Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je ne reviendrai pas sur les motions de procédure, qui ont été abondamment débattues hier soir et auxquelles M. le ministre des Affaires étrangères et européennes a répondu, ni sur les améliorations apportées par le Traité signé le 13 décembre dernier à Lisbonne, et qui ont été soulignées par nombre d'orateurs.
Comme l'ont indiqué le président de la commission des Affaires étrangères, le rapporteur, Mme Guigou ou encore M. Laffineur, ce Traité présente l'immense mérite de sortir l'Europe de l'impasse institutionnelle et politique dans laquelle elle se trouvait depuis quinze ans, surtout depuis le vote de septembre 2005, et il comporte des avancées majeures.
Ce traité facilitera notamment la prise des décisions - vous avez été nombreux à le souligner - du fait de l'extension de la majorité qualifiée à de nombreux domaines, et il nous permettra de mettre en oeuvre des politiques communes concrètes dans des domaines aussi sensibles que la sécurité, la coopération judiciaire et policière ainsi que dans d'autres domaines qui représentent des enjeux pour l'avenir de l'Europe.
Ce Traité permettra aussi à l'Europe de mieux relever des défis globaux, auxquels nous ne pourrons trouver de réponse satisfaisante tant que nous ne serons pas unis. En nous proposant une conception plus large de l'Europe, il permettra à celle-ci d'être plus influente sur la scène internationale. En autorisant une meilleure articulation entre la politique européenne de défense et de sécurité et l'action de l'OTAN, ce Traité permettra à l'Union de nourrir en matière de défense des ambitions correspondant à celles qui devraient être celles d'un espace économique de 500 millions d'habitants. En cela, il corrige le hiatus qui existait auparavant.
Il permettra aussi, autre progrès important, de renforcer le co-développement et la coopération avec nos partenaires africains en particulier. Bref, il permettra à l'Europe de mieux maîtriser son destin et de faire entendre sa voix sur le plan international, notamment dans les domaines de la diplomatie et de la sécurité.
Un certain nombre d'entre vous ont également souligné que ce Traité, s'il a pour finalité la mise en place de politiques communes, demeure un instrument et ne constitue pas en lui-même un projet : il sera ce que nous en ferons, notamment dans les domaines économique, social et même fiscal. En effet, en dépit des règles d'unanimité, ce traité autorise des coopérations renforcées, les règles dans ce domaine restant simplifiées. Cela nous permettra, dans le cadre d'une Europe élargie - c'est un autre atout de ce texte - de dépasser la dialectique entre approfondissement et élargissement.
Enfin, ce Traité prend en compte les aspirations et les craintes exprimées lors du référendum du 29 mai 2005.
Si certains ont encore des craintes, Monsieur Myard, ce Traité devrait les rassurer puisqu'il comporte des avancées certaines en matière sociale, avec le protocole sur les services publics, la clause sociale transversale ou encore le fait que "la concurrence libre et non faussée" n'est plus un objectif en soi, mais seulement un outil figurant dans le protocole. Tout cela a un sens !
Mme Guigou a eu raison de souligner que le fait de définir dans ce Traité de nouveaux objectifs tout en faisant de certains autres de simples instruments avait une incidence juridique, notamment en ce qui concerne le contrôle de la Cour européenne de justice sur les aides d'Etat.
On le voit, ce Traité répond aux craintes exprimées lors du référendum du 29 mai 2005.
Ce Traité contient en outre des avancées démocratiques grâce au renforcement du rôle du Parlement européen. Le rôle des Parlements nationaux est également renforcé. Ils pourront notamment rendre des avis motivés et intervenir sur les décisions de la Commission européenne et les actes européens. Dans le cadre de la construction européenne, c'est bien d'une avancée démocratique qu'il s'agit !
Enfin, et c'est le plus important, ce Traité marque la réconciliation des peuples européens dans une Europe élargie, une Europe nouvelle qui, après la chute du Mur de Berlin, se devait de parvenir à l'union. Elle dispose enfin des outils nécessaires à sa véritable réconciliation. En cela, le Traité de Lisbonne est fidèle à l'idéal européen. Comme l'ont souligné certains d'entre vous, dont M. Muet.
Je voudrais à présent répondre à deux interrogations qui se sont fait jour au cours de ce débat. J'évoquerai tout d'abord celle, évoquée par M. Rochebloine, sur les frontières de l'Europe.
Un groupe de réflexion sera mis en place, qui rendra ses conclusions en 2010. Il éclairera notamment les dirigeants européens sur ce qui fonde véritablement l'identité européenne et, partant, détermine ce que peuvent être les frontières de l'Union.
S'agissant de l'article 88-5 de notre Constitution, Monsieur Rochebloine, je maintiens les options que j'ai déjà défendues.
Je ne suis pas favorable au recours systématique au référendum avant tout nouvel élargissement - ce qui n'interdit pas d'y recourir dans les cas les plus importants. C'est au président de la République qu'il appartiendra, dans le cadre institutionnel, de recourir ou non au référendum et de choisir le mode le plus approprié.
Je le répète, je ne suis pas favorable, s'agissant de l'article 88-5, au maintien de l'automaticité.
Je vais être très clair, Monsieur Rochebloine. Pour ce qui est de la Turquie, la position de la France est connue, et le président de la République l'a exprimée à plusieurs reprises : la Turquie n'a pas vocation à adhérer à l'Union européenne.
La question du référendum ne se pose donc pas.
Autre point important abordé par nombre d'entre vous, de diverses sensibilités, notamment le président de la commission des Affaires étrangères, Mme Guigou, M. Muet, M. Moscovici, M. Lequiller et M. le Rapporteur : celui des symboles européens. Vous le savez, nous souhaitons rejoindre au plus vite les pays qui, au travers d'une déclaration commune, ont témoigné de leur attachement à ces symboles. Le plus important pour nous est de les faire vivre - nous l'avons prouvé le 14 juillet dernier ou encore en décidant que, désormais, le drapeau européen flotterait à côté du drapeau français au fronton du ministère des Affaires étrangères et européennes. S'agissant des institutions, je voudrais vous dire ma sympathie pour les propositions qui ont été faites en ce domaine.
Le ministre des Affaires étrangères et européennes et moi-même soutiendrons une initiative en ce sens le moment venu, ce qui n'est malheureusement pas possible dans le cadre actuel.
Au terme d'un débat de qualité, j'insiste sur le fait que le Traité de Lisbonne ouvre de nouvelles perspectives pour l'Europe et la renforce en favorisant l'union entre les populations. Il redonne un souffle à l'idéal européen en faisant en sorte que chaque pays, quelles que soient ses sensibilités, s'engage pour que se développent les politiques communes dont nous avons besoin. Soyez certains que la Présidence française de l'Union européenne, qui sera collective dans son approche, modeste dans son style, mais ambitieuse dans ses objectifs, s'efforcera de faire vivre au mieux ce Traité - c'est l'un de nos objectifs - qui conditionne l'avenir de l'Europe et des générations futures, à travers les échanges et le dialogue interculturel qu'il doit permettre, comme l'a souligné M. Fasquelle, tout en garantissant que nous puissions, dans l'unité, gérer la diversité des identités auxquelles nous restons attachés.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 février 2008