Déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de l'écologie, sur l'expédition scientifique prévue par Jean-Louis Etienne pour mesurer l'épaisseur de la banquise afin d'évaluer le réchauffement climatique, Marseille le 12 octobre 2007.

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Circonstance : Cérémonie de baptême du dirigeable de Jean-Louis Etienne, à Marseille (Bouches-du-Rhône), le 12 octobre 2007

Texte intégral

Cher Jean-Louis Etienne,
Comme je suis heureuse d'être aujourd'hui parmi vous à l'occasion de la cérémonie de baptême de ce si beau dirigeable ! Et comme je suis honorée que vous m'ayez choisie pour marraine de ce bel aéronef, qui va glisser, nuage parmi les nuages, au-dessus de la banquise !
Je me souviens de cette soirée magique, il y a presque un an, où vous nous aviez fait l'amitié de venir à Villebon-sur-Yvette partager avec le Prof. Jean JOUZEL et l'assistance, venue si nombreuse, votre inquiétude pour la planète. Ce soir là, la science prenait tout à coup des accents familiers. Ce soir là, dans le dialogue amical et rigoureux entre le scientifique et l'explorateur, on voyait tout à coup ce qui n'est le plus souvent que chiffres, tableaux ou graphiques dramatiquement ascendants prendre les couleurs vives de la réalité et des différents visages de notre planète, y compris les plus extrêmes. Et ces graphiques qui s'animaient, ce n'était pas seulement la traduction d'une volonté pédagogique, si talentueuse soit-elle, de faire comprendre au grand public ce que cela signifie quand on dit que « nous ne pouvons pas continuer ainsi » - et je pense bien sûr en disant cela à l'image de l'ancien Vice-Président américain Al GORE sur son élévateur mécanique, montant jusqu'au plafond d'une grande salle des conférences pour pointer du doigt le haut de la courbe des émissions de CO2 à l'horizon 2050. Cette mise en mouvement des données de la science, c'est une aventure humaine, qui vous touche droit au coeur, c'est l'image d'un aventurier des pôles qui vient de passer à travers la banquise et qui se débat dans l'eau glacée pour sauver sa vie.
Vous en avez connu, cher Jean-Louis Etienne, de ces moments d'héroïsme pur où l'on sait que l'on peut tout perdre, vous qui avez été le premier homme à avoir atteint le pôle Nord à pied en solitaire au terme d'une marche de soixante-trois jours en 1986. Vous en avez vus, des hommes emportés par l'extrême, vos amis, vos compagnons, les Eric Tabarly, les Amundsen, les Shackleton. Vous représentez bien ce supplément d'âme dont certains déplorent le manque dans notre époque, vous qui éprouvez une certaine envie pour les explorations intellectuelles en physique et en mathématique d'un Albert Einstein, ces « grands voyages immobiles » pour reprendre les mots qui sont les vôtres.
Vous vous apprêtez donc à reprendre le large, à larguer les amarres, à bord de cet aéronef qui va reprendre ce chemin du Pôle que vous connaissez si bien. Et il ne s'agit pas là de l'une de ces courses de l'extrême dans lesquelles les protagonistes veulent occuper les premiers une terre encore vierge dont ils voudraient bien exploiter les ressources. Non, votre expédition, elle, a bien une vocation scientifique. Il s'agit pour vous de compléter notre connaissance du réchauffement climatique en mesurant l'épaisseur de la banquise, cette banquise qui est en train de disparaître, à raison de 8% de sa surface par décade ces trente dernières années, et que nous connaissons si peu.
Bien sûr, vous ne nous apporterez pas seulement de précieuses informations scientifiques. Car ce que vous nous offrez, c'est aussi une part de rêve. Et je voudrais tout simplement mentionner ici le nom de l'instrument élaboré par les ingénieurs de l'institut polaire allemand Alfred Wegener et qui sera accroché sous votre dirigeable à une vingtaine de mètres au dessus de la glace pour en enregistrer l'épaisseur : EM-bird ou oiseau Electro-Magnétique. Tout est dit. Puisse ce petit oiseau revenir vers nous avec une autre nouvelle que l'imminence d'un déluge dont nous serons, si rien n'est fait, grandement responsables.
Ce n'est donc pas Jules Verne et ses Cinq semaines en ballon que je voudrais évoquer ici. Votre expédition n'a rien à voir avec ces voyages de l'époque coloniale, où l'on se donnait du frisson en partant à la rencontre de l'inconnu, et dans lesquels l'extension du champ de la connaissance avait bien souvent malheureusement pour corollaire la disparition des cultures et des pratiques que l'on cherchait à documenter. C'est bien plutôt Jack London ou Jean Malaurie qui me viennent à l'esprit, qui tous deux, chacun à sa façon, ont contribué à l'émergence d'une conscience globale des périls qui menacent l'équilibre des écosystèmes humains.
C'est donc sous le regard complice de Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II de MONACO, un autre aventurier des pôles, que je vous dis « à très bientôt ». Et souvenez-vous de la promesse que vous nous aviez faite, à Villebon, de revenir pour une autre de ces soirées magiques. Car comme le dit cette chanson de Maxime Le Forestier que vous affectionnez tant :
« Ce soir à la brune / Nous irons, ma brune / Cueillir des serments ».
source http://www.ecologie.gouv.fr, le 19 octobre 2007