Interview de M. Luc Chatel, secrétaire d'Etat à la consommation et au tourisme, à "RMC" le 14 décembre 2007, sur la politique des prix et la politique en faveur du pouvoir d'achat et la défense des consommateurs.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

J.-J. Bourdin.- Regardons les prix. Ils augmentent, vous l'avez constaté vousmême, vous allez faire vos courses.

R.- Absolument.

Q.- A Chaumont, vous allez sur le marché... Vous allez sur le marché, dans les grandes surfaces ? Comment fait le citoyen L. Chatel ?

R.- Le citoyen L. Chatel il est comme monsieur et madame Tout le monde, c'est-à-dire que le samedi il va sur le marché, il va faire un tour dans les grandes surfaces, il va prendre un café, il va acheter son pain, donc il est un peu au courant des prix à la consommation.

Q.- Et il a vu les prix augmenter, le citoyen L. Chatel ?

R.- Oui, il a vu les prix augmenter, pas autant que ce qui a été annoncé par certains qui mettaient en avant les prix des industriels.

Q.- Vous parlez de qui ?

R.- Par exemple, des distributeurs qui dénoncent cette explosion de certains...

Q.-...de M.-E. Leclerc, par exemple ?

R.- Les distributeurs en général. Mais c'est vrai qu'il y a une évolution des prix, je vois la baguette à Chaumont, elle est à 0,90 euros alors qu'elle était plutôt aux alentours de 0,82, 0,83 à la fin de l'été.

Q.- Oui, M.-E. Leclerc qui dit, "si on nous autorisait à négocier librement les prix avec les industriels, les prix baisseraient"c'est vrai ça ou pas ? Alors, il ment ou il dit la vérité ?

R.- Mais il fait son métier, il est commerçant, donc il vend sa boutique. Moi, je ne suis pas commerçant, je suis secrétaire d'Etat à la Consommation et je défends donc le pouvoir d'achat de tous les Français. Et dire aux Français que aujourd'hui les distributeurs ne peuvent pas négocier les tarifs de leurs fournisseurs, ce n'est pas vrai. Quand vous avez par exemple une PME de l'agroalimentaire qui fabrique du jambon et qui vend à la grande distribution son produit, elle a un tarif qui est celui qui est le même pour tout le monde, qui est 100, mettons. Ensuite, elle discute avec les distributeurs, et puis ce tarif il devient 30 parce qu'il y a 70 de coopération commerciale, marges arrières. Donc allez dire à l'industriel qui a un tarif 100 et qui au total vend son produit 30 qu'on ne peut pas négocier aujourd'hui, ce n'est pas vrai. Alors, est-ce qu'il faut mettre plus de transparence dans ces relations ? La réponse est oui, et c'est l'objet du projet de loi que je défends aujourd'hui même au Sénat. Donc nous faisons un pas important, ce n'est pas une réformette, contrairement à ce que j'entends, puisque ce que nous proposons, c'est-à-dire la possibilité, à partir du 1er janvier prochain, dans quinze jours, aux distributeurs c'est de redonner aux consommateurs la totalité des promotions, des avantages qu'ils ont obtenu des fournisseurs. C'est quelque chose de très important. Cela s'appelle, en termes un peu barbares, le fameux "triple net". Il y a encore quelques mois, l'ensemble des acteurs nous disait, "c'est impossible à atteindre, c'est trop compliqué, ça va bouleverser les équilibres" ; on le fait au 1er janvier, donc c'est pas une réformette.

Q.- Si j'ai bien compris, M.-E. Leclerc dit que vous n'allez pas jusqu'au bout, vous n'allez pas au bout des choses, "Si vous me laissez, par exemple, dire au PDG de Danone, "tes yaourts sont trop chers, si tu veux entrer dans mes rayons, il faut revoir tes tarifs, je pourrai faire baisser les tarifs et je répercuterai cette baisse sur les consommateurs". Voilà ce dit la distribution.

R.- C'est pour ça qu'on a dit qu'on irait plus loin. On a dit qu'on irait plus loin et on va aller très vite plus loin, c'est-à-dire que nous avons prévu au mois de mars-avril, dans le cadre d'un texte sur la modernisation de l'économie, de remettre cela à plat. Mais il faut bien avoir en tête, pour nos auditeurs, que si on donne cette possibilité de la négociabilité totale des conditions générales de vente entre distributeurs et industriels, ça a des conséquences importantes. Aujourd'hui, il n'y a que cinq centrales d'achat en France alors qu'il y a de dizaines de milliers de producteurs. Donc il faut qu'on regarde en parallèle...

Q.- Donc les plus petits seront étranglés par la grande distribution, si je vous comprends bien ?

R.- En tout cas, c'est un risque qu'il faut mesurer, il faut en mesurer l'impact. Et c'est la raison pour laquelle, avec C. Lagarde, nous avons donné mission à l'ancienne présidente du Conseil de la concurrence, qui est madame M.-D. Hagelsteen, pour regarder les conséquences de la mise en oeuvre de cette négociabilité. C'est-à-dire qu'est-ce que ça donne vis-à-vis des fournisseurs de l'agro-alimentaire, de la grande distribution, les PME ; est-ce que on peut examiner des mesures, par exemple, pour raccourcir les délais de paiement, qui serait une contrepartie, est-ce qu'on doit renforcer la législation sur l'abus de position dominante ? Aujourd'hui, une PME, elle ne peut rien faire face à une entreprise de distribution qui fait 20 % de son chiffre d'affaires. Donc tout ça doit être étudié en profondeur et le Gouvernement reviendra dans quelques semaines avec des propositions de ce type.

Q.- J'ai une question simple : je me mets à la place du consommateur, est-ce que les prix vont baisser dans les semaines qui viennent ?

R.- Ce que nous allons mettre en oeuvre avec la loi que je présente aujourd'hui au Sénat va permettre aux distributeurs de les faire baisser.

Q.- Donc, si les prix ne baissent pas les distributeurs seront fautifs, si je vous comprends bien ?

R.- Si on regarde depuis deux ans où nous avons mis en oeuvre la première étape de la réforme de la loi Galland - aujourd'hui c'est la deuxièmement - eh bien cette première étape à permis de baisser les prix en moyenne, depuis deux ans, de 3,4 % - ce n'est pas négligeable quand même - dans la grande distribution. 3,4 % de baisse de prix dans la grande distribution, c'est environ...

Q.- Ce n'est pas ce que disent tous les...

R.- C'est ce que disent les instituts d'études. Ils sont indépendants et ils ont regardé les prix dans le détail dans la grande distribution. Je sais bien, ça pèse, l'agro-alimentaire, environ 15 % du budget des ménages.

Q.- Mais la Volvic, par exemple, a pris 26 % en trois ans...

R.- Mais évidemment, vous allez toujours trouver le produit qui a augmenté de 15 %.

Q.- Ce n'est pas le seul !

R.- Et puis, vous trouvez en parallèle les produits qui, eux, ont baissé. Donc on sait bien que l'indice des prix c'est compliqué à fabriquer. Actuellement, on est à 2,4 % sur une année glissante, ce sont les chiffres d'hier, donc c'est en légère augmentation par rapport à il y a quelques mois. Cela reste un des chiffres les plus bas des dernières années, voilà. Maintenant, le problème des prix c'est un vrai sujet que le Gouvernement prend à bras-le-corps, et c'est la raison pour laquelle le texte que je présente aujourd'hui veut mettre plus de concurrence dans la grande distribution.

Q.- Donc, vous vous engagez, vous dites aux consommateurs que les prix vont baisser dans les semaines et les mois qui viennent ?

R.- Je dis en tout cas qu'on va donner les moyens aux distributeurs et aux producteurs...

Q.-...de faire baisser les prix ?

R.- En mettant de la transparence et de la concurrence dans leurs relations commerciales, de les faire baisser. Ils ne pourront plus nous dire, "à cause de vous, on ne peut pas faire baisser les prix".

Q.- Donc, la balle est dans leur camp ?

R.- Elle sera dans leur camp à partir du 1er janvier.

Q.- A eux de faire baisser les prix, si les prix ne baissent pas, ils seront responsables, c'est ce que vous leur dites ?

R.- Je leur dis qu'ils auront les moyens de le faire.

Q.- Donc qu'ils seront responsables, disons les choses clairement. Passons à la téléphonie mobile, regardons parce que j'ai vu le Sénat qui, tout à coup, voulait supprimer l'article instaurant la gratuité du temps d'attente lors des appels aux services d'assistance téléphonique. Qu'est-ce que c'est que ça ?!

R.- Oui, il l'a supprimé cette nuit.

Q.- Il l'a supprimé !

Oui, pour la raison suivante : dans le texte que je défends, nous avons mis en place à la fois la gratuité du temps d'attente et la non surtaxation des appels pour un secteur particulier, qui est celui qui concentre toutes les plaintes des consommateurs, qui est celui de la téléphonie, des communications électroniques, d'Internet. Aujourd'hui, vous avez des problèmes avec votre fournisseur d'accès à Internet, il est en panne, vous appelez la hotline, on vous surtaxe. Donc on vous fait payer deux fois quelque part, vous n'avez pas votre service et en plus vous devez payer l'appel pour dépanner. Donc ça, c'est dans le texte, le fait qu'on remette à zéro. A l'Assemblée nationale, un amendement avait été adopté et il proposait d'étendre la gratuité à tout. Alors, évidemment, c'est très tentant la gratuité, le fait que tout soit gratuit, mais vous savez bien que dans la vie, tout n'est pas gratuit. Si cet amendement avait adopté, on estime que sa mise en oeuvre aurait coûté environ 250 millions d'euros. Alors, il aurait bien fallu le répercuter sur certaines prestations de services.

Q.- 250 millions d'euros qui auraient bénéficié aux consommateurs, quand même...

R.- Non, parce qu'il aurait bien fallu qu'ils le paient.

Q.- Oui, enfin les opérateurs téléphoniques ont les moyens de les payer, peut-être, ces 250 millions d'euros !

R.- En l'occurrence, là, ce ne sont pas les opérateurs de téléphonie puisque eux sont concernés par mon projet de loi. Donc je vous prends un exemple très concret, si cet amendement avait été maintenu, et les sénateurs ne l'ont pas voulu ainsi, des services comme la météo, comme le central de réservation d'un taxi ou la SNCF, ils auraient pu disparaître parce que ce sont des services qui aujourd'hui n'ont pas de contrat, vous n'avez pas un contrat avec la météo...

Q.- Oui, je comprends. Mais soyons concrets......

R.- Je pense que l'on est !

Q.- Je sais qu'avec vous on peut. J'appelle un service d'assistance téléphonique, j'appelle, on me met en attente, est-ce que je vais payer ou pas ce temps d'attente ?

R.- Non, vous n'allez plus payer avec cette loi...

Q.- Terminé ?

R.- Vous n'allez plus payer le temps d'attente et vous n'aurez pas un appel surtaxé, c'est-à-dire que on vous fera payer la communication locale.

Q.- Uniquement la communication locale ?

R.- Uniquement la communication locale.

Q.- Sur la téléphonie mobile, supprimer les forfaits de téléphonie mobile de 24 mois, vous n'y êtes pas parvenu.

R.- Non. On a beaucoup entendu les uns et les autres...

Q.- Pourtant, je sais que vouliez.

R.- Oui, je voulais mais je dois dire que je me suis rangé à l'avis des parlementaires. Vous savez, c'est un sujet très compliqué. En gros, ce qu'on veut, pour expliquer à nos auditeurs et téléspectateurs, c'est permettre au consommateur de changer plus facilement d'opérateur. Aujourd'hui, on propose au consommateur un terminal, un portable gratuit, au moment de Noël, il y a des offres intéressantes, mais en contrepartie, on vous dit, "vous signez-là pour 24 mois". Et résultat, au bout d'en moyenne 16 ou 17 mois qui est la durée où l'on veut changer de portable, le mobile, eh bien on ne peut pas parce qu'on a encore un contrat de 7 ou 8 mois. Donc on a donné la possibilité au consommateur, à partir du 13ème mois, et ce sera discuté ce matin au Sénat, de sortir plus facilement, de lui donner la possibilité de quitter son opérateur en ayant...

Q.- On paiera encore, quand même, cinq ou six mois c'est ça ?

R.- D'abord, deux mesures. Première mesure, quand vous aurez une offre de 24 mois, obligatoirement l'opérateur devra vous fournir l'équivalent en 12 mois, donc le consommateur pourra choisir librement en disant, "voilà, je ne suis pas ficelé, je peux faire autrement". Et deuxièmement, à partir du 13ème mois, il pourra quitter son opérateur, même s'il a signé pour 24 mois en contrepartie de versement, d'un dédit qui, vu le texte sorti de l'Assemblée nationale, me semble trop élevé, et donc j'ai compris que les sénateurs, ce matin, voulaient abaisser ce montant.

Q.- A combien ?

Les sénateurs voudraient l'abaisser à un quart du montant du forfait restant. C'est-à-dire à partir du 13ème mois, sur un forfait qui coûte environ 30 euros/mois, il reste 360 euros à payer, donc un tiers du forfait, c'est trop élevé, ça fait 100 euros à partir du 13ème mois, les sénateurs veulent l'abaisser à un quart. Mais il faut bien avoir en tête que les consommateurs...

Q.- Vous êtes d'accord ?

R.- Moi, j'y suis favorable parce qu'il faut abaisser au maximum ce montant. Pour que les consommateurs soient tentés de faire jouer la concurrence.

Q.- Mais c'est dommage qu'on ne soit pas allé au bout. Vous le regrettez quand même ?

R.- Non, parce que nous avons constaté un effet pervers de l'interdiction des contrats au-dessus de 12 mois, c'est qu'aujourd'hui tous les contrats de 24 mois sont moins chers que les contrats de 12 mois, donc si on était passé à la généralisation des contrats à 12 mois, on aurait une augmentation...

Q.- Mais on pouvait proposer un contrat de 24 mois et donner la possibilité au client de quitter l'opérateur au bout de 12 mois.

R.- Ça, ça veut dire que vous avez des contrats de 12 mois !

Q.- Oui, c'est vrai, sauf, si on offre des contrats de 24 mois moins chers.

R.- Oui, mais c'est le cas aujourd'hui.

Q.- Dans tous les cas, c'est dommage qu'on ne soit pas allé au bout.

R.- Mais là, je pense qu'on cumule les avantages des deux formules.

Q.- Vous n'avez pas fini le combat ?

R.- C'est un combat permanent sur ce sujet. Mais je pense que dans ce texte entre la résiliation obligatoire en dix jours, la gratuité du temps d'attente des hotlines, la non surtaxation des appels, la possibilité de changer plus facilement d'opérateur, là c'est du concret. Le Gouvernement agit pour les sujets qui touchent la vie quotidienne des Français.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 décembre 2007