Interview de Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à "France Info" le 28 novembre 2007, sur l'autonomie universitaire et l'augmentation des bourses d'études des étudiants.

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Média : France Info

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R. Duchemin.- Vous avez reçu les syndicats étudiants hier, cinq syndicats, ils sont sortis de chez vous, plutôt satisfaits, plutôt avec le sourire, notamment l'Unef. Qu'est-ce que vous avez bien pu leur dire pour que finalement les choses se passent aussi bien et qu'ils ressortent aussi contents que ça de votre ministère ?
 
R.- J'ai voulu entendre toutes les craintes, et toutes les préoccupations qui s'étaient exprimées pendant ces dernières semaines. Et donc s'agissant de la loi sur les libertés et sur les responsabilités des universités, qui a été votée cet été, j'ai voulu les rassurer quant à l'application de cette loi et leur donner toutes les garanties qu'elle n'aboutirait ni à de la sélection à l'entrée de l'université, ni à une hausse des frais d'inscription, ni à un désengagement de l'Etat. Vous savez que cet après-midi, le Premier ministre et moi-même signerons avec l'ensemble des présidents d'université un engagement pluriannuel de l'Etat qui portera de 10 à 15 milliards le budget des universités en cinq ans. Et ce sera un effort cumulé de 15 milliards d'euros supplémentaires pour les universités.
 
Q.- C'était effectivement le signe envoyé dès la veille par F. Fillon, un signe d'apaisement avec cette augmentation du budget concernant les universités. Mais vous êtes allée plus loin : vous avez fait des promesses concernant notamment des mesures particulières, je pense notamment aux 100.000 étudiants qui sont les plus défavorisés en France, avec des mesures qui vont prendre effet dès le 1er janvier ?
 
R.- Je crois que le message qui nous a été adressé par les étudiants, c'était : "l'autonomie, très bien, c'est un préalable à la réforme ; donnez-nous des garanties que cela se passera bien. Mais, et notre vie quotidienne, concrète, nos conditions de vie, nos conditions d'études, est-ce qu'elles vont changer et quand vont-elles enfin changer ?". Et comme je crois qu'il était important de donner un signe de la volonté, du volontarisme du Gouvernement, j'ai décidé, j'allais dire, de passer la vitesse supérieure dans les réformes qui devaient suivre l'autonomie.
 
Q.- Il y avait des mesures prévues pour septembre, elles sont avancées ?
 
R.- Exactement. Il y avait deux grands plans pluriannuels qui sont lancés, le Plan licence, réussite en licence pour lutter contre l'échec à l'université et le Plan sur les bourses et les aides sociales pour les étudiants les plus défavorisés. Nous avons décidé d'avancer le démarrage de ces deux plans qui devaient démarrer en septembre, nous les démarrerons en janvier, ce qui veut dire qu'effectivement pour les 100.000 étudiants les plus défavorisés, les bourses en 2008 augmenteront de 7,2% par rapport aux bourses de 2007.
 
Q.- Cela fait combien en plus aujourd'hui et, pour être très concret, finalement dans la poche des étudiants ?
 
R.- Cela fait de l'ordre de 30 euros de plus par mois pour une bourse qui est de l'ordre de 400... qui était en 2007 de l'ordre de 400 euros.
 
Q.- Il y a aussi donc un gros effort qui est fait sur le cadrage des cursus universitaires. Là aussi c'est pour janvier ?
 
R.- Alors, sur le cadrage des cursus universitaires, c'est une garantie donnée à l'application de la loi. Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui ? Vous avez une nomenclature des diplômes, une kyrielle de diplômes, c'est illisible, il y a beaucoup trop de diplômes. De nombreux rapports ont été publiés pour dire : simplifiez cette carte des formations, clarifiez les intitulés des diplômes pour que les étudiants s'y retrouvent. Et aussi, c'est une garantie en réalité du caractère national de ces diplômes.
 
Q.- L'autre inquiétude, c'était que les diplômes finalement n'aient pas les mêmes valeurs dans les différentes universités. Là aussi, vous avez rassuré les principales organisations étudiantes, elles sont sorties en disant : on a des garanties !
 
R.- Oui, parce que j'ai reçu un rapport de mon Inspection générale en septembre qui met en cause l'opacité des conditions d'évaluation, selon les universités. Et je crois qu'il va falloir qu'on essaye de mettre en place une mission qui réfléchisse à comment on fait pour que les étudiants connaissent les règles du jeu et qu'elles soient les même sur tout le territoire. Qu'ils sachent exactement comment ils vont être évalués et sur quels critères ils seront jugés, que ce soit les mêmes dans les universités.
 
Q.- Alors l'Unef s'est dite séduite hier soir. Reste à savoir ce que va dire la base, en assemblées générales, elles vont avoir lieu ces assemblées. En revanche, d'autres syndicats, à commencer par la Coordination, n'ont quand même pas vraiment été complètement convaincus. Hier ils appelaient encore les jeunes à descendre dans la rue. Je voulais vous faire écouter Kamel Tafer, il fait partie de la Coordination et vous allez voir, lui, il est plutôt circonspect pour l'instant.
 
[Echange entre Kamel Tafer et un journaliste de France info] Kamel Tafer (Coordination étudiante) : "Je pense que B. Julliard, il est à côté de la plaque, parce que la majorité des étudiants qui sont mobilisés aujourd'hui réclament l'abrogation de la loi Pécresse pure et simple. Nous appelons clairement à la poursuite de la grève et des blocages dans toutes les universités là où s'est possible pour l'abrogation de la loi Pécresse." Journaliste France Info : Pourtant la ministre V. Pécresse a quand même donné des assurances. Elle a dit que l'Etat ne se désengagerait pas des universités, qu'il n'y aurait pas de hausse des droits d'inscription, cela ne vous convainc pas ça ? Kamel Tafer : "Eh bien cela ne nous convainc pas du tout, je pense que c'est surtout des belles paroles. Parce qu'on pense qu'il n'y a rien à négocier dans cette loi. Les universités vont de plus en plus dépendre du financement des entreprises privées, qui bien entendu, jusqu'à nouvel ordre ne sont pas des entreprises à but non lucratif."
 
Q.-  "Belles paroles", dit-il. V. Pécresse, est-ce qu'on est toujours avec ces étudiants-là dans un dialogue de sourds aujourd'hui ?
 
R.- Je crois qu'il faut vraiment comprendre que la loi autonomie c'est un socle pour faire pendant cinq ans, toute une série de réformes pour la réussite des étudiants. Mais qu'avant de faire ces réformes, ces réformes de la licence, du master, du doctorat, des conditions de vie étudiante, il fallait donner aux universités la capacité de décider et de décider vite. Quand on met dix-huit mois à recruter un enseignant, quand on met deux ans à changer une carte de formation, le contenu d'une formation, quand on ne peut pas tisser des partenariats avec le monde socioéconomique ou avec les collectivités locales, on n'est pas autonome et on ne peut pas se réformer. Il faut cette loi, c'est la base, c'est le socle vital pour que l'argent que nous allons investir - ces 15 milliards d'euros que nous allons investir dans les universités - soit bien dépensé et soit dépensé vite pour la réussite des étudiants.
 
Q.- Mais malgré tout, ce sera ma dernière question, il reste des étudiants qui descendent chaque jour dans la rue, ils étaient à peu près 30.000 un petit peu partout en France, hier encore. Qu'est-ce que vous leur dites aujourd'hui ?
 
R.- Je fais appel à leur sens des responsabilités. Je crois que le blocage n'est jamais la solution, la violence n'est jamais la solution. On est à quelques semaines des examens, dans l'intérêt de tous les étudiants, oui au dialogue et non au blocage.
 
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 28 novembre 2007