Texte intégral
Q - De nouveaux acteurs très agressifs sur le plan économique sont apparus ces dernières années en Afrique, à commencer par la Chine. Pourquoi l'Europe a-t-elle perdu de l'influence sur ce continent ?
R - A mon sens, l'Europe est plutôt en train de gagner en cohérence, en organisation, en capacité de porter des projets communs, que de perdre de l'influence. Il est vrai qu'on assiste à une montée en puissance sur le sol africain de grands pays émergents, Chine, Inde, Brésil, qui n'y étaient pas il y a dix ans. Mais notre présence ne s'est pas érodée pour autant. Le Royaume-Uni a structuré, professionnalisé, ciblé son action avec des moyens financiers croissants. L'Allemagne a également progressé grâce à son ministère du Développement international. Il est de bon ton de dire que la France a perdu du terrain. Je pense que cela tient au fait que sa présence est dispersée et donc moins visible. Elle est cependant importante non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan militaire, et elle est aujourd'hui considérée comme un élément de paix et de stabilité. Nous avons fait, au niveau européen, le pari sur l'Afrique, comme les grands pays émergents. Nous la considérons comme un continent d'avenir, c'est l'Inde de demain. La relation avec l'Afrique c'est, bien sûr, l'aide au développement, mais aussi, de plus en plus, une relation de vrai partenariat, à égalité, où nos intérêts peuvent être légitimement défendus.
Q - Est-ce que ces nouveaux partenaires de l'Afrique n'ont pas obligé les pays européens à modifier leur stratégie ?
R - Ces pays ont, il est vrai, constitué pour l'Afrique, une alternative à la relation, dominante, qu'elle entretenait avec certains pays européens. Cela nous a obligés à nous remettre en question. D'ailleurs, les Africains sont demandeurs d'une autre relation, faite de moins de charité, moins de commisération et de leçons de morale. En même temps, ils ouvrent aussi les yeux sur les limites de ces nouvelles relations : ils ont pâti d'infrastructures de mauvaise qualité, de l'arrivée de dizaines de milliers de travailleurs chinois, de la surexploitation des ressources minières. D'où aujourd'hui une relation plus décomplexée entre l'Afrique et l'Europe, où tous les problèmes sont mis sur la table, y compris les questions liées à l'immigration et à la gouvernance économique. C'est ce que nous allons faire demain à Lisbonne.
Q - Quels sont exactement les enjeux de ce sommet ?
R - C'est un sommet éminemment politique. Il constituera aussi une démonstration de force et de puissance de l'Union européenne après le sommet Chine-Afrique.
Il est important de souligner que nous sommes dans une démarche unanime, ce qui est appréciable si l'on songe à la grande diversité européenne. Si j'en juge par la réunion préparatoire de Charm el-Cheikh, avant hier, nous partageons la même vision, partenariale, des objectifs culturels, économiques, sociaux, de développement durable, de paix que nous souhaitons mettre en place. Les plans d'action, concrets, que nous allons adopter, seront mis en oeuvre par la France lors de sa Présidence de l'Union européenne.
Q - Vos partenaires africains ne sont-ils pas irrités par l'importance prise par les questions migratoires en Europe ?
R - Sur ces questions, plus personne ne prétend que la solution est d'ouvrir tout grand les frontières. Tout le monde reconnaît que c'est un problème majeur, douloureux, qui est étroitement associé au développement économique du continent africain. Mais il faut également des politiques de régulations des flux, ce qui suppose tout de même de la part des pays européens l'acceptation d'une grande part d'immigration. D'ailleurs, il existe une grande cohérence entre la position de la France et celle de l'Union européenne. Il est bon que la France ne soit pas seule à porter le discours d'un lien entre immigration et codéveloppement, même si nous n'en faisons pas l'alpha et l'oméga de notre politique d'aide au développement, bien évidemment. En tout cas, ce n'est plus un sujet tabou.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2007
R - A mon sens, l'Europe est plutôt en train de gagner en cohérence, en organisation, en capacité de porter des projets communs, que de perdre de l'influence. Il est vrai qu'on assiste à une montée en puissance sur le sol africain de grands pays émergents, Chine, Inde, Brésil, qui n'y étaient pas il y a dix ans. Mais notre présence ne s'est pas érodée pour autant. Le Royaume-Uni a structuré, professionnalisé, ciblé son action avec des moyens financiers croissants. L'Allemagne a également progressé grâce à son ministère du Développement international. Il est de bon ton de dire que la France a perdu du terrain. Je pense que cela tient au fait que sa présence est dispersée et donc moins visible. Elle est cependant importante non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le plan militaire, et elle est aujourd'hui considérée comme un élément de paix et de stabilité. Nous avons fait, au niveau européen, le pari sur l'Afrique, comme les grands pays émergents. Nous la considérons comme un continent d'avenir, c'est l'Inde de demain. La relation avec l'Afrique c'est, bien sûr, l'aide au développement, mais aussi, de plus en plus, une relation de vrai partenariat, à égalité, où nos intérêts peuvent être légitimement défendus.
Q - Est-ce que ces nouveaux partenaires de l'Afrique n'ont pas obligé les pays européens à modifier leur stratégie ?
R - Ces pays ont, il est vrai, constitué pour l'Afrique, une alternative à la relation, dominante, qu'elle entretenait avec certains pays européens. Cela nous a obligés à nous remettre en question. D'ailleurs, les Africains sont demandeurs d'une autre relation, faite de moins de charité, moins de commisération et de leçons de morale. En même temps, ils ouvrent aussi les yeux sur les limites de ces nouvelles relations : ils ont pâti d'infrastructures de mauvaise qualité, de l'arrivée de dizaines de milliers de travailleurs chinois, de la surexploitation des ressources minières. D'où aujourd'hui une relation plus décomplexée entre l'Afrique et l'Europe, où tous les problèmes sont mis sur la table, y compris les questions liées à l'immigration et à la gouvernance économique. C'est ce que nous allons faire demain à Lisbonne.
Q - Quels sont exactement les enjeux de ce sommet ?
R - C'est un sommet éminemment politique. Il constituera aussi une démonstration de force et de puissance de l'Union européenne après le sommet Chine-Afrique.
Il est important de souligner que nous sommes dans une démarche unanime, ce qui est appréciable si l'on songe à la grande diversité européenne. Si j'en juge par la réunion préparatoire de Charm el-Cheikh, avant hier, nous partageons la même vision, partenariale, des objectifs culturels, économiques, sociaux, de développement durable, de paix que nous souhaitons mettre en place. Les plans d'action, concrets, que nous allons adopter, seront mis en oeuvre par la France lors de sa Présidence de l'Union européenne.
Q - Vos partenaires africains ne sont-ils pas irrités par l'importance prise par les questions migratoires en Europe ?
R - Sur ces questions, plus personne ne prétend que la solution est d'ouvrir tout grand les frontières. Tout le monde reconnaît que c'est un problème majeur, douloureux, qui est étroitement associé au développement économique du continent africain. Mais il faut également des politiques de régulations des flux, ce qui suppose tout de même de la part des pays européens l'acceptation d'une grande part d'immigration. D'ailleurs, il existe une grande cohérence entre la position de la France et celle de l'Union européenne. Il est bon que la France ne soit pas seule à porter le discours d'un lien entre immigration et codéveloppement, même si nous n'en faisons pas l'alpha et l'oméga de notre politique d'aide au développement, bien évidemment. En tout cas, ce n'est plus un sujet tabou.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 décembre 2007