Texte intégral
R. Duchemin.- Secrétaire d'Etat à la Prospective, vous rendez aujourd'hui votre rapport sur la Journée de solidarité à F. Fillon qui vous a demandé une évaluation. Vous dites que c'est un succès. Pourtant, ce n'était pas forcément le sentiment général après cette journée de solidarité, côté organisations, notamment.
R.- C'est nuancé, vous avez raison. D'un côté, il y a un vrai succès. Le succès, c'est que 2 milliards d'euros ont été mobilisés en faveur des personnes âgées, en faveur des handicapés pour des choses très concrètes : des maison de la dépendance, l'APA etc. Deuxièmement, autre succès : l'Etat n'a pas repris d'une main ce que la Journée de solidarité lui avait apporté de l'autre. Cela a bien été un argent supplémentaire. Troisième élément de succès : 9 Français sur 10 ont donné une journée, travaillent une journée de plus pour la solidarité. Ce qui peut justifier ce que vous dites, c'est un sentiment de désordre par certains côtés. Parce que pour le lundi de Pentecôte, il n'y a qu'un Français sur deux qui travaille le lundi de Pentecôte même ; les autres, les quatre autres Français sur dix le font d'autres jours dans l'année. Ce qui fait que c'est une journée un peu hybride. Vous avez des services publics qui pour l'essentiel ne fonctionnent pas, des entreprises qui travaillent pour 70 % d'entre elles, mais certaines au ralenti ; et les écoles, dans la plupart des cas n'accueillent pas les enfants. C'est cela qui donne ce sentiment de désordre et qui atténue un peu un succès, qui lui, sur le fond est réel.
Q.- Pour que le désordre ne recommence pas, si j'ose dire, en 2008, comment va-t-on faire ? Vous avez travaillé sur des pistes. Quelles sont-elles ces pistes ce matin ?
R.- Je propose à F. Fillon trois scenarii comme il m'avait demandé de le faire. Le premier scénario, c'est de dire : tout le monde travaille le lundi de Pentecôte. C'était l'idée de J.-P. Raffarin au départ. Il me semble que c'est trop tard, on ne peut pas revenir en arrière. Ce serait en plus briser des accords collectifs qui ont été signés.
Q.- Et cela avait fait un tollé à l'époque !
R.- Cela avait été...
Q.-...Plus ou moins bien accueilli, dirons-nous !
R.- Les Français étaient plus réceptifs qu'on ne le croit, mais peu importe. Je crois qu'aujourd'hui c'est trop tard pour revenir en arrière. Deuxième scénario, on dit : tous les Français doivent une journée de solidarité, sept heures par an ; mais le lundi de Pentecôte est en quelque sorte banalisé. Pourquoi pas le lundi de Pentecôte, mais pas le point d'application privilégié.
Q.- C'est-à-dire qu'on pourrait prendre cette journée un autre jour ?
R.- Absolument, ce que font déjà quatre Français sur dix. A ce moment-là, on le banalise. Mais cela suppose une modification législative, et cela suppose que les partenaires sociaux soient a minima concertés et si possible d'accord, ce qui n'est pas acquis. Le troisième scénario, c'est de dire : cela existe, on ne touche pas à l'essentiel, c'est le statu quo du point de vue législatif mais on essaie des pistes d'amélioration. Il faut, par exemple, que les parents sachent clairement si leurs enfants peuvent être accueillis à l'école ou dans des systèmes de garde collective et qu'ils le sachant bien en amont pour s'organiser.
Q.- Parce que c'était vraiment le point principal, le problème principal posé : certains parents travaillaient ; les enfants n'allaient pas à l'école ?
R.- C'est l'une des difficultés. Les enseignants n'enseignent pas et personne ne propose de revenir sur les dispositions qui leurs ont été accordées. Et en même temps, les parents qui travaillent ne savent pas ce qu'ils doivent faire exactement de leur enfant. Et dernière élément : il faut clarifier la situation du transport routier. Il faut a minima que sur les principaux axes qui ne sont pas graves sur le plan des vacances, sur le plan du trafic etc., que les transporteurs puissent rouler, parce qu'aujourd'hui on est dans une situation complexe. Les transporteurs routiers ne peuvent pas rouler.
Q.- Alors cela ce sont les pistes. Elles vont être retenues à quel moment ? Quand est-ce qu'on sera comment on va fonctionner pour le prochain lundi de Pentecôte ?
R.- Probablement, en début de l'année prochaine. Ce que m'a proposé F. Fillon, c'est vrai pour ce rapport et c'est vrai pour d'autres que je vais mettre sur la place publique en janvier, c'est que moi je lance des pistes, j'éclaire le débat public et c'est ensuite au Premier ministre et au président de la République d'arbitrer.
Q.- Et vous avez évalué. Il y a un coût à ces différents scenarii ?
R.- Non, ce n'est pas... Enfin, on n'a pas fait une évaluation financière directe. Le coût principal ou la préoccupation principale, c'est la lisibilité : que les Français sachent clairement où l'on en est.
On va quand même se trouver, E. Besson, devant un problème, puisque aujourd'hui, on se rend bien compte par exemple pour le financement de l'APA qu'on a un vrai problème, c'est celui de la dépendance des personnes âgées. Cette journée de solidarité, à un moment deux milliards d'euros, cela ne va plus suffire. On est devant un risque qui est en train d'exploser.
R.- C'est une évidence. C'est une contribution à la lutte contre le handicap et contre la dépendance. Sinon, vous avez un problème global que le président de la République et le Premier ministre ont confié à C. Lagarde et pour partie à moi, c'est ce qu'on appelle : la revue des prélèvements obligatoires. Comment financer nos impôts et nos taxes pour l'avenir, pour être à la fois compétitifs dans un monde et dans une économie ouverte et solidaires, parce qu'on peut être compétitif et solidaire ? Nous sommes en train de travailler là-dessus.
Q.- C'est le rapport que vous rendrez au mois de janvier ?
R.- Absolument. Et que C. Lagarde en premier lieu remettra au président de la République et au Premier ministre. La question qui est posée, c'est comment font les autres ? Et si vous regardez en tendance, les autres sont en train de fiscaliser, comme on dit, le financement de la protection sociale. C'est-à-dire qu'au lieu de prélever sur les salaires, pour l'essentiel, ils prélèvent par des impôts et des taxes. Donc, c'est toute cette question, à dix ans, comment financerons-nous notre protection sociale ? Si l'on veut être généreux, il faut réfléchir à cela. C'est ce que nous allons faire.
Q.- Vous qui vous occupez de prospective, les experts disent aujourd'hui qu'il y a un risque réel de récession. Qu'en pensez-vous, vous qui travaillez notamment avec les autres pays européens, qui regardez ce qui se passe en dehors de nos frontières ?
R.- Il faut toujours être prudent, parce que les meilleurs météorologues en la matière, c'est toujours a posteriori. Donc, je prends un risque en vous disant que moi je pense que la croissance mondiale est plus solidement installée qu'on ne le croit, ne serait-ce que parce qu'elle est dopée par la croissance très forte des pays émergents qui ont une soif de rattrapage. C'est vrai pour la Chine, c'est vrai de l'Inde, c'est vrai du Brésil, c'est même vrai d'une bonne partie de l'Afrique. Il y a des bulles, bulles immobilières, bulles spéculatives etc. Mais on n'est pas du tout, comme j'ai pu le lire dimanche dernier, dans la situation pré 1929. Je crois qu'il faut raison garder, les comparaisons ne valent pas en la matière. Donc, il y a des incertitudes, personne ne peut le nier, mais les fondamentaux de la croissance mondiale sont installés.
Q.- On vous a peu vu depuis votre entrée au Gouvernement, E. Besson. Le projet de TVA social sur lequel vous avez planché au départ a été en quelque sorte enterré. Pour quelle raison êtes-vous discret ? Vous avez peur des critiques de vos ex-amis socialistes ? F. Hollande disait que vous étiez ministre de rien.
R.- Etre vu n'est pas un objectif. Vous savez, F. Hollande, il devrait faire attention à ses formules. Parce que d'abord c'est son propre fantasme. "Ministre de rien du tout", c'est ce qui risque de lui arriver pour quelqu'un qui postulait au plus grand rôle. Et là, deuxièmement, plutôt de s'occuper des ministres, il devrait s'occuper de son travail à lui. Le Parti socialiste est en train de perdre beaucoup de militants. Il y a un problème de leadership évident. Et je vais vous dire une chose, ce n'est pas très gentil pour lui, mais L. Jospin lui a laissé le Parti socialiste, il va rendre la SFIO. Pour les plus jeunes de vos auditeurs, cela veut dire un parti qui a renoncé à toute préoccupation nationale, et qui est en train d'essayer de se réfugier sur des baronnies locales. Voilà le bilan de dix ans de F. Hollande à la tête du Parti socialiste. Cela devrait l'inciter à la modestie.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 décembre 2007
R.- C'est nuancé, vous avez raison. D'un côté, il y a un vrai succès. Le succès, c'est que 2 milliards d'euros ont été mobilisés en faveur des personnes âgées, en faveur des handicapés pour des choses très concrètes : des maison de la dépendance, l'APA etc. Deuxièmement, autre succès : l'Etat n'a pas repris d'une main ce que la Journée de solidarité lui avait apporté de l'autre. Cela a bien été un argent supplémentaire. Troisième élément de succès : 9 Français sur 10 ont donné une journée, travaillent une journée de plus pour la solidarité. Ce qui peut justifier ce que vous dites, c'est un sentiment de désordre par certains côtés. Parce que pour le lundi de Pentecôte, il n'y a qu'un Français sur deux qui travaille le lundi de Pentecôte même ; les autres, les quatre autres Français sur dix le font d'autres jours dans l'année. Ce qui fait que c'est une journée un peu hybride. Vous avez des services publics qui pour l'essentiel ne fonctionnent pas, des entreprises qui travaillent pour 70 % d'entre elles, mais certaines au ralenti ; et les écoles, dans la plupart des cas n'accueillent pas les enfants. C'est cela qui donne ce sentiment de désordre et qui atténue un peu un succès, qui lui, sur le fond est réel.
Q.- Pour que le désordre ne recommence pas, si j'ose dire, en 2008, comment va-t-on faire ? Vous avez travaillé sur des pistes. Quelles sont-elles ces pistes ce matin ?
R.- Je propose à F. Fillon trois scenarii comme il m'avait demandé de le faire. Le premier scénario, c'est de dire : tout le monde travaille le lundi de Pentecôte. C'était l'idée de J.-P. Raffarin au départ. Il me semble que c'est trop tard, on ne peut pas revenir en arrière. Ce serait en plus briser des accords collectifs qui ont été signés.
Q.- Et cela avait fait un tollé à l'époque !
R.- Cela avait été...
Q.-...Plus ou moins bien accueilli, dirons-nous !
R.- Les Français étaient plus réceptifs qu'on ne le croit, mais peu importe. Je crois qu'aujourd'hui c'est trop tard pour revenir en arrière. Deuxième scénario, on dit : tous les Français doivent une journée de solidarité, sept heures par an ; mais le lundi de Pentecôte est en quelque sorte banalisé. Pourquoi pas le lundi de Pentecôte, mais pas le point d'application privilégié.
Q.- C'est-à-dire qu'on pourrait prendre cette journée un autre jour ?
R.- Absolument, ce que font déjà quatre Français sur dix. A ce moment-là, on le banalise. Mais cela suppose une modification législative, et cela suppose que les partenaires sociaux soient a minima concertés et si possible d'accord, ce qui n'est pas acquis. Le troisième scénario, c'est de dire : cela existe, on ne touche pas à l'essentiel, c'est le statu quo du point de vue législatif mais on essaie des pistes d'amélioration. Il faut, par exemple, que les parents sachent clairement si leurs enfants peuvent être accueillis à l'école ou dans des systèmes de garde collective et qu'ils le sachant bien en amont pour s'organiser.
Q.- Parce que c'était vraiment le point principal, le problème principal posé : certains parents travaillaient ; les enfants n'allaient pas à l'école ?
R.- C'est l'une des difficultés. Les enseignants n'enseignent pas et personne ne propose de revenir sur les dispositions qui leurs ont été accordées. Et en même temps, les parents qui travaillent ne savent pas ce qu'ils doivent faire exactement de leur enfant. Et dernière élément : il faut clarifier la situation du transport routier. Il faut a minima que sur les principaux axes qui ne sont pas graves sur le plan des vacances, sur le plan du trafic etc., que les transporteurs puissent rouler, parce qu'aujourd'hui on est dans une situation complexe. Les transporteurs routiers ne peuvent pas rouler.
Q.- Alors cela ce sont les pistes. Elles vont être retenues à quel moment ? Quand est-ce qu'on sera comment on va fonctionner pour le prochain lundi de Pentecôte ?
R.- Probablement, en début de l'année prochaine. Ce que m'a proposé F. Fillon, c'est vrai pour ce rapport et c'est vrai pour d'autres que je vais mettre sur la place publique en janvier, c'est que moi je lance des pistes, j'éclaire le débat public et c'est ensuite au Premier ministre et au président de la République d'arbitrer.
Q.- Et vous avez évalué. Il y a un coût à ces différents scenarii ?
R.- Non, ce n'est pas... Enfin, on n'a pas fait une évaluation financière directe. Le coût principal ou la préoccupation principale, c'est la lisibilité : que les Français sachent clairement où l'on en est.
On va quand même se trouver, E. Besson, devant un problème, puisque aujourd'hui, on se rend bien compte par exemple pour le financement de l'APA qu'on a un vrai problème, c'est celui de la dépendance des personnes âgées. Cette journée de solidarité, à un moment deux milliards d'euros, cela ne va plus suffire. On est devant un risque qui est en train d'exploser.
R.- C'est une évidence. C'est une contribution à la lutte contre le handicap et contre la dépendance. Sinon, vous avez un problème global que le président de la République et le Premier ministre ont confié à C. Lagarde et pour partie à moi, c'est ce qu'on appelle : la revue des prélèvements obligatoires. Comment financer nos impôts et nos taxes pour l'avenir, pour être à la fois compétitifs dans un monde et dans une économie ouverte et solidaires, parce qu'on peut être compétitif et solidaire ? Nous sommes en train de travailler là-dessus.
Q.- C'est le rapport que vous rendrez au mois de janvier ?
R.- Absolument. Et que C. Lagarde en premier lieu remettra au président de la République et au Premier ministre. La question qui est posée, c'est comment font les autres ? Et si vous regardez en tendance, les autres sont en train de fiscaliser, comme on dit, le financement de la protection sociale. C'est-à-dire qu'au lieu de prélever sur les salaires, pour l'essentiel, ils prélèvent par des impôts et des taxes. Donc, c'est toute cette question, à dix ans, comment financerons-nous notre protection sociale ? Si l'on veut être généreux, il faut réfléchir à cela. C'est ce que nous allons faire.
Q.- Vous qui vous occupez de prospective, les experts disent aujourd'hui qu'il y a un risque réel de récession. Qu'en pensez-vous, vous qui travaillez notamment avec les autres pays européens, qui regardez ce qui se passe en dehors de nos frontières ?
R.- Il faut toujours être prudent, parce que les meilleurs météorologues en la matière, c'est toujours a posteriori. Donc, je prends un risque en vous disant que moi je pense que la croissance mondiale est plus solidement installée qu'on ne le croit, ne serait-ce que parce qu'elle est dopée par la croissance très forte des pays émergents qui ont une soif de rattrapage. C'est vrai pour la Chine, c'est vrai de l'Inde, c'est vrai du Brésil, c'est même vrai d'une bonne partie de l'Afrique. Il y a des bulles, bulles immobilières, bulles spéculatives etc. Mais on n'est pas du tout, comme j'ai pu le lire dimanche dernier, dans la situation pré 1929. Je crois qu'il faut raison garder, les comparaisons ne valent pas en la matière. Donc, il y a des incertitudes, personne ne peut le nier, mais les fondamentaux de la croissance mondiale sont installés.
Q.- On vous a peu vu depuis votre entrée au Gouvernement, E. Besson. Le projet de TVA social sur lequel vous avez planché au départ a été en quelque sorte enterré. Pour quelle raison êtes-vous discret ? Vous avez peur des critiques de vos ex-amis socialistes ? F. Hollande disait que vous étiez ministre de rien.
R.- Etre vu n'est pas un objectif. Vous savez, F. Hollande, il devrait faire attention à ses formules. Parce que d'abord c'est son propre fantasme. "Ministre de rien du tout", c'est ce qui risque de lui arriver pour quelqu'un qui postulait au plus grand rôle. Et là, deuxièmement, plutôt de s'occuper des ministres, il devrait s'occuper de son travail à lui. Le Parti socialiste est en train de perdre beaucoup de militants. Il y a un problème de leadership évident. Et je vais vous dire une chose, ce n'est pas très gentil pour lui, mais L. Jospin lui a laissé le Parti socialiste, il va rendre la SFIO. Pour les plus jeunes de vos auditeurs, cela veut dire un parti qui a renoncé à toute préoccupation nationale, et qui est en train d'essayer de se réfugier sur des baronnies locales. Voilà le bilan de dix ans de F. Hollande à la tête du Parti socialiste. Cela devrait l'inciter à la modestie.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 décembre 2007