Interview de M. André Santini, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, à "France 2" le 18 février 2008, sur les négociations pour le maintien du pouvoir d'achat dans la fonction publique, sur les élections municipales et le Président de la République.

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Média : France 2

Texte intégral

R. Sicard.- Bonjour à tous, bonjour A. Santini.

R.- Salut !

Q.- On va évidemment parler de la Fonction publique. C'est aujourd'hui que recommence et même que se termine la négociation sur le pouvoir d'achat dans la fonction publique, on va donc en parler, mais d'abord, un mot que ce qui s'est passé ce matin à Villiers-le-Bel : 17 interpellations après les émeutes de novembre dernier. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que le Gouvernement ne laissera rien passer dans les banlieues ?

R.- Oh, je crois que Villiers-le-Bel est quand même particulièrement emblématique. On avait frappé un commissaire, qui a été grièvement atteint, on a tiré sur des policiers, le Gouvernement ne pouvait pas laisser passer ça. Et il a fallu que l'enquête se déroule. Je crois que c'est normal, aujourd'hui. Après tout, les gens qui sont interpellés ne sont pas condamnés, mais il est normal que le Gouvernement montre qu'il n'y a pas de zone de non droit.

Q.- Donc, l'idée, c'est la fermeté.

R.- C'est la fermeté avec ceux qui ne respectent plus aucune règle. On parle d'incivilités, c'est un mot faible. Là, quand on tire sur des policiers, quand on tabasse un commissaire de police, on a franchement dépassé les règles.

Q.- Alors, sur les fonctionnaires, il y a eu donc une négociation qui se termine aujourd'hui, il s'agit de voir comment augmenter le pouvoir d'achat. L'idée du Gouvernement c'est d'augmenter de 0,5 % le point d'indice, en gros ça veut dire le salaire de base.

R.- Vous êtes bon pour la provocation.

Q.- Les syndicats... les syndicats disent que c'est très insuffisant, parce que l'inflation prévue, ça sera 1,6 %.

R.- Alors, vous avez bien posé les slogans...

Q.- Je vous remercie.

R.- Nous discutons avec E. Woerth depuis très longtemps, et avec les fonctionnaires. Et, comme l'a remarqué le Premier ministre l'autre semaine, dans un climat apaisé, c'est-à-dire que nous respectons notre interlocuteur. Chacun défend sa position. Nous, nous avons des comptes sur la table, les caisses sont vides, on l'a dit...

Q.- Alors, vous confirmez que les caisses sont vides, il n'y a pas d'argent à distribuer.

R.- Je ne confirme rien, ça a été dit par le président de la République, par le Premier ministre et les syndicalistes le savent très bien. Alors, ce qui a été proposé, c'est quand même une augmentation, cette année, de 3,7. Evidemment, dans ces 3,7, il y a les 0,5 % que nous avons ajoutés...

Q.- Donc, ça, c'est le salaire de base. Ce que l'on appelle le point d'indice.

R.- Alors, c'est ce que l'on appelle le traitement indiciaire. Le 0,5, c'est sur le point d'indice. Vous savez que je me suis battu, personnellement, contre ce point d'indice qui n'a même pas couvert l'inflation depuis qu'il existe, que j'ai traité de « crocodile empaillé » ce qui a mis les syndicats de bonne humeur....

Q.- Mais les syndicats y tiennent beaucoup, eux. Pourquoi ?

R.- Ils y tiennent beaucoup, pourquoi ? Parce que d'abord c'est leur seul point commun ; il y a 8 organisations syndicales. Deuxièmement, ils disent aussi que tout le monde est concerné par ce point d'indice, mais quand vous discutez avec eux, vous voyez bien que c'est un modèle dépassé, ce point d'indice, il ne représente plus que 30 % de la progression du pouvoir d'achat. 60 %, c'est ce que l'on appelle le GVT, le Glissement, vieillesse, technicité.

Q.- En gros, c'est l'ancienneté.

R.- Voilà, en gros c'est l'ancienneté, et dans la Fonction publique, c'est 2 %. Top ! Vous avez la machine et le bingo. 2 %, ça ne correspond pas à grand-chose. Et nous, nous voulons moduler cette augmentation de traitement. Alors, le total, ce GVT, les 0,5...

Q.- L'ancienneté, je retraduis.

R.- Voilà, etc., eh bien ça fait 3,7 dans l'année, donc c'est largement au niveau du privé.

Q.- Mais ce que disent les syndicats, pour être clair, c'est que si le point d'indice, le salaire de base n'est pas réévalué de + 0,5 %, eh bien ça n'ira pas et il y aura sans doute de nouvelles grèves. Est-ce que vous pouvez faire un effort, est-ce que vous pouvez aller plus loin que 0,5 % ?

R.- La grande chance, c'est que E. Woerth, le ministre de la Fonction publique, est aussi ministre du Budget. Donc c'est la première fois que l'on va expérimenter cette formation. Il sait exactement les possibilités. Les syndicats les connaissent aussi, à peu près. Nous allons donc nous rencontrer ce soir pour essayer de trouver une solution, mais en plus.

Q.- Mais vous n'excluez pas un geste.

R.- Je ne peux rien dire aujourd'hui, et à cette heure-ci, je ne peux rien dire. Donc...

Q.- La CGT, qui vous a vu la semaine dernière, a dit : « il y aura peutêtre quelque chose de plus ».

R.- Oui...

Q.- C'était une impression, c'est une information ?

R.- C'est gentil de leur part, d'autres auraient pu le dire aussi. Il y aura peut-être quelque chose de plus. Encore une fois, tout cela fait partie du contexte. Ce que nous voulons aussi glisser, c'est le maintien du pouvoir d'achat. E. Woerth a proposé que, après étude, parce qu'on nous a dit : « On a perdu 6 % depuis l'an 2000 ». Nous, nous répondions : « Ce n'est pas vrai, vous avez pris 2,4 ». Eh bien tout cela était peut-être vrai. Nous avons demandé une étude à l'Insee, à la Direction générale de la Fonction publique et à la direction du Budget : où en est-on exactement ? On abouti à quelque chose de bizarre : 17 % des fonctionnaires ont perdu par rapport à la progression de l'indice sur le pouvoir d'achat, et 20 % par contre ont largement gagné. Donc, ce que nous voulons d'abord, c'est empêcher le retour de ce cas de figure. Il n'est pas normal que quelqu'un qui travaille pour l'Etat en vienne à perdre de l'argent. Et ça n'est même pas une progression annulée, c'est une reculade. Donc on doit payer.

Q.- Donc, vous, vous dites : il n'y aura plus de perte de pouvoir d'achat pour personne...

R.- Non, c'est le système que l'on met en place.

Q.-... dans la Fonction publique.

R.- Absolument.

Q.- Ça, c'est garanti.

R.- Mais c'est un minimum, quand même. Donc, on a découvert ça avec un travail en profondeur, il faut donc rattraper le retard qui n'a pas été payé pour les fonctionnaires. Et puis, il faut mettre en place un système qui fait qu'on ne discute pas régulièrement dans le vide. Donc, nous allons vers un budget pluriannuel, trisannuel en réalité, et nous, nous voulons donc discuter sur une perspective de 3 ans, pour le pouvoir d'achat, avec des rendez-vous annuels.

Q.- Sur la politique, les sondages ne sont pas bons, ils prévoient notamment une défaite de la majorité aux municipales Est-ce que vous...

R.- On en reparlera.

Q.- Est-ce que vous, vous craignez cette défaite de la majorité aux municipales ?

R.- Ecoutez, je lisais quelques hebdos, pour ne pas les citer, Marianne ou Le Nouvel Obs., avec des journalistes intelligents, qui rappelaient qu'il y a sept ans, puisque nous avons prolongé le mandat de 6 ans, d'une année, donc qu'il y a 7 ans, c'était exactement le même cas de figure : Paris, pour monsieur Delanoë, je crois, ça allait être une promenade de santé, la gauche allait gagner 30 villes. Comment a-t-on fait pour retrouver exactement le même cas de figure ? Et...

Q.- Donc, vous n'êtes pas pessimiste pour la majorité.

R.- Je dis que les maires sont élus en fonction d'un contexte local. Choisir un maire c'est un acte de vie privée, parce qu'il s'occupe de sa mairie, parce qu'il fait des choses. Autrement, il n'y aurait plus de maire communiste, quand on voit le score qu'a réalisé M.-G. Buffet. Et donc, je dis aux gens : attention, la peau de l'ours ce n'est pas pour demain. Et par contre, si vous êtes content de votre maire, eh bien allez voter. La dernière fois, la gauche avait gagné Lyon et Paris, on en a fait un fromage, et la réalité c'est qu'elle avait perdu 30 villes. Alors cette fois, elle se dit : l'occasion est bonne. Méfiez-vous, méfiez-vous, les Français ont beaucoup de bon sens.

Q.- La chute de N. Sarkozy dans les sondages, elle vous parait durable, profonde ?


R.- Non, c'est, comment dire, une question de style, qui aujourd'hui est un peu rejeté par les gens, parce qu'ils disent : lui, il se promène et moi j'ai du mal à boucler. J'entendais que l'on volait de plus en plus d'essence. Grivèlerie d'essence ! Vous vous rendez compte où on en est ? Eh bien Nicolas s'intéresse vraiment aux gens. Vous parliez de la Fonction publique, c'est la première fois qu'un président de la République s'intéresse vraiment à la Fonction publique et veut faire avancer, là encore, les fonctionnaires.

Q.- La polémique qu'il a lancée sur la Shoah - chaque enfant de CM2 doit entretenir la mémoire d'un enfant disparu pendant la Shoah - c'était une initiative difficile, délicate ? Pas une bonne initiative ? Elle est très critiquée.

R.- J'étais au dîner du CRIF et tout le monde a applaudi. Je suis un peu surpris des réactions réchauffées, ensuite. Dans ma ville, il y a deux écoles où des enfants avaient été kidnappés et tués à Auschwitz, eh bien il y a leur nom, pour que les passants se le rappellent. Si on nous demande de faire autre chose, nous le ferons, en accord avec toutes les communautés, et bien sûr les éducateurs.

Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 18 février 2008