Texte intégral
Intervention de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en clôture des Rencontres nationales des acteurs de la prévention de la délinquance, à Montpellier le 18 mars 1999
Messieurs les ministres,
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
Le thème auquel vous avez consacré ces deux journées de travail, après de denses réunions préparatoires, est au coeur de la politique de la ville. Cest pourquoi je suis heureux, à lissue de vos plénières, de vos ateliers et de vos forums, de clore ces Rencontres nationales. Je me réjouis quelles se soient tenues à Montpellier, ville qui a su préserver les traces de cette civilisation urbaine gréco-romaine qui faisait de la " civitas " le lieu de la citoyenneté. Ces Rencontres sont une étape dans la refondation de notre politique de la ville, engagée avec pugnacité par Claude BARTOLONE, ministre délégué à la ville. " Refaire la ville ", travailler à ce que celle-ci redevienne, pour tous ses habitants, une Cité pleinement républicaine, cest-à-dire un espace de démocratie et de solidarité où nos concitoyens puissent vivre ensemble et y bien vivre : telle est notre ambition. Une ambition servie par une politique renouvelée, dont je voudrais vous présenter maintenant les grandes lignes.
I - Pour " refaire la ville ", le Gouvernement conduit une politique globale. Tel est le premier thème que je voudrais traiter.
A lheure où huit citoyens sur dix sont des citadins, la politique de la ville doit puiser aux sources mêmes de la République. Cest dans les villes que se sont affirmés historiquement les idéaux de liberté, dégalité et de fraternité qui sont les nôtres. Or ces valeurs y sont désormais trop souvent battues en brèche. Linsécurité entrave la liberté daller et de venir ; le délabrement de certains quartiers entache le principe dégalité ; la fraternité souffre de lincivilité croissante. Servir une ambition pour la ville, cest donc bâtir, -ou rebâtir-, avec tous ses habitants, un espace républicain.
Cest aussi conforter notre contrat social, que les difficultés propres au milieu urbain mettent à lépreuve. Deux décennies de chômage de masse ont concentré les plus défavorisés de nos concitoyens dans certains quartiers. Des processus cumulatifs de relégation géographique et dexclusion sociale se sont mis en place. Les moins mal lotis de nos concitoyens quittent souvent ces quartiers pour des lieux " plus tranquilles " ou " plus sûrs ", tandis que les jeunes trouvent plus difficilement un emploi lorsquils viennent de certaines banlieues. Cest par une politique globale que le Gouvernement sattaque à cette ségrégation.
Globale, cette nouvelle politique lest, par ses objectifs. Elle entend restaurer la ville dans toutes ses dimensions : urbaine, sociale, économique, culturelle. Certes, nous ne construisons pas sur du sable : depuis près de vingt ans, les gouvernements successifs ont jeté des fondations solides. Nombre dentre vous le savent, comme acteurs de terrain dont je salue lengagement de longue date. Mais lampleur de la crise appelle une réponse renouvelée. Il sagit de rénover la ville tout entière, en rétablissant la continuité du tissu urbain. En particulier, nous devons concentrer leffort sur certains quartiers, qui aspirent à devenir " comme les autres ".
Globale, cette politique lest aussi dans ses instruments. Nous jouons sur tout le clavier des politiques gouvernementales. Lors du Comité interministériel de la ville du 30 juin 1998, le Gouvernement a dégagé trois priorités : lemploi, la sécurité - sur laquelle je centrerai le second temps de mon exposé- , léducation.
Grâce à une politique de lemploi volontariste -par le soutien à la croissance, le plan demploi pour les jeunes, la réduction du temps de travail, lappui aux nouvelles technologies-, le chômage baisse de façon continue depuis vingt mois. En particulier, le chômage des jeunes, qui a diminué de 15 % en 1998. Ces bons résultats - les meilleurs de la décennie, mais qui ne peuvent suffir à nous satisfaire-, nous conduisent cette année à approfondir et à amplifier la lutte contre le chômage.
Réduire lillettrisme, transmettre les valeurs civiques qui fondent le pacte républicain, offrir aux jeunes de meilleures chances de trouver un emploi : la priorité donnée par le Gouvernement à léducation est essentielle à la reconquête de la Ville. Mais au-delà, cest toute la politique du Gouvernement qui est tournée vers cette reconquête.
La politique des transports doit favoriser la desserte de tous les quartiers, afin de rompre lisolement. La répartition des logements sociaux doit favoriser la mixité des quartiers. Dans le domaine culturel, la charte des missions de service public demande aux structures subventionnées par lEtat de souvrir aux publics défavorisés grâce à une politique tarifaire adaptée. Les politiques durbanisme et damélioration du cadre de vie doivent évidemment être mises à contribution. Enfin, la réforme de la Justice sintègre à cette politique globale en favorisant laccès au droit, les modes alternatifs de règlement des conflits et la justice de proximité.
Globale, cette politique lest enfin parce quelle sollicite la mobilisation de tous. LEtat prend ses responsabilités, mais tout ne relève pas de sa compétence. Cest dans un partenariat avec les collectivités locales, les associations et surtout les citoyens eux-mêmes que cette politique peut être conduite.
Les nouveaux contrats de ville en offriront le cadre - comme la indiqué le Comité interministériel de la ville du 2 décembre dernier. Ils seront négociés sur toute lannée 1999 afin de permettre une profonde concertation. Au préalable, ils feront lobjet dun examen collectif par les services de lEtat. La liste des contrats et des sites prioritaires sera choisie au niveau local. Leur durée sera portée de 5 à 7 ans, afin quils coïncident avec les contrats de plan Etat-régions. Ceux-ci permettront dassurer aux contrats de ville un financement à la hauteur des enjeux, et jai indiqué aux préfets de région que la politique de la ville représentait, dans cette perspective, une priorité. La formation professionnelle et le financement déquipements collectifs reviennent également aux régions. La contribution des départements est aussi essentielle, car ils peuvent assurer la présence de services sociaux dans les quartiers, consacrer des moyens à la prévention spécialisée, mieux doter les collèges les plus difficiles.
Enfin, le rôle des associations et de lensemble des " professionnels de la ville " est primordial : fonctionnaires territoriaux, chefs de projet, animateurs de conseils de prévention, éducateurs et travailleurs sociaux seront appelés, de nouveau, à prendre part à cette entreprise collective.
Lengagement des citoyens reste bien sûr indispensable. La prise de conscience de chaque individu, la participation des groupes auxquels les jeunes se sentent appartenir, la responsabilité des familles, sont en cause. Parents, jeunes, enseignants : tous doivent se mobiliser pour faire vivre la politique de la ville. Nous les y aiderons, en développant de nouvelles formes dassociation : comités de quartiers élus, groupes dusagers du service public, fonds de participation des habitants, espaces de dialogue entre les jeunes et les municipalités. Toutes ces initiatives seront encouragées.
II - Cette politique globale intègre la lutte contre la délinquance qui est indispensable, tel est le deuxième point que je voudrais développer en faisant toute sa place à la prévention.
La sécurité est un droit ; linsécurité est donc une inégalité sociale de plus. Linsécurité frappe dabord les plus démunis. Le Gouvernement agit pour apporter à tous la sécurité à laquelle chacun a droit. Ma déclaration de politique générale du 19 juin 1997 a fixé le cadre de cette action. La réflexion engagée en octobre 1997 au colloque de Villepinte sous légide du ministre de lIntérieur, Jean-Pierre Chevènement, a débouché sur les décisions des Conseils de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et du 27 janvier 1999.
Nous maintenons lordre public - cest là le devoir de tout gouvernement. Mais nous voulons aussi traiter les causes sociales de cette violence - cest là la vocation dun gouvernement de gauche. Notre politique nest pas seulement équilibrée, elle est lucide : on ne contient pas la délinquance sans réprimer ni sanctionner ; mais on nen extirpe pas les racines sans un puissant effort de prévention, sans une démarche de réforme permettant de transformer une réalité sociale qui reste à bien des égards, elle-même, violente. Prévention et sanction sont indissociables. La sanction ne vise pas que la répression ; elle a une dimension pédagogique. La prévention, quant à elle, a pour raison dêtre -faut-il le rappeler ?- dempêcher la survenue dactes délictueux. Si la prévention doit toujours être privilégiée, la sanction doit intervenir chaque fois que nécessaire.
Car si la délinquance a souvent des causes sociales et sociologiques profondes, elle se nourrit aussi de comportements individuels, à commencer par les actes dincivilité. Lincivilité est la négation de la vie en commun. Elle est surtout le premier maillon de la chaîne des actes qui peuvent conduire jusquà la violence la plus dure. Pour que chaque rue de nos villes devienne sûre, le Gouvernement sest fixé trois priorités.
Première priorité : assurer la présence effective dune police de proximité. Aux côtés de nos concitoyens et de leurs élus, travaillant avec les services de lEtat -la Justice, la gendarmerie, lEducation nationale et les services sociaux-, en partenariat avec les collectivités locales, les associations et les citadins, la police de proximité doit être présente sur la voie publique dans les zones où la délinquance est la plus forte. Une police de proximité, cest aussi une police à lécoute de nos concitoyens : une police qui les rassure, qui accueille les victimes, qui élucide les actes de délinquance. Cest enfin une police à limage de la population : il faut que les jeunes des quartiers, dont ceux issus de limmigration, soient présents dans lensemble des services publics, y compris dans les services responsables de la sécurité.
Parce que limpunité encourage la violence, une réponse systématique doit être apportée à chaque acte de délinquance : telle est notre deuxième priorité. Le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier a donc pris des mesures visant à rendre les enquêtes plus efficaces et plus rapides, en particulier pour la délinquance de voie publique qui touche au plus près nos concitoyens. Je le redis devant vous : chaque acte de délinquance sera sanctionné. Le traitement judiciaire en temps réel sera développé grâce à laffectation de personnels supplémentaires dans les services de police. Une coordination plus étroite entre police, gendarmerie, douanes et services fiscaux permettra de mieux traiter les infractions liées aux bandes et aux trafics - en particulier de drogue. Sagissant des infractions commises par les mineurs, de nouveaux moyens seront dégagés par lEtat pour recruter des magistrats et des éducateurs supplémentaires.
Le renouvellement des stratégies de prévention a toute sa place dans cette politique. Cest notre troisième priorité, qui se nourrit de votre réflexion elle-même. Promouvoir la citoyenneté, soutenir les parents dans léducation de leurs enfants, concevoir un projet éducatif local, animer les quartiers, assurer à la protection judiciaire de la jeunesse et à ladministration pénitentiaire des relais dans la ville, développer laccès à linformation juridique et laide aux victimes : autant dorientations indispensables pour qui veut sattaquer en profondeur aux causes de la violence. Tel était le sens des décisions prises par le Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998. Celui du 27 janvier 1999 a amplifié le plan de lutte contre la violence à lécole et accéléré le plan de développement des classes-relais.
Ces trois priorités seront mises en oeuvre dans le cadre dun partenariat appuyé sur les conseils de prévention de la délinquance - dont lexpérience du dialogue entre les acteurs de la vie locale est précieuse. Cest à juste titre que les contrats locaux de sécurité sont élaborés au sein de ces conseils. Suite aux réflexions engagées et aux propositions formulées - notamment par le conseil national des villes -, je souhaite que ces conseils soient rénovés afin quils puissent mieux définir, suivre et évaluer la mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité. Dans une approche globale, intégrant la prévention, la police de proximité, la réponse systématique aux actes de délinquance, la citoyenneté et la solidarité, les contrats locaux de sécurité constitueront une des composantes essentielles des futurs contrats de ville. Ils bénéficieront des financements spécifiques prévus pour la politique de la ville.
Mesdames et Messieurs,
Prévenir la délinquance et travailler au renouveau de nos villes sont deux objectifs indissociables. La clé du succès réside dans la mobilisation de tous. Votre rôle est donc essentiel : dans les quartiers, vous savez à qui parler et vous avez accumulé des expériences, perfectionné des savoir-faire, que nous pourrons faire fructifier ensemble.
Depuis le début de ce mois, des initiatives naissent pour mettre un terme à la violence dans les villes. Elles sont le fait dune jeunesse qui veut mettre son énergie au service dun projet collectif. Notre responsabilité partagée est daider ces jeunes à inscrire leur engagement dans la durée, à fournir un effort concret et quotidien, patient et déterminé, pour que recule la violence dans leur cité, leur quartier, leur ville.
Quand ces jeunes nous disent que tout le monde a le droit dêtre protégé, quils ne veulent plus rester seuls face à la violence, que le respect doit être mutuel ; quand ils appellent à des états généraux de la violence et de linjustice, ils renvoient les adultes, les institutions et la puissance publique à leurs responsabilités. Jai envie de leur répondre, comme jai entendu Claude Bartolone le faire lautre jour : " Tope là ! ". En effet, nos responsabilités, avec eux, nous entendons bien les prendre.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 mars 1999)
Messieurs les ministres,
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Cher(e)s ami(e)s,
Le thème auquel vous avez consacré ces deux journées de travail, après de denses réunions préparatoires, est au coeur de la politique de la ville. Cest pourquoi je suis heureux, à lissue de vos plénières, de vos ateliers et de vos forums, de clore ces Rencontres nationales. Je me réjouis quelles se soient tenues à Montpellier, ville qui a su préserver les traces de cette civilisation urbaine gréco-romaine qui faisait de la " civitas " le lieu de la citoyenneté. Ces Rencontres sont une étape dans la refondation de notre politique de la ville, engagée avec pugnacité par Claude BARTOLONE, ministre délégué à la ville. " Refaire la ville ", travailler à ce que celle-ci redevienne, pour tous ses habitants, une Cité pleinement républicaine, cest-à-dire un espace de démocratie et de solidarité où nos concitoyens puissent vivre ensemble et y bien vivre : telle est notre ambition. Une ambition servie par une politique renouvelée, dont je voudrais vous présenter maintenant les grandes lignes.
I - Pour " refaire la ville ", le Gouvernement conduit une politique globale. Tel est le premier thème que je voudrais traiter.
A lheure où huit citoyens sur dix sont des citadins, la politique de la ville doit puiser aux sources mêmes de la République. Cest dans les villes que se sont affirmés historiquement les idéaux de liberté, dégalité et de fraternité qui sont les nôtres. Or ces valeurs y sont désormais trop souvent battues en brèche. Linsécurité entrave la liberté daller et de venir ; le délabrement de certains quartiers entache le principe dégalité ; la fraternité souffre de lincivilité croissante. Servir une ambition pour la ville, cest donc bâtir, -ou rebâtir-, avec tous ses habitants, un espace républicain.
Cest aussi conforter notre contrat social, que les difficultés propres au milieu urbain mettent à lépreuve. Deux décennies de chômage de masse ont concentré les plus défavorisés de nos concitoyens dans certains quartiers. Des processus cumulatifs de relégation géographique et dexclusion sociale se sont mis en place. Les moins mal lotis de nos concitoyens quittent souvent ces quartiers pour des lieux " plus tranquilles " ou " plus sûrs ", tandis que les jeunes trouvent plus difficilement un emploi lorsquils viennent de certaines banlieues. Cest par une politique globale que le Gouvernement sattaque à cette ségrégation.
Globale, cette nouvelle politique lest, par ses objectifs. Elle entend restaurer la ville dans toutes ses dimensions : urbaine, sociale, économique, culturelle. Certes, nous ne construisons pas sur du sable : depuis près de vingt ans, les gouvernements successifs ont jeté des fondations solides. Nombre dentre vous le savent, comme acteurs de terrain dont je salue lengagement de longue date. Mais lampleur de la crise appelle une réponse renouvelée. Il sagit de rénover la ville tout entière, en rétablissant la continuité du tissu urbain. En particulier, nous devons concentrer leffort sur certains quartiers, qui aspirent à devenir " comme les autres ".
Globale, cette politique lest aussi dans ses instruments. Nous jouons sur tout le clavier des politiques gouvernementales. Lors du Comité interministériel de la ville du 30 juin 1998, le Gouvernement a dégagé trois priorités : lemploi, la sécurité - sur laquelle je centrerai le second temps de mon exposé- , léducation.
Grâce à une politique de lemploi volontariste -par le soutien à la croissance, le plan demploi pour les jeunes, la réduction du temps de travail, lappui aux nouvelles technologies-, le chômage baisse de façon continue depuis vingt mois. En particulier, le chômage des jeunes, qui a diminué de 15 % en 1998. Ces bons résultats - les meilleurs de la décennie, mais qui ne peuvent suffir à nous satisfaire-, nous conduisent cette année à approfondir et à amplifier la lutte contre le chômage.
Réduire lillettrisme, transmettre les valeurs civiques qui fondent le pacte républicain, offrir aux jeunes de meilleures chances de trouver un emploi : la priorité donnée par le Gouvernement à léducation est essentielle à la reconquête de la Ville. Mais au-delà, cest toute la politique du Gouvernement qui est tournée vers cette reconquête.
La politique des transports doit favoriser la desserte de tous les quartiers, afin de rompre lisolement. La répartition des logements sociaux doit favoriser la mixité des quartiers. Dans le domaine culturel, la charte des missions de service public demande aux structures subventionnées par lEtat de souvrir aux publics défavorisés grâce à une politique tarifaire adaptée. Les politiques durbanisme et damélioration du cadre de vie doivent évidemment être mises à contribution. Enfin, la réforme de la Justice sintègre à cette politique globale en favorisant laccès au droit, les modes alternatifs de règlement des conflits et la justice de proximité.
Globale, cette politique lest enfin parce quelle sollicite la mobilisation de tous. LEtat prend ses responsabilités, mais tout ne relève pas de sa compétence. Cest dans un partenariat avec les collectivités locales, les associations et surtout les citoyens eux-mêmes que cette politique peut être conduite.
Les nouveaux contrats de ville en offriront le cadre - comme la indiqué le Comité interministériel de la ville du 2 décembre dernier. Ils seront négociés sur toute lannée 1999 afin de permettre une profonde concertation. Au préalable, ils feront lobjet dun examen collectif par les services de lEtat. La liste des contrats et des sites prioritaires sera choisie au niveau local. Leur durée sera portée de 5 à 7 ans, afin quils coïncident avec les contrats de plan Etat-régions. Ceux-ci permettront dassurer aux contrats de ville un financement à la hauteur des enjeux, et jai indiqué aux préfets de région que la politique de la ville représentait, dans cette perspective, une priorité. La formation professionnelle et le financement déquipements collectifs reviennent également aux régions. La contribution des départements est aussi essentielle, car ils peuvent assurer la présence de services sociaux dans les quartiers, consacrer des moyens à la prévention spécialisée, mieux doter les collèges les plus difficiles.
Enfin, le rôle des associations et de lensemble des " professionnels de la ville " est primordial : fonctionnaires territoriaux, chefs de projet, animateurs de conseils de prévention, éducateurs et travailleurs sociaux seront appelés, de nouveau, à prendre part à cette entreprise collective.
Lengagement des citoyens reste bien sûr indispensable. La prise de conscience de chaque individu, la participation des groupes auxquels les jeunes se sentent appartenir, la responsabilité des familles, sont en cause. Parents, jeunes, enseignants : tous doivent se mobiliser pour faire vivre la politique de la ville. Nous les y aiderons, en développant de nouvelles formes dassociation : comités de quartiers élus, groupes dusagers du service public, fonds de participation des habitants, espaces de dialogue entre les jeunes et les municipalités. Toutes ces initiatives seront encouragées.
II - Cette politique globale intègre la lutte contre la délinquance qui est indispensable, tel est le deuxième point que je voudrais développer en faisant toute sa place à la prévention.
La sécurité est un droit ; linsécurité est donc une inégalité sociale de plus. Linsécurité frappe dabord les plus démunis. Le Gouvernement agit pour apporter à tous la sécurité à laquelle chacun a droit. Ma déclaration de politique générale du 19 juin 1997 a fixé le cadre de cette action. La réflexion engagée en octobre 1997 au colloque de Villepinte sous légide du ministre de lIntérieur, Jean-Pierre Chevènement, a débouché sur les décisions des Conseils de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et du 27 janvier 1999.
Nous maintenons lordre public - cest là le devoir de tout gouvernement. Mais nous voulons aussi traiter les causes sociales de cette violence - cest là la vocation dun gouvernement de gauche. Notre politique nest pas seulement équilibrée, elle est lucide : on ne contient pas la délinquance sans réprimer ni sanctionner ; mais on nen extirpe pas les racines sans un puissant effort de prévention, sans une démarche de réforme permettant de transformer une réalité sociale qui reste à bien des égards, elle-même, violente. Prévention et sanction sont indissociables. La sanction ne vise pas que la répression ; elle a une dimension pédagogique. La prévention, quant à elle, a pour raison dêtre -faut-il le rappeler ?- dempêcher la survenue dactes délictueux. Si la prévention doit toujours être privilégiée, la sanction doit intervenir chaque fois que nécessaire.
Car si la délinquance a souvent des causes sociales et sociologiques profondes, elle se nourrit aussi de comportements individuels, à commencer par les actes dincivilité. Lincivilité est la négation de la vie en commun. Elle est surtout le premier maillon de la chaîne des actes qui peuvent conduire jusquà la violence la plus dure. Pour que chaque rue de nos villes devienne sûre, le Gouvernement sest fixé trois priorités.
Première priorité : assurer la présence effective dune police de proximité. Aux côtés de nos concitoyens et de leurs élus, travaillant avec les services de lEtat -la Justice, la gendarmerie, lEducation nationale et les services sociaux-, en partenariat avec les collectivités locales, les associations et les citadins, la police de proximité doit être présente sur la voie publique dans les zones où la délinquance est la plus forte. Une police de proximité, cest aussi une police à lécoute de nos concitoyens : une police qui les rassure, qui accueille les victimes, qui élucide les actes de délinquance. Cest enfin une police à limage de la population : il faut que les jeunes des quartiers, dont ceux issus de limmigration, soient présents dans lensemble des services publics, y compris dans les services responsables de la sécurité.
Parce que limpunité encourage la violence, une réponse systématique doit être apportée à chaque acte de délinquance : telle est notre deuxième priorité. Le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier a donc pris des mesures visant à rendre les enquêtes plus efficaces et plus rapides, en particulier pour la délinquance de voie publique qui touche au plus près nos concitoyens. Je le redis devant vous : chaque acte de délinquance sera sanctionné. Le traitement judiciaire en temps réel sera développé grâce à laffectation de personnels supplémentaires dans les services de police. Une coordination plus étroite entre police, gendarmerie, douanes et services fiscaux permettra de mieux traiter les infractions liées aux bandes et aux trafics - en particulier de drogue. Sagissant des infractions commises par les mineurs, de nouveaux moyens seront dégagés par lEtat pour recruter des magistrats et des éducateurs supplémentaires.
Le renouvellement des stratégies de prévention a toute sa place dans cette politique. Cest notre troisième priorité, qui se nourrit de votre réflexion elle-même. Promouvoir la citoyenneté, soutenir les parents dans léducation de leurs enfants, concevoir un projet éducatif local, animer les quartiers, assurer à la protection judiciaire de la jeunesse et à ladministration pénitentiaire des relais dans la ville, développer laccès à linformation juridique et laide aux victimes : autant dorientations indispensables pour qui veut sattaquer en profondeur aux causes de la violence. Tel était le sens des décisions prises par le Conseil de sécurité intérieure du 8 juin 1998. Celui du 27 janvier 1999 a amplifié le plan de lutte contre la violence à lécole et accéléré le plan de développement des classes-relais.
Ces trois priorités seront mises en oeuvre dans le cadre dun partenariat appuyé sur les conseils de prévention de la délinquance - dont lexpérience du dialogue entre les acteurs de la vie locale est précieuse. Cest à juste titre que les contrats locaux de sécurité sont élaborés au sein de ces conseils. Suite aux réflexions engagées et aux propositions formulées - notamment par le conseil national des villes -, je souhaite que ces conseils soient rénovés afin quils puissent mieux définir, suivre et évaluer la mise en oeuvre des contrats locaux de sécurité. Dans une approche globale, intégrant la prévention, la police de proximité, la réponse systématique aux actes de délinquance, la citoyenneté et la solidarité, les contrats locaux de sécurité constitueront une des composantes essentielles des futurs contrats de ville. Ils bénéficieront des financements spécifiques prévus pour la politique de la ville.
Mesdames et Messieurs,
Prévenir la délinquance et travailler au renouveau de nos villes sont deux objectifs indissociables. La clé du succès réside dans la mobilisation de tous. Votre rôle est donc essentiel : dans les quartiers, vous savez à qui parler et vous avez accumulé des expériences, perfectionné des savoir-faire, que nous pourrons faire fructifier ensemble.
Depuis le début de ce mois, des initiatives naissent pour mettre un terme à la violence dans les villes. Elles sont le fait dune jeunesse qui veut mettre son énergie au service dun projet collectif. Notre responsabilité partagée est daider ces jeunes à inscrire leur engagement dans la durée, à fournir un effort concret et quotidien, patient et déterminé, pour que recule la violence dans leur cité, leur quartier, leur ville.
Quand ces jeunes nous disent que tout le monde a le droit dêtre protégé, quils ne veulent plus rester seuls face à la violence, que le respect doit être mutuel ; quand ils appellent à des états généraux de la violence et de linjustice, ils renvoient les adultes, les institutions et la puissance publique à leurs responsabilités. Jai envie de leur répondre, comme jai entendu Claude Bartolone le faire lautre jour : " Tope là ! ". En effet, nos responsabilités, avec eux, nous entendons bien les prendre.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 mars 1999)