Texte intégral
En septembre 2003, j'ai signé en tant que Ministre de l'écologie et du développement durable, avec mes collègues en charge de la santé et du travail, la lettre de mission qui demandait à Mme Momas, à M. Caillard et à M. Lesaffre de présider la commission d'orientation du plan national santé-environnement, chargée de réaliser un diagnostic des risques sanitaires environnementaux et de proposer des orientations et des priorités d'actions.
Ainsi, les travaux qui ont été alors entrepris sont à l'origine de ce premier PNSE pour lequel nous sommes ici réunis.
J'ai donc bien un peu le sentiment, en me retrouvant parmi vous à l'occasion de ce colloque, de renouer le fil d'une action dont je voudrais aujourd'hui favoriser le déploiement.
Dès la publication de ce PNSE, était prévue la mise en oeuvre d'une évaluation à mi-parcours dont les conclusions vous ont été présentées ce matin.
Le bilan établi est plutôt encourageant puisque 60 % des actions prévues ont été entreprises à mis parcours. Une dynamique a été enclenchée. Ce plan a favorisé la structuration de la politique en santé-environnement en lui donnant plus de visibilité. Il a permis de mobiliser les secteurs des administrations concernées. Il a aussi donné une forte impulsion à la recherche en santé-environnement, grâce à une dotation budgétaire significative. Il a participé au développement du plan "santé-travail" et encouragé l'innovation dans les services de santé au travail. Enfin, il a permis de faire avancer la politique de protection des captages d'eau destinée à la consommation humaine.
Néanmoins, l'évaluation qui a été faite nous montre aussi que certaines actions ont pris un retard important, s'agissant en particulier des objectifs de réduction des émissions de particules « diesel » par les sources mobiles et de formation initiale en santé environnement. Cela s'explique en partie par les insuffisances constatées dans la gouvernance du plan, tant au niveau national qu'au niveau local.
La structuration de pôles de compétences régionaux multidisciplinaires, qui figure parmi les recommandations du comité d'évaluation et qui a été retenue dans les conclusions du Grenelle, me semble constituer une perspective intéressante pour conforter les démarches régionales d'élaboration des PRSE. Il faudra en particulier y associer des représentants des professions médicales et paramédicales qui sont à même, par leur connaissance de l'état de santé de la population locale, d'alerter les pouvoirs publics sur les effets sanitaires de certaines situations de dégradation de l'environnement.
L'exemple de la pollution par le chlordécone aux Antilles illustre parfaitement le rôle indispensable des associations et des professionnels de santé dans l'identification et la gestion des risques sanitaires liés à l'environnement. C'est la raison pour laquelle, lors de mon déplacement en Martinique et Guadeloupe, il y a quelques jours, j'ai annoncé que les associations, qui constituent une source d'expertise, seront associées, à coté de représentants des professionnels de santé locaux, au comité d'experts scientifiques qui sera mis en place par l'institut de veille sanitaire.
Comme vous l'aurez compris, la politique en santé-environnement est pour moi, une composante incontournable de la politique de santé. Je rejoins en cela les propositions du groupe 3 du Grenelle de l'environnement : « Instaurer un environnement respectueux de la santé ». L'OMS estime que 24% de la charge mondiale de morbidité (années de vie en bonne santé perdues) et 23% de la charge mondiale de mortalité (mortalité prématurée) peuvent être attribués à des facteurs environnementaux. Le rapport récent GEO 4 du programme des Nations unies pour le développement (le PNUD) a rappelé que la seule pollution de l'air serait responsable de 500.000 morts par an dans le monde. En France, le premier rapport sur le coût des effets de la pollution sur certaines pathologies pour l'assurance maladie, dont l'élaboration a été confiée à un groupe d'experts animé par l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (l'AFSSET) montre :
- pour l'asthme, un coût de traitement imputable à la pollution extérieure non biologique estimé entre 0,2 et 0,8 milliard d'Euros pour l'année 2006,
- pour les cancers attribuables à l'environnement, un coût de la prise en charge se situant entre 0,1 et 0,5 milliards d'Euros en 2004.
C'est pourquoi je suis attachée au principe « pollueur payeur », comme cela a largement été évoqué au cours du Grenelle avec les projets de taxe carbone et d'éco fiscalité. Je pousse d'ailleurs encore plus en avant ce principe, en défendant la possibilité d'affecter une partie des recettes des taxes environnementales à l'assurance maladie afin de financer des actions de soins, de santé publique, de prévention, de formation, de recherche directement liées aux pathologies environnementales.
Je me réjouis que, dans le cadre du Grenelle de l'environnement et suite aux recommandations du groupe 3 présidé par le Professeur Maraninchi, le principe d'un deuxième PNSE ait été retenu et annoncé par le Président de la République. Les travaux vont s'engager rapidement et les échanges de cet après midi permettront de tracer les orientations possibles.
Mon souhait est que ce prochain plan d'actions soit réellement tourné vers la protection des populations les plus fragiles, les plus vulnérables, et vers la prévention des pathologies liées à des risques bien identifiés, sans pour autant laisser de coté la vigilance sur les risques émergents et l'amélioration des connaissances.
Dans ce cadre, la santé des enfants doit ainsi constituer une priorité. Une récente publication de l'OMS met en lumière la sensibilité particulière des enfants vis-à-vis des expositions aux risques chimiques. Des « fenêtres critiques d'exposition », tel que le stade in utero ou la période d'allaitement ont ainsi été identifiées. Nombre de polluants affectent plus gravement la santé des enfants que les adultes. C'est le cas notamment pour les neurotoxiques tels que le plomb, le mercure ou encore les PCB. L'éradication du saturnisme devrait être un objectif prioritaire de ce nouveau PNSE.
D'autres populations doivent également être prises en compte dans ce nouveau PNSE : les femmes, les personnes âgées et les plus défavorisées qui vivent souvent dans un environnement dégradé : habitat indigne, quartiers périphériques proches des sources de pollution industrielle ou des infrastructures de transport. Ces populations sont exposées, de manière cumulative, aux risques sociaux et environnementaux. Ici, on le voit, la notion d'équité environnementale prend tout son sens.
Plus généralement, il est désormais impératif de cibler très précisément quelques pathologies dont le lien avec l'environnement est connu. Il ne suffit pas en effet de connaître les risques ; il faut agir pour les réduire et nous avons encore beaucoup à faire dans le domaine de la réduction des déterminants environnementaux, en particulier pour les allergies, l'asthme et autres maladies respiratoires, pour les cancers. Il me semble indispensable d'agir, ici, en synergie avec le nouveau plan cancer. Ainsi, je compte sur le Professeur Dominique Maraninchi, président de l'INCA, pour assurer ce lien indispensable.
J'évoquerai, pour finir, les risques émergents. Ceux-ci sont de plusieurs natures et chacun supposent des moyens d'action spécifiques. Il y a tout d'abord, les risques dits « nouveaux » qui accompagnent potentiellement les évolutions technologiques : OGM, nanomatériaux, téléphonie mobile. Il nous faut mobiliser la veille scientifique et la recherche pour améliorer les connaissances sur ces risques et appliquer, si nécessaire, un principe de précaution raisonné. Comme vous le savez, je suis très attachée à ce principe dont je me réjouis qu'il figure en bonne place dans notre constitution. Concernant les nanomatériaux, je veux vous dire aussi que le Haut Conseil de Santé Publique a mis en place un groupe de veille qui débutera ses travaux en janvier 2008.
Il conviendra, bien entendu, de réfléchir aux moyens de faire face à l'émergence de risques qui se trouve liée à des déterminants connus mais qui évoluent dans le temps et dans l'espace, ou que l'on découvre à la faveur d'une amélioration de la surveillance de l'environnement. Il en va ainsi des maladies infectieuses à transmission vectorielle comme le chikungunya. A l'occasion de déplacements de personnes porteuses du virus mais aussi par le fait des mutations génétiques subies par ce virus, cette maladie a été à l'origine, à la Réunion, de l'épidémie que nous gardons tous en mémoire. La métropole n'est plus aujourd'hui à l'abri d'un tel phénomène puisque le moustique vecteur de cette maladie s'y implante progressivement.
J'évoquerai aussi le chlordécone : sans le travail de synthèse réalisé en 1999 sur les produits phytosanitaires utilisés en Martinique, cette pollution aurait pu rester cachée encore pendant de nombreuses années. Il en va de même pour les sols pollués, les contaminations d'origine naturelle, que l'on découvre ou redécouvre au cours d'une étude, à la faveur de la détection de cas groupés de pathologies.
Ces situations sont souvent à l'origine de crises sanitaires locales qui mettent à mal la confiance de la population dans la capacité de l'Etat à améliorer leur environnement quotidien.
C'est pourquoi l'organisation d'une veille environnementale et sanitaire réactive est impérative.
Aussi vais-je demander à l'institut de veille sanitaire de me proposer rapidement des indicateurs sanitaires de l'environnement, dont l'évolution sera suivi avec la plus grande vigilance.
Le Grenelle a engagé une nouvelle dynamique. Après la première étape des conclusions, il s'agit maintenant de mettre en oeuvre les mesures retenues. Plusieurs comités opérationnels thématiques sont mis en place dont celui sur le PNSE 2. Certains comités opérationnels aborderont des aspects sanitaires dans leur thématique - par exemple sur l'habitat ou sur les transports -. C'est pourquoi il faudra mettre en place une démarche partenariale, de complémentarité et de coordination entre ces différents comités et celui du PNSE. Le rôle de ce comité opérationnel PNSE 2 sera notamment :
- de définir un plan d'actions prioritaires pour protéger les populations les plus sensibles ou les plus exposées et pour réduire les pathologies liées à l'environnement, en particulier vis-à-vis des polluants de l'air intérieur et extérieur,
- d'envisager les outils, les modes d'organisation mobilisant les différents acteurs, permettant d'adapter les actions aux situations locales et de mieux anticiper les risques.
Mais je ne voudrais pas anticiper sur vos débats de cet après midi.
Aussi, avant de passer la parole à Mme Daveu, directrice de cabinet de la secrétaire d'état chargée de l'écologie, Mme Kosciusko-Morizet et qui la représente aujourd'hui, je tiens à vous souhaiter une bonne journée de travail dont je suis certaine qu'elle portera tous ces fruits.
Je suivrai les avancées de votre réflexion avec beaucoup d'attention.
Je vous remercie.
Source http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr, le 29 novembre 2007