Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Avant toute chose, je voudrais vous remercier d'avoir pris l'initiative de ce colloque au coeur de cette 11e semaine pour l'emploi des personnes handicapées. La question de l'emploi des personnes sourdes revêt des spécificités qui justifient qu'on leur accorde une attention plus particulière.
La surdité est un handicap invisible, souvent inavoué par les personnes qui en souffrent, notamment quand il s'agit de personnes devenues sourdes. De nombreux salariés qui souffrent de problèmes auditifs cachent leurs difficultés, de peur d'être mis sur la touche. Avant toute chose, je souhaite donc adresser un message à ces personnes : osez sortir de votre isolement et demander les aménagements auxquels vous avez droit pour vous insérer et vous maintenir dans l'emploi. Je veux également mobiliser la médecine du travail autour des enjeux liés au dépistage des problèmes d'audition et au maintien dans l'emploi des personnes sourdes et malentendantes.
Tous ici, nous le savons bien : les portes de l'emploi sont encore trop timidement ouvertes pour l'emploi des personnes handicapées. Les résultats obtenus en matière d'emploi des personnes handicapées demeurent inférieurs au taux de 6 % requis par la loi : dans les entreprises, le taux d'emploi reste à 4,1 %, dans les administrations, il s'élève à 3,7 %. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap, entre 19 et 20 %, reste le double de celui des personnes valides, et ces demandeurs d'emploi cumulent des difficultés d'accès à l'emploi : ils sont en majorité peu qualifiés et connaissent plus fréquemment que d'autres le chômage de longue durée.
Mais ce constat ne doit pas nous conduire à baisser les bras. La loi du 11 février 2005 a donné une nouvelle impulsion à l'insertion des personnes en situation de handicap dans tous les domaines de la vie quotidienne et elle nous a donné de nouveaux outils pour promouvoir l'emploi des personnes handicapées. Nous en voyons d'ailleurs les premiers fruits : depuis son entrée en vigueur, le nombre de travailleurs handicapés a augmenté de 4 %, et le nombre de demandeurs d'emploi handicapés a chuté de 8 %. Mais nous devons aller plus loin. Pour cela, nous travaillons actuellement sur quatre pistes, en lien avec Christine Lagarde, en charge de toutes les questions d'emploi, et André Santini, pour les questions plus spécifiquement relatives à l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
Première piste : la formation. Comme pour toutes les autres personnes handicapées, le premier combat pour l'insertion professionnelle des personnes sourdes, c'est celui de la qualification. Et ce combat passe d'abord par l'école, c'est un passage essentiel, c'est par-là que commence la réussite d'un parcours professionnel. Un projet construit dans sa globalité, c'est un aspect essentiel si on veut que demain, l'insertion professionnelle soit une réussite. Ce combat, le gouvernement est totalement mobilisé pour le mettre en oeuvre. Nous avons fait de la réussite de la dernière rentrée scolaire notre premier chantier.
Mais je suis consciente que la question de l'accès des personnes sourdes à l'école, puis à l'enseignement supérieur appelle des réponses tout à fait spécifiques. Je sais notamment que les outils de droit commun que sont les auxiliaires de vie scolaire ne sont pas totalement adaptés. La loi a posé le principe du libre choix du mode de communication pour les enfants sourds : nous devons nous donner les moyens de garantir le respect de ce choix.
Cette question sera au centre du comité de pilotage sur la surdité que je souhaite mettre en place d'ici la fin de l'année. J'attends de ce nouveau comité des propositions concrètes qui seront présentées au plus tard lors de la première conférence nationale du handicap qui se tiendra au printemps 2008. Le temps est venu de développer une politique spécifique aux personnes sourdes et malentendantes. Elle devra porter sur l'ensemble des questions dont vous m'avez saisie depuis ma prise de fonction : emploi, accès aux soins, scolarisation, insertion et formation professionnelle.
Au-delà de l'accès à la formation initiale, je veux améliorer l'accès à la formation professionnelle des personnes en situation de handicap. D'ici la fin de l'année, nous allons engager un travail avec les régions, l'AFPA, l'AGEFIPH, le FIPHFP, le CNFPT, les Cap emploi et les organismes collecteurs. Notre objectif est de mettre en place, région par région, des plans d'accès à la formation pour les travailleurs handicapés.
Deuxième piste : l'accessibilité. Je suis persuadée que l'accessibilité des locaux professionnels conditionne très largement l'accès au monde du travail. Pour faciliter cet accès, je souhaite que l'on réfléchisse à l'élargissement des missions de l'AGEFIPH et du FIPHFP, pour que ces fonds puissent non seulement financer l'adaptation du poste de travail mais aussi l'accessibilité des locaux professionnels entre autres. Cette aide serait conditionnée à un plan de recrutement de travailleurs handicapés.
S'agissant plus particulièrement du FIPHFP, j'ai souhaité que le ministère en charge des personnes handicapées puisse participer en tant que tel à sa tutelle, de façon à assurer la cohérence de s apolitique d'aide avec l'ensemble des autres aspects de sa politique en faveur des personnes handicapées. Je souhaite également qu'il soit plus facile de solliciter son intervention. Il me semble notamment que les personnes devraient pouvoir solliciter elles-mêmes une aide du fonds, comme c'est déjà le cas pour l'AGEFIPH.
Pour en revenir à l'accessibilité et à la signification de ce terme pour les personnes sourdes, je n'oublie naturellement pas un aspect primordial : celui de l'accessibilité du téléphone. Dans un univers toujours plus tourné vers les technologies de l'information et de la communication, comment accéder à l'emploi, comment s'y maintenir quand on est privé d'un outil aussi indispensable que le téléphone ? C'est pourtant à cet obstacle que sont confrontés aujourd'hui des milliers de personnes sourdes. C'est la raison pour laquelle je veux travailler, avec Christine Lagarde et Luc Châtel, au développement des centres relais pour les personnes sourdes.
Troisième piste : aider au recrutement dans les PME. Ces entreprises constituent un vivier d'emplois pour les personnes handicapées, comme pour les autres salariés. même si elles ne sont pas directement concernées par l'obligation d'emploi de la loi du 11 février 2005. Mais elles ignorent souvent la démarche à suivre, elles ne disposent souvent pas de DRH pour les aider dans une démarche de recrutement de travailleurs handicapés. Je souhaite donc encourager l'AGEFIPH, à l'occasion de la renégociation de sa convention d'objectifs et de gestion qui doit aboutir d'ici la fin de l'année 2007, à poursuivre le développement de ses actions de conseil en recrutement pour ces entreprises.
Quatrième et dernière piste : accompagner l'insertion professionnelle des personnes handicapées. L'accès à l'emploi des personnes handicapées présente des spécificités, car le principal obstacle qu'elles rencontrent n'est pas la situation du marché de l'emploi mais les conséquences du handicap sur leur capacité de travail. Je souhaite développer un dispositif d'accompagnement adapté aux personnes en situation de handicap dans leur recherche d'emploi. Il s'agit de proposer aux demandeurs d'emploi handicapés des bilans d'employabilité et un soutien renforcé à la recherche d'emploi, en s'appuyant notamment sur les référents pour l'insertion professionnelle des maisons départementales des personnes handicapées et les Cap Emploi.
Le chantier est vaste, mais des moyens sont là pour les mener à bien. Surtout, au-delà des moyens, il faut une véritable volonté d'accepter d'ouvrir les entreprises à la différence. Je conclurai donc en m'adressant, au-delà de notre assemblée, à l'ensemble des employeurs. Puisque j'ai la chance d'avoir un portefeuille ministériel qui traite à la fois du handicap, de la question des personnes âgées et donc de la place des seniors, mais aussi de l'égalité entre les hommes et les femmes,je voudrais vous dire, au travers de tous les échanges que je peux avoir jour après jour, à quel point la diversité et la différence sont une richesse et une ouverture pour qui sait s'en saisir.Source http://www.unisda.org, le 20 décembre 2007