Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, vice-président de l'UMP, à "France 2" le 29 novembre 2007, sur la délinquance et la rénovation urbaine dans les banlieues, le partage des gains de l'entreprise et le pouvoir d'achat, et les voyages du président de la République.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- C'est ce soir que Monsieur N. Sarkozy intervient à la télévision. Cela devait être sur le pouvoir d'achat, ce sera aussi sur les banlieues. Vous étiez avec lui en Chine pendant son déplacement, il a géré la crise, y compris pendant ce voyage ?
 
R.- Oui. C'est un voyage exceptionnel. Il a eu des résultats très importants. Mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui. Mais je voulais insister sur ses résultats politiques et économiques. Il a su obtenir des résultats tout en parlant des Droits de l'Homme. Il l'a fait avec courage et avec sérénité...
 
Q.- Il s'est occupé aussi des banlieues.
 
R.- C'est vrai que dans l'avion du retour, il était au téléphone. De son avion présidentiel, il a appelé les directeurs de la police, il a appelé les différents dirigeants, à la fois pour être informé et pour décider. C'est mon ami, j'ai appris à devenir ami avec lui. Et j'avais dans ces circonstances beaucoup d'admiration sur son sang-froid. La fatigue n'a pas de prise sur lui. Il sortait d'un voyage considérable en Chine. Il est entré dans cette crise des banlieues avec sérénité et sang-froid. Dans son avion, tout le monde au téléphone. Vraiment, c'était impressionnant !
 
Q.- En 2005, lors de la crise précédente, c'était plutôt le Premier ministre qui avait géré, D. de Villepin. Les banlieues c'est l'affaire du Président ou c'est l'affaire du Premier ministre ?
 
R.- C'est évidemment, en la circonstance, l'affaire du Président, parce qu'il a sans doute la meilleure des connaissances de la situation des banlieues. Disons une chose très clairement : dans cette crise, il n'y a pas la crise sociale et uniquement la crise des difficultés, le chômage au logement. Cela existe bien sûr ! Mais il y a ici de la haute délinquance, des gens maintenant qui sont équipés d'armes de catégorie élevée, dangereuses. Et donc, cette hyper délinquance, il faut s'y attaquer avec une grande détermination et une grande connaissance. Et le ministre de l'Intérieur connaît ces sujets. Et j'ai confiance en sa capacité à bien faire la différence entre ce qui relève du social pour lequel il faut agir, mais ce qui est inacceptable, c'est l'utilisation d'armes qui sont des armes destructives pour la vie humaine et être capable d'éradiquer cette hyper délinquance, c'est cela l'ambition de N. Sarkozy. Il ne veut pas l'accepter, je l'ai entendu dire dans son avion à tous les interlocuteurs qu'il avait : "c'est inacceptable, je ne l'accepterai pas".
 
Q.- Ce que reproche la gauche à N. Sarkozy, c'est de ne pas avoir tenu les engagements qu'il avait pris en 2005, quand il était ministre de l'Intérieur. Est-ce que selon vous les engagements ont été tenus ?
 
R.- Quand vous voyez qu'on a dépensé 26 milliards avec l'Agence de rénovation urbaine, vous voyez bien qu'on a fait beaucoup de choses pour restructurer les quartiers, mais que ce sera tellement long, parce qu'en effet, on a construit beaucoup trop de tours, qu'on a concentré beaucoup trop de gens sans métissage social. Et donc, c'est une action de longue durée. Mais en la circonstance, ne voyons pas simplement le problème social, voyons le problème d'hyper délinquance de gens qui sont armés, qui cherchent le prétexte social pour développer de l'hyper violence. Ceux-là, il faut qu'ils s'attendent à l'hyper attention du Président.
 
Q.- Sur le fond, quand même, vous parliez de 25 milliards débloqués. On a le sentiment que les politiques de la Ville cela n'a pas de résultat.
 
R.- Parce qu'il faut regarder les quartiers et on ne vit pas dans les quartiers qui sont en train d'être rénovés. Mais regardez le nombre de tours qui ont été détruites, regardez l'organisation maintenant des quartiers qui est en train de se faire. Le problème, c'est que c'est très, très long. Parce qu'on a mis des décennies à construire des villes souvent inhumaines et qu'il faut aujourd'hui rebâtir. Ce travail est engagé. Nous avons créé une agence. Mais 26 milliards d'euros, c'est quelque chose d'énorme ! Cela n'a jamais été engagé précédemment. Bien sûr, il faut un accompagnement social, bien sûr il faut mener tout cela de pair avec tous ceux qui sur le terrain vivent cette réalité sociale. Mais ce n'est pas parce qu'il y a une réalité sociale difficile qu'il faut accepter la criminalité ou la délinquance.
 
Q.- Ce soir, N. Sarkozy parlera aussi du pouvoir d'achat. Sur cette question du pouvoir d'achat, qu'est-ce que vous, vous attendez de lui ?
 
R.- Je pense qu'il va le faire avec ce qui sont ses convictions. C'est que c'est par le travail qu'on peut augmenter le pouvoir d'achat. N. Sarkozy a une vision claire de la crise française ; cette crise qui était d'abord une crise du travail. Il ne va pas distribuer de l'argent qu'il n'a pas. Il ne faut pas croire qu'on va augmenter de telle prime, qu'on va augmenter ceci, qu'on va augmenter cela, parce qu'il faudrait emprunter pour distribuer. Et on a déjà trop de dettes. Donc, la seule façon, c'est de créer de la richesse, créer de la richesse et aussi de mieux la distribuer. Alors créer de la richesse, c'est d'abord faire baisser le chômage, c'est très important, aider les jeunes à rentrer plus tôt...
 
Q.- Cela ne se décrète pas !
 
R.- Non. Mais cela va dans le bon sens. Et je crois que sur les résultats du chômage, aujourd'hui, on peut s'attendre à des bonnes performances de l'économie française. Donc, d'abord plus de monde au travail, plus d'heures travaillées, assouplir les 35 heures, les heures supplémentaires au-delà des 35 heures, faire en sorte qu'on puisse en effet avoir un nombre total d'heures travaillées dans le pays plus important. Mais après, il faut mieux distribuer l'argent du travail.
 
Q.- Qu'est-ce que vous proposez ?
 
R.- J'ai une proposition à laquelle je suis très attaché. Je comprends qu'une entreprise qui a des difficultés ne puisse pas distribuer des salaires plus élevés. Mais je ne comprends pas qu'une entreprise qui gagne de l'argent ne distribue pas mieux l'argent gagné. Et moi je propose la règle des quatre quarts : un quart pour les investissements de l'entreprise, un quart pour l'avenir, un quart pour rémunérer le capital, un quart pour l'Etat, les impôts. Mais un quart pour les salariés : un quart par la participation, un quart par l'intéressement, un quart par un salaire, de manière à ce que ce qu'est le résultat d'une entreprise puisse être mieux partagé. Et il y a des entreprises qui gagnent de l'argent, celles là doivent commencer à donner l'exemple en partageant mieux : un quart pour l'avenir, un quart pour le capital, un quart pour les salariés, un quart pour l'Etat. 50 % pour l'économique, 50 % pour le social. Au moins, on fera un pas en avant si ceux qui gagnent de l'argent acceptent de mieux le partager.
 
Q.- Autre actualité, la réforme de la carte judicaire. Vous défendez l'aménagement du territoire. Il y a des tribunaux qui seront supprimés. Est-ce que malgré cela, vous êtes favorables à la réforme ?
 
R.- Je soutiens R. Dati. Elle est très courageuse. Je la soutiens, pourquoi ? Parce que notre pays a besoin d'une bonne justice. On a eu l'affaire Outreau, on a vu combien, aujourd'hui, quand la justice n'est pas juste, combien c'est grave, comment c'est humainement inacceptable. Donc, ce qui compte, ce n'est pas que la justice soit prise à 20 kilomètres, à 30 kilomètres, à 50 kilomètres mais c'est que la justice soit bonne, que la justice soit juste. Et cela, on a besoin d'une justice performante. Moi je ne suis pas pour qu'on fasse en tant que tel de l'aménagement du territoire avec la justice. Je comprends bien qu'il faut gérer une certaine proximité. Mais il faut surtout gérer une qualité de la justice. Autant quand vous parlez de soins, il faut avoir des soins à proximité, autant quand vous parlez de justice, il faut des bonnes décisions qui respectent les personnes, qui respectent l'innocence et qui puissent punir les coupables. Et cela, cela s'appelle la qualité de la justice. Et notre justice a bien besoin d'être réformée pour améliorer sa qualité. Et quand je vois toutes les professions qui veulent manifester, je me dis vraiment : "êtes-vous contents aujourd'hui de la situation de la justice ?". Non, il faut changer, alors il faut accepter la réforme de R. Dati.
 
Q.- Une question sur le déplacement de N. Sarkozy en Algérie la semaine prochaine. Il y a un ministre algérien qui a tenu des propos qui ont été qualifiés d'antisémites. Comment réagissez-vous ?
 
R.- Ces propos ont été démentis quelques heures après avoir été prononcés. Le président de la République s'expliquera clairement sur ces sujets. Mais je pense que c'est au Président de s'exprimer et qu'il le fera lors de son voyage et que nous n'avons pas, nous, à mettre de l'huile sur le feu. Il faut laisser le président de la République. Je l'ai vu faire sur les Droits de l'Homme en Chine, je l'ai vu faire sur un certain nombre de dossiers. Il saura dire ce que pense la France de ce type de sujets en face à face avec le Président Bouteflika. 
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 novembre 2007