Texte intégral
N. Demorand.- Les débats sur les OGM sont vifs au Sénat, on va y venir dans un instant. Mais un mot pour commencer sur le petit vent de pessimisme qui souffle dans la majorité, à un mois des municipales. "Gardez votre sang-froid", dit le président de la République à ses ministres. C'en est à ce point ?
R.- Il y avait plutôt à nouveau, un vent d'optimisme, ce matin, dans la presse, avec de meilleurs sondages. Vous savez, ça va, ça vient. Et puis, bon, on est dans un cycle, dans lequel, au bout de six mois après une élection, on sait bien qu'il y a toujours un petit creux, donc, voilà.
Q.- Mais, la confiance règne ?
R.- Franchement, à un mois des municipales, tout gouvernement, et par ailleurs tous ceux qui sont en élection, sont plutôt dans l'action et dans le guidon, quoi. Donc...
Q.- Mais portés par...
R.- Je ne pose pas tous les jours des questions existentielles.
Q.- Ah non ! Mais ce n'est pas une question... c'est une question politique simple : optimisme, pessimisme ?
R.- Optimisme.
Q.- Quand même ?
R.- C'est une question de nature.
Q.- Une question de nature et de raison ? Et de nature. Et le contexte n'est pas très bon, quand même ?
R.- Le contexte est celui d'un Gouvernement qui a lancé des réformes, qui ne portent pas toutes encore leurs fruits, mais on le savait bien au bout de six mois. Et en même temps, je crois que les Français ont envie de ces réformes, et ont envie que ça bouge. Alors, parfois, ils sont peut-être paradoxaux, ils nous reprochent que ça ne bouge pas assez vite, ou que ça bouge trop vite, parce qu'on est à un moment où ça bouge. C'est assez normal, franchement.
Q.- Revenons-en donc aux OGM et aux débats au Sénat. C'est une patate chaude les OGM, et ça arrive dans un contexte, là encore, qu'on pouvait penser porteur et favorable - "Grenelle de l'environnement", clause de sauvegarde. Et voilà que les sénateurs détricotent tout ce travail-là. Ça vous étonne ?
R.- On ne peut pas dire que les sénateurs "détricotent". Mais on était dans un équilibre à la sortie du "Grenelle de l'environnement" qui tenait en trois points. Il y avait, d'une part, la clause de sauvegarde sur un OGM particulier, le Monsanto 810, c'est aujourd'hui que ça se passe. Dernier délai, c'était le 9 février, donc, là, c'est en train de se faire, cet engagement-là est tenu. Et il y avait l'architecture, l'organisation de toute la culture des OGM, le jour où éventuellement il y en aura d'autres, parce que pour le moment c'est seul le Monsanto 810 qui est en culture commerciale. Et puis, il y avait la relance de la recherche sur les biotechnologies parce qu'on a besoin de savoir ce que, éventuellement, d'ailleurs, par ailleurs, on critique, même à l'occasion de la clause de sauvegarde chez le Monsanto 810. Là, au Sénat, on est dans un exercice compliqué qui est celui de la loi, et on essaye de trouver un équilibre. Ce n'est pas évident.
Q.- Ils détricotent ?
R.- Non. Il y a des sujets très compliqués...
Q.- Ils détricotent ?
R.- Je vous donne un exemple...
Q.- Je vais vous en donner d'autres, moi...
R.- Je vous donne un seul exemple : il y a un sujet qu'on n'arrivait pas à traiter depuis des mois, dont on parle beaucoup dans la presse, qui est celui des abeilles, les apiculteurs. Les apiculteurs sont considérés comme des agriculteurs. Alors, c'est assez mal fait, parce que le miel n'est pas considéré comme un produit d'origine végétale. Cela peut vous paraître complètement oiseux, et cela pose toutes sortes de problèmes juridiques. Hier, on a résolu le problème : les apiculteurs pourront avoir une indemnisation en cas de contamination aux OGM, comme les autres agriculteurs.
Q.- Mais il y a des questions de mots qui recouvrent des débats philosophiques. Quand la Haute Autorité sur les OGM risque de devenir un Haut Conseil sur les biotechnologies, avec des responsabilités redéfinies, entre les scientifiques qui, eux, auront le droit de donner des conseils, et les civils qui, eux, pourront recommander, est-ce que, là, on ne manque pas ce qu'avait initié le "Grenelle de l'environnement", à savoir, un nouveau partage des pouvoirs sur ces questions-là ?
R.- Franchement, sur le nom "Haute Autorité" ou "Haut Conseil", c'est seulement symbolique, si vous voulez. La Haute Autorité, il n'a jamais été prévu qu'elle ait un profil d'autorité administrative, indépendante. De toute façon, depuis le début, elle devait donner des conseils. Les sénateurs préfèrent l'appeler "Haut Conseil" parce qu'ils trouvent cela plus clair, ce n'est pas un problème.
Q.- Vraiment, vraiment ?
R.- Oui, ça, vraiment. Le nom, vraiment. Après, c'est vrai que, on a eu un débat sur l'organisation à l'intérieur de ce Haut Conseil, entre le collège des scientifiques et le collège de la société civile. Et c'est vrai que, dans l'esprit du Grenelle, notre proposition était d'avoir une association assez étroite entre collège des scientifiques et collège de la société civile, parce que, le Grenelle ça a bien marché pour cela aussi, avec tout le monde qui se parlait, qui travaillait ensemble, y compris des gens d'origine très différente. Les sénateurs préfèrent plutôt des rôles mieux distincts entre scientifiques et société civile, c'est vrai qu'il y a eu...
Q.- C'est un recul ?
R.- Comment ?
Q.- C'est un recul ?
R.- C'est, de mon point de vue, un petit moins "grenellien", si je peux dire cela comme ça.
Q.- C'est donc un recul ?
R.-...Mais ce n'est pas non plus un drame.
Q.- Mais c'est un recul ?
R.- Non, le problème, l'enjeu, c'était de toute façon de refonder des hautes autorités, des institutions en matière de gestion des OGM. On avait la Commission du génie du moléculaire, la Commission du génie génétique qui étaient vraiment en fin de cycle, qui étaient en perte de crédibilité. C'était très important d'avoir une nouvelle Haute Autorité ou un Haut Conseil. Après, on peut avoir des sensibilités différentes sur la façon dont ça s'organise. De toute façon, ça relèvera beaucoup du règlement intérieur, et beaucoup des personnalités qui seront nommées dans ces institutions.
Q.- Non, mais ça, c'était donc "le toilettage" si j'ose dire, administratif. La vraie décision de fond était d'associer tout le monde à des décisions, qui ne concernent pas strictement, ni les experts, ni les scientifiques, sinon le débat serait réglé depuis longtemps ?
R.- La vraie décision de fond en matière de Haute Autorité, c'était, par exemple, de savoir qui pourra la saisir. Là-dessus, le Gouvernement proposait que les associations en général puissent saisir. Les sénateurs initialement ont voulu beaucoup restreindre en passant seulement sur les associations de consommateurs. Il y a eu un débat très, très constructif et intéressant dans l'Hémicycle, et finalement on est revenu vers une saisine générale dans laquelle les associations agréées au titre de l'environnement... enfin beaucoup de profils d'associations peuvent saisir la Haute Autorité. Vous voyez qu'on trouve des solutions équilibrées.
Q.- En tout cas, on peut dire que le Sénat n'est pas l'Assemblée la plus en pointe sur la mise en oeuvre du "Grenelle de l'environnement". Sans doute, est-ce lié d'ailleurs au parcours des sénateurs, à leur relation au monde rural. Ils ne sont quand même pas les plus en avance, non ?
R.- Il faut comprendre quelque chose, c'est que le "Grenelle de l'environnement", de toute façon, en tant que tel, c'est un processus très innovant, qui bouscule les Assemblées parlementaires. C'est assez normal. Vous vous rendez compte ! Le "Grenelle de l'environnement", c'est, à partir du mois de juillet des groupes qui commencent à se créer, dans lesquels il y a des élus, certes, mais il y a aussi les associations, les syndicats, les entreprises, tout le monde autour de la table, on commence à discuter, il se passe quelque chose d'humainement très fort ; il y a des propositions qui sortent, qui vont assez loin, et qui pour autant, réussissent à être quand même consensuelles. Et tout cela, certes, autour de la table, il y a des députés, il y a sénateurs, mais ne se passe pas strictement dans les Assemblées parlementaires. C'est normal que ça bouscule le Sénat, et d'ailleurs aussi l'Assemblée nationale.
Q.- Et le nouvel amendement proposé pour créer "un délit de fauchage particulier sur les OGM", qu'en pensez-vous ?
R.- Je l'ai dit hier très clairement dans l'Hémicycle du Sénat. Actuellement, pour "un délit de fauchage" en réunion, on encourt cinq ans de prison, 75.000 euros d'amende. L'amendement proposé par certains sénateurs, revenait à diviser par deux le temps de prison, à passer à trois ans de prison, mais à augmenter, multipliée par deux l'amende encourue, passée à 150.000 euros d'amende. Beaucoup de sénateurs ont fait remarquer que, de toute façon, c'étaient des peines maximales qui n'étaient pas appliquées. Personnellement, j'ai exprimé l'opinion que la loi pénale relevait des Assemblées, donc c'étaient à eux de choisir. Mais je dois dire que je ne suis pas sûre de l'équilibre qui consiste à diviser par deux la prison, augmenter par deux l'amende encourue. Enfin, je ne suis pas sûre que ce serait d'un grand intérêt comme amendement.
Q.- Il sera retiré, d'après vous ?
R.- Non, il a été voté hier, et il a été voté en première lecture ; il peut y avoir des discussions encore à l'Assemblée, au Sénat. Le projet de loi n'est pas définitivement voté.
Q.- Vous n'avez pas l'impression de lutter seule sur cette nouvelle façon d'envisager la chose politique, dès lors qu'on la pense à partir du développement durable ?
R.- Non, j'ai l'impression d'avoir la chance de pouvoir exprimer des convictions qui ne sont pas forcément partagées par tout le monde, mais sur un sujet qui, je crois, est le grand enjeu du XXIème siècle, est un peu révolutionnaire. Cela nous oblige à modifier en profondeur nos modes de production, nos modes de consommation, ça heurte certains comportements qui sont très culturels, qui sont installés, et donc, je trouve cela assez normal en fait. Je ne le prends pas...Je ne fais pas mon Caliméro.
Q.- N'est-ce pas tout de même désastreux qu'un sénateur comme J.-F. Le Grand, UMP, très apprécié, paraît-il, pour son rôle dans le "Grenelle de l'environnement", retire hier soir, un peu comme s'il jetait l'éponge, tous ses amendements, en disant : bon, au fond, qu'il a perdu symboliquement la bataille ?
R.- D'abord, je veux rendre hommage à J.-F. Le Grand, parce que cela fait quatre ou cinq mois maintenant qu'il donne énormément de son temps pour le "Grenelle de l'environnement", dans lequel il s'est occupé des OGM, mais pas seulement, il s'est occupé aussi de la biodiversité, pour l'intergroupe sur les OGM, dans lequel il a vraiment aidé à trouver un équilibre. Il a poursuivi ce travail à la tête de la Haute Autorité provisoire. De mon point de vue, il a fait un très, très beau travail, qui a été contesté par certains à l'intérieur du Sénat, c'est vrai. Et il a souhaité, pour que les débats restent sereins, prendre un peu de retrait. Je trouve que c'est un geste d'une très grande élégance.
Q.- Archi minoritaire et contraint au silence, va-t-on dire... Ce n'est pas ça l'image qu'on gardera de ce débat ?
R.- Pas "contraint au silence", mais archi minoritaire. Non, regardez les minutes... J'invite d'ailleurs les auditeurs à aller voir sur Internet ce qui se passe dans l'Hémicycle en ce moment, c'est très intéressant, il y a des vrais débats. Personne n'est contraint au silence. Alors, il y a des opinions minoritaires qui s'expriment, c'est sûr, tout ne se passe pas forcément... D'ailleurs, sur certains sujets, moi-même, où j'exprimais la sagesse du Gouvernement, voire un avis favorable, j'ai été mise en minorité. Mais enfin, le débat est de qualité.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 février 2008
R.- Il y avait plutôt à nouveau, un vent d'optimisme, ce matin, dans la presse, avec de meilleurs sondages. Vous savez, ça va, ça vient. Et puis, bon, on est dans un cycle, dans lequel, au bout de six mois après une élection, on sait bien qu'il y a toujours un petit creux, donc, voilà.
Q.- Mais, la confiance règne ?
R.- Franchement, à un mois des municipales, tout gouvernement, et par ailleurs tous ceux qui sont en élection, sont plutôt dans l'action et dans le guidon, quoi. Donc...
Q.- Mais portés par...
R.- Je ne pose pas tous les jours des questions existentielles.
Q.- Ah non ! Mais ce n'est pas une question... c'est une question politique simple : optimisme, pessimisme ?
R.- Optimisme.
Q.- Quand même ?
R.- C'est une question de nature.
Q.- Une question de nature et de raison ? Et de nature. Et le contexte n'est pas très bon, quand même ?
R.- Le contexte est celui d'un Gouvernement qui a lancé des réformes, qui ne portent pas toutes encore leurs fruits, mais on le savait bien au bout de six mois. Et en même temps, je crois que les Français ont envie de ces réformes, et ont envie que ça bouge. Alors, parfois, ils sont peut-être paradoxaux, ils nous reprochent que ça ne bouge pas assez vite, ou que ça bouge trop vite, parce qu'on est à un moment où ça bouge. C'est assez normal, franchement.
Q.- Revenons-en donc aux OGM et aux débats au Sénat. C'est une patate chaude les OGM, et ça arrive dans un contexte, là encore, qu'on pouvait penser porteur et favorable - "Grenelle de l'environnement", clause de sauvegarde. Et voilà que les sénateurs détricotent tout ce travail-là. Ça vous étonne ?
R.- On ne peut pas dire que les sénateurs "détricotent". Mais on était dans un équilibre à la sortie du "Grenelle de l'environnement" qui tenait en trois points. Il y avait, d'une part, la clause de sauvegarde sur un OGM particulier, le Monsanto 810, c'est aujourd'hui que ça se passe. Dernier délai, c'était le 9 février, donc, là, c'est en train de se faire, cet engagement-là est tenu. Et il y avait l'architecture, l'organisation de toute la culture des OGM, le jour où éventuellement il y en aura d'autres, parce que pour le moment c'est seul le Monsanto 810 qui est en culture commerciale. Et puis, il y avait la relance de la recherche sur les biotechnologies parce qu'on a besoin de savoir ce que, éventuellement, d'ailleurs, par ailleurs, on critique, même à l'occasion de la clause de sauvegarde chez le Monsanto 810. Là, au Sénat, on est dans un exercice compliqué qui est celui de la loi, et on essaye de trouver un équilibre. Ce n'est pas évident.
Q.- Ils détricotent ?
R.- Non. Il y a des sujets très compliqués...
Q.- Ils détricotent ?
R.- Je vous donne un exemple...
Q.- Je vais vous en donner d'autres, moi...
R.- Je vous donne un seul exemple : il y a un sujet qu'on n'arrivait pas à traiter depuis des mois, dont on parle beaucoup dans la presse, qui est celui des abeilles, les apiculteurs. Les apiculteurs sont considérés comme des agriculteurs. Alors, c'est assez mal fait, parce que le miel n'est pas considéré comme un produit d'origine végétale. Cela peut vous paraître complètement oiseux, et cela pose toutes sortes de problèmes juridiques. Hier, on a résolu le problème : les apiculteurs pourront avoir une indemnisation en cas de contamination aux OGM, comme les autres agriculteurs.
Q.- Mais il y a des questions de mots qui recouvrent des débats philosophiques. Quand la Haute Autorité sur les OGM risque de devenir un Haut Conseil sur les biotechnologies, avec des responsabilités redéfinies, entre les scientifiques qui, eux, auront le droit de donner des conseils, et les civils qui, eux, pourront recommander, est-ce que, là, on ne manque pas ce qu'avait initié le "Grenelle de l'environnement", à savoir, un nouveau partage des pouvoirs sur ces questions-là ?
R.- Franchement, sur le nom "Haute Autorité" ou "Haut Conseil", c'est seulement symbolique, si vous voulez. La Haute Autorité, il n'a jamais été prévu qu'elle ait un profil d'autorité administrative, indépendante. De toute façon, depuis le début, elle devait donner des conseils. Les sénateurs préfèrent l'appeler "Haut Conseil" parce qu'ils trouvent cela plus clair, ce n'est pas un problème.
Q.- Vraiment, vraiment ?
R.- Oui, ça, vraiment. Le nom, vraiment. Après, c'est vrai que, on a eu un débat sur l'organisation à l'intérieur de ce Haut Conseil, entre le collège des scientifiques et le collège de la société civile. Et c'est vrai que, dans l'esprit du Grenelle, notre proposition était d'avoir une association assez étroite entre collège des scientifiques et collège de la société civile, parce que, le Grenelle ça a bien marché pour cela aussi, avec tout le monde qui se parlait, qui travaillait ensemble, y compris des gens d'origine très différente. Les sénateurs préfèrent plutôt des rôles mieux distincts entre scientifiques et société civile, c'est vrai qu'il y a eu...
Q.- C'est un recul ?
R.- Comment ?
Q.- C'est un recul ?
R.- C'est, de mon point de vue, un petit moins "grenellien", si je peux dire cela comme ça.
Q.- C'est donc un recul ?
R.-...Mais ce n'est pas non plus un drame.
Q.- Mais c'est un recul ?
R.- Non, le problème, l'enjeu, c'était de toute façon de refonder des hautes autorités, des institutions en matière de gestion des OGM. On avait la Commission du génie du moléculaire, la Commission du génie génétique qui étaient vraiment en fin de cycle, qui étaient en perte de crédibilité. C'était très important d'avoir une nouvelle Haute Autorité ou un Haut Conseil. Après, on peut avoir des sensibilités différentes sur la façon dont ça s'organise. De toute façon, ça relèvera beaucoup du règlement intérieur, et beaucoup des personnalités qui seront nommées dans ces institutions.
Q.- Non, mais ça, c'était donc "le toilettage" si j'ose dire, administratif. La vraie décision de fond était d'associer tout le monde à des décisions, qui ne concernent pas strictement, ni les experts, ni les scientifiques, sinon le débat serait réglé depuis longtemps ?
R.- La vraie décision de fond en matière de Haute Autorité, c'était, par exemple, de savoir qui pourra la saisir. Là-dessus, le Gouvernement proposait que les associations en général puissent saisir. Les sénateurs initialement ont voulu beaucoup restreindre en passant seulement sur les associations de consommateurs. Il y a eu un débat très, très constructif et intéressant dans l'Hémicycle, et finalement on est revenu vers une saisine générale dans laquelle les associations agréées au titre de l'environnement... enfin beaucoup de profils d'associations peuvent saisir la Haute Autorité. Vous voyez qu'on trouve des solutions équilibrées.
Q.- En tout cas, on peut dire que le Sénat n'est pas l'Assemblée la plus en pointe sur la mise en oeuvre du "Grenelle de l'environnement". Sans doute, est-ce lié d'ailleurs au parcours des sénateurs, à leur relation au monde rural. Ils ne sont quand même pas les plus en avance, non ?
R.- Il faut comprendre quelque chose, c'est que le "Grenelle de l'environnement", de toute façon, en tant que tel, c'est un processus très innovant, qui bouscule les Assemblées parlementaires. C'est assez normal. Vous vous rendez compte ! Le "Grenelle de l'environnement", c'est, à partir du mois de juillet des groupes qui commencent à se créer, dans lesquels il y a des élus, certes, mais il y a aussi les associations, les syndicats, les entreprises, tout le monde autour de la table, on commence à discuter, il se passe quelque chose d'humainement très fort ; il y a des propositions qui sortent, qui vont assez loin, et qui pour autant, réussissent à être quand même consensuelles. Et tout cela, certes, autour de la table, il y a des députés, il y a sénateurs, mais ne se passe pas strictement dans les Assemblées parlementaires. C'est normal que ça bouscule le Sénat, et d'ailleurs aussi l'Assemblée nationale.
Q.- Et le nouvel amendement proposé pour créer "un délit de fauchage particulier sur les OGM", qu'en pensez-vous ?
R.- Je l'ai dit hier très clairement dans l'Hémicycle du Sénat. Actuellement, pour "un délit de fauchage" en réunion, on encourt cinq ans de prison, 75.000 euros d'amende. L'amendement proposé par certains sénateurs, revenait à diviser par deux le temps de prison, à passer à trois ans de prison, mais à augmenter, multipliée par deux l'amende encourue, passée à 150.000 euros d'amende. Beaucoup de sénateurs ont fait remarquer que, de toute façon, c'étaient des peines maximales qui n'étaient pas appliquées. Personnellement, j'ai exprimé l'opinion que la loi pénale relevait des Assemblées, donc c'étaient à eux de choisir. Mais je dois dire que je ne suis pas sûre de l'équilibre qui consiste à diviser par deux la prison, augmenter par deux l'amende encourue. Enfin, je ne suis pas sûre que ce serait d'un grand intérêt comme amendement.
Q.- Il sera retiré, d'après vous ?
R.- Non, il a été voté hier, et il a été voté en première lecture ; il peut y avoir des discussions encore à l'Assemblée, au Sénat. Le projet de loi n'est pas définitivement voté.
Q.- Vous n'avez pas l'impression de lutter seule sur cette nouvelle façon d'envisager la chose politique, dès lors qu'on la pense à partir du développement durable ?
R.- Non, j'ai l'impression d'avoir la chance de pouvoir exprimer des convictions qui ne sont pas forcément partagées par tout le monde, mais sur un sujet qui, je crois, est le grand enjeu du XXIème siècle, est un peu révolutionnaire. Cela nous oblige à modifier en profondeur nos modes de production, nos modes de consommation, ça heurte certains comportements qui sont très culturels, qui sont installés, et donc, je trouve cela assez normal en fait. Je ne le prends pas...Je ne fais pas mon Caliméro.
Q.- N'est-ce pas tout de même désastreux qu'un sénateur comme J.-F. Le Grand, UMP, très apprécié, paraît-il, pour son rôle dans le "Grenelle de l'environnement", retire hier soir, un peu comme s'il jetait l'éponge, tous ses amendements, en disant : bon, au fond, qu'il a perdu symboliquement la bataille ?
R.- D'abord, je veux rendre hommage à J.-F. Le Grand, parce que cela fait quatre ou cinq mois maintenant qu'il donne énormément de son temps pour le "Grenelle de l'environnement", dans lequel il s'est occupé des OGM, mais pas seulement, il s'est occupé aussi de la biodiversité, pour l'intergroupe sur les OGM, dans lequel il a vraiment aidé à trouver un équilibre. Il a poursuivi ce travail à la tête de la Haute Autorité provisoire. De mon point de vue, il a fait un très, très beau travail, qui a été contesté par certains à l'intérieur du Sénat, c'est vrai. Et il a souhaité, pour que les débats restent sereins, prendre un peu de retrait. Je trouve que c'est un geste d'une très grande élégance.
Q.- Archi minoritaire et contraint au silence, va-t-on dire... Ce n'est pas ça l'image qu'on gardera de ce débat ?
R.- Pas "contraint au silence", mais archi minoritaire. Non, regardez les minutes... J'invite d'ailleurs les auditeurs à aller voir sur Internet ce qui se passe dans l'Hémicycle en ce moment, c'est très intéressant, il y a des vrais débats. Personne n'est contraint au silence. Alors, il y a des opinions minoritaires qui s'expriment, c'est sûr, tout ne se passe pas forcément... D'ailleurs, sur certains sujets, moi-même, où j'exprimais la sagesse du Gouvernement, voire un avis favorable, j'ai été mise en minorité. Mais enfin, le débat est de qualité.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 8 février 2008