler ensemble, avec X. Darcos, pour mettre en place un service public d'orientation modernisé et en lien surtout avec l'université.
Q.- Cela me paraît évident.
R.- Eh oui, parce qu'en plus les métiers changent et les filières évoluent beaucoup. D'une année sur l'autre, il y a des tas de changements. Alors, ce qu'on voudrait, nous du côté université, c'est que les universitaires puissent aller dans les lycées, en commençant d'abord par les lycées les plus défavorisés, pour les informer très clairement des filières. Pourquoi ? Tout simplement...
Q.- Mais qui va aller dans les lycées ? Les profs, les enseignants, les je ne sais...
R.- Les enseignants de chaque ce qu'on appelle UFR, c'est-à-dire de chaque discipline de l'université. Pourquoi ? L'idée derrière c'est quoi ? L'idée c'est qu'il y a un certain nombre de très bons bacheliers qui autolimitent leurs ambitions. Parce qu'ils sont de milieux plutôt défavorisés, ils se disent : "l'université c'est cinq ans, et cinq ans c'est très long ; est-ce que je vais pouvoir finir ?"
Q.- Et très cher ?
R.- Oui, sans être forcément très cher, parce que l'université ce n'est pas cher, c'est 165 euros pour la licence.
Q.- On parlera des frais d'inscription...
R.- Les frais d'inscription sont modiques, comme vous le savez, puis il y a des bourses, mais ce n'est pas tellement une question d'argent, c'est une question de "on ne voit pas l'horizon, on ne sait pas trop, c'est un monde qu'on ne connaît pas, on n'est pas initié, on ne sait pas quelles sont les bonnes filières. On sait qu'il y a des gens à bac + 5 qui n'ont pas d'emploi. Nous, on préférerait aller dans un BTS ou dans un UIT, parce que c'est deux ans, et parce qu'au bout de deux ans, on est sûr d'avoir une qualification".
Q.- Dans quelles classes au lycée viendront ces enseignants ?
R.- X. Darcos s'occupe de l'orientation dans le cadre, dès le collège, [afin] de faire mettre aux lycéens leur projet personnel. Et nous, l'université, on voudrait venir vers la Terminale, c'est-à-dire présenter vraiment en Terminale ou peut-être en Première, pour montrer vraiment la carte des formations, expliquer, et expliquer surtout les pré-requis. C'est-à-dire, vous allez en science, vous avez quand même intérêt à avoir un bon niveau de maths ; vous venez en médecine, vous savez, il y aura des difficultés, il faudra peut-être du soutien dans telle et telle matière, si, là encore, vous n'avez pas un bac S ; vous avez un bac technologique, il y a des filières qui sont mieux adaptées pour vous. Donc l'idée c'est quand même d'accompagner...
Q.- Etes-vous favorable - j'ouvre des parenthèses - à la suppression des filières au bac ? C'est-à-dire qu'il n'y aurait qu'un bac. Terminé le bac littéraire, le bac scientifique...
R.- Ce n'est pas du tout ma responsabilité.
Q.- Mais vous avez une idée quand même sur la question ?
R.- Ce n'est pas ma responsabilité, mais ce que je sais...
Q.- Parce que j'ai vu que X. Darcos était plutôt favorable à cette suppression des filières.
R.- Ce que je sais sur les bacheliers que j'accueille à l'université, c'est qu'il faut que chaque bachelier ait un socle d'apprentissages fondamentaux solide. Un exemple : par exemple, les "bac littéraire", il faut leur dire de ne pas abandonner les mathématiques, parce que...
Q.- Parce qu'avec un socle commun, on supprime les filières, ça permet aux futurs étudiants de mieux choisir, peut-être ?
R.- Ecoutez, moi, ce qui est surtout très important pour moi, c'est la première année à l'université, parce que les bacheliers...
Q.- Vous ne me répondez pas, V. Pécresse, sur les filières.
R.- Eh non, parce que ce n'est pas ma responsabilité.
Q.- Oui mais vous avez une idée, quand même !
R.- Non. Objectivement, non, parce que ce n'est pas... moi ce sur quoi j'ai travaillé, moi je ne parle que des dossiers que j'ai travaillés. Ce que je sais, c'est qu'il faut que dans chaque bac, des fondamentaux soient acquis, en mathématique, en science, en culture générale, en expression écrite, quel que soit le bac. C'est-à-dire qu'on ne peut pas aller dans une filière et se dire : j'abandonne tous les enseignements des autres filières. C'est une certitude. Il faut vraiment des socles d'acquis. Pour réussir aux graphes, si on ne connaît pas bien les rudiments des mathématiques, on ne peut pas faire une échelle de carte.
Q.- L'orientation active : donc le prof d'université vient en Terminale expliquer quel peut être l'avenir de chaque lycéen. N'est-ce pas une sélection déguisée ?
R.- Non, c'est un choix éclairé.
Q.- Est-ce que les professeurs vont venir choisir leurs futurs étudiants ?
R.- Ils n'en ont absolument pas le droit, parce que la loi réaffirme la liberté d'inscription des étudiants dans chaque université. Simplement, le problème c'est d'éclairer le choix de l'étudiant, qu'il sache où il va, où il met les pieds, quelles sont ses chances de réussir. Parce qu'un étudiant particulièrement motivé, il peut renverser les montagnes, il peut lutter contre... Alors, parce que moi je refuse, je vous l'ai dit, je refuse des murs, je refuse des cloisons étanches, je veux des passerelles ; je veux qu'un étudiant qui est bon, qui est motivé, qui a été orienté vers un bac professionnel parce que quand il était jeune, on lui a dit : "c'est comme ça et ce n'est pas autrement", parce qu'il a eu des difficultés, parce que, parce que... et qui en Terminale, en bac pro est très bon, eh bien, ce jeune-là, il faut qu'on le réaccompagne vers des études. Et donc, vous voyez bien, des études beaucoup plus longues. Un jeune qui en BTS est en réalité là, alors qu'il devrait être en filière longue, il faut que ce jeune, à la fin de son BTS, et c'est possible maintenant, on récupère ses crédits, et qu'on le ramène dans l'université, dans des filières... Il faut des passerelles et il faut de l'accompagnement, et il faut surtout des adultes référents qui, toujours, vous rencontrent, vous parlent, vous conseillent, pour que votre choix soit en connaissance de cause, que vous sachiez où vous mettez les pieds. Et ça, les lycéens me l'ont demandé, puisque moi j'ai reçu les lycéens pour parler de l'orientation active. Je les ai rassurés, je leur ai dit : il n'y aura absolument d'atteinte à la liberté d'inscription dans les universités. En revanche, vous aurez des conseils et vous saurez..
Q.- Dernière question avant de passer aux questions des auditeurs : il y a un institut très célèbre, une école très célèbre, l'Ecole des Hautes études en Sciences Sociales, l'EHESS, qui est installée boulevard Raspail à Paris, les chercheurs travaillent sur la banlieue, sur le malaise de ces jeunes de banlieue. Oui, mais ils ne veulent pas aller s'installer à Aubervilliers. Vous leur proposez des locaux tout neufs, et ils sont très bien boulevard Raspail, en plein coeur de Paris. Ils travaillent sur la banlieue mais ils n'ont pas envie d'aller s'installer à Aubervilliers. Qu'est-ce que vous leur dites ? C'est quand même un comble !
R.- Ce qu'il faut savoir, c'est que l'EHESS c'est vraiment le fleuron...
Q.- Ben oui, c'est le fleuron mais qui ne veut pas quitter le centre de Paris.
R.- Alors pourquoi faut-il d'abord qu'ils quittent le centre de Paris ? Tout simplement parce que les locaux sont amiantés. Donc, moi ma responsabilité, et je le leur dis, c'est qu'il faut qu'ils permettent le désamiantage de ces locaux. Donc, je crois qu'il faut absolument qu'on... Mais l'engagement que j'ai pris avec eux, parce que je comprends aussi leur souci, quand on est la vitrine des sciences sociales parisiennes, on veut aussi que l'image de Paris leur permette de rayonner à l'étranger.
Q.- Bon, il (vous faut aussi ?) aller à Aubervilliers ?
R.- Oui, mais vous allez voir. Donc, moi je crois qu'il faut qu'ils gardent une implantation parisienne, un amphi, un peu de prestige, des bureaux de prestige, pour recevoir les délégations étrangères. Mais ce que nous voulons faire à Aubervilliers, et ça je voudrais vraiment le leur dire, c'est un projet extraordinairement ambitieux, on veut faire une Cité des humanités et des sciences sociales, on veut faire une vitrine, on veut faire La Cité numérique des sciences sociales et humaines, parce que, je crois qu'à un moment donné, on est au XXIème siècle, il faut qu'on puisse accueillir des étudiants étrangers, il faut qu'on puisse nouer des partenariats, il faut qu'on ait des bibliothèques numérisées, il faut qu'on ait des bureaux agréables pour un chercheur. Tous les chercheurs ne peuvent pas chercher chez eux, dans la tradition de l'EHESS et de l'Ecole pratique des Hautes études. Les chercheurs travaillaient chez eux et venaient très peu travailler. La jeune génération elle a besoin de bureaux, elle a besoin d'équipements informatiques, elle a besoin d'espace, elle a besoin de conditions de travail, et elle a besoin surtout de campus qui rayonnent, qui sont des vitrines pour le monde. [...]
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 novembre 2007
R.- Bonjour.
Q.- Vous allez maintenir votre réforme des universités ? Oui, non ?
R.- La réforme, ce qu'il faut savoir c'est que la loi sur l'autonomie dont on parle beaucoup en ce moment n'est que la première pierre de cette réforme. La réforme c'est, pendant cinq ans, toute une série de mesures pour la réussite des étudiants et pour la réussite des universités. Donc, la réforme, pour nous, c'est un projet sur cinq ans avec 5 milliards d'euros.
Q.- Donc, vous ne reviendrez pas sur cette réforme ?
R.- Nous avons la volonté de la mener, et ce que je veux dire c'est que cette loi autonomie c'est le socle, c'est vital. Et s'il n'y a pas cette loi autonomie qui permet aux universités d'être responsables de la réussite de leurs étudiants, d'avoir comme mission leur insertion professionnelle, d'avoir une meilleure gouvernance pour prendre des décisions beaucoup plus rapidement, recruter des professeurs en moins d'un an, un an et demi, changer le contenu des formations en moins de deux ans, nouer des partenariats avec leur environnement, que ce soit avec les collectivités locales, les universités étrangères ou des entreprises, si on n'a pas cette loi qui modifie le fonctionnement de l'université, on ne pourra pas faire la suite de la réforme, on ne pourra pas faire la lutte contre l'échec en premier cycle, on ne pourra pas faire la réforme du master, on ne pourra pas attirer les jeunes vers le doctorat.
Q.- Alors, que dites-vous à ceux qui sont dans la rue, les étudiants, les lycéens ? Les lycéens on en parlera après, parce que c'est une question d'orientation et de choix de leur avenir. Mais que dites-vous aux étudiants ce matin ?
R.- Je leur dis que j'ai entendu leurs craintes, que leurs craintes et leurs préoccupations elles viennent de la situation qui est la leur aujourd'hui, une situation où les étudiants n'ont pas confiance, ont peur de leur avenir. Ils ont peur de leur avenir parce que personne ne s'est occupé d'eux depuis dix, quinze, vingt ans. Et ce que je veux leur dire, c'est que ce Gouvernement a décidé de s'occuper d'eux, ce Gouvernement a décidé de les conduire vers des diplômes qualifiants qui vont leur ouvrir les portes du marché du travail, et que là encore, cette réforme de l'autonomie, qu'ils ne comprennent pas bien, parce que c'est des règles de fonctionnement de l'université, c'est le fonctionnement du conseil d'administration, c'est des règles de compétence immobilière, de gestion, etc., ils ne la comprennent pas bien, mais cette loi c'est un outil pour pouvoir ensuite avancer sur des chantiers qui eux les intéressent : le chantier de la réussite en licence, le chantier du logement étudiant, la réforme des bourses qu'on a lancée depuis le mois d'octobre.
Q.- On va entrer dans tous ces chantiers, on va essayer de faire avancer les choses, V. Pécresse, ensemble. Regardons l'autonomie des universités, très vite. L'université s'ouvre, c'est l'idée de la réforme. Elle peut peut s'ouvrir par exemple à l'entreprise privée ; une entreprise privée viendra participer au fonctionnement de l'université, c'est-à-dire financera une partie du fonctionnement de l'université. C'est bien ça l'idée ?
R.- Alors, excusez-moi de vous reprendre un tout petit peu, parce qu'il faut être très précis.
Q.- Justement !
R.- Aujourd'hui, le budget de l'université c'est 10 milliards d'euros de crédits entièrement d'Etat, 10 milliards d'euros. Ensuite, il y a 1 milliard d'euros des collectivités locales qui investissent dans le bâtiment, etc. ou plus. Donc, ça fait 11 milliards d'euros. Ce que permet la loi aux universités c'est de créer des fondations universitaires dans lesquelles elles pourront récupérer quelques centaines de milliers d'euros.
Q.- Pas plus ! Il aura des plafonds ?
R.- Mais non, il n'y a pas de plafond.
Q.- Imaginons qu'une entreprise privée tout à coup décide de financer une université parce qu'elle veut...
R.-...Attendez ! Attendez ! Le mode de fonctionnement de ces fondations, maintenant : elles récupéreront de l'argent. Bon, ça va venir petit à petit, c'est quand même un changement de culture pour les entreprises de faire du mécénat universitaire. Mais les fondations elles vont fonctionner comment ? Ces fondations universitaires c'est le conseil d'administration de l'université où siègent les étudiants, les personnels, les enseignants chercheurs qui décidera de comment les fonds vont être attribués. Et vous savez, les enseignants chercheurs sont farouchement attachés à leur indépendance, les étudiants le prouvent encore aujourd'hui, ils sont farouchement attachés à la qualité de la formation. Donc, vous croyez que ces conseils d'administration universitaires qui vont récupérer ces fonds de mécènes, d'anciens élèves, d'entreprises, etc., ils ne les utiliseront pas ? Je n'arrive pas à comprendre quelle est la peur derrière parce que ce conseil d'administration viendra.
Q.- Vous n'avez donc pas choisi le modèle américain.
R.- Il n'y a pas de privatisation de l'université à craindre, d'autant plus que l'Etat gardera l'entière compétence sur la définition des diplômes et sur la délivrance de ces diplômes. Et d'ailleurs, on est en train de travailler sur un chantier sur la réussite en licence, nous voulons rénover profondément la licence et particulièrement la licence de Sciences humaines, parce qu'aujourd'hui c'est les sciences humaines qui sont au coeur de ce débat. Mais, on va bien montrer avec ce nouveau chantier à quel point c'est l'Etat qui a la main, et l'Etat qui a la main dans le contenu des formations et pour définir ce que c'est que la formation qui donne un emploi, qui donne des perspectives au 21ème siècle.
Q.- Oui, au passage, rénover les sciences humaines c'est ouvrir les sciences humaines à d'autres matières, je ne sais pas, l'apprentissage d'une lange, par exemple, c'est ça ? Enfin, pas « apprentissage », mais perfectionnement.
R.- C'est tout le paradoxe, monsieur Bourdin. Aujourd'hui, dans tous les pays du monde, on est dans des économies de services. Economie de services ça veut dire la communication, ça veut dire le tourisme, ça veut dire des métiers du social, etc. Donc, on est dans une économie de services, dans une économie de services les sciences humaines sont la meilleure des formations, humaines et sociales, parce que les sciences humaines et sociales c'est réfléchir sur le monde dans lequel on vit, c'est la culture générale, c'est l'expression écrite, c'est l'expression orale, c'est donc ce qui forme un honnête homme au 21ème siècle. Or, aujourd'hui, nous avons des filières de sciences humaines dont les étudiants croient, parce que c'est l'héritage de l'histoire, qu'ils sont voués uniquement au métier de l'enseignement, et un petit peu aux métiers de la fonction publique. Eh bien, moi, je leur dis : « on va rénover votre formation pour vous ouvrir le champ des possibles. Vous pouvez bien sûr choisir d'être enseignant, mais vous devez pouvoir avoir accès à tous les métiers de l'économie française aujourd'hui ».
Q.- Est-ce que vous allez supprimer des filières non rentables ?
R.- On ne va pas faire ça, on va réformer les filières pour faire en sorte qu'il y ait, en licence notamment, un socle commun d'apprentissages qui fasse que on puisse avoir des passerelles. Moi, je veux une université avec des ponts et des passerelles, je ne veux plus cette université où on est dans une voie et puis si la voie c'est une impasse, on se cogne contre le mur et on ne peut plus rien faire. Moi, je veux par exemple faire des passerelles avec les grandes écoles, je veux faire des passerelles entre les formations. Je veux qu'à la fin de la première année à l'université, voire même à la fin du premier semestre, si on s'est trompé, on puisse récupérer les crédits qu'on a eus dans le premier semestre et aller dans une autre licence. Et ça, ça veut dire ne pas hyper spécialiser de suite.
Q.- Donc, des conseils de réorientation qui seront mis en place.
R.- Des conseils de réorientation, mais surtout vraiment un socle commun en première année, une année fondamentale, la première année ça doit être l'année fondamentale.
Q.- Socle commun, le premier trimestre ?
R.- Oui, où on apprend des langues, où on apprend de la méthode, où on apprend aussi le métier d'étudiant, parce que vous savez, il y a des codes pour être étudiant : il faut une certaine autonomie, il faut savoir aller chercher des documents, il faut savoir travailler, il faut comprendre comment fonctionne une université, et moi ce qui me revient beaucoup de tous les étudiants que je vois, c'est le sentiment d'être lâché tout seul ; c'est l'université c'est chacun pour soi.
Q.- Peu de tutorats, par exemple.
R.- Chacun pour soi et c'est la jungle. Et c'est ça le sentiment qu'ont les jeunes aujourd'hui. Moi, je crois qu'il faut les accompagner et je crois qu'il faut aussi leur donner vraiment non seulement des connaissances mais aussi des compétences. Et vous me parliez des langues étrangères. Scandale ! Scandale ! En filière de sciences humaines, aujourd'hui en France, il n'y a pas d'anglais, il n'y a pas de deuxième langue.
Q.- V. Pécresse, c'est bien beau, les étudiants qui arrivent à l'université n'arrivent pas à se loger, par exemple, ont des difficultés, vous le savez bien, on l'entend, vous l'entendez, je l'entends, tout le monde l'entend. Est-ce qu'on ne pourrait pas aller jusqu'à supprimer les cautions demandées aux étudiants qui veulent louer un appartement ?
R.- Si !
Q.- Vous allez aller jusque-là ?
R.- Oui, on va aller...
Q.- On va supprimer les cautions demandées aux étudiants ?
R.- Nous sommes en train de travailler et nous allons aboutir d'ici la fin de l'année à ce qu'on appelle la garantie du risque locatif. La garantie du risque locatif c'est quoi ? C'est un mécanisme qui va garantir les impayés, et ce mécanisme va s'appliquer aux étudiants. C. Boutin est en train de le finaliser et de le mettre en place. Il est présenté dans le projet de loi rectificatif à la loi de finances de 2007, ça veut dire que d'ici la fin de l'année, j'espère pouvoir vous annoncer, monsieur Bourdin, avec C. Boutin, que désormais on ne demandera plus de caution aux étudiants. Et ça, c'est vraiment une révolution.
Q.- Ah, ça c'est une révolution !
R.- C'est une révolution parce qu'aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe dans le logement étudiant ? Vous connaissez la situation mieux que moi, le problème du logement étudiant c'est que même si les étudiants travaillent à côté pour se payer leur logement et même s'ils ont des aides au logement, entre 120 et 180 euros/mois, eh bien on leur dit, quand ils n'ont pas de parents qui sont riches : « vous n'avez pas de caution, vous ne pouvez pas avoir de logement ».
Q.- Pourquoi est-ce que le système Loca-pass, par exemple, n'est réservé qu'aux étudiants boursiers ?
R.- Il était réservé au départ aux étudiants salariés. Ensuite, on l'a étendu aux étudiants boursiers, mais parce que le Loca-pass au départ avait été négocié avec les partenaires sociaux du 1 % logement.
Q.- Exact.
R.- Et les partenaires sociaux avaient dit : « le 1 % logement c'est pour les salariés ». Et tout le pouvoir de conviction de C. Boutin ça été pour la garantie des risques locatifs qui sera aussi négociée, toute l'énergie de C. Boutin a été mise à leur dire : « mais, ok, le 1 % logement c'est les partenaires sociaux, c'est les salariés, mais est-ce que vous n'avez pas intérêt à ce que les jeunes soient heureux et les étudiants aient des bonnes formations dans de bonnes conditions ? ». C'est tout le dialogue pédagogique qu'on va nouer avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, c'est de leur dire : vous avez tous intérêt à investir sur la jeunesse, vous avez tous intérêt à élever le niveau de connaissance de vos enfants, vous avez tous intérêt à ce que les étudiants soient heureux d'être étudiants.
Q.- Oui, ça veut dire donc, et vous confirmez cette information, qu'il n'y aura plus de caution demandée aux étudiants avant la fin de l'année.
R.- C'est le projet de C. Boutin.
Q.- Bien, 08 h 42 déjà, ça passe vite. V. Pécresse est notre invitée ce matin. On se retrouve dans deux minutes.
[Pause]
Q.- Parlons des lycéens, parce que dans la rue, il y a des étudiants mais il y a beaucoup de lycéens. Et les lycéens se demandent ce que vous leur réservez. Ils protestent, par exemple, contre "l'orientation active obligatoire", qui est inscrite dans la loi. C'est quoi cette "orientation active obligatoire" ?
R.- L'orientation active c'est aujourd'hui une expérimentation qui est faite dans soixante-sept universités, donc ça existe déjà. Et c'est quoi ? Cela part du constat que les lycéens ne sont en réalité pas suffisamment accompagnés dans leur décision d'orientation.
Q.- Donc ils ne sont pas, pendant leurs années lycée, suffisamment informés de ce qu'ils peuvent faire plus tard ?
R.- Exactement. Et en plus, comme les métiers changent...
Q.- Et c'est au ministère de l'Education nationale de faire des efforts ?
R.- Mais on va travailler ensemble, avec X. Darcos, pour mettre en place un service public d'orientation modernisé et en lien surtout avec l'université.
Q.- Cela me paraît évident.
R.- Eh oui, parce qu'en plus les métiers changent et les filières évoluent beaucoup. D'une année sur l'autre, il y a des tas de changements. Alors, ce qu'on voudrait, nous du côté université, c'est que les universitaires puissent aller dans les lycées, en commençant d'abord par les lycées les plus défavorisés, pour les informer très clairement des filières. Pourquoi ? Tout simplement...
Q.- Mais qui va aller dans les lycées ? Les profs, les enseignants, les je ne sais...
R.- Les enseignants de chaque ce qu'on appelle UFR, c'est-à-dire de chaque discipline de l'université. Pourquoi ? L'idée derrière c'est quoi ? L'idée c'est qu'il y a un certain nombre de très bons bacheliers qui autolimitent leurs ambitions. Parce qu'ils sont de milieux plutôt défavorisés, ils se disent : "l'université c'est cinq ans, et cinq ans c'est très long ; est-ce que je vais pouvoir finir ?"
Q.- Et très cher ?
R.- Oui, sans être forcément très cher, parce que l'université ce n'est pas cher, c'est 165 euros pour la licence.
Q.- On parlera des frais d'inscription...
R.- Les frais d'inscription sont modiques, comme vous le savez, puis il y a des bourses, mais ce n'est pas tellement une question d'argent, c'est une question de "on ne voit pas l'horizon, on ne sait pas trop, c'est un monde qu'on ne connaît pas, on n'est pas initié, on ne sait pas quelles sont les bonnes filières. On sait qu'il y a des gens à bac + 5 qui n'ont pas d'emploi. Nous, on préférerait aller dans un BTS ou dans un UIT, parce que c'est deux ans, et parce qu'au bout de deux ans, on est sûr d'avoir une qualification".
Q.- Dans quelles classes au lycée viendront ces enseignants ?
R.- X. Darcos s'occupe de l'orientation dans le cadre, dès le collège, [afin] de faire mettre aux lycéens leur projet personnel. Et nous, l'université, on voudrait venir vers la Terminale, c'est-à-dire présenter vraiment en Terminale ou peut-être en Première, pour montrer vraiment la carte des formations, expliquer, et expliquer surtout les pré-requis. C'est-à-dire, vous allez en science, vous avez quand même intérêt à avoir un bon niveau de maths ; vous venez en médecine, vous savez, il y aura des difficultés, il faudra peut-être du soutien dans telle et telle matière, si, là encore, vous n'avez pas un bac S ; vous avez un bac technologique, il y a des filières qui sont mieux adaptées pour vous. Donc l'idée c'est quand même d'accompagner...
Q.- Etes-vous favorable - j'ouvre des parenthèses - à la suppression des filières au bac ? C'est-à-dire qu'il n'y aurait qu'un bac. Terminé le bac littéraire, le bac scientifique...
R.- Ce n'est pas du tout ma responsabilité.
Q.- Mais vous avez une idée quand même sur la question ?
R.- Ce n'est pas ma responsabilité, mais ce que je sais...
Q.- Parce que j'ai vu que X. Darcos était plutôt favorable à cette suppression des filières.
R.- Ce que je sais sur les bacheliers que j'accueille à l'université, c'est qu'il faut que chaque bachelier ait un socle d'apprentissages fondamentaux solide. Un exemple : par exemple, les "bac littéraire", il faut leur dire de ne pas abandonner les mathématiques, parce que...
Q.- Parce qu'avec un socle commun, on supprime les filières, ça permet aux futurs étudiants de mieux choisir, peut-être ?
R.- Ecoutez, moi, ce qui est surtout très important pour moi, c'est la première année à l'université, parce que les bacheliers...
Q.- Vous ne me répondez pas, V. Pécresse, sur les filières.
R.- Eh non, parce que ce n'est pas ma responsabilité.
Q.- Oui mais vous avez une idée, quand même !
R.- Non. Objectivement, non, parce que ce n'est pas... moi ce sur quoi j'ai travaillé, moi je ne parle que des dossiers que j'ai travaillés. Ce que je sais, c'est qu'il faut que dans chaque bac, des fondamentaux soient acquis, en mathématique, en science, en culture générale, en expression écrite, quel que soit le bac. C'est-à-dire qu'on ne peut pas aller dans une filière et se dire : j'abandonne tous les enseignements des autres filières. C'est une certitude. Il faut vraiment des socles d'acquis. Pour réussir aux graphes, si on ne connaît pas bien les rudiments des mathématiques, on ne peut pas faire une échelle de carte.
Q.- L'orientation active : donc le prof d'université vient en Terminale expliquer quel peut être l'avenir de chaque lycéen. N'est-ce pas une sélection déguisée ?
R.- Non, c'est un choix éclairé.
Q.- Est-ce que les professeurs vont venir choisir leurs futurs étudiants ?
R.- Ils n'en ont absolument pas le droit, parce que la loi réaffirme la liberté d'inscription des étudiants dans chaque université. Simplement, le problème c'est d'éclairer le choix de l'étudiant, qu'il sache où il va, où il met les pieds, quelles sont ses chances de réussir. Parce qu'un étudiant particulièrement motivé, il peut renverser les montagnes, il peut lutter contre... Alors, parce que moi je refuse, je vous l'ai dit, je refuse des murs, je refuse des cloisons étanches, je veux des passerelles ; je veux qu'un étudiant qui est bon, qui est motivé, qui a été orienté vers un bac professionnel parce que quand il était jeune, on lui a dit : "c'est comme ça et ce n'est pas autrement", parce qu'il a eu des difficultés, parce que, parce que... et qui en Terminale, en bac pro est très bon, eh bien, ce jeune-là, il faut qu'on le réaccompagne vers des études. Et donc, vous voyez bien, des études beaucoup plus longues. Un jeune qui en BTS est en réalité là, alors qu'il devrait être en filière longue, il faut que ce jeune, à la fin de son BTS, et c'est possible maintenant, on récupère ses crédits, et qu'on le ramène dans l'université, dans des filières... Il faut des passerelles et il faut de l'accompagnement, et il faut surtout des adultes référents qui, toujours, vous rencontrent, vous parlent, vous conseillent, pour que votre choix soit en connaissance de cause, que vous sachiez où vous mettez les pieds. Et ça, les lycéens me l'ont demandé, puisque moi j'ai reçu les lycéens pour parler de l'orientation active. Je les ai rassurés, je leur ai dit : il n'y aura absolument d'atteinte à la liberté d'inscription dans les universités. En revanche, vous aurez des conseils et vous saurez..
Q.- Dernière question avant de passer aux questions des auditeurs : il y a un institut très célèbre, une école très célèbre, l'Ecole des Hautes études en Sciences Sociales, l'EHESS, qui est installée boulevard Raspail à Paris, les chercheurs travaillent sur la banlieue, sur le malaise de ces jeunes de banlieue. Oui, mais ils ne veulent pas aller s'installer à Aubervilliers. Vous leur proposez des locaux tout neufs, et ils sont très bien boulevard Raspail, en plein coeur de Paris. Ils travaillent sur la banlieue mais ils n'ont pas envie d'aller s'installer à Aubervilliers. Qu'est-ce que vous leur dites ? C'est quand même un comble !
R.- Ce qu'il faut savoir, c'est que l'EHESS c'est vraiment le fleuron...
Q.- Ben oui, c'est le fleuron mais qui ne veut pas quitter le centre de Paris.
R.- Alors pourquoi faut-il d'abord qu'ils quittent le centre de Paris ? Tout simplement parce que les locaux sont amiantés. Donc, moi ma responsabilité, et je le leur dis, c'est qu'il faut qu'ils permettent le désamiantage de ces locaux. Donc, je crois qu'il faut absolument qu'on... Mais l'engagement que j'ai pris avec eux, parce que je comprends aussi leur souci, quand on est la vitrine des sciences sociales parisiennes, on veut aussi que l'image de Paris leur permette de rayonner à l'étranger.
Q.- Bon, il (vous faut aussi ?) aller à Aubervilliers ?
R.- Oui, mais vous allez voir. Donc, moi je crois qu'il faut qu'ils gardent une implantation parisienne, un amphi, un peu de prestige, des bureaux de prestige, pour recevoir les délégations étrangères. Mais ce que nous voulons faire à Aubervilliers, et ça je voudrais vraiment le leur dire, c'est un projet extraordinairement ambitieux, on veut faire une Cité des humanités et des sciences sociales, on veut faire une vitrine, on veut faire La Cité numérique des sciences sociales et humaines, parce que, je crois qu'à un moment donné, on est au XXIème siècle, il faut qu'on puisse accueillir des étudiants étrangers, il faut qu'on puisse nouer des partenariats, il faut qu'on ait des bibliothèques numérisées, il faut qu'on ait des bureaux agréables pour un chercheur. Tous les chercheurs ne peuvent pas chercher chez eux, dans la tradition de l'EHESS et de l'Ecole pratique des Hautes études. Les chercheurs travaillaient chez eux et venaient très peu travailler. La jeune génération elle a besoin de bureaux, elle a besoin d'équipements informatiques, elle a besoin d'espace, elle a besoin de conditions de travail, et elle a besoin surtout de campus qui rayonnent, qui sont des vitrines pour le monde. [...]
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 novembre 2007