Déclaration conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, Gordon Brown, Premier ministre du Royaume-Uni, Romano Prodi, Président du Conseil des Ministres de la République italienne, José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, et de Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, sur la situation économique internationale, la régulation du système financier et le rôle des institutions financières internationales, à Londres le 29 janvier 2008.

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Intervenant(s) : 

Auteur(s) moral(aux) : Présidence de la République

Circonstance : Déplacement à Londres, dîner avec Mme Angela Merkel, MM. Gordon Brown, Romano Prodi, José Manuel Barroso, sur le thème des questions économiques et financières européennes et internationales, le 29 janvier 2008

Texte intégral


L'économie mondiale
L'économie mondiale a connu une période de croissance stable et soutenue. Cependant, de récentes turbulences financières ont augmenté les risques pour 2008. Les fondamentaux des économies européennes restent solides, avec l'emploi qui continue à augmenter. Elles sont donc bien positionnées pour faire face aux défis engendrés par une incertitude mondiale accrue. En tant que leaders des principales économies européennes, nous restons engagés à coopérer étroitement pour maintenir la stabilité économique et renforcer et approfondir les réformes économiques. En ces moments d'incertitude, nous avons besoin de signaler notre engagement envers une économie mondiale ouverte. Un accord ambitieux et équilibré sur le Cycle de Doha, dans lequel nous sommes engagés, est essentiel à cela.
Les marchés financiers
Les marchés financiers ont globalement souffert d'une période prolongée de turbulences déclenchée par la crise des "subprimes" aux Etats-Unis qui a touché les autres marchés financiers. Une prompte action coordonnée a permis d'atténuer les problèmes les plus urgents, bien qu'il faille rester prudent.
Dans ce contexte, nous soutenons pleinement l'appel à l'action de la déclaration conjointe du 19 octobre. Nous sommes impatients de discuter des résultats du travail actuellement en cours au Forum sur la stabilité financière (FSF) et de débattre lors du Conseil européen du Printemps du travail de l'Ecofin pour examiner les causes et la réponse appropriée aux récentes turbulences des marchés financiers.
En vue de développer une réponse à plus long terme, trois principes doivent nous guider :
- premièrement, la responsabilité fondamentale pour la gestion des risques est et doit rester du ressort des institutions financières individuelles et des investisseurs.
- Deuxièmement, ceci doit être soutenu par des structures nationales de contrôle et de surveillance renforcées.
- Troisièmement, les autorités de contrôle dans les différents pays doivent coopérer et échanger des informations de manière efficace au sein de l'Union européenne et sur la scène internationale afin de prévenir et de gérer les crises et la contagion.
De façon plus immédiate, cependant, nous devons rétablir la confiance et augmenter la transparence des marchés, des institutions et des instruments financiers: en améliorant la qualité des informations disponibles pour les investisseurs sur les produits structurés, notamment en ce qui concerne leur estimation; en mettant l'accent sur la compréhension et la gestion du risque; et en évitant d'éventuels conflits d'intérêts.
Dans cette optique, nous demandons :
- des améliorations dans le contenu de l'information relative aux notations afin d'accroître la connaissance des investisseurs quant aux risques associés aux produits structurés, et des actions visant à traiter les conflits d'intérêts potentiels pour les agences de notation. Tout en préférant des solutions de marché, telles qu'un amendement au code de conduite de l'Organisation internationale des commissions de valeur (OICV), si les acteurs du marché s'avèrent inaptes ou réticents à traiter rapidement ces problèmes, nous sommes prêts à considérer des alternatives réglementaires ;
- des améliorations dans la compréhension de l'exposition des banques et des autres institutions financières aux véhicules hors-bilan. Nous demandons aux principaux cabinets d'audit et aux superviseurs de fournir une guidance claire et consistante sur l'estimation et la divulgation de tels risques ; et
- une divulgation prompte et complète des pertes des banques et des autres institutions financières qui permettrait de réduire l'incertitude et d'améliorer la confiance sur les marchés financiers ;
- des améliorations dans les systèmes d'alerte précoce de l'Union européenne sur la stabilité financière à travers des rapports réguliers des comités de niveau 3 : CEBS (Committee of European Banking Supervisors), CEIOPS (Committe of European Insurance And Occupational pensions supervisors) et CESR (Committee of European securities regulators) ;
- que les acteurs du marché, le Forum sur la Stabilité Financière et l'Union européenne agissent rapidement pour assurer une transparence adéquate ainsi qu'une information sur la manière avec laquelle les produits structurés sont évalués, et que les incertitudes autour de ces évaluations soient claires et les risques bien gérés.
Les récents événements ont également montré que nous avons besoin de perfectionner la gestion du risque de liquidité. Le Comité de Bâle des superviseurs bancaires devrait présenter des normes pour améliorer la gestion internationale du risque de liquidité. En outre, nous devons améliorer le dialogue entre les superviseurs et les firmes sur la gestion des risques et l'évaluation des tensions.
Des solutions de marché sont cruciales pour parvenir aux nécessaires améliorations dans les opérations commerciales et les interactions entre les acteurs du marché. C'est pourquoi nous accueillons favorablement les normes instaurant des meilleures pratiques présentées à Londres le 23 janvier 2008 par le Groupe de travail des fonds à effet de levier dans le contexte des cinq recommandations du Forum sur la stabilité financière concernant ces fonds à effet de levier.
La coopération internationale et européenne
Il est également important de garantir que les travaux déjà en cours au sein du Forum sur la stabilité financière et de l'Union européenne afin d'améliorer la prévention et la gestion des crises soient terminés et mis en oeuvre dès que possible. Ce qui devrait inclure :
- des mesures pour promouvoir l'efficacité des réseaux européens de superviseurs financiers et assurer une supervision stricte et efficace des groupes transfrontaliers ;
- des principes communs pour la gestion des crises financières internationales ;
- un cadre analytique commun pour l'estimation des implications systémiques d'une crise potentielle ;
- des lignes directrices concrètes communes pour la gestion des crises, dont un échange amélioré des informations;
- une coopération plus étroite entre les pays avec des liens particulièrement importants au niveau des firmes ou des marchés de capitaux.
La réforme des institutions internationales
Les récentes turbulences des marchés ont également souligné le besoin de réformes pour garantir que les institutions internationales puissent relever les défis du XXIème siècle. Nous avons besoin d'un meilleur système d'alerte précoce pour l'économie mondiale et il nous est nécessaire d'assurer que ces alertes disposent de la force et de l'autorité suffisantes pour garantir qu'elles soient suivies d'effet.
A cette fin :
- à court terme, le FMI et le Forum sur la stabilité financière doivent présenter leurs conclusions lors des prochaines rencontres du FMI sur les menaces que font peser les développements du secteur financier sur l'économie mondiale. Cela améliorera la transparence sur les risques au sein du secteur financier et la manière avec laquelle les marchés et les régulateurs y répondent. Le FMI et le FSF devraient également proposer dans les meilleurs délais des propositions indiquant comment ils vont accroître davantage leur coopération.
- A plus long terme, nous devrions voir comment renforcer et clarifier la responsabilité du FMI dans le contrôle de la stabilité macro-financière.