Texte intégral
Monsieur le Président DUCROQUET,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
C'est la première fois que j'ai l'occasion de participer à votre grand rendez-vous annuel.
Cela me permet de venir à la rencontre d'un secteur important de notre agriculture : plus de 30.000 planteurs, plus de 370.000 ha cultivés, ce qui fait de la France le numéro 1 mondial de la fabrication de sucre de betterave, et le 8ème pays pour la production de sucre (betterave + canne). La production de betterave constitue une activité essentielle dans l'économie productive de plusieurs régions.
Avant tout, permettez-moi de vous saluer, Président DUCROQUET, et de rendre hommage à votre énergie et à votre pugnacité. Votre discours direct et « battant » assure en toutes circonstances une défense énergique des enjeux du secteur.
Aujourd'hui, je vous rencontre alors que votre secteur se trouve face à plusieurs rendez-vous très importants :
- 1) c'est maintenant que se met en route véritablement la réforme de l'Organisation Commune du Marché du sucre, après deux années de discussions communautaires serrées : les mois qui viennent seront décisifs pour la configuration de l'Europe sucrière de demain ;
- 2) c'est maintenant que se dessine l'architecture de notre nouveau partenariat économique avec les pays ACP et les PMA ;
- 3) nous sommes enfin à un moment décisif pour le développement des unités de production de biocarburants, ce qui nécessite des orientations et des perspectives d'avenir claires.
Et puis, au-delà de ces rendez-vous, votre secteur est évidemment aussi directement concerné par l'ensemble des grandes discussions agricoles en cours : le Grenelle de l'environnement et le bilan de santé de la PAC.
1. Premier sujet : la réforme de l'OCM sucre et la restructuration européenne de ce secteur
Vous le savez, cette réforme, après qu'elle soit entrée en vigueur le 1er juillet 2006, a fait l'objet d'une profonde réorientation en 2007, car les objectifs d'abandon des deux premières années n'avaient pas du tout été atteints, loin de là, dans les pays les moins compétitifs.
Il a fallu reconfigurer le dispositif pour se donner les moyens d'atteindre les objectifs fixés dès le départ.
Il nous a fallu également admettre qu'en France, la restructuration était désormais nécessaire à court terme, pour se préparer à la situation du marché en 2010, et éviter alors la réduction des quotas sans indemnisation. Il reste encore dans notre pays d'importants efforts à faire pour rationaliser nos bassins betteraviers et pour conserver notre compétitivité. C'est le défi que nous devons relever.
Je sais que vous avez la lucidité et la détermination pour saisir les opportunités qu'offre le cadre réglementaire rénové afin d'accompagner, dans l'intérêt bien compris de chacun, les mutations nécessaires. Je souhaite de mon côté vous tenir un langage de vérité.
Je sais que les discussions sont déjà, à ce jour, très avancées entre planteurs et fabricants dans le cadre des consultations prévues par le règlement européen. Mes services vous accompagnent.
Je vous engage à poursuivre le dialogue interprofessionnel de manière sereine et constructive, dans un pas de temps très contraint, car tous les dossiers de restructuration doivent être déposés avant le 31 janvier prochain.
C'est au prix de cet effort que les aides dues aux fabricants et aux planteurs pourront être versées dans de bonnes conditions.
Vous avez interrogé le Gouvernement sur le traitement fiscal des aides prévues pour les planteurs dans le cadre du fonds de restructuration renforcé. Et bien, ces aides communautaires pourront rentrer dans le régime des plus-values professionnelles, et ainsi bénéficier sous certaines conditions des avantages de ce dispositif. C'est une bonne nouvelle pour la filière.
2. Deuxième sujet : le volet externe de l'ocm sucre
Vous le savez, sur ce sujet difficile où mes services et mon cabinet, comme ceux de Mme ALLIOT-MARIE, sont restés en constante et étroite relation avec vos équipes, je suis particulièrement attentif à ce que les Accords de Partenariat économique signés prochainement avec les pays africains et caribéens respectent les équilibres des filières communautaires sensibles, comme celle du sucre. C'est à mes yeux une priorité.
C'est pourquoi, alors que le Conseil des ministres de l'UE a validé le principe d'une ouverture du marché européen au sucre ACP après 2015, la France a demandé :
- que le régime d'importation transitoire à mettre en place d'ici 2015 permette de protéger la filière communautaire,
- qu'après 2015, des mesures de sauvegarde soient possibles.
J'ai obtenu de la Commissaire européenne, devant l'ensemble du Conseil des Ministres, l'assurance que les dispositions transitoires d'accès au marché européen pour le sucre ACP seront cohérentes avec l'OCM sucre. Il n'y a aucune raison de douter de la valeur de cet engagement, et vous pouvez compter sur moi pour rappeler son existence autant que nécessaire.
L'enjeu est notamment de maintenir pendant la période transitoire un prix minimum d'importation du sucre ACP qui soit le plus proche possible des prix de référence communautaires, afin de maintenir sur le marché communautaire une compétition loyale entre sucres de betterave et sucres blancs de canne.
Cet objectif devrait être également celui de Messieurs Peter MANDELSON et Louis MICHEL, dans la mesure où il est favorable au développement de nos partenaires pays ACP. Un prix minimum d'importation élevé leur offrirait des garanties de commerce stable, au lieu d'une course au dumping dommageable pour tous.
Des clauses de sauvegarde efficaces devront également figurer dans les accords afin de contrôler le volume des importations en provenance des ACP. Des progrès à ce sujet sont enregistrés dans les discussions en cours à Bruxelles.
Enfin, et c'est là une donnée essentielle, nous poursuivons des discussions serrées pour limiter les risques de détournement dans le secteur du sucre, en établissant des règles d'origine fiables, incontestables et dont le contrôle sera facilité.
La production de sucre communautaire - comme française - n'est pas et ne pourra pas devenir la variable d'ajustement de masses de sucre importées sans réel contrôle des quantités ou de l'origine, surtout pas après que nous ayons fait les efforts nécessaires pour restructurer notre secteur européen.
Cette exigence, je l'ai rappelé régulièrement à Bruxelles, avec d'autres Ministres, et je continuerai à la rappeler à chaque fois que seront abordées des questions relatives aux importations de sucre, au-delà même des accords avec les pays ACP.
Le maintien de la préférence communautaire est au coeur de notre stratégie à l'OMC. Le Président de la République rappelle souvent que nous devons obtenir des accords réciproques et équilibrés.
Sur le volet export, Monsieur le Président, laissez-moi vous rassurer : le projet de budget de l'Union européenne pour 2008, en cours d'adoption, prévoit bel et bien des restitutions pour l'exportation de sucre communautaire, à hauteur de plus de 700 millions d'euros.
Je suis conscient qu'il s'agit là d'une victoire pour une année seulement ; il faudra que nous reprenions chaque année notre bâton de pèlerin pour convaincre Bruxelles. Vous pouvez compter sur ma détermination à cet égard.
3. Troisième sujet : la question des biocarburants
Le plan biocarburants relève d'une logique de stratégie industrielle nationale, avec des effets positifs sur l'emploi, l'indépendance énergétique, l'économie de devises à travers une réduction du déficit commercial pétrolier. Ce plan, décidé par le Gouvernement en 2004 et accéléré en 2005, sera donc poursuivi.
Notre objectif, c'est 7 % de biocarburants dans les carburants en 2010.
Pour y parvenir, 53 usines ont été agréées, dont 21 nouvelles unités qui seront construites dans 14 régions, pour un investissement estimé à plus de 2 milliards d'Euros, et un total de près de 30 000 emplois créés ou maintenus dans les filières agricoles et industrielles de notre pays.
Cet objectif, il est réaliste, et compatible avec les débouchés alimentaires : 7 % de biocarburants en 2010, c'est 7 % de la surface agricole utile en 2010, soit moins que la surface agricole actuellement non utilisée. Enfin ce plan, c'est (avec 7,5 millions de tonnes de CO2 économisés) 5 % de réduction en 2010 sur les émissions de gaz à effet de serre du secteur le plus problématique du point du vue du climat, le secteur des transports.
Je souhaite que la révision de la directive sur la qualité des carburants, prévue pour le premier semestre 2008, permette de définir de nouvelles normes sur les carburants compatibles avec ces objectifs d'incorporation.
Ces filières, en phase de démarrage, doivent être soutenues. Des investissements lourds ont été réalisés : il faut en garantir la viabilité.
La défiscalisation accordée aux biocarburants se justifie pleinement en phase de constitution des capacités industrielles, afin de permettre aux biocarburants d'être compétitifs par rapport aux carburants fossiles. Je me suis battu, dans les discussions au sein du gouvernement, pour que les montants de défiscalisation accordés aux biocarburants, qui représentent un effort budgétaire tout à fait significatif, de l'ordre de 800 millions d'euros en 2008, soient maintenus à des niveaux qui ne remettent pas en cause la viabilité des investissements en cours. Avec la proposition initiale des services de Bercy, on était à moins 40 % de défiscalisation par rapport à la situation antérieure. J'ai obtenu, au sein du Gouvernement, que la baisse soit limitée à 15 %, et c'est maintenant au Parlement qu'il revient d'en arrêter les modalités.
Il est également nécessaire d'avoir au plus vite (3 à 5 ans) une démonstration industrielle des biocarburants de seconde génération. J'appuierai la constitution d'un fonds de soutien pour les projets de pilotes industriels qui devront être lancés dès 2008. Par ailleurs, je souhaite que voient le jour rapidement des démonstrateurs pour les biocarburants de seconde génération, et notamment le projet de démonstrateur FUTUROL appelé à se développer au sein du pôle de compétitivité Industrie Agro Ressources à Bazancourt dans la Marne. Je vous sais partie prenante, CGB, au financement de ce projet de pilote.
Monsieur le Président, vous avez rappelé que vous aviez demandé à mon prédécesseur, puis à moi-même, de commander un rapport sur la formation du prix de la betterave destinée à l'éthanol. J'ai accédé à votre demande, et ce travail conduit par un Inspecteur Général de l'agriculture est en cours de finalisation. Le missionnaire a réalisé une analyse économique approfondie du sujet, qui démontre notamment que les entreprises coopératives et les entreprises industrielles ne fonctionnent pas selon la même logique. L'analyse complète vous sera rapidement présentée.
4. Les grands rendez-vous de l'agriculture
- Le Grenelle
Le Grenelle de l'environnement a été un moment très important de débat démocratique. Le risque était grand - et je l'ai perçu tout de suite, en prenant mes fonctions - que l'agriculture se tienne à l'écart de ce débat, qu'elle s'enferme dans des positions strictement défensives. Mais vos représentants nationaux ont su éviter cette erreur, qui aurait conduit l'agriculture à une marginalisation totale.
L'agriculture sort renforcée des débats du Grenelle, car elle a su prendre toute sa part au débat, avec des positions fermes mais ouvertes sur la réalité des demandes sociales.
Je sais pertinemment que les planteurs de betteraves, comme l'immense majorité des agriculteurs français, n'ont pas attendu le Grenelle pour être performants agronomiquement tout en étant plus respectueux de l'environnement. Il faut continuer et même accélérer. C'est par exemple l'objectif du plan de réduction de l'usage des produits phytosanitaires d'ici 2018, plan que je proposerai au Président de la République à la fin du premier semestre 2008. Ce plan fixe des objectifs, des perspectives, permettant de mieux organiser des évolutions que les agriculteurs ont engagées depuis des années mais qui doivent être poursuivies et amplifiées.
- Le bilan de santé de la PAC
Le bilan de santé de la PAC constitue une opportunité que nous devons saisir, sans nous laisser aveugler, je vous rejoins, par la bonne conjoncture sur certains marchés agricoles. Mais il faut que nous bougions. J'ai repris l'initiative. Je vais intensifier les contacts bilatéraux avec nos partenaires européens que j'ai entamés dès mon arrivée, rue de Varenne. J'aurai rencontré, avant le début de la présidence française dans leurs pays tous les Ministres de l'agriculture.
Je veux mettre à profit la présidence française pour faire bouger les lignes : pour le bilan de santé et pour l'après 2013.
* Tout d'abord, pour le bilan de santé, j'ai 3 priorités.
Ma première priorité est de conserver des instruments efficaces pour réguler les marchés qui sont par nature instables. Je me battrai pour qu'au sein du premier pilier de la PAC, on dispose de dispositifs prenant en compte la volatilité des prix.
Ma deuxième priorité, c'est de consolider les bassins de production menacés par une libéralisation sans règles.
Ma troisième priorité, c'est une plus grande équité dans le soutien à l'agriculture. Je souhaite ouvrir rapidement le débat avec la profession sur cette question.
* Deuxième point : l'après 2013. L'ambition de la Présidence française ne s'arrêtera pas à conclure le bilan de santé. J'ouvrirai, donc, lors du Conseil Informel des Ministres de l'agriculture des 21-22 et 23 septembre prochains à Annecy, un débat d'orientation sur les perspectives de la PAC de l'après 2013. Le calendrier communautaire nous laisse du temps avant les rendez-vous budgétaires de 2010. Mais, ce débat, nous devons l'ouvrir dès à présent : en effet, l'année 2009 sera largement neutralisée avec les élections européennes et le renouvellement de la Commission européenne. Et il faut du temps pour construire une vision partagée à 27. Mon expérience de Commissaire européen me l'a enseignée et j'ai pu mesurer la vertu du dialogue pour préserver la politique régionale que certains souhaitaient abandonner. Les travaux que nous avons engagés dans le cadre des Assises vont nous permettre de construire une vision partagée pour notre politique agricole qui va servir de cadre à cet exercice majeur pour l'avenir de notre agriculture.
Conclusion
Mon emploi du temps particulièrement chargé aujourd'hui ne me permet pas de passer davantage de temps avec vous, mais je tenais toutefois à trouver un créneau pour venir vous apporter directement ces réponses.
Je vous remercie de m'avoir accueilli au milieu de votre Assemblée Générale, acceptant d'en bousculer un peu l'organisation pour me permettre de vous rejoindre.
Je vous souhaite des débats riches et constructifs cet après-midi.
Je vous remercie.
Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 décembre 2007