Texte intégral
F. Laborde.- Avec F. Amara, ce matin, nous allons parler politique de la ville, et plus précisément "Espoir Banlieues", puisque ce sont les contours de ce plan que F. Amara a présentés hier. On est très content de vous recevoir. Vous étiez venue déjà aux "4-Vé", à l'époque, avec l'étiquette "Ni putes ni soumises". Revenons à ce plan, d'abord comment cela s'est passé hier à Vaulx-en-Velin ? Comment avez-vous été accueillie ? Avez-vous le sentiment d'être soutenue, d'avoir une population qui vous attendait avec chaleur, ferveur, bienveillance ou pas ?
R.- En fait, il y avait les deux. D'abord parce que la journée d'hier a été très importante. Avant tout, c'était une très grande réunion populaire. Et donc là, on avait à la fois des particuliers, mais aussi beaucoup d'associations, parce que je considère que se sont les forces vives de ce pays. Ce qui était intéressant c'est qu'à la fois ils étaient contents, il y avait une certaine chaleur avec beaucoup d'embrassades... mais il y avait surtout une très grande attente ! Je leur ressemble étrangement, encore une fois. On a tellement eu dans les banlieues des promesses qui n'ont pas été tenues, que je comprends parfaitement leur impatience et leur envie de dire : "Il faut que cela change vraiment".
Q.- Il y a notamment une association, "AC le feu !", qui est un peu en pointe et qui a dit : "On a déjà eu Tapie" ; le responsable a dit : "Moi j'avais vingt ans et B. Tapie venait dans les banlieues, il disait la même chose, etc."
R.- Il ne dit pas tout à fait cela ! Il dit la chose suivante, "AC le feu !"- d'ailleurs j'en profite pour dire que "AC le feu !" était à l'intérieur de la salle et a débattu comme tout le monde...
Q.- Ils n'ont pas été tenus à l'extérieur, comme certains ont pu le dire ?
R.- Ce n'est pas mon genre. Et je préfère discuter avec tout le monde, parce que tout le monde doit participer, y compris les associations qui doivent contester ; au nom de la démocratie cela doit exister ! Ce que dit "AC le feu !" en réalité est juste. C'est-à-dire qu'il dit la chose suivante : "On a tellement eu des ministres, des secrétaires d'Etat qui étaient à la politique de la Ville qui ont fait des promesses et tout cela, mais on a rien vu venir". Il dit une chose : "Est-ce que la secrétaire d'Etat actuelle est assez soutenue politiquement pour mettre en place l'ambition de la politique qu'on souhaite à la hauteur de ce qui se passe dans les quartiers ?". Moi je veux le rassurer et lui dire qu'effectivement quand N. Sarkozy va présenter le programme pour la banlieue qu'on a appelé "Espoir Banlieues, une dynamique pour la France", eh bien il verra que ce n'était pas du pipeau !
Q.- Vous dites que vous êtes soutenue, mais alors, franchement, excusez-moi, C. Boutin, qui est votre ministre de tutelle dit : "Fadela, elle est charmante, gentille" ; puis après tac ! Elle en balance une en disant : "mais en même temps, elle ne devrait pas donner des chiffres, parce que la pauvre, si elle n'y arrive pas, ça va lui faire beaucoup de mal" ! Et alors, C. Bartolone du PS vole à votre secours en disant que vous n'êtes pas tellement soutenue par votre Gouvernement. Et en face, J.-F. Copé, par contre dit que vous êtes une fille formidable ! On a le sentiment quand même, qu'en tout cas votre ministre de tutelle, elle vous soutient, passez-moi l'expression, comme la corde soutient le pendu !
R.- Je crois que par exemple C. Boutin a une approche particulière sur la politique de la Ville. On a eu des discussions. Moi je pense qu'il faut, au nom, encore une fois, de la démocratie, qu'on débatte, qu'on discute, etc. Moi je pense qu'il faut des politiques particulières pour les quartiers en difficulté. Et elle, elle a plutôt une approche globale. Je suis pour que dans l'objectif et dans l'absolu, on ait des projets "Ville" en entier. Mais en même temps, il faut quand même traiter ce qui se passe actuellement dans les quartiers. Donc, cela veut dire qu'il faut à la fois travailler sur le bâti... Borloo a commencé avec la rénovation urbaine avec la création de l'ANRU. Maintenant, il faut faire de la rénovation sociale dans les quartiers et mener des politiques en direction de l'humain.
Q.- Vous n'avez pas envie en tout cas de vous quereller avec C. Boutin ?
R.- Non, je n'ai pas le temps, je n'ai pas le temps de la querelle et puis de toute façon, je pense que elle comme moi, on pense que c'est stérile. L'idée en fait c'est de réussir le pari des banlieues, de ramener de la République au coeur des cités. C'est cela l'objectif qu'il nous faut atteindre. Et moi je crois que tout ce qui va être mis en place et présenté par le président de la République tend à cela, à cet objectif qui est très très important aujourd'hui et qui est très attendu.
Q.- D'ores et déjà vous avez annoncé un certain nombre de choses : 45.000 emplois en deux ans, réduire de 40 % de chômage des jeunes, 20.000 nouvelles entreprises dans les quartiers difficiles, sans doute avec les zones franches, et 2.500 emplois pour les mamans, parce qu'il faut valoriser leurs savoirs. Reprenons : 45.000 emplois en trois ans pour les jeunes, qu'est-ce que cela va être ? Cela va être des TUC ? On va revenir aux emplois aidés, à des systèmes comme cela ou ce seront des "vrais emplois" ?
R.- Non, cela va être évidemment des vrais emplois ! L'idée en fait, c'est quoi ? C'est d'utiliser tous les leviers qui vont permettre de sécuriser les parcours professionnels des jeunes. Cela va passer - le président de la République l'a annoncé : on va chercher les jeunes qui sont en situation de désoeuvrement pour leur permettre de rentrer dans des formations, des qualifications et des emplois. Voilà ce qui va se passer. C'est-à-dire quand je parle d'utiliser tous les leviers, dans l'absolu qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'on va ramener les entreprises au coeur des cités. Avec les services publics, nous allons travailler, à faire en sorte que les gamins - enfin, que les jeunes - rentrent dans une formation et à la sortie de cette formation, ils rentrent immédiatement dans un emploi. On va rapprocher les deux.
Q.- 45.000 emplois en trois ans et faire baisser de 40% [le chômage des jeunes], c'est très ambitieux ?
R.- Oui, on est ambitieux !
Q.- Alors, pour l'éducation, qu'est-ce que cela sera : le tutorat, les stages ?
R.- Les réussites éducatives. Tout le dispositif de réussite éducative va être renforcé. Quelle idée avons-nous en fait ? L'idée c'est de créer une élite dans les cités, qui va émerger de ces quartiers là. Pas uniquement, quand je parle d'élite, évidemment, c'est pour lancer une dynamique. Mais en même temps, il faut valoriser tous les métiers manuels. Par exemple, les plombiers, les électriciens, etc., qui aujourd'hui sont dans des formations excellentes et qui gagnent bien leur vie aussi. Donc, il faut aussi valoriser les petits emplois. Moi ce que je pense, c'est qu'il faut taper très fort ! Et [pour] taper très fort, on s'est donné évidemment un timing. L'idée en fait, c'est de réussir ce pari de diminuer le chômage des jeunes. Cela ne sera pas de la parlote et du blablabla ! Cela, c'est un objectif qu'on s'est fixé. Et moi je fais partie des gens qui veulent justement créer à l'intérieur de la politique de la Ville la culture de l'évaluation : objectif "Résultats".
Q.- Combien de quartiers vont être concernés ? Au début vous disiez une cinquantaine, et l'on parle peut-être d'une centaine. On évalue à 700 le nombre de quartiers...
R.- 751 ZUS - zones urbaine sensibles. D'accord ? Et le rapport de la Cour des comptes a été très clair : il y a trop de saupoudrage, on ne voit pas où cela va, il y a trop de dispositifs, c'est illisible, etc. Moi j'ai décidé de réduire justement et de mettre le paquet sur les quartiers les plus difficiles. Il ne s'agit pas de stigmatiser. Il s'agit, au contraire, de faire rentrer ces quartiers là dans un processus, pour qu'ils redeviennent des quartiers populaires où il fait bon vivre. A l'heure où je vous parle, les 50 quartiers qui ont été dits, c'est dans le cadre du désenclavement avec le "Grenelle de l'environnement", nous avons travaillé avec eux et avec Borloo.
Q.- C'est pour eux qu'il y aura ce milliard d'euros, pour justement permettre des transports et faire en sorte que...
R.- Avec tous ceux et celles qui sont à la table de la négociation actuelle, ce n'est pas encore arrêté. Tous celles et ceux, c'est quasiment à 90 %, mais avec tous celles et ceux, donc les collectivités territoriales, les AOT - les Autorités d'Organisation des Transports - vont aussi participer. Avec Borloo, c'est déjà bouclé. C'est dans le cadre du "Grenelle de l'environnement". Donc, tout cela va être fait : c'est pour 50 quartiers, comme Clichy-sous-Bois, comme Montfermeil, etc. Maintenant, à côté de cela, nous on retient à peu près entre 100 et 200 quartiers, ce n'est pas encore arrêté.
Q.- Cela c'est une première tranche !
R.- Nous allons travailler sur deux formes de quartiers : il y a les quartiers les plus chauds, les plus difficiles ou vraiment tout s'accumule et c'est très compliqué d'y vivre à l'intérieur, malheureusement. Là, c'est entre 100 et 200 quartiers. Nous allons mettre le paquet. Donc, là, il s'agit en fait de faire de la réparation et de l'accompagnement pour qu'ils sortent justement de cette sorte de fatalisme. A côté de cela, il va y avoir d'autres quartiers, en réalité, dans les 751, globalement, pour lesquels nous allons travailler sur l'accompagnement, parce qu'ils présentent des fragilités. Et nous allons travailler sur leurs fragilités.
Q.- Une question un peu personnelle, permettez-moi ! Est-ce qu'il y a des moments, dans votre ministère vous, où vous vous sentez un peu secouée parce que vous allez dans des cités, puis qu'on vous dit : "oui mais toi, tu n'es plus avec nous" ? Est-ce que vous êtes agacée quand on dit, les ministres : "Fadela, elle continue à parler comme dans les cités, alors qu'elle ne devrait pas ; elle devrait donner l'exemple au contraire". Est-ce qu'il y a eu des choses depuis que vous êtes au Gouvernement qui vous ont humainement blessée, chagrinée ?
R.- Il y a des phrases qui m'ont un peu agacé. Par exemple, quand j'ai sorti le mot "dégueulasse" pour les histoires d'ADN, je n'ai fait qu'exprimer une opinion et une conviction. Me répondre que "ces gens là ne connaissent pas la démocratie", vous comprendrez bien que c'est assez blessant quand même. Cela, je n'ai pas accepté. Mais je l'ai dit, encore une fois, parce que moi j'assume, je ne veux pas être dans le "politiquement correct", et encore moins dans la langue de bois. Je veux pouvoir être et rester une femme libre. Je suis vraiment "Ni putes ni soumises" à la fois dans le parler et le comportement. Mais pour le reste, je pense que ce qui est important en réalité dans ce Gouvernement qui a été mis en place par N. Sarkozy, il a souhaité l'ouverture et la diversité, il faut saluer son courage politique en nommant Rama, Rachida et moi-même, pire pour lui d'ailleurs. Mais en réalité...
Q.- Vous seriez la plus insoumise ?
R.- Je ne sais pas. La vérité, c'est que les Français en ont marre de soupes politiquement correctes. Franchement, on dit qu'on avance, et ils ont envie du concret. Moi je sais que quand je descends quelque part, y compris dans les cités - alors dès fois cela se passe... on s'engueule, on se fâche, etc., mais surtout c'est parce qu'il y a une attente extraordinaire et une exigence aujourd'hui de résultats. C'est cela qui est important ! Je suis d'accord avec eux. Par contre, je ne peux pas vous expliquer cette chaleur extraordinaire aussi où il y a des gens, les petites "Mauricette", par exemple, elles m'accueillent en m'offrant un thé, ou on a des discussions. De la vraie vie et des vraies tranches de vie.
Q.- Les petites "Mauricette", c'est quoi ?
R.- Les "Mauricette" ce sont les petites mamies qui m'attendent dans les quartiers. J'adore.
W. Leymergie : Ah ! Parce que moi, je connaissais les gazelles, les petites gazelles.
Les gazelles, ce sont les gamines !
W. Leymergie : Mais les petites "Mauricette", ce sont les mamans.
R.- Oui, les "Mauricette" ce sont les petites mamans, les petites mémés qui nous attendent, qui en réalité m'offrent des confiseries - je ne devrais pas le dire. Mais bon, voilà.
W. Leymergie : Cela dit, maintenant tout le monde sait que vous aimez les confiseries.
R.- Exactement !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 janvier 2008
R.- En fait, il y avait les deux. D'abord parce que la journée d'hier a été très importante. Avant tout, c'était une très grande réunion populaire. Et donc là, on avait à la fois des particuliers, mais aussi beaucoup d'associations, parce que je considère que se sont les forces vives de ce pays. Ce qui était intéressant c'est qu'à la fois ils étaient contents, il y avait une certaine chaleur avec beaucoup d'embrassades... mais il y avait surtout une très grande attente ! Je leur ressemble étrangement, encore une fois. On a tellement eu dans les banlieues des promesses qui n'ont pas été tenues, que je comprends parfaitement leur impatience et leur envie de dire : "Il faut que cela change vraiment".
Q.- Il y a notamment une association, "AC le feu !", qui est un peu en pointe et qui a dit : "On a déjà eu Tapie" ; le responsable a dit : "Moi j'avais vingt ans et B. Tapie venait dans les banlieues, il disait la même chose, etc."
R.- Il ne dit pas tout à fait cela ! Il dit la chose suivante, "AC le feu !"- d'ailleurs j'en profite pour dire que "AC le feu !" était à l'intérieur de la salle et a débattu comme tout le monde...
Q.- Ils n'ont pas été tenus à l'extérieur, comme certains ont pu le dire ?
R.- Ce n'est pas mon genre. Et je préfère discuter avec tout le monde, parce que tout le monde doit participer, y compris les associations qui doivent contester ; au nom de la démocratie cela doit exister ! Ce que dit "AC le feu !" en réalité est juste. C'est-à-dire qu'il dit la chose suivante : "On a tellement eu des ministres, des secrétaires d'Etat qui étaient à la politique de la Ville qui ont fait des promesses et tout cela, mais on a rien vu venir". Il dit une chose : "Est-ce que la secrétaire d'Etat actuelle est assez soutenue politiquement pour mettre en place l'ambition de la politique qu'on souhaite à la hauteur de ce qui se passe dans les quartiers ?". Moi je veux le rassurer et lui dire qu'effectivement quand N. Sarkozy va présenter le programme pour la banlieue qu'on a appelé "Espoir Banlieues, une dynamique pour la France", eh bien il verra que ce n'était pas du pipeau !
Q.- Vous dites que vous êtes soutenue, mais alors, franchement, excusez-moi, C. Boutin, qui est votre ministre de tutelle dit : "Fadela, elle est charmante, gentille" ; puis après tac ! Elle en balance une en disant : "mais en même temps, elle ne devrait pas donner des chiffres, parce que la pauvre, si elle n'y arrive pas, ça va lui faire beaucoup de mal" ! Et alors, C. Bartolone du PS vole à votre secours en disant que vous n'êtes pas tellement soutenue par votre Gouvernement. Et en face, J.-F. Copé, par contre dit que vous êtes une fille formidable ! On a le sentiment quand même, qu'en tout cas votre ministre de tutelle, elle vous soutient, passez-moi l'expression, comme la corde soutient le pendu !
R.- Je crois que par exemple C. Boutin a une approche particulière sur la politique de la Ville. On a eu des discussions. Moi je pense qu'il faut, au nom, encore une fois, de la démocratie, qu'on débatte, qu'on discute, etc. Moi je pense qu'il faut des politiques particulières pour les quartiers en difficulté. Et elle, elle a plutôt une approche globale. Je suis pour que dans l'objectif et dans l'absolu, on ait des projets "Ville" en entier. Mais en même temps, il faut quand même traiter ce qui se passe actuellement dans les quartiers. Donc, cela veut dire qu'il faut à la fois travailler sur le bâti... Borloo a commencé avec la rénovation urbaine avec la création de l'ANRU. Maintenant, il faut faire de la rénovation sociale dans les quartiers et mener des politiques en direction de l'humain.
Q.- Vous n'avez pas envie en tout cas de vous quereller avec C. Boutin ?
R.- Non, je n'ai pas le temps, je n'ai pas le temps de la querelle et puis de toute façon, je pense que elle comme moi, on pense que c'est stérile. L'idée en fait c'est de réussir le pari des banlieues, de ramener de la République au coeur des cités. C'est cela l'objectif qu'il nous faut atteindre. Et moi je crois que tout ce qui va être mis en place et présenté par le président de la République tend à cela, à cet objectif qui est très très important aujourd'hui et qui est très attendu.
Q.- D'ores et déjà vous avez annoncé un certain nombre de choses : 45.000 emplois en deux ans, réduire de 40 % de chômage des jeunes, 20.000 nouvelles entreprises dans les quartiers difficiles, sans doute avec les zones franches, et 2.500 emplois pour les mamans, parce qu'il faut valoriser leurs savoirs. Reprenons : 45.000 emplois en trois ans pour les jeunes, qu'est-ce que cela va être ? Cela va être des TUC ? On va revenir aux emplois aidés, à des systèmes comme cela ou ce seront des "vrais emplois" ?
R.- Non, cela va être évidemment des vrais emplois ! L'idée en fait, c'est quoi ? C'est d'utiliser tous les leviers qui vont permettre de sécuriser les parcours professionnels des jeunes. Cela va passer - le président de la République l'a annoncé : on va chercher les jeunes qui sont en situation de désoeuvrement pour leur permettre de rentrer dans des formations, des qualifications et des emplois. Voilà ce qui va se passer. C'est-à-dire quand je parle d'utiliser tous les leviers, dans l'absolu qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire qu'on va ramener les entreprises au coeur des cités. Avec les services publics, nous allons travailler, à faire en sorte que les gamins - enfin, que les jeunes - rentrent dans une formation et à la sortie de cette formation, ils rentrent immédiatement dans un emploi. On va rapprocher les deux.
Q.- 45.000 emplois en trois ans et faire baisser de 40% [le chômage des jeunes], c'est très ambitieux ?
R.- Oui, on est ambitieux !
Q.- Alors, pour l'éducation, qu'est-ce que cela sera : le tutorat, les stages ?
R.- Les réussites éducatives. Tout le dispositif de réussite éducative va être renforcé. Quelle idée avons-nous en fait ? L'idée c'est de créer une élite dans les cités, qui va émerger de ces quartiers là. Pas uniquement, quand je parle d'élite, évidemment, c'est pour lancer une dynamique. Mais en même temps, il faut valoriser tous les métiers manuels. Par exemple, les plombiers, les électriciens, etc., qui aujourd'hui sont dans des formations excellentes et qui gagnent bien leur vie aussi. Donc, il faut aussi valoriser les petits emplois. Moi ce que je pense, c'est qu'il faut taper très fort ! Et [pour] taper très fort, on s'est donné évidemment un timing. L'idée en fait, c'est de réussir ce pari de diminuer le chômage des jeunes. Cela ne sera pas de la parlote et du blablabla ! Cela, c'est un objectif qu'on s'est fixé. Et moi je fais partie des gens qui veulent justement créer à l'intérieur de la politique de la Ville la culture de l'évaluation : objectif "Résultats".
Q.- Combien de quartiers vont être concernés ? Au début vous disiez une cinquantaine, et l'on parle peut-être d'une centaine. On évalue à 700 le nombre de quartiers...
R.- 751 ZUS - zones urbaine sensibles. D'accord ? Et le rapport de la Cour des comptes a été très clair : il y a trop de saupoudrage, on ne voit pas où cela va, il y a trop de dispositifs, c'est illisible, etc. Moi j'ai décidé de réduire justement et de mettre le paquet sur les quartiers les plus difficiles. Il ne s'agit pas de stigmatiser. Il s'agit, au contraire, de faire rentrer ces quartiers là dans un processus, pour qu'ils redeviennent des quartiers populaires où il fait bon vivre. A l'heure où je vous parle, les 50 quartiers qui ont été dits, c'est dans le cadre du désenclavement avec le "Grenelle de l'environnement", nous avons travaillé avec eux et avec Borloo.
Q.- C'est pour eux qu'il y aura ce milliard d'euros, pour justement permettre des transports et faire en sorte que...
R.- Avec tous ceux et celles qui sont à la table de la négociation actuelle, ce n'est pas encore arrêté. Tous celles et ceux, c'est quasiment à 90 %, mais avec tous celles et ceux, donc les collectivités territoriales, les AOT - les Autorités d'Organisation des Transports - vont aussi participer. Avec Borloo, c'est déjà bouclé. C'est dans le cadre du "Grenelle de l'environnement". Donc, tout cela va être fait : c'est pour 50 quartiers, comme Clichy-sous-Bois, comme Montfermeil, etc. Maintenant, à côté de cela, nous on retient à peu près entre 100 et 200 quartiers, ce n'est pas encore arrêté.
Q.- Cela c'est une première tranche !
R.- Nous allons travailler sur deux formes de quartiers : il y a les quartiers les plus chauds, les plus difficiles ou vraiment tout s'accumule et c'est très compliqué d'y vivre à l'intérieur, malheureusement. Là, c'est entre 100 et 200 quartiers. Nous allons mettre le paquet. Donc, là, il s'agit en fait de faire de la réparation et de l'accompagnement pour qu'ils sortent justement de cette sorte de fatalisme. A côté de cela, il va y avoir d'autres quartiers, en réalité, dans les 751, globalement, pour lesquels nous allons travailler sur l'accompagnement, parce qu'ils présentent des fragilités. Et nous allons travailler sur leurs fragilités.
Q.- Une question un peu personnelle, permettez-moi ! Est-ce qu'il y a des moments, dans votre ministère vous, où vous vous sentez un peu secouée parce que vous allez dans des cités, puis qu'on vous dit : "oui mais toi, tu n'es plus avec nous" ? Est-ce que vous êtes agacée quand on dit, les ministres : "Fadela, elle continue à parler comme dans les cités, alors qu'elle ne devrait pas ; elle devrait donner l'exemple au contraire". Est-ce qu'il y a eu des choses depuis que vous êtes au Gouvernement qui vous ont humainement blessée, chagrinée ?
R.- Il y a des phrases qui m'ont un peu agacé. Par exemple, quand j'ai sorti le mot "dégueulasse" pour les histoires d'ADN, je n'ai fait qu'exprimer une opinion et une conviction. Me répondre que "ces gens là ne connaissent pas la démocratie", vous comprendrez bien que c'est assez blessant quand même. Cela, je n'ai pas accepté. Mais je l'ai dit, encore une fois, parce que moi j'assume, je ne veux pas être dans le "politiquement correct", et encore moins dans la langue de bois. Je veux pouvoir être et rester une femme libre. Je suis vraiment "Ni putes ni soumises" à la fois dans le parler et le comportement. Mais pour le reste, je pense que ce qui est important en réalité dans ce Gouvernement qui a été mis en place par N. Sarkozy, il a souhaité l'ouverture et la diversité, il faut saluer son courage politique en nommant Rama, Rachida et moi-même, pire pour lui d'ailleurs. Mais en réalité...
Q.- Vous seriez la plus insoumise ?
R.- Je ne sais pas. La vérité, c'est que les Français en ont marre de soupes politiquement correctes. Franchement, on dit qu'on avance, et ils ont envie du concret. Moi je sais que quand je descends quelque part, y compris dans les cités - alors dès fois cela se passe... on s'engueule, on se fâche, etc., mais surtout c'est parce qu'il y a une attente extraordinaire et une exigence aujourd'hui de résultats. C'est cela qui est important ! Je suis d'accord avec eux. Par contre, je ne peux pas vous expliquer cette chaleur extraordinaire aussi où il y a des gens, les petites "Mauricette", par exemple, elles m'accueillent en m'offrant un thé, ou on a des discussions. De la vraie vie et des vraies tranches de vie.
Q.- Les petites "Mauricette", c'est quoi ?
R.- Les "Mauricette" ce sont les petites mamies qui m'attendent dans les quartiers. J'adore.
W. Leymergie : Ah ! Parce que moi, je connaissais les gazelles, les petites gazelles.
Les gazelles, ce sont les gamines !
W. Leymergie : Mais les petites "Mauricette", ce sont les mamans.
R.- Oui, les "Mauricette" ce sont les petites mamans, les petites mémés qui nous attendent, qui en réalité m'offrent des confiseries - je ne devrais pas le dire. Mais bon, voilà.
W. Leymergie : Cela dit, maintenant tout le monde sait que vous aimez les confiseries.
R.- Exactement !
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 23 janvier 2008