Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur le mécénat culturel, Paris le 22 novembre 2006.

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Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil supérieur de l'Ordre des Experts-comptables, Cher Jean-Pierre Alix,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Je suis très heureux de vous accueillir au ministère de la Culture et de la Communication, pour marquer une première, qui est une étape importante dans le développement du mécénat en France : la signature d'un protocole national pour le développement du mécénat culturel entre le ministère de la Culture et de la Communication et le Conseil supérieur de l'Ordre des Experts-Comptables, dont je tiens à saluer le Président, M. Jean-Pierre Alix.
Avec l'Ordre des Experts-Comptables, le ministère de la Culture et de la Communication partage en effet l'idée que le développement économique de nos régions, que l'attractivité de nos territoires, est indissociable de la valorisation de leur patrimoine culturel. Nous devons donc nous mobiliser, afin d'encourager les initiatives des entreprises, des élus locaux et de nos concitoyens qui vont en ce sens, et de mettre en oeuvre les solutions juridiques et fiscales adaptées.
Dans ce contexte, j'ai souhaité renforcer nos liens, sur le terrain, avec le Conseil Supérieur de l'Ordre des experts-comptables et ses Conseils Régionaux qui peuvent, dans leur champ d'intervention, développer les actions de partenariat, notamment en sensibilisant les experts-comptables, les chefs d'entreprises, les élus, les responsables associatifs et les particuliers.
La signature de ce protocole, qui s'inscrit dans le droit fil des collaborations que j'ai engagées l'an dernier avec l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, et avec le Conseil supérieur du notariat, ainsi que de l'ouverture, des échanges réciproques, du dialogue constant que j'ai voulu stimuler entre le monde de l'économie et le monde de la culture, vise donc à donner à l'Ordre des Experts-Comptables sur l'ensemble de notre territoire un véritable rôle de médiation en matière de mécénat culturel, en mettant l'accent sur quatre actions prioritaires :
- la désignation d'un " correspondant mécénat " au sein de chaque Conseil régional de l'Ordre ;
- la diffusion, auprès des chefs d'entreprises, des élus, des responsables associatifs et des particuliers, des dispositions de la loi du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et au fondations, et des avantages du mécénat culturel ;
- la dynamisation des contacts entre les Conseils régionaux de l'Ordre des Experts-Comptables et le milieu culturel de leur territoire, et la mutualisation des meilleures expériences ;
- la mise en place d'actions de tutorat et d'accompagnement des institutions culturelles, afin de développer et de faire connaître le mécénat.
M. le président Jean-Pierre Alix et moi-même souhaitons que ce protocole national inspire des conventions entre les services culturels déconcentrés de l'Etat et les Conseils Régionaux de l'Ordre des Experts-Comptables. Ce sera bientôt le cas, et je m'en réjouis, en Ile-de-France, et dans la région Centre.
La culture, vous le savez, est, pour notre pays, à la fois une richesse essentielle, un enjeu économique de première importance et un atout déterminant du rayonnement international de la France. Elle est donc de notre responsabilité, à tous. C'est tous ensemble - pouvoirs publics, élus locaux, responsables économiques et culturels, entreprises et particuliers - que nous devons travailler à la sauvegarde et à la mise en valeur de notre patrimoine, encourager la création artistique contemporaine, soutenir la diffusion du spectacle vivant, favoriser enfin l'accès de tous aux oeuvres de l'esprit.
La loi du 1er août 2003, par les avantages fiscaux consentis au bénéfice des entreprises mécènes, nous donne pour cela des moyens nouveaux. Bien loin d'un désengagement de l'Etat, - j'en veux pour preuves les récentes mesures en faveur du patrimoine et l'augmentation significative du budget du Ministère de la Culture et de la Communication, depuis trois ans et particulièrement dans le cadre de la loi de finances pour 2007 -, il s'agit d'un appel au partenariat et à la complémentarité pour permettre à de nouveaux projets culturels de se développer.
La loi de 2003, que j'ai à coeur de mettre en oeuvre et de mieux faire connaître, introduit des mesures fiscales très incitatives, qui s'appliquent tant aux dons des particuliers qu'à ceux des entreprises : dans le droit commun, pour les particuliers, une réduction de 66 % du montant du don plafonnée à 20 % du revenu imposable. Pour les entreprises, une réduction de 60 % plafonnée à 0,5 % du chiffre d'affaire, avec la possibilité, en cas de dépassement de ce seuil, d'un étalement sur les cinq exercices suivants, ce qui représente, notons-le, par rapport au régime antérieur, un quasi-doublement de l'aide fiscale.
S' y ajoutent, pour le mécénat d'entreprise en faveur de la culture, des dispositions particulières :
- pour l'acquisition, par les entreprises, d'oeuvres d'art contemporain, mais aussi d'instruments de musique destinés à être prêtés à des artistes interprètes professionnels, ou à des étudiants des conservatoires nationaux et d'écoles et conservatoires de musique au niveau du IIIe cycle ;
- enfin, pour l'acquisition de trésors nationaux et d'oeuvres reconnues d'intérêt patrimonial majeur : dans ce cas, la réduction sur l'impôt sur les sociétés est de 90 % du don, plafonnée à 50 % de l'impôt dû, si l'entreprise acquiert un tel bien culturel pour une collection publique. Cette réduction est de 40 % si l'entreprise acquiert ce bien pour elle-même. Comparez le coût réel d'achat d'un trésor national pour votre entreprise et un budget de communication, pour arriver au même résultat d'images ! Cette mesure connaît d'ailleurs un succès exceptionnel, non seulement auprès des grands groupes, mais aussi de certaines PME. Je m'attache à ce qu'elle ne bénéficie pas exclusivement aux grandes collections nationales, mais aussi aux établissements territoriaux.
Ce cadre juridique et fiscal n'est pas figé. Les conditions d'exposition des oeuvres originales d'artistes vivants acquises par des entreprises ont ainsi été considérablement assouplies l'an dernier. Tout récemment, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2007, j'ai moi-même proposé une mesure qui permettrait aux monuments historiques privés, qui sont plus de 20600 en France, soit à peu près la moitié de notre patrimoine protégé, de bénéficier du mécénat des entreprises et des particuliers, par l'intermédiaire d'organismes habilités, et sous réserve, bien évidemment, de conditions d'accessibilité au public afin que l'intérêt général, qui est au coeur de la législation sur le mécénat, soit respecté.
Cette législation, l'une des plus incitatives au monde, connaît un succès croissant. Au-delà des avantages fiscaux qu'elle propose et qui demeurent insuffisamment connus, elle a créé un climat favorable à un engagement croissant de la société civile en faveur des causes d'intérêt général, et à un rapprochement des acteurs économiques et des responsables culturels. Après les grands groupes dont l'action a été pionnière, le soutien apporté par un nombre croissant de petites et moyennes entreprises à des projets et des organismes culturels à travers tout le territoire témoigne de cette évolution.
En 2002, moins de 2000 entreprises pratiquaient le mécénat en France, et le montant de leurs dons représentait seulement 0,09 % du PIB contre 2,1 % aux Etats-Unis ; or, elles étaient en 2005 plus de 6500 à bénéficier de la loi d'août 2003.
De même, le rôle des fondations dans notre pays est maintenant renforcé grâce à l'amélioration de leur fiscalité, à la simplification et à l'allègement des proc??dures, comme à la réduction des délais relatifs à leur constitution. Les fondations d'entreprise, dont le statut particulièrement souple remonte à une loi de juillet 1990, connaissent un essor remarquable. Depuis 2003, près d'une centaine de fondations ont été créées par des entreprises, sur un total d'un peu plus de 210.
Quant au mécénat des particuliers, il est passé d'un peu plus d'un milliard d'euros en 2001 à près de 1,6 milliards d'euros en 2005, soit une progression de plus de cent millions d'euros par an.
Si ces données concernent l'ensemble des causes d'intérêt général, la culture est, à l'instar de la solidarité, un domaine privilégié d'intervention du mécénat. La culture est créatrice de richesse et d'emplois, elle participe à l'attractivité des territoires, comme à la cohésion de notre société, elle est un sujet de fierté pour tous ceux, entreprises, particuliers et pouvoirs publics, qui en soutiennent le développement. Je souhaite que nous puissions ensemble oeuvrer à cette révolution des mentalités que l'application de notre législation sur le mécénat rend aujourd'hui possible : telle est l'ambition du protocole national pour le développement culturel que j'ai l'honneur et le plaisir de signer aujourd'hui avec le président Jean-Pierre Alix.
Je vous remercie.
http://www.culture.gouv.fr, le 4 décembre 2006