Texte intégral
J.-J. Bourdin.- Notre invitée ce matin V. Pécresse, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. V. Pécresse bonjour.
R.- Bonjour.
Q.- Vous êtes remise de votre voyage en Guyane ? Ca va ? Ca s'est bien passé ?
R.- Oui, ça va très bien.
Q.- On ne se sent pas un peu quand même ridicule de suivre comme ça, en groupe, le président de la République, à se retrouver sur une pirogue au milieu d'un fleuve ? Il n'y a pas un phénomène de cour qui parfois est un peu difficilement supportable ?
R.- C'est plutôt l'inverse.
Q.- Je vous dis les images que ça donne.
R.- C'est plutôt l'inverse. Le président est allé en Guyane pour faire un grand discours sur la politique spatiale et tracer des perspectives jusqu'à aller sur Mars. Est-ce que la France ira un jour sur Mars ? Avec qui elle ira ? L'Europe, les Etats-Unis ?
Q.- Votre présence était utile, ce n'est pas ce que je dis.
R.- Je suis ministre de la Recherche et de l'Espace et je pense que ça aurait été même...
Q.- Mais quand j'entends C. Estrosi déclarer : « vous avez vu comme il est populaire en forêt amazonienne, le président de la République ».
R.- Il est ministre des DOM TOM, c'est son rôle, c'est son métier, c'est sa fonction de travailler sur le développement de la Guyane.
Q.- Bon. Neuf ministres ce n'est pas beaucoup.
R.- Sept.
Q.- Sept ministres ? Bon d'accord, sept ministres et secrétaires d'Etat. Parlons d'autre chose. La redevance télé, est-ce qu'elle va augmenter cette redevance télé ? Qu'est-ce que vous savez là-dessus ?
R.- Ecoutez moi, je ne sais rien que ce que j'entends, c'est-à-dire qu'il n'est pas question de l'augmenter.
Q.- Pas question ? C'est ce qu'on vous dit ?
R.- C'est ce que j'ai entendu. Ce n'est pas ma responsabilité, vous le savez, la redevance télé. Je ne suis ni ministre du Budget, ni ministre de la Culture.
Q.- Je le sais.
R.- Ce que j'ai entendu dire, c'est effectivement la volonté du président de la République d'arrêter la publicité sur France 2 et sur les chaînes publiques pour donner une vraie qualité de service public. Je crois qu'au fond, la conviction du président de la République c'est qu'on n'y arrivera pas sans ça. C'est que dès qu'on met le doigt dans la publicité, c'est-à-dire dans une logique marchande d'une chaîne de service public, on tombe dans la duplication d'une chaîne privée.
Q.- Tout le monde peut être d'accord avec cette idée mais ce qu'on ne comprend pas très bien c'est pourquoi on ne nous dit pas comment on va financer le manque à gagner.
R.- Vous le saurez très vite puisque vous allez avoir un projet de loi de finance, vous allez avoir un débat au Parlement. Mais ce qu'il faut comprendre et ça, c'est important pour tous les services publics, c'est que le financement suit un projet. On ne peut plus avoir...
Q.- Et on ne peut plus annoncer un projet sans annoncer le financement non plus. Vous êtes d'accord avec moi ?
R.- Mais les deux. Mais le problème c'est que trop souvent et depuis trop longtemps, les slogans politiques de part et d'autre, ça a été : donnez-nous plus de moyens, donnez-nous plus de moyens. Moi je dis : arrêtez de me dire ça. Dites-moi pour quoi faire, quel est votre plan pour le service public ? Quelle est votre ambition ? Quelles émissions vous avez envie de faire ? Comment vous avez envie de les produire ? Peut-être qu'elles ne coûteront pas si cher que ça les émissions. Moi j'aimerais bien que sur le service public il y ait des grandes émissions scientifiques. Je ne suis pas sûre que ça coûterait si cher que ça et en revanche, c'est un beau projet, vous voyez.
Q.- Je change encore de sujet avec le président de la République, ensuite nous passerons aux questions qui vous concernent directement. L'intervention du président de la République hier soir devant le Crif. Il nous dit : il y a d'un côté un monde avec Dieu et il y a de l'autre côté, le nazisme et le communisme. Entre les deux, qu'est-ce qu'il y a ?
R.- Non ; non, non, ça c'est une caricature. Ce que le président de la République a dit, c'est que certains tuent au nom de Dieu et que certains tuent aussi au nom d'une certaine forme de négation de Dieu. Voilà. Ca veut dire qu'il peut y avoir des fanatismes des deux côtés, c'est ça ce qu'il a dit. Mais ce que le Président essaie de défendre, c'est une vision de la laïcité respectueuse des croyances de chacun. Cela veut dire qu'on a tous le droit de croire ou de ne pas croire. Il le dit de manière un petit peu plus forte et il met peut-être un petit peu plus en avant ses propres convictions à lui.
Q.- Est-ce que vous êtes favorable à une modification de la loi de 1905 ou pas, vous ?
R.- Moi je crois qu'il faut absolument garder une neutralité de l'espace public. C'est absolument essentiel. Chacun d'entre nous, aucun d'entre nous ne doit être catalogué pour ce qu'il croit ou qu'il ne croit pas. Ca c'est la première chose : neutralité de l'espace public. En revanche, je crois qu'il faut que chaque personne puisse vivre, se sentir respecté dans ce qu'il est. Et c'est possible que dans notre pays certaines personnes par leurs croyances ou par leur non croyance, ne se sentent pas respectées. Et là-dessus, il faut aménager la loi.
Q.- Quelle ambiance aujourd'hui autour du président de la République ? Je ne parle pas de la personne du président de la République, je parle de l'ambiance avec les députés UMP, entre les ministres. Parce qu'on parle, on dit tellement de choses, on entend tellement de choses qui sont vraies, certaines, fausses, d'autres. Un remaniement après les municipales, les députés UMP qui ne sont pas contents du rapport Attali. Enfin vous le savez ça.
R.- Ecoutez moi ça fait maintenant dix ans que je fais peu ou prou de la politique.
Q.- Oui, franchement, parce que je sais que vous êtes quelqu'un de franc et direct et que vous dites les choses.
R.- Moi je vous dirai les choses très simplement. En politique, il y a des moments où le bateau tangue.
Q.- Et ça tangue en ce moment ?
R.- En ce moment ça tangue mais quand ça tangue, il faut se rappeler les fondamentaux de la voile, c'est que quand ça tangue il faut que tout l'équipage soit sur le pont et qu'on soit tous uni et qu'on fasse équipe.
Q.- Mais pourquoi est-ce que ça tangue ? Parce que les résultats se font attendre ?
R.- Moi, j'y ai beaucoup réfléchi parce qu'il y a un peu de paradoxe. Moi je me balade beaucoup dans toute la France en ce moment, soit pour soutenir des candidats... Enfin, je vais soit dans des universités, donc je vais beaucoup au contact. Mon sentiment c'est qu'il y a un vrai soutien dans l'opinion vis-à-vis des réformes du Gouvernement et que contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, ce soutien il est fort, profond. En revanche, ce qui est certain, c'est qu'il y a une impatience sur les résultats et que le Président a fait naître un espoir de "résultats, tout de suite". Donc ça, cette impatience, il faut qu'on la gère. Et puis, il y a le sentiment qui est une impression, je le dis, totalement fausse, qu'il y a une distance qui s'est installée entre le Président et les Français. C'est une impression fausse, elle va se dissiper parce que les Français vont s'apercevoir...
Q.- C'est pour ça que le Premier ministre est plus populaire que le président de la République ?
R.- Les Français vont s'apercevoir que le Président, il est 24 heures sur 24 à son boulot et qu'il est très en phase avec les préoccupations des Français.
Q.- Alors pourquoi est-ce que le Premier ministre est plus populaire que le président de la République ?
R.- Je vous le dis. Parce que je pense qu'il y a eu une impression de distance qui s'est créée entre le président et les Français. Mais cette impression...
Q.- Sa vie privée ?
R.- C'est une impression. La mise en scène de cette vie privée par un certain nombre... une presse. Moi je crois qu'il faut...
Q.- Non, mais attendez, il n'y a pas que la presse qui a mis en scène sa vie privée. Soyez honnête, vous le savez bien. Tout le monde, lui le premier et la presse aussi.
R.- Je crois qu'il y a des lignes qui ont été franchies.
Q.- Enfin les deux, c'est un ensemble.
R.- Soyez honnête vous aussi, je crois qu'il faut qu'on reconnaisse la réalité des choses : il y a des lignes rouges qui ont été franchies dans le domaine des infractions.
Q.- Des deux côtés.
R.- Oui enfin, plus d'un côté que de l'autre. Aujourd'hui, il faut laisser le président de la République tranquille. D'abord, c'est ce que les Français souhaitent et en plus c'est ce qui est nécessaire pour que la politique reprenne ses droits. Vous me parlez de la Guyane, moi je ne peux pas aller en Guyane avec un président de la République qui fait un discours sur les dix prochaines années de la politique spatiale - nous sommes la puissance spatiale du monde après les Etats-Unis, après l'Union soviétique - la première puissance spatiale en Europe, je veux dire il faut absolument qu'on soit fier de ça, qu'on porte ce projet et on va en Guyane et on nous parle que de la banlieue parisienne.
Q.- Oui, que de la banlieue parisienne, que de Neuilly. Oui mais la mise en scène à Neuilly, c'est le président de la République qui l'a voulue, pardonnez-moi.
R.- Mais absolument pas.
Q.- S'il n'avait pas envoyé son porte-parole à Neuilly, peut-être que nous n'aurions pas vécu ce que nous avons vécu. Non ?
R.- Mais monsieur Bourdin, ça ne se passe pas comme ça. Chacun a ses ambitions. On a tous envie parfois de se lancer en politique sur le terrain. Le problème de la vie politique, c'est quoi ?
Q.- Il n'était pas fait pour Neuilly, Martinon ?
R.- Le problème de la vie politique c'est quoi ? On commence comme conseiller. Moi j'ai été conseiller du président de la République, le précédent, J. Chirac. On commence comme conseiller du président de la République et puis un jour, on se dit qu'on a le virus de la politique, qu'on a envie d'essayer l'élection. Je suis désolée, l'élection c'est un exercice totalement radicalement nouveau et on ne sait pas. On se lance dans une formidable aventure mais on ne sait pas si la greffe va prendre, personne ne le sait. Et c'est pareil quand on devient député. Quand on devient député, il faut être très bon orateur par exemple. Est-ce que vous savez si vous êtes très bon orateur quand vous avez été conseiller dans un cabinet ? Pas du tout, vous ne savez pas. Ensuite vous devenez ministre, est-ce que vous savez si vous allez pouvoir décider, si vous allez pouvoir dialoguer avec des syndicats ? A chaque nouvelle étape, c'est comme si on lançait un bébé dans une piscine et qu'on disait : nage. Le bébé quelquefois il nage, quelquefois il ne nage pas.
Q.- 8 heures 41, V. Pécresse est avec nous. On va parler logement étudiant dans un instant évidemment parce que c'est votre sujet principal. J'ai encore deux, trois questions à vous poser aussi, tiens ! Sur le rapport Anciaux qui sera rendu demain, je crois. C'est bien cela ?
R.- Oui, tout à fait.
Q.- Demain. V. Pécresse notre invitée ce matin, vous êtes sur BFM TV, sur RMC.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 février 2008