Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les implantations industrielles et commerciales françaises au Brésil, la coopération technologique et culturelle et les perspectives ouvertes par le projet de loi de modernisation sociale pour les Français de l'étranger, Rio de Janeiro le 7 avril 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel de M. Jospin au Brésil et en Argentine du 4 au 7 avril 2001-allocution devant la communauté française de Rio de Janeiro et les amis cariocas de la France à Rio de Janeiro le 7 avril

Texte intégral

Mes cher(e)s compatriotes,
Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
Je suis très heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui, Françaises et Français de Rio de Janeiro, accompagnés des amis de la France dans cette ville. Ma visite clôt un séjour trop bref mais très intense au Brésil. Il a été marqué par des entretiens approfondis avec le Président CARDOSO, avec diverses personnalités brésiliennes, avec les représentants des forces vives de ce pays et avec les membres des communautés françaises de São Paulo et de Rio. Ici, j'ai eu le plaisir de rencontrer Monsieur GAROTINHO, Gouverneur de l'Etat de Rio, Monsieur MAIA, le maire de la ville, ainsi que des représentants des milieux intellectuels, universitaires et économiques. Bien que rapide, cette nouvelle visite de Rio de Janeiro m'a permis de comprendre l'attachement des Français à cette métropole. Cet attachement ne tient pas qu'aux attraits et à la beauté d'un site unique au monde.
Le dynamisme économique de Rio est une raison majeure du renforcement de la présence française.
Les entreprises françaises sont au premier rang des investisseurs étrangers dans l'Etat de Rio. Je ne mentionnerai que quelques illustrations de cette présence active, car les réussites et les projets abondent : engagement d'EDF dans la Compagnie d'Electricité LIGHT, lancement de l'usine de montage Peugeot-Citroën à Porto Real, qui créent un potentiel considérable d'emplois et de développement pour cette région, présence accrue de Total-Fina-Elf, succès de Coflexip et d'Alcatel, ou encore renforcement des implantations de Michelin. Je pourrais aussi mentionner la présence de l'Oréal, d'Accor ou du Club Méditerranée, et citer les résultats positifs de nombreuses PME. Je voudrais également saluer les initiatives de nos compatriotes, venus ici à titre individuel pour créer leur propre entreprise. Air France a pris la mesure de cette évolution : le retour à un vol quotidien direct entre Paris et Rio de Janeiro est prévu très prochainement.
Mes cher(e)s compatriotes, avec vos partenaires et amis brésiliens, vous faites de Rio de Janeiro une métropole économique, un pôle sud-américain des télécommunications et des nouvelles technologies, au sein d'une région en passe de devenir l'un des plus importants champs de recherche pétrolière au monde. Vous faites aussi évoluer l'image de notre pays au Brésil. Votre présence et votre action témoignent pour nos amis brésiliens d'autres réalités de la France contemporaine, parfois moins perceptibles depuis l'étranger. Notre vieux pays est résolument engagé dans la modernité : l'économie y est dynamique, la croissance forte, en particulier grâce aux investissements dans les technologies de pointe.
La politique économique menée par le Gouvernement depuis 1997 produit de bons résultats. La baisse du chômage, qui concerne désormais plus d'un million de nos compatriotes, est un encouragement à poursuivre une politique économique qui a démontré sa pertinence. L'approche volontariste du Gouvernement dans la lutte contre le chômage, à travers la réduction négociée du temps de travail et les emplois-jeunes, a permis d'amplifier les effets de la croissance. Nous maintenons cet effort, car beaucoup de nos compatriotes sont encore à la recherche d'un emploi. Il faut leur permettre de mieux bénéficier des fruits de la croissance et du dynamisme retrouvé de nos entreprises. Le Gouvernement entend aussi mieux combattre les inégalités et l'insécurité.
Je n'oublie pas les conditions de vie des Français de l'étranger. Elles ont fait l'objet d'un effort particulier du Gouvernement. Dès le vote par le Parlement de la loi de modernisation sociale, en principe à la fin du printemps, la réforme de la Caisse des Français de l'étranger permettra à 15.000 compatriotes de plus d'accéder à l'assurance maladie. Cette réforme apportera également une aide aux 10.000 autres Français qui ont du mal à régler leurs cotisations. Ce sont donc 25.000 personnes supplémentaires qui pourront s'assurer correctement contre le risque de la maladie.
Le Gouvernement a introduit dans ce projet de loi une réforme des retraites des fonctionnaires qui concerne ceux que l'on appelle les " détachés administratifs ". Cette réforme mettra un terme à une profonde injustice, en supprimant l'obligation de double cotisation qui était imposée à ces personnes. Ainsi, ceux qui seront à la retraite au moment de l'entrée en vigueur de la réforme seront autorisés à cumuler leur pension. Ceux qui sollicitent un détachement disposeront d'un droit d'option entre le système français et le système étranger. De plus, les agents en activité au moment de l'entrée en vigueur de la réforme pourront demander le remboursement des cotisations versées en contrepartie d'un abattement sur le montant de la pension.
Pour sa part, le ministère des Affaires étrangères améliore les services rendus aux Français de l'étranger. Le développement de l'internet et la modernisation du service central de l'état-civil seront poursuivis pour réduire les délais d'attente dans les multiples démarches administratives qui incombent aux expatriés. Je souhaite que les distances puissent être ainsi réduites et que l'isolement dont certains d'entre vous peuvent encore souffrir soit rompu. Les liens avec le pays natal doivent être maintenus, voire resserrés, même lorsque la communauté française bénéficie -comme ici, à Rio- d'un environnement culturel privilégié.
Francophile et francophone, Rio se distingue par la richesse de sa vie culturelle.
La Maison de France fait désormais partie du patrimoine culturel de Rio. La réouverture prochaine de son théâtre, dont la vocation a été élargie, en fera un véritable espace culturel franco-brésilien. Cette " Maison commune " prendra ainsi une part active dans le projet de " couloir culturel " du centre ville, dont la réalisation paraît aujourd'hui assurée. A l'autre bout de ce " couloir ", la Casa França-Brasil, devenue " la Casa " dans le parler carioca, est aussi l'un des grands pôles de la vie culturelle du centre de Rio. Quant au superbe Musée d'art moderne qui accueille aujourd'hui notre rencontre, je n'oublie pas que ses collections abritent de nombreux chef-d'uvres d'artistes français ou francophones.
Beaucoup parmi vous, cher(e)s ami(e)s cariocas, parlent magnifiquement le français, et j'en suis profondément touché. Je voudrais remercier tout particulièrement la ville de Rio de Janeiro pour l'accueil qu'elle s'apprête à réserver aux quelques 2000 professeurs de français qui se réuniront ici en juin prochain, à l'occasion des SEDIFRALES. La présidence de cet événement sera assurée par Monsieur Dario PAGEL, premier Président brésilien de l'Association Mondiale des Professeurs de Français.
Je tiens par ailleurs à vous dire combien j'ai été heureux de l'échange de points de vue sur la diversité culturelle que nous venons d'avoir avec les représentants des milieux intellectuels de votre ville. Partis de nos expériences singulières, nécessairement différentes, et parfois opposées, nous sommes arrivés à une conclusion commune. Face aux risques d'uniformisation des modèles culturels qu'entraîne la globalisation des marchés, la nécessité de conjuguer les efforts brésiliens et français en faveur de la promotion de la diversité culturelle s'impose.
Les musiques brésiliennes, et particulièrement celles dont cette ville a été la source, ont bercé plusieurs générations de Français, y compris la mienne. Les mots chantants de Copacabana ou d'Ipanema ont probablement rythmé des millions de rêves dans bien des pays du monde. La musique brésilienne, dans ce qu'elle a de plus authentique et de plus original, celle qui demeure au Brésil un moyen d'expression artistique privilégié, a influencé et enrichi de nombreux courants musicaux occidentaux, à commencer par le jazz. Elle a contribué à la diffusion d'une autre image de Rio ; elle peut susciter de l'intérêt pour la culture de ce pays chez des millions de jeunes. La musique est une source d'échanges, de connaissance et d'enrichissement mutuels. Elle participe de cette diversité culturelle qui est au cur de notre vision de la mondialisation et qui inspire notre combat contre l'uniformisation.
Cette complicité franco-brésilienne dépasse la seule question de la diversité culturelle.
Le Président CARDOSO et moi-même partageons une approche commune de la mondialisation.
Nous souhaitons que la mondialisation soit maîtrisée afin de servir un développement économique durable, la justice sociale et la préservation de l'environnement. Je rejoindrai tout à l'heure le Président brésilien pour un nouvel entretien amical sur ces questions. Je voudrais marquer ici, dans la ville qui a accueilli le Sommet de la Terre, ma vive préoccupation au moment où les Etats-Unis font publiquement part de leur opposition au protocole de Kyoto sur la lutte contre le réchauffement climatique. Je souhaite qu'ils assument pleinement leurs responsabilités quant à la nécessité de préserver la planète, notre patrimoine commun. Je rappelle que nous étions parvenus à un accord sur ce sujet, ici même, à Rio, voici bientôt dix ans.
Je me réjouis que nos analyses respectives convergent sur des sujets d'une importance capitale pour la définition des futurs équilibres régionaux. Brésiliens et Français se situent résolument dans la perspective de l'intégration régionale, dans le Mercosul et dans l'Europe. Parce qu'unis nous sommes plus forts, plus dynamiques, plus influents, mieux à même de maîtriser la mondialisation au sein de nos organisations régionales comme à l'extérieur. Les négociations progressent entre l'Europe et le Mercosul pour établir un véritable partenariat stratégique. En dépit des difficultés, le Brésil a fait progresser les choses lors de sa Présidence du Mercosul. De notre côté, le Sommet de Nice a ouvert la voie à un élargissement de l'Europe, qui restera un ensemble cohérent, soudé par des politiques et des objectifs communs. En Europe, le début de l'année 2002 marquera le passage à l'euro, notre monnaie unique. Mon Gouvernement se mobilise auprès des citoyens et des entreprises pour que cette étape soit un succès. Elle contribuera à approfondir la construction européenne et à conforter la confiance internationale dans une monnaie qui bénéficie des bons résultats de l'économie européenne.
Mes cher(e)s compatriotes,
Cher(e)s ami(e)s,
L'amitié si précieuse que nous portent nos amis brésiliens et que nous leur rendons galvanise l'énergie de la communauté française. Ensemble, ici au Brésil, vous inventez une forme d'ouverture au monde commune à nos deux pays, où l'attachement à la patrie n'est en rien contradictoire avec l'intérêt porté à l'autre. Votre présence à toutes et à tous, ici ce soir, est un précieux encouragement à persévérer dans la construction du rapprochement stratégique qu'engagent résolument le Brésil et la France.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 12 avril 2001)