Texte intégral
Il y a deux semaines, j'ai reçu José Maria Aznar en ami, et aujourd'hui, cher Mariano Rajoy, l'UMP te reçoit comme l'un des siens.
Je veux te dire, cher Mariano, que tous nos voeux t'accompagnent pour les élections législatives du mois de mars.
Mes chers amis,
Les années passent et le débat européen se déplace.
Hier, la question récurrente était : comment faire l'Europe ?
Aujourd'hui, on nous demande plutôt : l'Europe, pour quoi faire ?
Comment faire l'Europe ? La question se pose de moins en moins. Soixante ans d'histoire se sont chargés d'y répondre - par bonds, par soubresauts, mais enfin, de telle manière qu'une Europe existe, solidement établie, et qu'il nous faut composer pour l'essentiel avec sa physionomie, son passé et ses traditions.
La génération de Jean Monnet et de Robert Schuman se demandait comment construire l'Europe. La nôtre se demande, l'Europe, pourquoi faire ?
Et pour répondre à cette question, je ne connais pas de meilleure façon que de rappeler d'où nous venons.
Notre continent était hier le foyer de toutes les intolérances idéologiques, religieuses, ultranationalistes : l'Europe en s'érigeant y a installé la paix.
Notre continent était le creuset de crises graves, de protectionnismes sévères : l'Europe, par l'intégration économique et monétaire, y a réalisé les conditions d'une prospérité durable.
Je crois que si je racontais cette histoire aux plus jeunes de mes enfants, ils me demanderaient : et maintenant ?
Et maintenant, je répondrais qu'avec le Traité de Lisbonne, nous sommes à deux doigts d'une liberté et d'un pouvoir renouvelés : ceux qui consistent à pouvoir projeter dans la réalité nos ambitions et nos projets.
La sécurité commune, en matière de défense, en matière aussi de justice, que nous appelons de nos voeux depuis des années ? Le Traité la rend possible.
La politique commune de l'immigration que nous réclamons ? Le Traité la prévoit.
La politique énergétique que nous savons indispensable ? Le Traité la permet.
Avec le Traité de Lisbonne, nous aurons une Europe qui marche, et qui pourra enfin se mettre au service de nos priorités politiques.
Je vous parle du pouvoir d'agir enfin, et, en vous disant cela, je me souviens...
29 mai 2005 : 54,68% des votants français refusent le projet de Constitution européenne. A partir de là, tout se grippe.
Tout se grippe en France, parce que d'une analyse confuse du scrutin découle une conclusion paralysante : le « non » au referendum cache un « non » à l'Europe !
Voilà la France coupée en deux, une fois de plus.
D'un côté la France du « non », de l'autre la France du « oui ».
A partir de là, il était naturel que tout se grippe en Europe.
Depuis soixante ans, la France avait fait de l'Europe le réceptacle de ses projets. Elle lui avait insufflé ses espoirs. Bien souvent, elle lui communiquait ses initiatives les plus riches.
Elle voulait en rester l'avant-garde.
Et voilà que tout à coup, elle trébuchait.
Symboliquement, le message était désastreux.
Et politiquement, la perspective était sombre : rejeter le projet de Constitution, c'était, automatiquement, prolonger l'enlisement de l'Europe. C'était perpétuer les modes de fonctionnements qui la ralentissaient...
L'élargissement aidant, c'était la condamner à la paralysie.
Ah l'élargissement ! Cette entreprise historique, rêvée par le Général de Gaulle et concrétisée sans un coup de feu, par la seule force d'attraction d'une Union Européenne appelée à rénover ses institutions, et qui, au moment de passer le cap, s'immobilise.
Blocage en France, blocage en Europe.
Comment sommes-nous sortis de l'impasse ?
Nous en sommes sortis grâce à Nicolas SARKOZY et à ses engagements de campagne - c'est-à-dire grâce à votre confiance.
Nous en sommes sortis parce que le Président de la République s'est engagé, s'il était élu, à rassembler nos points d'accord, au lieu d'exploiter nos divisions.
Nicolas SARKOZY a compris que les Français, s'ils défendaient différentes visions de l'Europe, partageaient le même désir de la voir avancer.
Il a promis de négocier dans les meilleurs délais, au nom de la France, un Traité plus simple ; un Traité qui prenne acte des inquiétudes exprimées par le « non » majoritaire, tout en concrétisant les avancées institutionnelles indispensables.
Et il a promis de faire valider dans les meilleurs délais ce Traité par le Parlement.
Pourquoi dans les meilleurs délais ?
Parce qu'en reprenant l'initiative en France, le Président de la République permettait à la France de reprendre l'initiative en Europe.
Le 4 février prochain, avec le vote de la loi constitutionnelle par le Congrès, nous aurons retrouvé notre rôle moteur !
Mes amis,
Il y a quelques années, j'ai pris position contre le Traité de Maastricht.
J'ai exprimé mes réserves devant un projet qui dessinait une Europe asymétrique - dotée d'une véritable force d'intégration économique, et dépourvue de la capacité de gouvernance correspondante.
Je n'ai pas le sentiment de m'être entièrement trompé sur ce point.
Mon soutien au Traité de Lisbonne est d'autant plus entier.
J'ai autrefois partagé certaines des craintes françaises. Je vois aujourd'hui que le Traité de Lisbonne peut les éteindre.
. Sur le plan institutionnel, tout d'abord. Le texte nouveau répond aux inquiétudes de nos concitoyens.
La notion de « Constitution » s'efface, pour placer le Traité de Lisbonne sur le même plan que les Traités existants.
La concurrence libre et non faussée, élevée par le texte de 2005 au rang d'objectif de l'Union, redevient un simple moyen de son dynamisme.
Le rôle des parlements nationaux se trouve renforcé par un véritable contrôle de subsidiarité sur les propositions de la Commission.
Le rôle des autorités nationales, régionales et locales dans l'organisation des services publics se voit désormais garanti.
Quand je regarde cette liste de modifications, non, je n'ai pas le sentiment que le Traité de Lisbonne soit une Constitution maquillée. J'ai plutôt le sentiment que nous avons un Président qui entend les Français, et qui, quand il discute avec nos partenaires, va au bout de ses promesses et de ses convictions !
. C'est pourquoi je crois que le Traité de Lisbonne va véritablement remettre l'Europe en marche.
Les Français n'ont rien contre l'Europe qui invente, qui agit, qui accumule les résultats.
Ce que les Français redoutent, c'est l'inverse : c'est l'Europe immobile, hors d'haleine, étouffée par ses pesanteurs.
La règle de l'unanimité, c'était les sables mouvants où l'action européenne n'en finissait pas de s'enfoncer.
Le Traité lui rend cette liberté d'action.
Il élargit le champ de la majorité qualifiée, pour minimiser les occasions de blocage.
Il interdit que dans l'Europe des 27, si complexe, un Etat puisse prendre en otage le jeu démocratique.
Il prévoit l'élection d'un président du Conseil européen ; la nomination d'un Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, doté de moyens conséquents.
Il renforce les pouvoirs du Parlement européen.
Il conforte - et je reprends ici les mots de Mariano RAJOY - la double légitimité de l'Europe, union d'Etats, et union de citoyens.
Oui, grâce à cette légitimité d'action, nos priorités politiques vont pouvoir être défendues, et mises en oeuvre.
Le Traité de Lisbonne affronte ces dossiers fondamentaux, dont les Français exigent l'étude, et dont le règlement s'envisage à l'échelle européenne :
- une politique de l'énergie conduite entre Etats solidaires, et axée sur la pérennité des approvisionnements ;
- une politique économique mieux coordonnée, notamment par l'institutionnalisation de l'Eurogroupe ;
- une politique de l'immigration - légale et illégale - mieux définie ;
- une politique de sécurité plus efficace avec les moyens accordés à Eurojust ;
- une politique sociale plus respectueuse avec la reconnaissance du rôle des partenaires sociaux et des pratiques sociales de chaque pays ;
- et enfin, une politique qui s'appuyant sur la charte des Droits fondamentaux, confirme la vocation de l'Union à rester un espace de liberté et de justice.
J'ai rappelé que l'Europe était, pour la France, porteuse de grands rêves.
Hier, un rêve de paix.
Aujourd'hui, un rêve de société - cette société plus juste, plus inventive, plus prospère que nous désirons tous et qui demain peut devenir réalité.
Oui, nous avons un rêve de société pour l'Europe.
C'est un rêve qui vient de loin.
C'est le rêve humaniste qu'autorisent mille ans de culture universitaire, scientifique et philosophique partagée.
Le rêve de tolérance et de justice inspiré par l'élaboration patiente du Droit européen.
Le rêve de connaissance et de progrès nourri par les académies du grand siècle, les sociétés savantes des Lumières, les laboratoires européens de recherche.
Le rêve de fraternité qu'encouragent nos cultures parentes.
Pour tout dire, le rêve d'une civilisation originale équilibrant les forces des continents américain, chinois et indien. Une civilisation sachant protéger clairement ses intérêts, mais sachant aussi se faire l'interprète d'un monde mieux équilibré et plus équitable.
On nous a expliqué, mers chers amis, qu'il existait deux France - une France du « oui », et une France du « non ».
La vérité, c'est qu'il n'existe qu'une seule France, qu'elle veut prendre sa part de ce rêve, et qu'elle possède, avec le Traité de Lisbonne, une chance de le concrétiser.
Devant cette relance de l'ambition européenne, on comprend mal la stratégie des socialistes.
On comprend mal l'attitude d'un grand parti qui se veut responsable, qui se dit europhile, et qui, au moment de donner sa chance à l'Europe, se dérobe au vote.
A l'occasion du Congrès, Mesdames et messieurs, les représentants socialistes de la nation se rendront à Versailles pour ne pas prendre part au scrutin.
Ceux qui sont incapables de se prononcer sur l'Europe sont ils capables de dire ce qu'ils veulent pour la France ?
J'en doute.
9 mois après sa défaite, la gauche n'a toujours pas engagé sa rénovation intellectuelle et politique.
Alors bien sûr, on peut leur chercher des excuses ; invoquer l'absence d'une direction véritable ; relever le caractère hétéroclite de la coalition des « nonistes » ; prétexter la tenue d'un nouveau référendum... Que sais je encore !
Mais enfin, l'Europe ne mérite pas d'être l'otage de ces cuisines internes.
Elle vaut mieux que toutes ces tactiques partisanes.
L'avenir de l'Union européenne se pose, et le Parti socialiste est aux abonnés absents. C'est une faute.
D'autres sont, heureusement, présents au rendez-vous.
En Europe, c'est le Parlement hongrois qui a été le premier à ratifier le Traité de Lisbonne. La majorité ? Elle appartient au Parti Socialiste Hongrois.
Les sociaux-démocrates du chancelier autrichien Gusenbauer.
Les sociaux démocrates lithuaniens du Premier ministre Kirkilas
Les travaillistes anglais de Gordon Brown.
Les sociaux démocrates slovènes dont le parlement vient de ratifier le traité hier.
Le Parti Socialiste bulgare de M. Stanichev.
Le Parti Socialiste portugais de M. Jose Socrates.
Le Parti Socialise espagnol de M. José Luis Rodriguez Zapatero.
Tous ces partis de gauche sont engagés dans la ratification d'un texte négocié à 27, et dans lequel résident les espoirs de 495 millions d'habitants.
Alors, mes chers amis, nous ferons sans les socialistes.
Je le regrette car le sort de l'Union européenne mériterait d'être conforté par notre unité nationale.
Nous allons prendre nos responsabilités pour l'Europe, comme nous les prenons depuis neuf mois pour la France.
La France que nous avons, avec Nicolas Sarkozy, commencé à réformer.
La France que nous allons moderniser.
La France que nous allons redresser, car c'est le mandat que vous nous avez fixé et parce que l'intérêt national dicte notre conduite.Source http://www.u-m-p.org, le 31 janvier 2008