Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, sur le metier de pharmacien, la politique de la santé, la prévention, la politique du médicament et l'industrie pharmaceutique, Saint Malo le 13 octobre 2007.

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Circonstance : 60ème congrès national des pharmaciens de France à Saint Malo le 13 octobre 2007

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
Je suis heureuse de me retrouver aujourd'hui parmi vous. J'allais dire « parmi nous », tant l'univers de la pharmacie m'est familier. Il s'agit bien, en effet, d'un véritable univers, global, ouvert et ramifié, et non d'un monde clos, pharmaco-centré.
Le métier de pharmacien est d'une grande variété. De la biologie à l'industrie, en passant par l'officine et l'hôpital, il s'exerce en de multiples configurations et suppose bien souvent la maîtrise de compétences croisées.
Certes, l'officine, se situant au sein d'une chaîne qui se déploie depuis le laboratoire jusqu'au patient, occupe une place stratégique.
Qu'est-ce qu'une pharmacie ? D'un point de vue économique, il s'agit d'une entreprise qui obéit à la logique de gestion d'une PME. Mais d'un point de vue fonctionnel, une pharmacie, c'est d'abord et avant tout une officine qui assure un service de proximité. Le client, qui se perçoit lui-même plutôt comme son usager, ne s'y rend pas comme dans un commerce ordinaire. On ne va pas faire ses courses à la pharmacie. La pharmacie échappe, et c'est bien ainsi, à toute frénésie consumériste.
Le métier de pharmacien, faut-il le rappeler, est exercé par des professionnels de santé. Certes, les pharmacies sont des espaces de socialité. Comme chacun sait, la pharmacie est bien souvent, notamment pour les personnes seules, un lieu de confidence. Cependant, la présence équilibrée de nos pharmacies sur tout le territoire, leur juste répartition, répond essentiellement à une exigence sanitaire. Les conseils préventifs et les avis éclairés que les pharmaciens dispensent, de toute évidence, constituent un des déterminants essentiels du bon usage du médicament.
Un médicament n'est pas un produit comme les autres. Les hommes, depuis la plus haute Antiquité, quelles que soient les cultures, savent que le maniement d'un remède suppose toujours une initiation qui explique en partie leur vertu.
Les premières grandes philosophies morales sont d'ailleurs bien des théories de la remèdiation, voire du moindre mal, qui fondent la vertu elle-même sur une connaissance des remèdes appropriés et qui préconisent leur application raisonnée. Cette culture rationnelle qui, au cours des siècles, a connu les approfondissements que l'on sait, est notre culture commune. Nous ne saurions la sacrifier, par défaut de vigilance, sur l'autel de la rentabilité marchande. Gardons-nous bien d'ouvrir grand la porte à ces vendeurs d'aromates des temps modernes, de faciliter le retour de ces épiciers bateleurs qu'une ordonnance de Charles VIII excluait déjà, en 1484, de la vocation d'apothicairerie !
En ce sens, nous continuerons à défendre, non pas tel ou tel intérêt corporatiste, mais l'intérêt pour la population que représente l'existence d'un maillage optimal des officines sur tout le territoire. Le médicament n'est pas un produit comme les autres, sans compter qu'il faut parfois se le procurer dans l'urgence. Que des professionnels de santé, aguerris, rigoureusement formés, en assurent la délivrance dans le cadre d'un service de proximité sécurisant, contribue, de toute évidence, à garantir en aval la qualité des soins prescrits.
Nous veillerons, avec la détermination qu'imposent les exigences de santé publique, à faire valoir le bien fondé de nos arguments.
Nous savons que la Commission souhaite l'ouverture du capital à des holdings étrangers. Or, cette ouverture risque bien de déplacer les priorités des PME/officine vers des objectifs quantifiés de rentabilité, ce qui pourra nuire à la qualité. Nous veillerons, avec la détermination qu'imposent les exigences de santé publique, à faire valoir le bien fondé de nos arguments.
A cet égard, il convient tout de même de rappeler que le maintien d'une chaîne allant de la fabrication à la distribution dans un strict cadre pharmaceutique permet de garantir la traçabilité et constitue un rempart efficace contre la pénétration de médicaments contrefaits. La France, en effet, est un des rares pays où aucun cas identifié de distribution aux patients de médicaments contrefaits n'ait été constaté, en dehors bien sûr des circuits illicites.
Toutefois, tenir ferme sur les principes ne signifie pas renoncer aux modernisations nécessaires. Il importe, en effet, que les officines adoptent résolument une logique d'efficience pour démontrer leur valeur ajoutée. Elles devront ainsi, sans doute, se restructurer pour répondre de façon optimale aux besoins de la population.
Elles pourront, si le besoin s'en fait sentir, se regrouper, notamment dans les zones à forte densité. Une fois encore, l'objectif est ici qualitatif : il s'agit pour les officines d'atteindre une masse critique suffisante de manière à assurer un service qui réponde aux critères actuels de qualité.
Pour que la qualité du circuit pharmaceutique soit reconnue, pour lever toute ambiguïté sur une éventuelle collusion entre l'impératif du monopole et une logique du profit qui imposerait ces diktats au détriment du patient, il conviendra de mieux intégrer les exigences de transparence et de concurrence dans le service pharmaceutique. Ainsi, le conseil pharmaceutique se doit d'obéir au droit commun des consommateurs, même si l'on sait bien que la médication officinale en constitue une pratique indissociable.
Dans ce contexte, il convient de réaffirmer, encore et toujours, le caractère spécifique, protecteur et responsable du métier de pharmacien dont la fonction propre est de veiller au bon usage du médicament.
Sans doute conviendrait-il de reconnaître que les attentes des patients, qui sont aussi des consommateurs, ont évolué. Ils sont de mieux en mieux informés et désireux de pouvoir prendre en charge leurs inconforts passagers sans avoir à consulter un médecin.
Mais le médicament est et doit rester, pour la protection de la santé de la population, identifié comme étant un produit spécifique, dont le potentiel de soulagement ou de guérison est toujours, quel qu'il soit, assorti de risques. Le rapport bénéfices-risques inhérent à chaque association médicament/patient doit être optimisé par l'accompagnement et les conseils d'un professionnel spécialisé, dont la responsabilité personnelle est pleinement engagée.
Je serai donc favorable à la mise à disposition de médicaments non remboursables, qu'on les appelle médicaments « d'automédication » ou de « médication familiale », ou encore « médicaments officinaux », peu importe, devant le comptoir, en valorisant le conseil pharmaceutique associé. Cette disposition permettra une plus grande transparence, un exercice de la concurrence plus performant et une information à impact plus important sur le bon usage des médicaments.
J'espère être parvenue à bien vous faire entendre à quel point je comprend vos préoccupations.
Certes, les questions à régler ne manquent pas : le niveau de fixation des tarifs forfaitaires de remboursement, les interrogations sur le recouvrement de la franchise médicament ou encore la question des contrôles sur le répercussion dans les prix de vente des marges perçues sur les génériques commandés directement au laboratoire fabricant. Sur ce dernier point, je tiens d'ailleurs à vous indiquer que j'ai adressé une lettre à Christine Lagarde pour gagner du temps et nous permettre de trouver ensemble des solutions.
Je n'aurai de cesse de chercher avec vous la meilleure voie, la voie la plus raisonnable pour promouvoir les changements utiles et nécessaires sans jamais avoir à renoncer à nos principes, notamment en ce qui concerne la question discutée du monopole. Cependant, vous savez, tout comme moi, qu'il faudra être convaincant pour justifier des situations de monopole qui, dans leur principe, représentent bien des formes de privilège mais qui pourtant peuvent être légitimées au regard des bénéfices globaux que la société peut en tirer.
La Ministre de la qualité des soins que je voudrais être, étudiera avec la profession l'ensemble des arguments susceptibles de démontrer que la balance reste en faveur du maintien du monopole pharmaceutique.
Un plan d'action global, qui est d'ailleurs en discussion, sera bientôt mis en oeuvre.
Soyez assurés que je saurai défendre avec la plus grande vigilance un des fleurons essentiels de notre système de soins.
Je connais bien les exigences de votre profession et les obligations qui vous incombent. Vous pouvez compter sur moi, sur ma détermination, sur ma disponibilité, pour inventer avec vous la pharmacie de demain.
Je vous remercie.Source http://www.congresdespharmaciens.org, le 17 décembre 2007