Texte intégral
J.-P. Elkabbach.- Je reçois [J.-L. Borloo] avec plaisir, parce qu'il y a quelque temps qu'on ne l'entendait pas. Mais on l'a entendu il y a 48 heures avec B. Bonte, pour nous parler de la sécheresse, du manque d'eau. J.-L. Borloo, bonjour. Cette nuit, D. Bussereau et les syndicats - CGT en particulier - des contrôleurs aériens ont trouvé les bases d'un accord. L'accord est présenté tout à l'heure, là, ce matin, au vote des personnels. Est-ce que vous pensez que les vols vont reprendre normalement aujourd'hui ?
R.- Oui, écoutez, vous savez, c'est un accord général de l'ensemble des syndicats, depuis longtemps nous travaillons pour améliorer la sécurité du transport aérien, faire en sorte que l'on consomme moins et que donc, on émette moins de CO². Donc tout ceci a fait l'objet d'un accord avec tous les syndicats et puis, bon, il y en a un, sur une des plateformes, qui posait un certain nombre de difficultés. On a demandé au directeur général de l'Aviation civile de passer un accord cette nuit, à 22H30 cela a été fait, cela va être présenté aux personnels et je pense, que normalement, dans la journée, d'ici demain en tous les cas, le trafic sera rétabli normalement.
Q.- Et vous nous dites ce matin qu'il n'y a plus de risque de grève en pleines vacances ?
R.- Ecoutez, a priori, pas. Je pense franchement que les conditions sont réunies. Tout ceci repose sur les syndicats majoritaires, qui eux, en tout état de cause ont continué à travailler.
Q.- Et le numéro un de la CGT, B. Thibault, est-ce qu'il a aidé au compromis ou est-ce qu'il a durci les choses ?
R.- B. Thibault, au cas particulier, fait confiance aux fédérations qui sont directement en charge, il n'intervient pas dans ce genre de négociations. Enfin, je trouve que d'une manière générale, Monsieur Elkabbach, l'état d'esprit de notre pays en ce moment c'est d'essayer de trouver des solutions. Et c'est pour ça que moi je suis un petit peu agacé de voir des commentaires un peu désagréables sur le Président, le Gouvernement, alors que...
Q.- Vous voulez des fleurs ?
R.- Non, non pas des fleurs, mais je regarde objectivement. Cela fait trente ans qu'il n'y a pas eu d'accord entre les partenaires sociaux sur le contrat de travail. La fusion de l'ANPE et de l'Unedic, deux institutions qui font à peu près le même boulot, cela fait quarante ans qu'on devait le faire, ça y est, c'est en route, c'est fait. Sur le logement social, il y a un accord des partenaires sociaux. Ce pays est en train de se réformer, mais ce qui est important, ce n'est pas de dire : regardez ce qu'on a fait, c'est génial, il y a beaucoup moins de chômage, c'est historique, il y a plus de logements c'est historique ! C'est l'état d'esprit dans lequel cela se fait : c'est que les partenaires sociaux, entreprises et syndicats, sous l'impulsion du président de la République, sont en train de se trouver des solutions sur nos différents sujets. Et je trouve qu'il y a une ambiance dans ce pays, qui est une ambiance à la construction, à l'envie. Regardez, on est face à des difficultés considérables, les subprimes, c'est quand même un sujet qui nous touche tous, dans le monde entier...
Q.- La crise immobilière aux Etats-Unis et ses conséquences en Europe et en France.
R.- Il y a une maturité. Même l'histoire de la Générale, même l'histoire de la Générale, nos systèmes de régulation ont fonctionné. La recapitalisation a déjà eu lieu, c'est quand même un vrai pépin qui est arrivé à ce moment là. Eh bien je trouve que le système français, en ce moment, fonctionne plutôt bien.
Q.- C'est formidable, tout va bien !
R.- Non, tout ne va pas bien, mais tout va beaucoup mieux. Moi ce que je trouve extraordinaire, c'est cette espèce, oui... d'attaques...
Q.- Ah ça, on peut le dire qu'à chaque jour il y a une attaque, vraie ou supposée contre N. Sarkozy, ce qui est pris pour une provocation de sa part, c'est une sorte de cycle infernal.
R.- Je ne sais pas si c'est une sorte de cycle infernal, mais enfin il y a un sentiment que... C'était absolument génial d'expliquer que c'était un surhomme - il n'y a pas de surhomme - il y a quatre mois. Les mêmes, strictement les mêmes vous expliquent aujourd'hui, que vraiment il n'a respecté aucun de ses engagements. Alors le Grenelle de l'environnement, voilà, il a été fait ; il s'est retrouvé sur l'emploi, excusez-moi c'est historique. Sur la réforme des universités... Désolé d'être casse-pieds et de dire les choses, il faut le dire. Sur les OGM, on a fait le moratoire...
Q.- Vous m'appelez ! On ne va pas tout mélanger. Vous n'allez pas me sortir la fiche technique là, non.
R.- Mais pas du tout, si, je vais toute vous la sortir, parce que j'en ai assez d'entendre les commentaires des commentaires.
Q.- On a l'impression comme dans les westerns, Borloo, c'est l'heure de la contre-attaque, la première contre-attaque personnelle de secours ou de solidarité. Est-ce que c'est parce que ce sont des convictions de votre part, ou que c'est à la proximité du large remaniement politique de printemps ?
R.- Oui, et puis il y a des élections et j'ai tellement le sentiment, mais vraiment, je vous le dis franchement. Moi, je viens assez peu parler de politique, avouez qu'en six ans, j'ai plutôt parlé des plans banlieue ou plutôt parlé de logement ou de l'emploi. Mais là, je trouve que trop c'est trop, voilà très sincèrement, il y a un moment. Hier je me suis dis, mais enfin, ça va quoi, on va peut-être arrêter deux minutes. Je veux dire, je vais en Inde, je vais avec le président de la République, on passe un accord stratégique avec l'Inde. C'est la première fois que l'Inde signe une déclaration sur les émissions de CO², sur le climat. Rien, on n'en entend pas parler. Il y a un accord stratégique sur l'Inde avec l'Inde sur l'eau, sur les transports...
Q.- Sur la météo, j'y étais !
R.-... Sur la météo, sur l'énergie... Attendez ! Voilà, eh bien on ne parle pas de ça. Alors ce n'est pas bien grave, cela fait partie de la vie, on ne va pas en faire une affaire, mais c'est peut-être un petit peu le moment de dire : "Eh ! Oh ! Les Français, on se réveille". En gros, on a choisi un président de la République, majoritairement...
Q.- Donc, on ne va plus ou on va moins le voir en vacances...
R.- Je ne sais pas. On a choisi majoritairement...
Q.-... Je suis obligé de le dire, en Egypte, en Jordanie, à la Une des journaux people.
R.- On a besoin d'avoir un président qui... Quand il va en Chine, quand il va aux Etats-Unis, quand il va au Moyen-Orient, je veux dire c'est le Président de la France. C'est invraisemblable la politique internationale, l'implication qu'il met dans cette politique internationale. Regardez ! Ce matin, ce matin même, le traité est ratifié, le traité européen est ratifié, c'est ce matin dans le Journal Officiel. On est le cinquième pays à le faire. Qui a débloqué la situation européenne, très franchement ?
Q.- Bon, c'est très bien, c'est le message de Jean-Louis à Nicolas le jour de la Saint-Valentin, on a compris.
R.- Non, voilà, voilà. Non mais, si vous voulez, moi c'est assez rare que je m'énerve un peu, mais là, je trouve que cela fait trop.
Q.- A votre avis, après vous, il y a d'autres ministres qui vont venir comme ça : "Tandan, tandan, tandan..."
R.- Non, parce que vous savez, moi je ne suis pas en charge de la communication, ni du Gouvernement, ni de l'UMP. J'ai les sujets des contrôleurs aériens, on peut peut-être parler deux minutes de sécurité routière, c'est quand même...
Q.- Non, mais je vais vous poser, si vous me le permettez une ou deux questions. Hier, cette nuit, devant le CRIF, le président de la République a dit sa conviction que les religions ne sont pas la seule parole contre le mal... la seule parade. "Le drame du 20ème, il dit- le communisme, le nazisme, les guerres, les famines, les haines - n'est pas né d'un excès de l'idée de dieu, mais de son absence". Le rôle de N. Sarkozy, là où il est, c'est évidemment de défendre les valeurs de la République. Mais au milieu des critiques personnelles contre lesquelles vous vous dressez aujourd'hui, est-ce que sa voix et son message peuvent être entendus ?
R.- Mais il le faut. Il est manifestement influencé par ce qui se passe dans le monde. Il y a la France, la République, la laïcité en France, je crois que c'est un fait acquis, il n'y a pas de remise en cause. Mais quand vous regardez dans le monde entier, il a une thèse de fond, le Président, parce qu'il réfléchit à ces sujets-là. Il dit : au fond, est-ce que c'est la démocratie qu'il faut qu'on impose à l'extérieur ou est-ce que c'est l'exigence de la diversité ? C'est une autre façon de présenter une forme de laïcité, la diversité et la réciprocité dans la diversité. Moi qui suis président du Parti radical, pour nous la laïcité c'est intouchable, c'est un pilier absolu de la République. Je peux comprendre, à l'extérieur, que la diversité réciproque soit le chemin.
Q.- Alors, comme il disait hier : "la morale laïque et la morale religieuse sont complémentaires". Le président du Parti radical est-il d'accord ? "L'instituteur n'est pas inférieur au curé, au rabbin, à l'imam. Ils ne témoignent pas de la même chose". Est-ce qu'il faut parler de ces sujets qui fâchent aujourd'hui ?
R.- Ecoutez, qu'un président de la République parle un peu de ce qui est de l'essence des choses, je ne dirai pas l'essentiel, parce que c'est une notion différente, mais qu'il parle de l'essence des choses, là on est dans une circonstance particulière, dans un lieu particulier, dans une manifestation particulière qui est le dîner annuel du CRIF, enfin cela fait partie de son rôle. Cela dit, il ne faudrait pas laisser à penser que des sujets évoqués comme ceux-là le sont pour éviter d'évoquer d'autres sujets, que sont la réforme des universités...
Q.- J.-L. Mélenchon disait : c'est une diversion.
R.- Oui, enfin écoutez, c'est une diversion, je ne sais pas. Mais ce qui me fascine moi, c'est, j'ai l'impression qu'il y a un tel vide pour contester ce qui était contesté il y a six mois. Le ministère de l'Immigration et de l'identité nationale, cela faisait polémique à l'époque. Le fait que cela soit acquis, qu'aujourd'hui on considère que cela fonctionne, que l'on considère que les régimes spéciaux... eh bien voilà, les cheminots ont eux-mêmes accepté au fond de rejoindre l'ensemble de l'effort national. Le fait qu'il y ait si peu en réalité de grosses tensions sur les propositions.
Q.- Réelles vous voulez dire.
R.- Oui, réelles sur ce qu'étaient les engagements de campagne, eh bien cette espèce de vide crée une espèce d'autres endroits de polémique et de débat que je trouve pour ma part, très franchement détestables. Un certain nombre de bouquins que je trouve hallucinants, un certain nombre de procédés que je trouve tout aussi hallucinants. Donc, de grâce, revenons à la situation politique de ce pays. On rentre dans une période qui n'est pas tout à fait simple au plan de la croissance européenne et internationale. Je trouve que la France a de véritables stratégies économiques, sur les aéro structures, sur les nanotechnologies, sur les biotechnologies. Bref, sur toute l'industrie du futur et serrons-nous les coudes.
Q.- D'accord on va faire ça.
R.- Voilà.
Q.- Qu'est-ce que vous demandez à votre ami, le président de la République de changer dans son comportement personnel ?
R.- Eh bien d'abord je lui souhaite d'être heureux. Et de changer dans son comportement personnel ? Probablement, cette idée absolument formidable, qu'être à l'Elysée, c'est l'endroit où l'on s'expose, ce n'est pas l'endroit où l'on se planque. C'était une belle idée, il faut faire attention que vouloir être sur toutes les balles, quand il y a de la souffrance, quand il y a ces déficits, quand il y a un projet, eh bien peut-être que cela donne une impression à un moment ou à un autre, qu'il y a trop de balles. Voilà. Alors peut-être que... Vous savez, il est assez intelligent pour savoir s'adapter, percevoir, comprendre les choses. Il y a une chose dont je suis certain c'est qu'il ne lâchera pas l'affaire, qu'il ira au bout des engagements. Et cette énergie qu'il met dans son action, on en a besoin voilà.
Q.- Eh bien, il va vous dire : message pour la Saint-Valentin bien reçu. A partir de là, je ne sais plus par quoi commencer à vous poser des questions. On va le faire une autre fois. Mais une ou deux : vous avez parlé des balles, comme ça. J'entends dire que vous voulez faire de Roland-Garros qui est déjà vert, un Tournois éco responsable. C'est quoi ça ?
R.- Oui, d'une manière générale, tous les sports et toutes les manifestations, on demande qu'elles soient éco responsables. On l'a fait pour la Coupe du monde de rugby ; en ce qui concerne le tennis, c'est évidemment des balles, qu'elles soient recyclables. Que les évènements soient - que tout ce qui est dans l'évènement soit - évidemment recyclables. Que l'énergie soit de l'énergie renouvelable, que l'eau soit recyclée, bref, qu'on soit exemplaire, puisque c'est une manifestation mondiale.
Q.- Les agriculteurs, ils vont commencer à monter à Paris pour le Salon de l'Agriculture.
R.- Vous savez l'agriculture française est dans une mutation extraordinaire, extraordinaire.
Q.- Est-ce qu'elle est bien menée, à la fois par la FNSEA de Lemétayer et par d'autres organisations ?
R.- Oui, oui. Et puis par un ministre de l'Agriculture de grande qualité. Le Président, là encore, excusez-moi, a décidé, au lieu d'attendre la fin des négociations sur la réforme de la PAC, de commencer tout de suite à discuter, faire l'évolution de l'agriculture française...
Q.- Donc, on leur demande de réformer une fois plus leur métier, de développer le bio et d'avancer, comme on l'a promis pour que les produits bios prédominent dans les cantines scolaires ?
R.- La réponse est oui et ils sont partants. Faire en sorte que leurs exploitations agricoles utilisent moins d'énergie, soient plus respectueuses de l'eau, utilisent moins de phosphates. Ils s'engagent sur des phytosanitaires, à une réduction de 50 % dans les décennies qui viennent. C'est un métier, une profession en plein changement. Est-ce que vous savez que 30 % des jeunes agriculteurs qui s'installent ne sont pas d'une famille d'agriculteurs ?
Q.- C'est qu'ils ont choisi !
R.- Ils ont vraiment, profondément choisi.
Q.- Les OGM, beaucoup sont convaincus d'un échange entre l'Etat, les écolos : "Je te laisse les OGM, et tu m'accordes, et tu me fous la paix sur le nucléaire", c'est vrai ?
R.- Ça, cela me fait penser au SMS. C'est à peu près aussi brillant comme information. Je trouve ça aussi pitoyable. Sur les OGM, la France...
Q.- Parce qu'il y a une part de vérité, là. Peut-être pas le SMS, mais là ?
R.- Non. Vous allez voir, Monsieur Elkabbach, dans quinze jours, vous avez un rapport de l'ONU : 4.000 experts au monde, 65 gouvernements représentés, vous savez ce qu'il va dire ce rapport ?
Q.- Dites-le !
R.- Je vais le dire : un, ce n'est pas vrai que les OGM ont amélioré le rendement à terme. Passé la sixième année, c'est un rendement décroissant. Deuxièmement, cela abîme les sols et troisièmement cela pose un problème moral sur l'appropriation des cultures, notamment en Inde avec un taux de suicides extrêmement élevé des paysans indiens qui n'ont pas pu payer les semences. Alors, on rediscutera de ça. Moi je suis fier que le président de la République nous ait demandé de faire jouer la clause de sauvegarde en attendant une expertise internationale. Mais je pense qu'il faut défendre les biotechnologies, bien sûr qu'il faut le défendre, les bios et les nanotechnologies. Mais on n'est pas obligé de prendre un produit d'une compagnie américaine, qui par ailleurs nous a en son temps...
Q.- Monsanto !
R.- En son temps, vendu les PCB et les Roundup.
Q.- Une autre fois, on parlera de la sécurité routière, parce qu'il y a des mesures qui ont été prises...
R.- Grand succès de la politique du Président Chirac, si vous me permettez de le dire. Diviser par deux le nombre de morts sur la route en cinq ans, il fallait vraiment de la volonté !
Q.- Et là, la voiture, peut-être dans certaines circonstances confisquée et plus d'alcool qui sera vendu dans les stations service.
R.- Eh bien oui, vous savez c'est un des sujets majeurs, l'alcool, l'alcool au volant. Il y a un certain nombre de mesures, il y a l'éthylotest, anti démarreur pour les cars scolaires dans six mois, ça cela me paraît très important.
Q.- On parlera une autre fois de ce qui est dans votre ministère, mais on a surtout entendu le coup de gueule politique, c'est ça, ce matin ?
R.- Oui, absolument.
Q.- De J.-L. Borloo qui en avait assez...
R.- Je me suis levé pour ça.
Q.- Sinon, vous ne vous seriez pas levé ?
R.- Si, mais pour autre chose, voilà.
Q.- Merci d'être venu J.-L. Borloo. (...) Demain, journée "Spécial municipales 2008", nous serons Europe 1 à Strasbourg et à 8H20, un vrai premier débat qui s'annonce âpre et j'espère sur les problèmes de fond, avec R. Ries, PS, et F. Keller, maire UMP.
R.- Je peux dire juste une chose : « Le Neuhof », ils en ont fait un quartier formidable, c'était un quartier en grande souffrance, il y a cinq ans, bravo à Fabienne.
Q.- C'est bien. Vous parlez peu, mais quand vous venez, c'est bien ! Et je pourrais dire, pour N. Canteloup, il est bien coiffé ce matin.
Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 14 février 2008