Texte intégral
C. Barbier.- "Quand on a une forte rémunération et qu'il y a un fort problème, on ne peut s'exonérer de ses responsabilités", a déclaré hier N. Sarkozy. Souhaitez-vous que le conseil d'administration de la Société Générale accepte la démission de D. Bouton demain ?
R.- Ce sera aux administrateurs de prendre leur décision. Je crois que sur le principe, le président de la République a parfaitement raison, on doit prendre ses responsabilités. C'est ce que fait l'Etat d'ailleurs, et je crois que la réunion que j'aurai avec les responsables et de la Banque de France et de l'Autorité des marchés financiers tout à l'heure, pour évoquer l'ensemble des questions qui ont pu se poser sur le plan de la régulation, c'est une façon, pour nous, de prendre nos responsabilités. Quand le président de la République se rend à Londres aujourd'hui pour évoquer avec ses homologues les questions de transparence et de régulation, il prend ses responsabilités. Ce sera aux administrateurs de prendre leurs responsabilités, à l'aune de deux choses, la situation aujourd'hui, et puis le futur d'une institution qui est aujourd'hui une grande banque française, qui emploie plus de 120.000 salariés, qui a des millions de clients, et à l'égard desquels, évidemment, il faut réfléchir sur les meilleures solutions dans l'intérêt général et dans l'intérêt de l'institution.
Q.- Et il serait plus facile de penser ces solutions avec un nouveau PDG ?
R.- Ce sera à eux d'apprécier véritablement. Vous savez, dans les situations de crise - et on ne peut pas nier que la Société Générale soit dans une situation de crise pour gérer les questions liées aux pertes de la fraude, les questions liées aux pertes des subprimes, c'est un moment qui est difficile -, dans un moment difficile, les administrateurs sont là pour apprécier si oui ou non la personne en place est la meilleure pour conduire le bateau quand il y a un peu de tangage ou si, au contraire, il faut changer de capitaine. Ce sera à eux d'en décider.
Q.- Etes-vous choquée de voir J. Kerviel laissé en liberté par le juge ?
R.- Ce que je constate, c'est qu'il y a deux jours, les bruits étaient que ce n'était pas lui, qu'il y avait tout un tas de complices, que ce n'était pas lui, que c'était la banque qui cachait autre chose, qu'il y avait un écran de fumées, etc. Aujourd'hui, on est en face de quoi ? Un individu salarié de la banque qui a été inculpé au terme d'une garde à vue, sur les fondements d'abus de confiance, de faux et d'usage de faux. Le magistrat a considéré qu'il pouvait rester en liberté parce qu'il n'allait pas quitter le territoire français, qu'il était à la disposition de la justice. Bon, c'est une décision qui me parait légitime. J'espère qu'il ne sera pas la proie de trop d'attention médiatique, et qu'il pourra sereinement réfléchir à sa défense.
Q.- On l'a un peu "jeté en pâture", vous diriez cela, comme son avocat ?
R.- Non, chacun est dans son rôle, les avocats - et j'ai infiniment de respect pour le bâtonnier - ; chacun est dans son rôle. Mais il faut, dans une situation comme celle-là, savoir raison garder. Il y a beaucoup de salariés, il y a beaucoup de clients, il y a un établissement financier de grande qualité, qui a une réputation sur les places financières mondiales, il y a une place de Paris qui a aussi son importance, et je crois qu'il faut peser ses mots et ne pas se laisser emporter par la passion.
Q.- Quand remettrez-vous à F. Fillon le rapport qu'il vous a commandé ?
R.- Vendredi.
Q.- Qu'y a-t-il dans ce rapport ?
R.- Vous savez, s'il était fait, je lui rendrais aujourd'hui, il est en préparation, il va répondre à quatre questions. Première question, c'est quelle est exactement la chronologie des faits qui se sont déroulés pour arriver à la situation de jeudi matin. Ensuite, deuxième question : pourquoi les contrôles qui existent, qui sont prescrits, n'ont-ils pas fonctionné pour déceler cette situation qui a créé des pertes de 4,9 milliards d'euros pour la banque. Troisième question : comment doit-on améliorer les contrôles, quels nouveaux contrôles doit-on mettre en place ? Et quatrième question : est-ce que pendant toute cette période-là, la Société Générale s'est bien conformée à la réglementation bancaire et à la réglementation boursière ? A la suite de quoi, le Premier ministre pourra proposer un certain nombre de modifications éventuelles en matière de réglementation. C'est le sujet qu'abordera le président de la République ce soir à Londres.
Q.- Recommanderez-vous de légiférer pour mieux protéger les intérêts des actionnaires et des petits titulaires de comptes ?
R.- Cela dépendra de la réponse à la question numéro deux : pourquoi les contrôles n'ont-ils pas fonctionné, et de quel type de contrôles s'agissait-il ? Ce qui est certain, c'est qu'en matière de marchés financiers aujourd'hui, que ce soit à Paris, que ce soit à Londres, que ce soit à New York, il y a, me semble-t-il, un besoin impératif de transparence à plusieurs niveaux - on peut revenir là-dessus si vous voulez -, de gouvernance et de régulation. Donc je pense, effectivement, que sur un certain nombre de points, les agences de notation, la régulation bancaire, je crois qu'on doit faire quelques efforts, oui.
Q.- Sur la chronologie, vous avez dit : la Société Générale a fait tout ce qu'il y avait à faire, est-ce qu'elle n'a pas paniqué ? Est-ce qu'elle n'a pas vendu trop vite les actions et les positions acquises par J. Kerviel ?
R.- J'en saurai plus long en fin de matinée quand j'aurai eu, et de la part du président de l'Autorité des marchés financiers, M. Prada, et de la part du gouverneur de la Banque de France, leurs explications. Parce que, ce qui est certain, c'est que D. Bouton s'est rapproché et de l'un et de l'autre, très vite, dès qu'ils ont connu la situation et l'ampleur des engagements qui avaient été souscrits par Kerviel.
Q.- Quand avez-vous été prévenue, et quand avez-vous prévenu le président de la République ?
R.- Moi, j'ai été prévenue mercredi matin, et j'ai prévenu le Premier ministre dès que je l'ai su. Donc le gouvernement était informé et le président de la République a été informé mercredi.
Q.- Vous n'êtes pas choquée de voir le pouvoir politique tenu à l'écart entre vendredi, quand on s'aperçoit du problème à la Société Générale, et mercredi matin ?
R.- Premièrement, la Société Générale est une société de droit privé, une banque privée qui n'appartient pas à l'Etat.
Q.- Oui, mais le scandale est public, et on savait qu'il allait y avoir une onde de choc publique...
R.- Deuxièmement, d'après ce que je comprends, il a fallu à peu près 48 heures pour que la Société Générale fasse l'inventaire des engagements qui étaient pris, et le risque potentiel dans lequel elle se trouvait. Troisièmement, elle a averti son autorité de tutelle, qui est le gouverneur de la Banque de France. Alors, ensuite, la raison pour laquelle, entre le dimanche et le mercredi matin, le gouverneur de la Banque de France ne nous a pas avertis, je souhaite le comprendre, et je ne doute pas qu'il y ait de bonnes raisons de ne pas l'avoir fait, qui tiennent, soit à l'intérêt général, soit à la situation des marchés. J'attends des explications pour savoir dans quelles conditions nous n'avons pas été informés entre dimanche et mercredi.
Q.- C'est là, au niveau de la Banque de France, qu'il y a un manque de transparence, qu'on peut progresser dans le contrôle et la transparence du système ?
R.- Je ne suis pas en train de dire qu'il y a un manque de transparence. Je dis que je veux comprendre précisément pourquoi cela n'a pas été fait. Et je voudrais revenir un instant sur la transparence. Je crois qu'on a besoin de transparence à trois niveaux : au niveau des produits financiers eux-mêmes, qui sont devenus terriblement compliqués, et que les experts eux-mêmes ont parfois peine à bien comprendre. La crise des subprimes est partiellement liée à cette situation...
Q.- Cela ne peut se faire qu'au niveau mondial...
R.- Ça doit se faire au niveau mondial. Deuxièmement, transparence au niveau des établissements financiers eux-mêmes. Les banques, les compagnies d'assurances doivent être beaucoup plus claires, et en ce moment, en particulier sur les volumes de provisions qu'elles doivent prendre à raison des pertes qu'elles ont subies, notamment sur le marché des subprimes. Je crois que les banques européennes, en particulier les françaises, sont moins exposées, parce qu'elles étaient moins investies dans ces produits-là, mais il doit y avoir une transparence, et il doit y avoir en particulier une publication des provisions pour pertes. Et puis, troisièmement, il doit y avoir aussi plus de transparence dans les modes de gestion interne, dans les contrôles, dans les façons dont les rémunérations sont construites. Vous savez, si ce garçon s'est comporté de cette façon-là, et si j'en crois les affirmations du procureur, c'est parce qu'il voulait montrer comme il était bon et il voulait se valoriser au regard de sa hiérarchie et gagner des primes importantes. Il y a peut-être un petit problème auquel on doit réfléchir sur la constitution de ces rémunérations.
Q.- Si la Société Générale est victime d'un raid, est la proie de prédateurs, est-ce que l'Etat fera quelque chose, comme l'a suggéré H. Guaino dimanche ?
R.- H. Guaino avait raison de parler dans le domaine des principes ; moi, ce qui m'intéresse, c'est la réalité au quotidien. Aujourd'hui, ce que je constate, c'est qu'avec l'augmentation de capital qui a été lancée et qui est sécurisée par la Société Générale - puisque je vous rappelle qu'elle est garantie par les deux banques placeuses de l'augmentation -, la banque n'est pas contrainte de s'adosser à un autre établissement, elle est dans la situation habituelle de la Société Générale, à l'égard de laquelle les économistes, les financiers ont toujours spéculé sur qui va exercer le mieux sa convoitise...
Q.- Mais elle va attirer les convoitises...
R.- Oui, elle attire les convoitises, et je voudrais, à cet égard, souligner une chose : c'est que plus on fait courir la rumeur, plus on accuse, plus on jette le doute et l'opprobre sur cet établissement, plus on le met en risque, en particulier d'une attaque de l'extérieur. Parce qu'il faut quand même être lucide, les places sont concurrentes, la place de Londres, la place de New York, la place de Francfort ne sont pas forcément mécontentes de voir que, on critique un établissement bancaire important, une place financière et des régulateurs. Donc, attention, moi, j'appelle un tout petit peu à la raison et à la mesure en ce domaine.
Q.- Dans ce climat, on file vers la récession mondiale ?
R.- On se pose la question, et il n'y avait vraiment pas de résolution à cet égard de savoir s'il y a une récession aux Etats-Unis, ce que je peux vous dire, en revanche, pour avoir vu beaucoup de Chinois, beaucoup d'Indiens et beaucoup de participants des pays émergents à Davos, c'est que de ce côté-là du monde, il n'est pas question de récession. On a des pays qui tournent à plus de 10 % de croissance.
Q.- Pour que l'Europe soit du bon côté, est-ce que la Banque centrale doit baisser ses taux pour soutenir la croissance européenne ?
R.- Laissez-moi juste un instant vous dire, que ce que je crois, c'est qu'on est aujourd'hui en présence d'un grand réaménagement et d'une grande réorganisation du monde économique, avec certainement un affaiblissement de ce rôle moteur qu'ont joué les Etats-Unis pendant très longtemps, sans qu'ils soient forcément complètement découplés du reste des économies, mais où, clairement, les économies des pays émergents vont de plus en plus jouer un rôle de... enfin, vont être des moteurs de l'économie mondiale. D'où l'importance, me semble-t-il, pour les sociétés françaises, de se tourner résolument vers des activités d'exportation et de montée en compétitivité. Ça, c'est un impératif absolu.
Q.- Et la BCE doit soutenir la croissance, pas seulement lutter contre l'inflation ?
R.- Je l'ai dit, la BCE a pour feuille de route et pour unique boussole aujourd'hui, la maîtrise des prix. Donc cela explique tout à fait le discours de son président, monsieur Trichet. Pour autant, je pense effectivement qu'on doit trouver des instances, où les organes politiques européens se retrouvent entre eux pour parler de questions de croissance, car à choisir entre inflation et croissance, eh bien, il faut trouver un juste milieu.
Q.- Demain, la Commission européenne va être sévère avec la France sur la lutte contre les déficits publics. Vous êtes prête à répondre ?
R.- Oui, je suis prête à répondre, parce que nous nous sommes exprimés très clairement au mois de juillet. Le président de la République était venu à l'Eurogroupe d'ailleurs, "en visiteur du soir", comme l'a appelé le président Juncker, président de l'Eurogroupe, et où nous avons très clairement expliqué le train de réformes dans lequel la France est montée. Et c'est un train qui ne va pas s'arrêter, il est sorti de la gare, il va continuer. Et compte tenu de ce train de réformes dans lequel nous sommes engagés, le Président a très clairement indiqué que nous espérions tenir nos engagements pour 2010, mais que beaucoup plus probablement, sauf croissance exceptionnelle, nous tiendrons nos engagements en 2012. Et ça, je le maintiens, nous tiendrons nos engagements en 2012.
Q.- Le lundi de Pentecôte sera-t-il à nouveau férié dès 2008 ?
R.- C'est un sujet de débat, et vous savez que nous essayons de pratiquer plutôt selon un mode de liberté et d'initiatives prises le plus près du terrain, "là où ça fait du sens", comme diraient nos amis belges. X. Bertrand, qui est en charge de ces questions-là, a ouvert le champ de la réflexion, et proposé que les entreprises, en fonction de leurs impératifs, puissent organiser cette journée de solidarité. Donc, le principe, c'est qu'on maintient la Journée de solidarité, mais dans les modalités d'application, c'est plus à la carte qu'un menu imposé.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 janvier 2008
R.- Ce sera aux administrateurs de prendre leur décision. Je crois que sur le principe, le président de la République a parfaitement raison, on doit prendre ses responsabilités. C'est ce que fait l'Etat d'ailleurs, et je crois que la réunion que j'aurai avec les responsables et de la Banque de France et de l'Autorité des marchés financiers tout à l'heure, pour évoquer l'ensemble des questions qui ont pu se poser sur le plan de la régulation, c'est une façon, pour nous, de prendre nos responsabilités. Quand le président de la République se rend à Londres aujourd'hui pour évoquer avec ses homologues les questions de transparence et de régulation, il prend ses responsabilités. Ce sera aux administrateurs de prendre leurs responsabilités, à l'aune de deux choses, la situation aujourd'hui, et puis le futur d'une institution qui est aujourd'hui une grande banque française, qui emploie plus de 120.000 salariés, qui a des millions de clients, et à l'égard desquels, évidemment, il faut réfléchir sur les meilleures solutions dans l'intérêt général et dans l'intérêt de l'institution.
Q.- Et il serait plus facile de penser ces solutions avec un nouveau PDG ?
R.- Ce sera à eux d'apprécier véritablement. Vous savez, dans les situations de crise - et on ne peut pas nier que la Société Générale soit dans une situation de crise pour gérer les questions liées aux pertes de la fraude, les questions liées aux pertes des subprimes, c'est un moment qui est difficile -, dans un moment difficile, les administrateurs sont là pour apprécier si oui ou non la personne en place est la meilleure pour conduire le bateau quand il y a un peu de tangage ou si, au contraire, il faut changer de capitaine. Ce sera à eux d'en décider.
Q.- Etes-vous choquée de voir J. Kerviel laissé en liberté par le juge ?
R.- Ce que je constate, c'est qu'il y a deux jours, les bruits étaient que ce n'était pas lui, qu'il y avait tout un tas de complices, que ce n'était pas lui, que c'était la banque qui cachait autre chose, qu'il y avait un écran de fumées, etc. Aujourd'hui, on est en face de quoi ? Un individu salarié de la banque qui a été inculpé au terme d'une garde à vue, sur les fondements d'abus de confiance, de faux et d'usage de faux. Le magistrat a considéré qu'il pouvait rester en liberté parce qu'il n'allait pas quitter le territoire français, qu'il était à la disposition de la justice. Bon, c'est une décision qui me parait légitime. J'espère qu'il ne sera pas la proie de trop d'attention médiatique, et qu'il pourra sereinement réfléchir à sa défense.
Q.- On l'a un peu "jeté en pâture", vous diriez cela, comme son avocat ?
R.- Non, chacun est dans son rôle, les avocats - et j'ai infiniment de respect pour le bâtonnier - ; chacun est dans son rôle. Mais il faut, dans une situation comme celle-là, savoir raison garder. Il y a beaucoup de salariés, il y a beaucoup de clients, il y a un établissement financier de grande qualité, qui a une réputation sur les places financières mondiales, il y a une place de Paris qui a aussi son importance, et je crois qu'il faut peser ses mots et ne pas se laisser emporter par la passion.
Q.- Quand remettrez-vous à F. Fillon le rapport qu'il vous a commandé ?
R.- Vendredi.
Q.- Qu'y a-t-il dans ce rapport ?
R.- Vous savez, s'il était fait, je lui rendrais aujourd'hui, il est en préparation, il va répondre à quatre questions. Première question, c'est quelle est exactement la chronologie des faits qui se sont déroulés pour arriver à la situation de jeudi matin. Ensuite, deuxième question : pourquoi les contrôles qui existent, qui sont prescrits, n'ont-ils pas fonctionné pour déceler cette situation qui a créé des pertes de 4,9 milliards d'euros pour la banque. Troisième question : comment doit-on améliorer les contrôles, quels nouveaux contrôles doit-on mettre en place ? Et quatrième question : est-ce que pendant toute cette période-là, la Société Générale s'est bien conformée à la réglementation bancaire et à la réglementation boursière ? A la suite de quoi, le Premier ministre pourra proposer un certain nombre de modifications éventuelles en matière de réglementation. C'est le sujet qu'abordera le président de la République ce soir à Londres.
Q.- Recommanderez-vous de légiférer pour mieux protéger les intérêts des actionnaires et des petits titulaires de comptes ?
R.- Cela dépendra de la réponse à la question numéro deux : pourquoi les contrôles n'ont-ils pas fonctionné, et de quel type de contrôles s'agissait-il ? Ce qui est certain, c'est qu'en matière de marchés financiers aujourd'hui, que ce soit à Paris, que ce soit à Londres, que ce soit à New York, il y a, me semble-t-il, un besoin impératif de transparence à plusieurs niveaux - on peut revenir là-dessus si vous voulez -, de gouvernance et de régulation. Donc je pense, effectivement, que sur un certain nombre de points, les agences de notation, la régulation bancaire, je crois qu'on doit faire quelques efforts, oui.
Q.- Sur la chronologie, vous avez dit : la Société Générale a fait tout ce qu'il y avait à faire, est-ce qu'elle n'a pas paniqué ? Est-ce qu'elle n'a pas vendu trop vite les actions et les positions acquises par J. Kerviel ?
R.- J'en saurai plus long en fin de matinée quand j'aurai eu, et de la part du président de l'Autorité des marchés financiers, M. Prada, et de la part du gouverneur de la Banque de France, leurs explications. Parce que, ce qui est certain, c'est que D. Bouton s'est rapproché et de l'un et de l'autre, très vite, dès qu'ils ont connu la situation et l'ampleur des engagements qui avaient été souscrits par Kerviel.
Q.- Quand avez-vous été prévenue, et quand avez-vous prévenu le président de la République ?
R.- Moi, j'ai été prévenue mercredi matin, et j'ai prévenu le Premier ministre dès que je l'ai su. Donc le gouvernement était informé et le président de la République a été informé mercredi.
Q.- Vous n'êtes pas choquée de voir le pouvoir politique tenu à l'écart entre vendredi, quand on s'aperçoit du problème à la Société Générale, et mercredi matin ?
R.- Premièrement, la Société Générale est une société de droit privé, une banque privée qui n'appartient pas à l'Etat.
Q.- Oui, mais le scandale est public, et on savait qu'il allait y avoir une onde de choc publique...
R.- Deuxièmement, d'après ce que je comprends, il a fallu à peu près 48 heures pour que la Société Générale fasse l'inventaire des engagements qui étaient pris, et le risque potentiel dans lequel elle se trouvait. Troisièmement, elle a averti son autorité de tutelle, qui est le gouverneur de la Banque de France. Alors, ensuite, la raison pour laquelle, entre le dimanche et le mercredi matin, le gouverneur de la Banque de France ne nous a pas avertis, je souhaite le comprendre, et je ne doute pas qu'il y ait de bonnes raisons de ne pas l'avoir fait, qui tiennent, soit à l'intérêt général, soit à la situation des marchés. J'attends des explications pour savoir dans quelles conditions nous n'avons pas été informés entre dimanche et mercredi.
Q.- C'est là, au niveau de la Banque de France, qu'il y a un manque de transparence, qu'on peut progresser dans le contrôle et la transparence du système ?
R.- Je ne suis pas en train de dire qu'il y a un manque de transparence. Je dis que je veux comprendre précisément pourquoi cela n'a pas été fait. Et je voudrais revenir un instant sur la transparence. Je crois qu'on a besoin de transparence à trois niveaux : au niveau des produits financiers eux-mêmes, qui sont devenus terriblement compliqués, et que les experts eux-mêmes ont parfois peine à bien comprendre. La crise des subprimes est partiellement liée à cette situation...
Q.- Cela ne peut se faire qu'au niveau mondial...
R.- Ça doit se faire au niveau mondial. Deuxièmement, transparence au niveau des établissements financiers eux-mêmes. Les banques, les compagnies d'assurances doivent être beaucoup plus claires, et en ce moment, en particulier sur les volumes de provisions qu'elles doivent prendre à raison des pertes qu'elles ont subies, notamment sur le marché des subprimes. Je crois que les banques européennes, en particulier les françaises, sont moins exposées, parce qu'elles étaient moins investies dans ces produits-là, mais il doit y avoir une transparence, et il doit y avoir en particulier une publication des provisions pour pertes. Et puis, troisièmement, il doit y avoir aussi plus de transparence dans les modes de gestion interne, dans les contrôles, dans les façons dont les rémunérations sont construites. Vous savez, si ce garçon s'est comporté de cette façon-là, et si j'en crois les affirmations du procureur, c'est parce qu'il voulait montrer comme il était bon et il voulait se valoriser au regard de sa hiérarchie et gagner des primes importantes. Il y a peut-être un petit problème auquel on doit réfléchir sur la constitution de ces rémunérations.
Q.- Si la Société Générale est victime d'un raid, est la proie de prédateurs, est-ce que l'Etat fera quelque chose, comme l'a suggéré H. Guaino dimanche ?
R.- H. Guaino avait raison de parler dans le domaine des principes ; moi, ce qui m'intéresse, c'est la réalité au quotidien. Aujourd'hui, ce que je constate, c'est qu'avec l'augmentation de capital qui a été lancée et qui est sécurisée par la Société Générale - puisque je vous rappelle qu'elle est garantie par les deux banques placeuses de l'augmentation -, la banque n'est pas contrainte de s'adosser à un autre établissement, elle est dans la situation habituelle de la Société Générale, à l'égard de laquelle les économistes, les financiers ont toujours spéculé sur qui va exercer le mieux sa convoitise...
Q.- Mais elle va attirer les convoitises...
R.- Oui, elle attire les convoitises, et je voudrais, à cet égard, souligner une chose : c'est que plus on fait courir la rumeur, plus on accuse, plus on jette le doute et l'opprobre sur cet établissement, plus on le met en risque, en particulier d'une attaque de l'extérieur. Parce qu'il faut quand même être lucide, les places sont concurrentes, la place de Londres, la place de New York, la place de Francfort ne sont pas forcément mécontentes de voir que, on critique un établissement bancaire important, une place financière et des régulateurs. Donc, attention, moi, j'appelle un tout petit peu à la raison et à la mesure en ce domaine.
Q.- Dans ce climat, on file vers la récession mondiale ?
R.- On se pose la question, et il n'y avait vraiment pas de résolution à cet égard de savoir s'il y a une récession aux Etats-Unis, ce que je peux vous dire, en revanche, pour avoir vu beaucoup de Chinois, beaucoup d'Indiens et beaucoup de participants des pays émergents à Davos, c'est que de ce côté-là du monde, il n'est pas question de récession. On a des pays qui tournent à plus de 10 % de croissance.
Q.- Pour que l'Europe soit du bon côté, est-ce que la Banque centrale doit baisser ses taux pour soutenir la croissance européenne ?
R.- Laissez-moi juste un instant vous dire, que ce que je crois, c'est qu'on est aujourd'hui en présence d'un grand réaménagement et d'une grande réorganisation du monde économique, avec certainement un affaiblissement de ce rôle moteur qu'ont joué les Etats-Unis pendant très longtemps, sans qu'ils soient forcément complètement découplés du reste des économies, mais où, clairement, les économies des pays émergents vont de plus en plus jouer un rôle de... enfin, vont être des moteurs de l'économie mondiale. D'où l'importance, me semble-t-il, pour les sociétés françaises, de se tourner résolument vers des activités d'exportation et de montée en compétitivité. Ça, c'est un impératif absolu.
Q.- Et la BCE doit soutenir la croissance, pas seulement lutter contre l'inflation ?
R.- Je l'ai dit, la BCE a pour feuille de route et pour unique boussole aujourd'hui, la maîtrise des prix. Donc cela explique tout à fait le discours de son président, monsieur Trichet. Pour autant, je pense effectivement qu'on doit trouver des instances, où les organes politiques européens se retrouvent entre eux pour parler de questions de croissance, car à choisir entre inflation et croissance, eh bien, il faut trouver un juste milieu.
Q.- Demain, la Commission européenne va être sévère avec la France sur la lutte contre les déficits publics. Vous êtes prête à répondre ?
R.- Oui, je suis prête à répondre, parce que nous nous sommes exprimés très clairement au mois de juillet. Le président de la République était venu à l'Eurogroupe d'ailleurs, "en visiteur du soir", comme l'a appelé le président Juncker, président de l'Eurogroupe, et où nous avons très clairement expliqué le train de réformes dans lequel la France est montée. Et c'est un train qui ne va pas s'arrêter, il est sorti de la gare, il va continuer. Et compte tenu de ce train de réformes dans lequel nous sommes engagés, le Président a très clairement indiqué que nous espérions tenir nos engagements pour 2010, mais que beaucoup plus probablement, sauf croissance exceptionnelle, nous tiendrons nos engagements en 2012. Et ça, je le maintiens, nous tiendrons nos engagements en 2012.
Q.- Le lundi de Pentecôte sera-t-il à nouveau férié dès 2008 ?
R.- C'est un sujet de débat, et vous savez que nous essayons de pratiquer plutôt selon un mode de liberté et d'initiatives prises le plus près du terrain, "là où ça fait du sens", comme diraient nos amis belges. X. Bertrand, qui est en charge de ces questions-là, a ouvert le champ de la réflexion, et proposé que les entreprises, en fonction de leurs impératifs, puissent organiser cette journée de solidarité. Donc, le principe, c'est qu'on maintient la Journée de solidarité, mais dans les modalités d'application, c'est plus à la carte qu'un menu imposé.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 29 janvier 2008